Oui bien sûr.Carlotta Montay a écrit :Mais c'est amusant de confronter ses impressions, avis, science infuse, tout ça, non ?
Mulholland Drive (David Lynch - 2001)
Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky
- Billy Budd
- Bordeaux Chesnel
- Messages : 26835
- Inscription : 13 avr. 03, 13:59
-
- Accessoiriste
- Messages : 1860
- Inscription : 9 sept. 03, 11:11
- Localisation : A l'est d'Eden
Oui, bien sûr
Se laisser emporter par l'histoire, c'est important, voire primordial. par exemple, dans Meutre dans un jardin anglais, comment rationnaliser une telle histoire ?
Mais justement, quand on est un peu dérouté, c'est bien légitime de se dire "je comprends le film de telle ou telle manière", parce que ça rassure. C'est le côté cartésien qui l'emporte sur le cerveau reptilien
Se laisser emporter par l'histoire, c'est important, voire primordial. par exemple, dans Meutre dans un jardin anglais, comment rationnaliser une telle histoire ?
Mais justement, quand on est un peu dérouté, c'est bien légitime de se dire "je comprends le film de telle ou telle manière", parce que ça rassure. C'est le côté cartésien qui l'emporte sur le cerveau reptilien
- harry callahan
- Mogul
- Messages : 11522
- Inscription : 13 avr. 03, 17:28
- Localisation : Dans un snack de San Francisco, d'où il vaut mieux que je ne sorte pas
-
- murder on the dance floor
- Messages : 7287
- Inscription : 13 avr. 03, 18:33
- Localisation : Bonne question...
Assez d'accord, car contrairement à ce qu'on dit, Lynch ne raconte pas des histoires simples de manière compliquée mais des histoires étranges de manière étrange.Solal a écrit :Non pas qu'on ne puisse en parler : ce qui me gêne c'est le fait de rationaliser ses histoires - ce qui serait, dans son cas, trahir l'oeuvre.
SPOILERS
Le cadavre sur le lit, je le vois comme l'état de l'esprit de Diane au moment où elle rêve.
- Billy Budd
- Bordeaux Chesnel
- Messages : 26835
- Inscription : 13 avr. 03, 13:59
-
- Joe la Burne vectorisée
- Messages : 5226
- Inscription : 1 juil. 03, 09:25
- Localisation : Nowhere to be found...
Oh là ! Je m'en vais bosser (et faire chou blanc d'ailleurs, journée de merde !), je reviens et on a mal interprété mes propos !Carlotta Montay a écrit :M Rick, tu dis [...]
Mais attend, on ne te demande pas de te ranger d'un côté ou de l'autre, ou encore d'avoir tout compris au film, c'était pas du tout le but du message !
Pourquoi sortir des phrases définitives pour un oui ou pour un non !
Donc on se calme et on boit frais (et si vous tous pouviez un jour orthographier mon pseudo correctement ça me ferait bien plaisir aussi ). Donc, ma remarque de ce matin était une blague (libre à vous de la trouver drôle ou non) ; référence au fait que notre cher collègue Harry C. soit un petit peu... comment dire... vous voyez quoi... et qu'il y a un moment dans la vie de tout homme où il faut savoir se placer du bon côté du magnum (du côté où, généralement, se situe son avis).
Plus sérieusement, ce matin j'étais quelque peu pressé (vu que, comme dit plus haut, j'avais du taf') j'ai préféré faire référence à des propos déjà exprimés afin de gagner du temps.
Je n'ai jamais prétendu une telle chose, mais pour développer mon point de vue, je vais ressortir de mes archives un "petit" post de mes archives personnelles (ou auto-satisfaction quand tu nous tiens) n'ayant, je te rassure, aucun caractère "définitif". S'il est loin d'être parfait et totalement cohérent, il reflête bien ma pensée :Carlotta Montay a écrit :La question, c'était de voir comment certains avaient compris (ressenti ) certaines scènes du film
C'est sympa parfois de se poser des questions, plutôt que de tout avaler sans chercher à comprendre
Bonne soirée à tous...Sur un autre forum, M_RiK a écrit :[...] Je vais aussi essayer de rester calme et modéré, ce qui n'est pas dans mon caractère, surtout quand on aborde le sujet David Lynch.
