Stanley Kubrick (1928-1999)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
Zelda Zonk
Amnésique antérograde
Messages : 15860
Inscription : 30 mai 03, 10:55
Localisation : Au 7e ciel du 7e art

Message par Zelda Zonk »

Question aux "détracteurs" de Kubrick : que reprochez-vous à un film comme Lolita ?

Je pose cette question, car en relisant les 12 pages de ce topic, je me rends compte que ce sont quasiment toujours les mêmes films qui sont cités pour désacraliser S.K. : Orange mécanique et Docteur Folamour notamment (ce ne sont pas mes préférés non plus, d'ailleurs, mais je vous trouve très sévères. Mais passons...).

Donc, quid de Lolita ? Je m'adresse ici en particulier à Solal, David et Francis. Quels sont vos griefs à l'égard de ce film ? En quoi les critiques déjà formulées pour les films précités s'appliquent-elles à cette oeuvre, selon vous ?

Merci d'éclairer ma lanterne :wink:
David Locke
Electro
Messages : 907
Inscription : 14 avr. 03, 12:29
Localisation : La Ville Lumière

Message par David Locke »

Tout d'abord, merci à Kurtz pour sa considération.
L'explication de la "densité" de mes messages tient au fait que je suis censé travailler au moment où je les écrit :oops: . Si je commence à poster à tort et à travers, je vais finir par me faire remarquer :lol: .

Sinon, Memento, je suis au regret de te dire que je n'ai pas encore eu l'occasion de voir Lolita - pourtant avec James Mason, un des meilleurs acteurs du monde...

Enfin, je n'ai pas grand chose à ajouter sur ce qui précède, hormis sur les points suivants :

- Le film de Kurosawa auquel je faisait référence est I live in fear, et non Rhapsodie en Août : voilà un film respectueux de son sujet (la menace nucléaire)...

- Je n'ai rien lu d'Edgar Morin (et je pense que Kubrick non plus :roll: ) : le terme de "pensée systémique" désigne pour moi le fait que Kubrick subordonne ses personnages/histoires à une structure préétablie qui a la forme d'une démonstration. Le complexe (l'ouverture à l'humain avec ses paradoxes) est éludé au profit d'un système qui conjugue arguments logiques et zones opaques sous forme de séquences souvent muettes.

- Je pense qu'il y a un lien évident entre Lynch et Kubrick par la façon qu'ils ont d'envisager le cinéma comme des images-cerveau.
Cependant, Lynch choisit de privilégier l'inconscient et les associations libres proches d'une logique de rêve, alors que Kubrick privilégie la réflexion consciente des héros sur eux-même, pour que leur pensée - à laquelle nous nous identifions - fassent le chemin qui mène à la vérité telle que Kubrick l'a envisagée au préalable.
"There is Paramount Paris and Metro Paris, and of course the real Paris. Paramount's is the most Parisian of all."
Mon top 20
Ronan
Assistant(e) machine à café
Messages : 246
Inscription : 19 juin 03, 17:48

Message par Ronan »

Ayé, toutludunetraite,

Sacré festival, Françis l'élégant, et les contributions sans gras du plus fin fleuretiste théorique du lieu ....

Et la sensation agréable quoique troublante qu'en quelques mots certains ont mis des mots sur quelques unes de mes "gênes" envers le monstre sacré passé ici au crible...Ca va donner, je le sens, lors de ma prochaine discussion de comptoir cinéphilique, agitant "Le Parisien" d'un air menaçant "Oouais, tvois Kubrick, euuuh, tvois c'est un peu de la pub, tvoisss, ah merde, jme souviens plus de la suite ..."

Quiconque ayant au moins eu le courage de lire 25 de mes 200 posts sera peu surpris d'apprendre qu'en aucun cas Kubrick ne fait partie de "mes" réalisateurs préféré.

Le cinéma pur et parfait du bon Stanley me fait toujours l'effet d'un "n'y revenez pas" qui, quelque soit le plaisir parfois immense que j'ai pu prendre à la vision de chacun de ses films m'a toujours dissuadé de retenter l'aventure. Films sans "reste", sans ce qui me fait vibrer de mystère, questionnement autre que celui qui donne naissance à quelque casse tête un peu vain, quand bien même il serait toujours possible de se perdre dans les plaisirs de l'éxégèse...

