La Féline (Paul Schrader -1982)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Boubakar
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Re: Cat People - Paul Schrader (1982)

Message par Boubakar »

Découvert le film de Schrader, et j'en ressors très déçu.
Là où le film de Tourneur suggérait, celui-ci souligne et resouligne ses intentions, et au final, ça ne fait pas peu du tout !!
Et en plus, j'arrive pas à me faire à cette esthétique typiquement 80's...que c'est moche !!! (je m'attendais même à voir de la moquette sur les murs, heureusement que non...)
Les seuls intérêts restent dans la présence de Nastassia Kinski, peu farouche de sa personne (et dont Schrader se servira de manière assez fourbe, comme on le voit dans le livre de Biskind) mais au regard absolument perçant, et Malcom McDowell, qui semblait toujours aussi jeune qu'au temps d'Orange mécanique ! :shock: (et quand il se met à bouffer ce placenta...beurk !! :x )

Pour un premier film de commande, Schrader ne s'en était pas bien sorti du tout... pourtant, j'aime bien certains de ses films. :(
Le prisonnier
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par Le prisonnier »

C'est pas très bien filmé, ni monté. La musique de Moroder est pénible (et la chanson de Bowie sur le générique de fin est très oubliable). Mais surtout j'ai trouvé tout le discours sur la sexualité très lourd, à l'instar de cette grandiloquente scène où Irena (le personnage joué par Nastassja Kinski) se fait attacher au lit avant de faire l'amour. Ou comment transformer un jeu sexuel plutôt innocent en "cérémonie de passage" dont l'inéluctabilité a été préparée et est justifiée par le scénario.
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Demi-Lune
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par Demi-Lune »

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La jeune et belle Irena Gallier se rend chez son frère, qu'elle n'a pas vu depuis des lustres. Celui-ci a un comportement étrange et disparaît rapidement. Irena tombe amoureuse d'un conservateur de zoo, Oliver, qui a d'ailleurs quelques problèmes avec une dangereuse panthère. Quand Irena retrouve son frère, il lui explique qu'elle fait partie d'une race incestueuse d'hommes panthères...

1982. Deux remakes de films fantastiques de la RKO, commandés par Universal, sortent sur les écrans : The Thing de John Carpenter et La Féline de Paul Schrader - et, j'ose le dire, deux immenses réussites. En ces temps gangrenés par la mode mercantile du remake impersonnel de classiques, la réussite simultanée de ces deux exemples est sûrement à méditer.
Grand amateur de l'esthétique 80's, je n'ai eu aucun mal à apprécier l'aspect visuel du film qui semble rebuter tant de monde, même si je comprends que l'on puisse être réfractaire aux lapins mauves et au sable orange. Cependant, La Féline ne contient en définitive qu'assez peu de scènes ayant véritablement ce cachet 1980's (les séquences avec l'arbre aux panthères, la vision nocturne de Kinski) contrairement à ce que pourraient le laisser penser mes screenshots. Au contraire, la mise en scène de Schrader se révèle finalement assez classique et modeste, et ne se débride plastiquement que lors des séquences oniriques où la photographie de John Bailey et les matte-paintings d'Albert Whitlock font des merveilles. Ces quelques scènes sont d'ailleurs annonciatrices de celles, tout aussi surréalistes, du film suivant de Schrader : Mishima. Je trouve du coup les remarques de Jordan White quant à l'analogie avec Dulux Valentine peu fondées : s'il y a éventuellement quelque chose de légèrement vieilli dans ce film, ce serait plus à chercher du côté de la partition aux synthés de Giorgio Moroder (quoique je l'apprécie assez, elle contribue beaucoup au climat étrange du film).