Je ne vais pas essayer de vous "expliquer" Mulholland Drive, pour trois raisons :
1°) je ne pense pas avoir grand'chose à vous "expliquer", les habits de hussard noir de la république me boudinent un petit peu
2°) vu déjà le temps et la place que j'ai pris pour introduire ce mail, je doute que vous ayez la patience d'aller jusqu'au boût d'un delirium tremens truffé de digressions en tout genre (je vous laisse le droit de préferer la lecture d'un livre de Paul Loup Sulitzer ou de Bernard-Henri Lévy - et de deux, putain ça fait du bien - au choix)
3°) parce que ceci a déjà été fait par une équipe de journalistes de Canal+ dans un documentaire remarquable et méticuleux intitulé Retour à Mulholland Drive. L'argumentation ne se fonde pas sur du vent et est étayée par les extraits du film qui vont bien et pas par la mine patibulaire d'un critique ciné qui n'a pas vu la lumière du jour depuis la sortie du dernier Chaplin. Bien qu'étant arrivé aux mêmes conclusions qu'eux, je reconnaît que le simple visionage de ce documentaire surpasserait de très loin la lecture de mes quelques explications
A l'époque de la sortie du film (ou de sa présentation au festival de Cannes, je ne me souviens plus), j'étais tombé à la télé (Paris Première sûrement) sur une interview de Lynch, dans laquelle il analyse les réactions que Mulholland Drive (en particulier, et la plupart de ses films en général) provoque sur le public. Cette analyse, que j'avais trouvée extrêmement juste à l'époque, à été (très) partiellement repiquée à la fin du documentaire cité ci-dessus (Retour à Mulholland Drive). Ce qui reste peut donc parraitre un peu léger, voire stupide par moments, mais bon, il me semble que c'est une bonne pièce à verser au dossier. Une dernière chose : la traduction Canal est un peu approximative, mais je n'ai pas eu le courage de repasser derrière eux.
"C'est un phénomène étrange. Quand on écoute de la musique, on la ressent. La dimension intellectuelle entre aussi en jeu, mais la musique fait la musique fait surtout appel aux sensations. C'est quelque chose de subjectif. On peut aimer, ne pas aimer, apprendre à aimer... Le cinéma, comme la musique, fait surtout appel aux sensations. Et lorsque l'esprit s'en mêle, ça devient du domaine de l'intuition. Par l'esprit et par les sens nous accédons à une compréhension intime. Le cinéma est un langage qui parle aux gens, mais pas toujours avec des mots, ni par le biais de l'intellect. Il faut donc... non pas un effort, mais plutôt un certain état d'esprit pour voir certains films qui contiennent des abstractions, ou des choses un peu étranges, mais qui sont facilement compréhensibles si vous laissez votre intuition vous mener à votre propre conclusion. Ca n'a rien de gênant. La solution est simple, mais les gens ont peur d'admettre qu'ils comprennent et de dire ce qu'ils comprennent. Pourtant en voyant le film, ils comprennent des choses. Les commentaires prouvent qu'ils ont très bien compris."
En la retapant, je me rends compte que cette traduction est vraiment pourrie, mais bon, essayez de faire un petit effort d'imagination. Pour ce qui est de mon expérience personnelle avec ce film (tout comme avec Lost Highway et, dans une moindre mesure, Blue Velvet et Twin Peaks), j'étais dans cet état d'esprit comme dit Lynch, où j'ai plutôt ressenti le film que je ne l'ai compris. Oui, je sais, lu comme ça, ça pourrait passer pour du Jean-Claude Van Damme, mais c'est la seule manière que j'ai trouvé pour l'exprimer. J'ai vécu le film, plus que je ne l'ai regardé, comme une expérience, une immersion dans un monde (qu'on apprend à la fin être le monde intérieur et onirique de Diane Selwyn). Tous ces petits éléments (a priori incompréhensibles) tels que la boîte bleue, la créature derrière le restaurant Winkie's ou le numéro d'illusioniste au club Silencio, ainsi que ceux qui restent définitivement sans réponse (le livre noir d'Ed "l'histoire du monde en numéros de téléphone") contribuent à la création d'un univers propre au film, et dans lequel j'ai pris plaisir à évoluer. Un détail qui a son importance : où avez-vous vu ce film ? Au cinéma ou chez vous sur l'écran de votre ordinateur ? Car Mulholland Drive est, de l'aveu de Lynch lui-même, un pûr film de salle (il n'y a qu'à voir l'intérêt quasi-nul qu'il a porté à l'édition DVD).
De plus, autre précision, Mulholland Drive était à l'origine prévu pour être le pilote d'une série télévisée, mais, suite à une dispute avec les dirigeants de la chaîne (ABC si mes souvenirs sont exacts, si vous avez vu le film ça doit vous rappeler quelque chose). Le pilote constitue approximativement les deux premières heures du films (jusqu'à l'ouverture de la boîte bleue), et la dernière demi-heure la fin que Lynch avait imaginé pour cette série, réduite sous la forme d'un flash-back (la partie dans l'appartement entre Diane et Camilla) et de la scène du diner, où Diane raconte sa véritable histoire à la mère d'Adam. Soit dit en passant, le jour où on verra des téléfilms de cette qualité (tout du moins technique) là à la télévision française...