D'où la comparaison d'avec Kurosawa, qui me touche au plus près. Ce type, visiblement tout aussi maniaque du contrôle, nous accouche, après tant de travail, de quelques mètres de pellicules encore incandescente des interrogations qui désignent le film à la fois comme oeuvre achevée et comme désatre. Après ça, il n'y a toujours plus qu'à recommencer, ou à se flinguer. Autant de coups de dés qui n'abolissent jamais la nécessité sans fond de s'y refrotter. Et cela est très différent du "tout ça pour ça" que me bourdonne à l'oreille la voix mauvaise qui aime à critiquer, comme si le Tom Cruise déçillé d' à la fin d 'Eyes Wide Shut était le spectateur dont on s'était bien foutu. Et, somme toute, cela est assez drôle. Beau testament, ceci dit.

Sans vouloir répondre à la place du trio de choc à Memento , lire toudunetraite m'avait justement fait penser : "tiens, c'est marrant, ils n'évoquent jamais Lolita, alors que tout ce qu'ils tapent m'y refait penser...". Probablement parceque tout universitaire ultrabrillant qu'il est, exposant sa virtuosité sans faille tout au long de son oeuvre, Nabokov perd à l'adaptation sa "part de feu" que je suis le premier à lui accorder.

Enfin, il est dit quelque part à Solal qu'il "intellectualise" trop sa vision des films, comme si le cerveau conceptualisant devait venir à voiler du gris de ses cellules le coeur qui bat du spectateur naif...Pour moi, qui pourtant ne "réfléchis" pas, tout cela est une seule et même chose qui s'exprime différemment. Quand c'est maladroitement, on parlera parfois de "pipeaulogie" alors que justement cela n'existe pas, exception faite bien sur des oeuvres complètes de Francis Marmande. Quand c'est avec plus de concepts savamment pesés que d'autres, ben, c'est une façon d'adhérer au monde qui peut permettre de mettre à jour pour tous ce à quoi tout à chacun n'aurait pas spontanément pensé. Et, comme il y a une justice, ce genre de fonctionement, celui de quelques philosophes de ma connaissance par exemple , s'accompagne généralement de quelques "faiblesses nécessaires", zones obscures ou nécessairement l'arsenal théorique de série se met à tourner à vide, à pédaler dans le concept...Comme quand les immenses qualités du bon Jorge Luis l'empêchent justememnt de "voir" ce que peuvent être Proust ou James, pour lui des monstres en lieu et place d'écrivains normalement constitués, si je me fais bien comprendre...

Rahputainmerde, j'ai encore été long, je voulais juste taper : "beau fil, ça fait plaisir d'en voir un enfler plus par la qualité des interventions que par la montée de ton des engeulades, continuez comme ça...".

Et zou, je :arrow:
Cinetudes
Accessoiriste
Messages : 1724
Inscription : 14 avr. 03, 12:25
Localisation : Jersey ( Iles Anglo Normandes- Channel Islands)

Message par Cinetudes »

Salut,

je débarque sur ce topic aprés en avoir lu les 13 pages et j'avoue que les reflexions développées sont intéressantes mais que la surintellectualisation du débat (surtout dans le cadre d'oeuvres s'adressant aussi ouvertement à tous les sens ) a tendance a le faire partir dans un dérapage étrange.

Kubrick est un cinéaste comme les autres et à ce titre comme eux il n'est à l'abri d'aucune forme de critique (argumentée ou non) et c'est tant mieux.

Cependant et eu égard à son statut trés rare de cinéaste éminement commercial et expérimental à la fois il me semble qu'il est plutôt à part dans le paysage cinématographique mondial. D'autres cinéastes décalés à l'univers trés précis ont eu du succés mais quasiment aucun ne concevait ses oeuvre de façon a ce que le plus grand monde ait envie de les voir.

C'est cette dimension que je trouve vraiment fascinante chez lui. D'autres cinéastes pour pouvoir donner libre court à leur visions ont du chercher d'autres circuits de production et de distribution.

Kubrick grace à son talent à su imposer à la Warner des oeuvres absolument incroyables et difficilement envisageables de la part d'un autre au sein d'un tel système de production.

Ensuite que l'on juge son esthétique totalitaire, ses personnages froids cela me semble presque logique étant donné l'acharnement que mettait Kubrick a ne livrer que des oeuvres le satisfaisant entièrement. Ses oeuvres étaient à mon avis pensées pour le plus grand nombre (2001 compris) et à ce titre les idées relativement simples qu'y voient certains me semblent un passage obligé pour suivre son cahier des charges.

La ou son génie me touche c'est que faire un film grand public n'induit pas forcément un film bête. Et Kubrick sur ce point n'était absolument pas pessimiste, bien au contraire. Il croyait en la force des images et de u son, en la capacité du public à appréhender des oeuvres dont il ne comprendra pas les tenants et aboutissants du premier coup à partir du moment ou le système esthétique de ces oeuvres est attractif (aussi bien au niveau audio que visuel).

