Dune (David Lynch - 1984)
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Re: Dune (David Lynch)
Je suis d'accord avec vous pour dire que ce sont des scènes où l'on sent la patte de Lynch. Mais d'abord, je ne suis pas toujours très amateur des ambiances de cauchemar des films de Lynch, précisément parce qu'elles me mettent mal à l'aise ; ensuite (et surtout), cette ambiance de cauchemar n'a pas grand chose à voir avec le Dune d'Herbert : les Harkonnen sont plus intéressants dans le livre ; le baron, notamment, est très intelligent, très lucide dans le livre, et n'a rien à voir avec l'espèce de pervers pépère idiot du film.
- Barry Egan
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Re: Dune (David Lynch, 1984)
Troisième visionnage hier soir. Je précise que je n'ai pas lu le roman, et que je ne parle que du film.
Parce qu'il use d'ellipses impossibles (Paul devient un leader en moins de 25 minutes et devient le maitre de l'univers grâce à un seul combat à l'arme blanche), je trouve que ce film défend une forme de totalitarisme. Comment croire une minute que ce Paul fait Dieu puisse amener la paix et l'amour quand on le voit armé de ce regard terrible, suprêmement omniscient, sûr de lui, satisfait d'avoir accompli sa petite vengeance personnelle et prêt à imposer ses règles à tous ceux qui l'entourent ? L'enjeu de la bataille, qui mènera finalement à une révolution, est clair ; il faut que l'exploitation d'Arrakis par l'Empereur et ses lieutenants à des fins économiques soit arrêtée et que les habitants de la planète puissent reprendre leur territoire - quelque part, ça ferait presque penser à des pays musulmans qui chasseraient les occidentaux qui pompent le pétrole et contraignent leurs citoyens, d'autant que le film use d'un lexique quelque peu arabisant et qu'on y emploie même à un moment le mot "jihad". Je trouve ce type de révolte compréhensible en soi. Mais quand on voit que le film ne suit finalement que l'initiation d'un leader appelé à venger la mort de son père en travestissant sa petite cause sous une plus grande et instrumentalisant sans scrupules toute une population pour assouvir ses bas instincts, on a plus l'impression d'un putsch militaire que d'une victoire héroïque contre l'oppression.
"Dune" est tellement en décalage avec l'humanisme du reste de son œuvre, que c'est à se demander si Lynch ne renie pas le film plutôt pour son scénario que par rapport à son contenu artistique. Parce que malgré le kitsch 80s légué par le producteur de "Flash Gordon", sur le plan formel, il s'en tire plutôt bien. Les vers sont beaux, le casting est dans l'ensemble bon, la musique entêtante même si légèrement répétitive et il parvient à signer quelques séquences marquantes - celle où le baron crache sur la figure de la mère de Paul allongée est particulièrement crapoteuse, et j'ai toujours été fasciné par les apparitions du ver de terre à bouche de vagin. Bon, on pourra toujours gloser sur les incrustations médiocres et l'aspect rudimentaire de certains décors, mais dans l'ensemble, et vu les conditions de tournage, le résultat est très bon.
En résumé, avec plus de temps pour développer son histoire, "Dune" aurait pu devenir un hymne à la dictature plus convaincant. Et Lynch le réalisateur le plus détesté depuis Leni Riefenstahl.
Parce qu'il use d'ellipses impossibles (Paul devient un leader en moins de 25 minutes et devient le maitre de l'univers grâce à un seul combat à l'arme blanche), je trouve que ce film défend une forme de totalitarisme. Comment croire une minute que ce Paul fait Dieu puisse amener la paix et l'amour quand on le voit armé de ce regard terrible, suprêmement omniscient, sûr de lui, satisfait d'avoir accompli sa petite vengeance personnelle et prêt à imposer ses règles à tous ceux qui l'entourent ? L'enjeu de la bataille, qui mènera finalement à une révolution, est clair ; il faut que l'exploitation d'Arrakis par l'Empereur et ses lieutenants à des fins économiques soit arrêtée et que les habitants de la planète puissent reprendre leur territoire - quelque part, ça ferait presque penser à des pays musulmans qui chasseraient les occidentaux qui pompent le pétrole et contraignent leurs citoyens, d'autant que le film use d'un lexique quelque peu arabisant et qu'on y emploie même à un moment le mot "jihad". Je trouve ce type de révolte compréhensible en soi. Mais quand on voit que le film ne suit finalement que l'initiation d'un leader appelé à venger la mort de son père en travestissant sa petite cause sous une plus grande et instrumentalisant sans scrupules toute une population pour assouvir ses bas instincts, on a plus l'impression d'un putsch militaire que d'une victoire héroïque contre l'oppression.
"Dune" est tellement en décalage avec l'humanisme du reste de son œuvre, que c'est à se demander si Lynch ne renie pas le film plutôt pour son scénario que par rapport à son contenu artistique. Parce que malgré le kitsch 80s légué par le producteur de "Flash Gordon", sur le plan formel, il s'en tire plutôt bien. Les vers sont beaux, le casting est dans l'ensemble bon, la musique entêtante même si légèrement répétitive et il parvient à signer quelques séquences marquantes - celle où le baron crache sur la figure de la mère de Paul allongée est particulièrement crapoteuse, et j'ai toujours été fasciné par les apparitions du ver de terre à bouche de vagin. Bon, on pourra toujours gloser sur les incrustations médiocres et l'aspect rudimentaire de certains décors, mais dans l'ensemble, et vu les conditions de tournage, le résultat est très bon.
En résumé, avec plus de temps pour développer son histoire, "Dune" aurait pu devenir un hymne à la dictature plus convaincant. Et Lynch le réalisateur le plus détesté depuis Leni Riefenstahl.