Enfin, pour terminer cette (peut-être trop) longue argumentation - mais j'en ai marre aussi des forums dans lesquels les neuf dixièmes des réponses se bornent à des "dans ton cuuul !!!", "j't'emmerde !!!" et autres expressions tout aussi concises que fleuries - j'ajouterais juste qu'à mon sens Lynch est l'un des seuls qui, après plus de cent ans qu'on fait du cinématographe, est encore en pleine recherche formelle. Comme il le dit lui-même, son cinéma ne se contente pas d'être un cinéma du verbe, mais il cherche à être plus que çela. Notamment en explorant de nouvelles techniques de narration. On peut aimer ou ne pas aimer, trouver ça débile ou vain, mais laissez-moi vous raconter une petite histoire (et là vous vous dites : "Ooohhh non !", vous avez raison). Dans le courant des années 10, à Hollywood, un jeune réalisateur montre son dernier film à des patrons de studio. Ceux-ci sortent horrifiés de la projection en hurlant que les spectateurs ne vont rien comprendre à l'histoire, qui a la particularité d'alterner entre différentes histoires, ne se passant pas à la même époque, afin d'accentuer les similitudes entre les situations montrées à l'écran. En deux mots ce brave homme, dont le nom n'est autre que David Wark Griffith, venait d'inventer le montage parallèle, avec son film Intolérance (il avait peut être tester ce procédé de montage avec un court métrage précédent, mais là je dois avouer mon ignorance, en même temps, il ne faut pas pousser non plus). Ce procédé est aujourd'hui courament utilisé, car intégré par le spectateur (moyennant une periode d'adaptation), du Parrain II à Matrix Reloaded en passant par le moindre petit épisode de Friends (ces deux dernièrs exemples, il s'agit plutôt de montage parallèle, même principe, mais dans l'espace et pas dans le temps). Donc, pourquoi ne pas imaginer que, dans cent ans, d'autres schémas narratifs et d'autres moyens de mise en scène, que des gens comme Lynch auraient contribués à mettre au point, soient massivement utilisés pour exprimer visuellement le rêve, la folie, la joie. Et là une petite fille de l'an 2142 regardera Mulholland Drive et dira de sa petite voix douce et naïve : "Oooh c'est pareil que dans Blanche Neige XXVII...". Je me craque un peu je sais.
J'ai envie de finir avec un petit parallèle (tant qu'on y est, finissons la soirée en beauté) entre David Lynch et Antonin Artaud, un écrivain français, acteur à ses heures perdues (vu dans le Napoléon d'Abel Gance notamment), injustement méconnu. D'abord symboliste, puis surréaliste, puis fou (réellement, médicalement) et rien-du-toutiste, la grande obsession de la fin de son oeuvre fut de capturer avec des mots l'essence même de son mal de vivre : sa pensée. De l'écriture comme thérapie en est resté une oeuvre, consistante sans être énorme, dont L'Ombilic des Limbes et Le Pèse-nerfs (disponibles chez Gallimard, il faut lire, lire c'est bien), constituent à mon sens à la fois une bonne introduction tout autant qu'une synthèse. Dans Le Pèse-nerfs, Artaud tente de coucher ses pensées sur le papier avec pour but de comprendre à quel endroit celle-ci "part en vrille", il est ainsi contraint de recourir à certains procédés stylistiques pour le moins inhabituels. Lynch suit en quelque sorte le même chemin, essayant dans Mulholland Drive de coucher sur pellicule le rêve et le phantasme, tout comme il l'avait fait avec la folie (la schizophrénie pour être exact) dans Lost Highway (je passe sur la satire d'Hollywood pour abréger vos souffrances).
Désolé d'avoir été très long, mais j'ai l'esprit d'escalier, ce qui fait que je ne trouve aucun argument valide dans une conversation "en temps réel", mais que par contre, quelques heures plus tard, c'est l'avalanche (ils ne sont peut-être pas beaucoup plus valides, mais en tout cas, ils sont plus nombreux). Cher lecteur, si vous lisez ceci, merci beaucoup, et pour vous récompenser, deux petites citations.
"Je suis témoin, je suis le seul témoin de moi-même. Cette écorce de mots, ces imperceptibles transformations de ma pensée à voix basse, de cette petite partie de ma pensée que je prétends qui était déjà formulée, et qui avorte, je suis seul juge d'en mesurer la portée."
Antonin ARTAUD, Le Pèse-nerfs
"Si vous aimez vous glisser dans un autre monde, semblable à un rêve, si vous pouvez faire abstraction de vos jugements intellectuels, vous contenter de flotter dans ce monde, et le laisser vous parler, vous vivrez des choses très intéressantes."
David LYNCH
Doudou, ça me rappelle une chanson... et le gag qui va avec... et ça me fait rireNikita a écrit :Non, c'est excitant - mais ça le serait encore plus si tu la fermais et suçais convenablementDoudou a écrit :Et "Tripote moi la bite avec les doigts!" C'est joli?
M_RiK, "Far away from the land of our birth, we fly a flag in some foreign earth."