Donc pour moi il est l'un des plus grands car il à réussi cette osmose qui tient à un rien entre film commercial pur et oeuvre personnelle développant une réflexion.

Stefan
Image
NUTELLA

Message par NUTELLA »

David Locke a écrit : Cependant, Lynch choisit de privilégier l'inconscient et les associations libres proches d'une logique de rêve, alors que Kubrick privilégie la réflexion consciente des héros sur eux-même, pour que leur pensée - à laquelle nous nous identifions - fassent le chemin qui mène à la vérité telle que Kubrick l'a envisagée au préalable.
donc il n'y a pas grand chose de commun entre ces deux (très bons) réalisateurs,ce qui correspond à mon point de vue.
David Locke
Electro
Messages : 907
Inscription : 14 avr. 03, 12:29
Localisation : La Ville Lumière

Message par David Locke »

NUTELLA a écrit :
David Locke a écrit : Cependant, Lynch choisit de privilégier l'inconscient et les associations libres proches d'une logique de rêve, alors que Kubrick privilégie la réflexion consciente des héros sur eux-même, pour que leur pensée - à laquelle nous nous identifions - fassent le chemin qui mène à la vérité telle que Kubrick l'a envisagée au préalable.
donc il n'y a pas grand chose de commun entre ces deux (très bons) réalisateurs,ce qui correspond à mon point de vue.
Si, car dans les deux cas, on a affaire à des films-cerveau...
Par exemple, de nombreuses séquences à l'overlook hotel dans Shining et la dernière partie de 2001 fonctionnent sur des principes que l'on retrouve chez Lynch dans Eraserhead, Lost Highway et Mulholand Drive...
Les images de ces films représentent les images pensées par leurs protagonistes.
"There is Paramount Paris and Metro Paris, and of course the real Paris. Paramount's is the most Parisian of all."
Mon top 20
NUTELLA

Message par NUTELLA »

David Locke a écrit :
NUTELLA a écrit : donc il n'y a pas grand chose de commun entre ces deux (très bons) réalisateurs,ce qui correspond à mon point de vue.
Si, car dans les deux cas, on a affaire à des films-cerveau...
c'est quand meme trop peu pour dire qu'il y a une grosse filiation entre ces deux réalisateurs.que ca soit sur le fond ou sur la forme ils sont trop différents pour qu'on puisse les associés,film-cerveau ou pas.je m'étonne meme qu'on puisse en avoir l'idée,tant ca me parait peu réalsite :?
David Locke
Electro
Messages : 907
Inscription : 14 avr. 03, 12:29
Localisation : La Ville Lumière

Message par David Locke »

J'ai édité mon message précédent...
"There is Paramount Paris and Metro Paris, and of course the real Paris. Paramount's is the most Parisian of all."
Mon top 20
NUTELLA

Message par NUTELLA »

David Locke a écrit :J'ai édité mon message précédent...
oui mais ce style de séquences sont présentes dans énormément de films fantastiques ou affiliés au genre,c'est une technique de narration dans l'espace et dans le temps souvent utilisée.ca ne fait pas un gros et flagrant point commun.
pour des filiations évidentes,il y a par ex celle entre Fellini et Kusturica.là d'accord,mais pour les deux cités plus haut :? surtout que le cinéma de Lynch est beaucoup plus tordu,fantasmatique,voir meme fantasmagorique que celui de Kubrick.non vraiment je ne vois pas,ce sont deux réalisateurs aux antipodes l'un de l'autre...
Cinetudes
Accessoiriste
Messages : 1724
Inscription : 14 avr. 03, 12:25
Localisation : Jersey ( Iles Anglo Normandes- Channel Islands)

Message par Cinetudes »

NUTELLA a écrit :
David Locke a écrit : Si, car dans les deux cas, on a affaire à des films-cerveau...
Ok alors dans ce cas il est tout aussi possible de rapprocher de Lynch et Kubrick certaines oeuvres de Mario Bava qui fonctionnent elles aussi sur le mode du film cerveau (Le Corps et le Fouet, Lisa et le Diable, Opération peur dont la petite fille ressemble étrangement au jumelles de Shining )

Stefan
Image
NUTELLA

Message par NUTELLA »

Cinetudes a écrit :
NUTELLA a écrit : Ok alors dans ce cas il est tout aussi possible de rapprocher de Lynch et Kubrick certaines oeuvres de Mario Bava qui fonctionnent elles aussi sur le mode du film cerveau (Le Corps et le Fouet, Lisa et le Diable, Opération peur dont la petite fille ressemble étrangement au jumelles de Shining )

Stefan
oui c'est ce que je dit plus haut Cinetudes,c'est un raccourci trop facile et trop faible.on pourrait dans ce cas-là rapprocher un nombre incalculables de réalisateurs par un lien aussi fin qu'invisible.
David Locke
Electro
Messages : 907
Inscription : 14 avr. 03, 12:29
Localisation : La Ville Lumière

Message par David Locke »

Pourquoi pas?
Je connais mal l'oeuvre de Bava cela dit...