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Je ne connais pas la version de Jacques Tourneur, mais je crois qu'il me sera difficile de l'apprécier pleinement tant Nastassia Kinski, resplendissante, semble le choix idéal pour camper ce mélange de bestialité, d'innocence et de sensualité. La jeune femme est mémorable dans ce rôle difficile. Il se dégage, par son entremise et par celle de son frère (un Malcolm McDowell en nuances, quoique héritant une fois encore d'un rôle de dégénéré), une atmosphère de sexualité réellement étouffante et envoûtante. Bien que disposant de quelques scènes gores assez choc, je ne crois pas que ce Cat People doive être regardé comme un film d'horreur - ceux qui l'espèrent en le regardant ne peuvent qu'être déçus -, mais comme un film fantastique à l'ambiance étrange et lourde d'érotisme. "Une fantaisie érotique sur l'animal en chacun de nous", disait l'affiche.
Le choix de Schrader de ne montrer que le minimum en termes de transformations physiques confirme mon sentiment selon lequel ce n'est pas l'aspect horrifique de l'histoire qui l'intéressait le plus, mais bien la confrontation et l'appréhension d'une jeune femme face au sexe et ses tentations. Ce qui fait que les thématiques de cette œuvre de commande se retrouvent très proches de celles développées dans d'autres films de Schrader (Hardcore, par exemple). Que le film ait été taxé de racoleur à sa sortie du fait de cette dimension sexuelle exacerbée est surprenant - enfin, jusque dans une certaine mesure - tant le propos de Schrader est emprunt de délicatesse et se permet, par le biais de cette parabole de femme-panthère, d'aborder intelligemment des questions osées, comme la virginité, l'inceste ou un éventuel sentiment de culpabilité face au désir, dans la mesure où l'acceptation de celui-ci signifie des choses atroces pour Kinski et McDowell. Même s'il n'est pas auteur du script, on peut voir là une influence de l'éducation religieuse très stricte qu'a reçu le cinéaste, et avec qui il entretiendra souvent dans sa filmographie un rapport d'attirance/répulsion. Certes, le film est parfois sulfureux, et Schrader donne du grain à moudre aux critiques lorsqu'il filme Kinski se faire attacher, nue, à un lit ; mais cette sensualité exacerbée ne doit pas occulter la mélancolie douloureuse qui sous-tend ces scènes : la séquence que je viens de citer est tout de même l'ultime preuve d'amour que les deux personnages se donneront avant de se résigner à un sort écrit d'avance. Romantique, le film l'est donc aussi : il est évident que Schrader était raide dingue de Kinski tant ce dernier s'évertue à la magnifier dans chaque plan où elle apparaît. A ce titre, je trouve la fin du film très belle et poétique, peut-être plus terrible encore que celle du Loup-garou de Londres.

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Remake apparemment très différent du film original, La Féline version 1982 est un film fantastique très personnel, porteur d'une vraie vision d'auteur qui tant dans son traitement esthétique que dans son traitement thématique, fut rejetée par la critique (sans doute très hypocritement puritaine sur ce coup-là). Avec The Thing, La Mouche, Scarface ou Le convoi de la peur de Friedkin et le Nosferatu de Herzog (pas vu ces deux derniers mais l'on m'en dit le plus grand bien), La Féline fait partie de ces rares remakes passionnants et accomplis qui, potentiellement, égalent voire transcendent leur modèle, notamment parce que leur géniteur est un artiste imprimant ses propres obsessions sous l'enrobage du film de commande au canevas préexistant. Devant le déluge actuel de blockbusters bourrés à craquer de CGI hideux, je prends un plaisir immense à voir, et à revoir, ces perles fantastiques du début des années 1980, où les magnifiques trucages se bricolaient avec amour et servaient un script intelligent et fouillé.
Dernière modification par Demi-Lune le 29 mai 13, 18:45, modifié 5 fois.
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cinephage
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par cinephage »

Le prisonnier a écrit :La musique de Moroder est pénible (et la chanson de Bowie sur le générique de fin est très oubliable).
Pas tout à fait de cet avis, personnellement. Clin d'oeil d'actualité, Tarantino cite longuement cette chanson dans ses Inglorious Basterds (dont la BO est un scrapbook de BO de films, il faut dire), et ça marche très bien dans le film.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par mannhunter »

cinephage a écrit :Pas tout à fait de cet avis, personnellement. Clin d'oeil d'actualité, Tarantino cite longuement cette chanson dans ses Inglorious Basterds (dont la BO est un scrapbook de BO de films, il faut dire), et ça marche très bien dans le film.
J'espère qu'on a droit aussi à des caméos de Nastassja Kinski,Annette O'Toole et John Heard dans le Tarantino! :)
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Demi-Lune
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par Demi-Lune »

mannhunter a écrit :J'espère qu'on a droit aussi à des caméos de Nastassja Kinski,Annette O'Toole et John Heard dans le Tarantino! :)
Ce qui serait intéressant de savoir, c'est si Tarantino, à l'époque où il voulait engager Nastassja Kinski pour le rôle finalement tenu par Diane Kruger, prévoyait déjà d'utiliser la chanson de Bowie. Si c'est le cas, le clin d'oeil n'en aurait été que plus savoureux.
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par Le prisonnier »

cinephage a écrit :
Le prisonnier a écrit :La musique de Moroder est pénible (et la chanson de Bowie sur le générique de fin est très oubliable).
Pas tout à fait de cet avis, personnellement. Clin d'oeil d'actualité, Tarantino cite longuement cette chanson dans ses Inglorious Basterds (dont la BO est un scrapbook de BO de films, il faut dire), et ça marche très bien dans le film.
Bowie mérite des bons films ! :D
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par Major Tom »

La féline et le serpent.