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Re: Dune (David Lynch, 1984)
Tu vas un peu loin. Plus qu'une apologie du totalitarisme je pense qu'il faut simplement y voir un énième avatar de quelque chose de très banal dans le cinéma hollywoodien, à savoir une certaine forme de messianisme christique - pense à tous ces films où un "élu", "Sauveur" etc. se trouve au centre des enjeux. Cela dit tu as raison, sur le fond ce film est très peu lynchien, puisqu'on peut comprendre le cinéma de Lynch - du moins une bonne partie de sa filmo - comme une suite de variations sur le thème de la déconstruction de l'individualité.
"Life's a walking shadow, a poor player
That struts and frets his hour upon the stage
And then is heard no more. It is a tale
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Re: Dune (David Lynch - 1984)
Je veux bien le Messie, le Sauveur, etc. mais là il a un cœur impur qui ne le rend pas aimable. Même Frank Booth pleure dans "Blue Velvet".

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Re: Dune (David Lynch - 1984)
Alejandro Jodorowsky raconte ce qu'aurait été sa version de Dune :
http://ragemag.fr/dune-par-alejandro-jodorowsky-74806/
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Re: Dune (David Lynch - 1984)
Ca aurait donc donné un délire aussi imbuvable que ses autres films (je mets de côté Santa Sangre que j'aime énormément), encore un machin délirant qu'on dirait filmé sous hallucinogène et qui n'aurait rien respecté du roman, bref de la merde mystico-chiante. Super!Boubakar a écrit :Alejandro Jodorowsky raconte ce qu'aurait été sa version de Dune :
http://ragemag.fr/dune-par-alejandro-jodorowsky-74806/
Le film de Lynch est pas top et la série télé guère mieux (au contraire) mais qu'on nous ait épargné la version Jodo est déjà une bonne chose