Sinon, il faudrait sans doute que je me replonge dans Deleuze pour mieux définir ce que l'on entend par "image-cerveau" - qui est un des types d'image qu'il définit dans l'Image-temps .
"There is Paramount Paris and Metro Paris, and of course the real Paris. Paramount's is the most Parisian of all."
Mon top 20
Kurtz

Message par Kurtz »

Cinetudes a écrit : La ou son génie me touche c'est que faire un film grand public n'induit pas forcément un film bête. Et Kubrick sur ce point n'était absolument pas pessimiste, bien au contraire. Il croyait en la force des images et de u son, en la capacité du public à appréhender des oeuvres dont il ne comprendra pas les tenants et aboutissants du premier coup à partir du moment ou le système esthétique de ces oeuvres est attractif (aussi bien au niveau audio que visuel).

Donc pour moi il est l'un des plus grands car il à réussi cette osmose qui tient à un rien entre film commercial pur et oeuvre personnelle développant une réflexion.

Stefan
Pour moi Sergio Leone est le meilleur à ce jeu là.

bon, ok, je
:arrow:


sinon, bravo à tous ceux du topic.
Cinetudes
Accessoiriste
Messages : 1724
Inscription : 14 avr. 03, 12:25
Localisation : Jersey ( Iles Anglo Normandes- Channel Islands)

Message par Cinetudes »

honnêtement la définition de Deleuze je m'en fous car j'ai essayé de le lire et je n'ai jamais rien compris à ses écrits.

Par contre l'expression se suffit à elle-même je trouve et le rapprochement entre Opération peur, Le Corps et le Fouet et Shining me parait tout à fait logique.

Bava nous amenes dans un lieu hors du temps soumis à des rêgles différentes et malgré son apparence de fantastique transalpin classique alors qu'en fait ils sont convoqués a un véritable film expérimental, un monde clos qui peut être vu comme un fantasme de l'héroine ou une métaphore de son état d'esprit dérangé.

Pour moi Kubrick à réalisé avec Shining un film d'horreur somme qui fait une mise en abime vertigineuse du genre cumulant la plupart des clichés du genre pour mieux en démonter les mécanismes. Il y a ainsi comme chez Bava la partie commerciale à l'intrigue classique pour ne pas dire bateau et cachée en dessous la partie expérimentale avec laquelle il nous livre sa vision d'artiste.

Je ne les rapproche pas thématiquement ou stylistiquement parlant mais plus au niveau de la méthode employée (développer sa propre vision a l'intérieur d' un circuit commercial) et des buts visés en tant que cinéaste (impressionner le public en utilisant de géniale façon des procédés classiques et dans un même temps le faire réfléchir sur des grandes questions ou sur des concepts narratifs).

Stef
Image
J. L. Borges
Stagiaire
Messages : 5
Inscription : 23 mars 04, 12:57
Localisation : Dans le jardin aux chemins qui bifurquent

Message par J. L. Borges »

Ronan a écrit :Comme quand les immenses qualités du bon Jorge Luis l'empêchent justememnt de "voir" ce que peuvent être Proust ou James, pour lui des monstres en lieu et place d'écrivains normalement constitués, si je me fais bien comprendre...
Yé souis d'accord avec moi même.

Pas dou tout avec le jeune amateur d'images contournées.

Quelle drôle d'idée, aussi, dé mourir dé faire vivre un livre, alors qu'il souffit d'une histoire sienne pour avoir vécu autant que les autres. Stevenson ou Bioy Casares, au moins, né nous emmerdent pas avec leur mémé. Comme yé disais ploutôt, sur le forum dé "El Hogar" :

"Il y a des pages et des chapitres de Proust qui sont inacceptables en tant qu'inventions, et auxquels, sans le savoir, nous nous résignons comme au quotidien insipide et oiseux."

C'est envoyé, non ?
La fin de l'histoire ne peut être rapportée qu'en métaphore, car elle se passe au royaume des cieux, où le temps n'existe pas
Répondre