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(photo de Richard Avedon, à l'époque de Cat People donc)
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par Boubakar »

Major Tom a écrit :La féline et le serpent.

(photo de Richard Avedon, à l'époque de Cat People donc)
ça ferait une belle signature :)
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par mannhunter »

Boubakar a écrit :
Major Tom a écrit :La féline et le serpent.

(photo de Richard Avedon, à l'époque de Cat People donc)
ça ferait une belle signature :)
magnifique! :)
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par Demi-Lune »

Encore une que Polanski peut accrocher à son tableau de chasse :fiou:
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par Major Tom »

Polanski ce gredin.


A propos du film, pour une des rares fois de ma vie, je suis entièrement d'accord avec Pierre Murat :o :
Pierre Murat dans Télérama a écrit :Là où Tourneur suggérait, Paul Schrader montre. Et il insiste, le malheureux... Remake débile d'un film magnifique. Seul intérêt: la chanson interprétée par David Bowie. Mais enfin, les CD, ça existe...
:D
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par AtCloseRange »

Major Tom a écrit :Polanski ce gredin.


A propos du film, pour une des rares fois de ma vie, je suis entièrement d'accord avec Pierre Murat :o :
Pierre Murat dans Télérama a écrit :Là où Tourneur suggérait, Paul Schrader montre. Et il insiste, le malheureux... Remake débile d'un film magnifique. Seul intérêt: la chanson interprétée par David Bowie. Mais enfin, les CD, ça existe...
:D
La chanson de Bowie sur le générique de fin, c'est pourtant ce qu'il y a de moins bon dans ce très bon film. Les variations autour du morceau pendant le film sont bien plus réussies.
Quant à "débile", no comment.
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par nobody smith »

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Pour mettre les choses à plat, je dois déjà dire que je ne suis pas fan du Jacques Tourneur. Je fais en effet parti de cette frange de cinéphile qui, tout en lui reconnaissant ses qualités, a tendance à s’y emmerder. Le Schrader m’intriguait et je dois dire que j’y suis plus sensible malgré un résultat bancal. cat people fonctionne à mon sens sur le même registre qu’american gigolo (seul autre réal de Schrader que j’ai vu jusqu’à présent). Du strict point de vu du film de genre, ça n’est pas très intéressant et même assez lourd à suivre. Par contre, en tant que manifeste des 80’s, c’est tout à fait fascinant. En actualisant l’histoire, Schrader se lance dans une peinture de son époque (qualité en soit récurrente dans le travail du bonhomme). Exit donc la suggestion (la belle scène d’ouverture lève d’office le voile sur la mythologie sous-jacente à l’intrigue) et la sexualité prisonnière des années 40. Les années 80 et son mauvais goût revendiqué appelle une sexualité plus affichée, prétendument assumée et capable de verser dans les débordement les plus extrêmes (entre le sadomasochisme, l’inceste et la zoophilie, y a de quoi faire niveau défiance). Le fait que le film ne se contente pas de réapproprier la mode des 80’s mais essaie de la décortiquer explique surement également pourquoi la mise en scène tient encore le coup aujourd’hui. Je dois reconnaître que je trouve une certaine beauté à la chose entre ses idées de cadrages et une photographie étonnante par son jeu sur les couleurs. Sinon, j’ai eu bien du mal à apprécier l’interprétation de Nastasssia Kinski (qui a par contre un très joli corps ) et la musique de Giorgio Moroder (à l’exception du thème d’ouverture mélangeant synthé et percussion tribale).
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Re: Cat People (Paul Schrader - 1982)

Message par Joe Wilson »

Plutôt une bonne surprise pour ma part...certes en-dessous du Tourneur, mais le contexte et les enjeux diffèrent trop pour établir des comparaisons pertinentes.
Schrader se concentre en effet sur une vision du corps et de la sexualité, dans ses déviances et sa morbidité. Il n'y pas l'angoisse d'une transformation, d'une métamorphose, mais la tentative d'une libération pour briser un cycle auto-destructeur.
La mise en scène suit cette recherche, en ne basculant ni dans le grand-guignol, ni vers une surenchère dramatique. Et si elle peut parfois "trop" montrer, c'est en adéquation avec les intentions affichées, dès l'esthétisme onirique de l'introduction.
Cependant, le scénario utilise des détours inutiles pour aboutir à l'impasse de la conclusion....autre regret, une interprétation tout juste moyenne, Nastassja Kinski en tête. Elle surjoue une passivité, même si l'évidence d'une fascination naît des traits du visage.
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