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Re: Dune (David Lynch - 1984)
Malgré les gros délires de Jodo cela était assez appétissant...ma surprise reste qu'il est surpris de n'avoir pu être produit par Hollywood.
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Re: Dune (David Lynch - 1984)
Ça aurait été un délire mystico-suréalistico-kitsch comme tout ses films, mais ça aurait été certainement plus interessant que le film assez plat de David Lynch. Le baroque flamboyant de l'univers de Jodorowsky a pour moi un charme fou et souvent fascinant et en plus de ça aurait toujours été une interprétation du roman d'Herbert certes très personnel mais plus intéressante qu'une plate illustration. (et puis Dali en empereur fou ça aurait surement valu son pesant de cacahuètes)
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Re: Dune (David Lynch - 1984)
J'ai adoré lors de sa sortie (1985), j'avais alors 14 ans et connaissais les romans de F Herbert.
A posteriori, c'est tout de même un contre modèle de narration tant les raccourcis sont brouillés, le récit soudainement emballé ou ralenti plus que de raison même si la méditation est inhérente à l'univers créé par F Herbert.
Autre souci: la dimension visuelle du film.Les SFX ont vraiment très mal vieilli et arguer qu'il s'agit d'un décalage temporel ne suffit pas cf Alien (1979), blade runner (1982) ou Legend (1985) (vu et revu ces derniers temps en compagnie de mon gamin qui adore).Les costumes et décors sont plutôt beaux par moments mais la conception des premiers si j'en crois M Chion ont empêché une réelle variété des angles de prise de vue d'où une forme de pesanteur académique dans le systématisme des cadrages.
En gros, ce me semble le moins bon film de Lynch même si qqs détails demeurent attachants: l'excès des Harkonnen, la musique très 80' de Toto, la fragilité de K Mac Lachlan à l’orée d'une belle collaboration.
On peut a posteriori se dire que ce n'était définitivement pas un film pour Lynch, un choix aberrant de la part de Dino de Laurentiis qui avait moins bien senti les possibles de l'auteur que M Brooks pour Elephant man.
A posteriori, c'est tout de même un contre modèle de narration tant les raccourcis sont brouillés, le récit soudainement emballé ou ralenti plus que de raison même si la méditation est inhérente à l'univers créé par F Herbert.
Autre souci: la dimension visuelle du film.Les SFX ont vraiment très mal vieilli et arguer qu'il s'agit d'un décalage temporel ne suffit pas cf Alien (1979), blade runner (1982) ou Legend (1985) (vu et revu ces derniers temps en compagnie de mon gamin qui adore).Les costumes et décors sont plutôt beaux par moments mais la conception des premiers si j'en crois M Chion ont empêché une réelle variété des angles de prise de vue d'où une forme de pesanteur académique dans le systématisme des cadrages.
En gros, ce me semble le moins bon film de Lynch même si qqs détails demeurent attachants: l'excès des Harkonnen, la musique très 80' de Toto, la fragilité de K Mac Lachlan à l’orée d'une belle collaboration.
On peut a posteriori se dire que ce n'était définitivement pas un film pour Lynch, un choix aberrant de la part de Dino de Laurentiis qui avait moins bien senti les possibles de l'auteur que M Brooks pour Elephant man.
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Re: Dune (David Lynch - 1984)
Si les fans hardcore de Dune avaient hurles a la fin du Lynch (il pleut sur Arrakis) qu'est ce qu'ils auraient dit a la fin du Jodo avec sa planete vivante qui part en vadrouille dans l'univers?hellrick a écrit :Ca aurait donc donné un délire aussi imbuvale que ses autres films (je mets de côté Santa Sangre que j'aime énormément), encore un machin délirant qu'on dirait filmé sous hallucinogène et qui n'aurait rien respecté du roman, bref de la merde mystico-chiante. Super!Boubakar a écrit :Alejandro Jodorowsky raconte ce qu'aurait été sa version de Dune :
http://ragemag.fr/dune-par-alejandro-jodorowsky-74806/
Le film de Lynch est pas top et la série télé guère mieux (au contraire) mais qu'on nous ait épargné la version Jodo est déjà une bonne chose
Sinon oui, il avait rassemble une belle equipe artistique...

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Re: Dune (David Lynch - 1984)
le cast de "Dune" filmé à la cool par Sean Young
Meilleur topic de l'univers
https://www.dvdclassik.com/forum/viewto ... 13&t=39694
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Re: Dune (David Lynch - 1984)
Yes je plussoieballantrae a écrit :Malgré les gros délires de Jodo cela était assez appétissant...ma surprise reste qu'il est surpris de n'avoir pu être produit par Hollywood.


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Re: Dune (David Lynch - 1984)
Non pas du tout perso un Film avec la musique du floyd et en prime celle de magma y'a pas de soucis je prends..! Que serait un film sans "délire"..??? Autant regarder du documentaire alors........ Et puis les "machins" délirant heureusement qu'il y en a eus...hellrick a écrit :Ca aurait donc donné un délire aussi imbuvable que ses autres films (je mets de côté Santa Sangre que j'aime énormément), encore un machin délirant qu'on dirait filmé sous hallucinogène et qui n'aurait rien respecté du roman, bref de la merde mystico-chiante. Super!Boubakar a écrit :Alejandro Jodorowsky raconte ce qu'aurait été sa version de Dune :
http://ragemag.fr/dune-par-alejandro-jodorowsky-74806/
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Re: Dune (David Lynch - 1984)
Le 17 novembre prochain : Dune [Édition Spéciale 30ème Anniversaire Combo Blu-ray + DVD]
... Mais méfiance : ça ne sent pas vraiment la restauration, tout ça...
Contient :
- le Blu-ray du film
- le DVD du film (master d'origine en haute définition)
- le DVD du film en version TV (35' d'images inédites)
Bonus Blu-ray :
Du livre au roman : l'adaptation impossible
Comparaison détaillée du roman et du film
Le tournage : Destination Dune
Reportage sur le projet abandonné de Moebius-Jodorowsky
Interview de David Lynch
Filmographies et Biographies
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[Dick Laurent is dead.]
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Re: Dune (David Lynch - 1984)
La chronique du film par Elias Farès ainsi que le test du DVD Ultimate de chez Opening