Très beau film d'abord. Rappelant la flamboyance et le dynamisme des Trois mousquetaires, j'ai retrouvé de manière éclatante l'abondance de biens qui ne nuit pas du tout au cinéma de
Sidney, bien au contraire : le feu d'artifice éblouit les yeux du spectateur, soulève la commissure de ses lèvres lui extorquant sourire sur sourire tout le long du film. Un vrai régal visuel mais plus encore.
Les dialogues très drôles et futés sont remarquablement ciselés. Les personnages sont d'un dynamisme requinquant. Il fait bon entendre pérorer André Moreau. Il ne fatigue pas, il enchante. Le beau parleur, l'épanoui, si loin du monde et ses tracas qu'il lui arrive parfois de ne pas les voir quand il les enjambe a tout du personnage merveilleux, divertissant tout sur son passage. Si bien que dès lors que la tragédie lui crache à la figure, elle s'assombrit de façon si émouvante que nul ne peut échapper à sa sympathie.
Stewart Granger joue ce personnage complexe et riche avec une maestria qui sort de l'ordinaire. C'est un bel exploit que d'avoir su donner sa pleine mesure à son vaillant caractère.
Pour lui donner l'éclat nécessaire, les personnages qui lui donnent la réplique sont au diapason.
D'abord Eleanor Parker, en furie amoureuse, bonne au delà du raisonnable qu'elle en fait pâlir la frêle mais néanmoins troublante Janet Leigh.
Mel Ferrer pour sa part a le parfait oeil moqueur et ricaneur pour donner dans le personnage aisément haïssable. En dandy sanguinaire il excelle de prestance et de dédain consommés.
A la limite, peut-être le front éternellement barré de Janet Leigh, quelque chose de soucieux dans le regard, de dur détonne un peu avec la candeur et la fragilité du personnage. Mais je chipote à l'excès.
Par contre, je ne crains pas de l'être, excessif, quant au décevant dénouement. L'une des forces de ce film qui a tenu éveillé ma curiosité au-delà de l'étonnement, c'est l'indicible issue de l'avenir amoureux d'André Moreau. Très vite il tombe amoureux de Mlle Gavrillac, jusqu'à ce qu'il découvre qu'elle est sa soeur. Il apparait dès lors qu'une révélation ou un évènement quelconque viendra nous apprendre que ce n'est pas sa soeur... Cependant les liens qui l'unissent à Léonore paraissent si fertiles en joutes diverses autant verbales qu'amoureuses et leur conjugaison offrant tant de manifestes et folles adorations que le doute émerge de cet océan de certitudes que la rhétorique cinémato-hollywoodienne nous impose. L'affection naissante entre le frère et la soeur va-t-elle se transformer pour correspondre à des amours fraternelles plus conventionnelles? Ou bien la louve rousse va-t-elle aller pécher ailleurs un autre poisson?
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- La fin nous donne ces réponses. Rapidement. Trop rapidement. La découverte de la consanguinité avec l'ennemi intime, et donc les raisons de l'élan meurtrier brisé en plein combat paraissent un peu trop légèrement amenées. Un brin brutale, cette fin ressemble plus à de fragiles et hatifs arrangements avec la morale. Dommage. Le plan final entre Léonore et Napoléon fait presque sombrer la toute fin dans le ridicule.
Quoiqu'il en soit, je serais parti avec Léonore. Scaramouche s'est trompé.
Mais en somme, Scaramouche n'en demeure pas moins un très grand film d'action, de divertissement cachant sous ce vernis spectaculaire de très beaux moments de poésie, certains plans sont somptueux. Les scènes d'action sont remarquablement filmées, tous les éléments de décors sont mis à contribution. Par exemple, l'ultime combat ne frôle pas mais atteint pleinement l'excellence.