Arnaud Desplechin

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Cosmo Vitelli
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Message par Cosmo Vitelli »

Margo a écrit :Et ma comparaison avec Bergman ne me semble pas si fortuite :wink:
A moi si ! T'aurais pu choisir un meilleur cinéaste que Bergman comme point de comparaison :o
"De toutes les sciences humaines, la pipeaulogie - à ne pas confondre avec la pipe au logis - ou art de faire croire qu'on sait de quoi on parle, est sans conteste celle qui compte le plus de diplômés !" Cosmo (diplômé en pipeaulogie)
Solal
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Message par Solal »

Sven Ben Israel a écrit : Mas c'est pas non plus Mankiewicz, Walsh, Preminger ou Lang (ou même Noé - même si je n'aime pas tant que ça ses thèmes)
Sa mise en scène ayant des qualités objectives et flagrantes, je suis vraiment surpris qu'on puisse passer à côté à ce point et que l'on réduise ses films à un cinéma bavard. Un cinéma qui ne mise pas du tout sur les dialogues (comme le ferait le théâtre filmé) mais qui fait du langage son matériau, ce qui n'a strictement rien à voir. Son ambition est donc totalement cinématographique (et même cinégénique).

Le but n'est pas du tout de laisser libre cours à la parlotte : Desplechin fait de la sociologie romancée - pas étonnant d'ailleurs que ce soit le fils Bourdieu qui ait pondu le scénario de Comment je me suis disputé.... Alors, quand, dans ce film ou même les deux précédents, on s'attarde sur les dialogues, c'est uniquement parce que, dans les milieux en question, la violence est principalement symbolique et que les rapports de domination et les luttes de pouvoir se tiennent en grande partie sur la scène du langage. Ce qui intéresse Desplechin ce n'est pas ce qui est dit mais la façon dont c'est dit (à quel moment ? par qui ? adressé à qui ?) et dont cela produit des effets (physiques, sentimentaux, intellectuels...). En bon sociologue bourdivin, il essaye de gratter sous le langage pour mettre en lumière la violence physique qu'il traduit.

Ce n'est pas pour rien, par exemple, que La sentinelle met en scène deux corps de métier bien spécifiques : la diplomatie (le même schéma : de belles formules, un double langage qui masque mal les tensions internationales et la volonté de puissance des Etats ; une diplomatie qui, tout d'abord en sous-main à travers l'espionnage puis dans les conflits ouverts, dévoile toute l'étendue de la violence dont elle est capable) et la médecine légale (puissance de l'Etat sur le corps ; volonté de chercher dans sa matérialité, dans ses entrailles, une vérité que l'on ne trouve pas ou dont l'on doute ailleurs, c'est-à-dire dans les témoignages, dans le langage).

Et ce n'est pas qu'un intérêt "thématique" comme tu dis : j'y vois pour ma part un cinéma très physique, très attentif au corps (qui a également son langage, qui en dit d'ailleurs souvent plus que le reste) et je ne comprends pas comment peut passer inaperçue la façon singulière dont il filme les échanges physiques, les souffrances corporelles, les conditions matérielles de vie, etc. Un aspect qu'Ester Kahn a d'ailleurs encore davantage mis en avant, le sujet se prêtant moins au malentendu (on est plus chez les rupins cultivés).

Et puis ce n'est pas facile de filmer une tribu (chez lui, d'ailleurs, c'est plutôt une classe sociale) et je trouve qu'il a ce talent-là. Bien sûr ce n'est pas cette veine mythologique qui, de Ford à Carpenter, a pu donner de grands films politiques. Mais il y a le même pouvoir d'évocation (par le scénario, le montage et une attention toute particulière aux gestes) des liens étranges qui se tissent entre les êtres d'une même communauté. Et la même réussite dans la façon dont celle-ci devient un personnage à part entière, et pas seulement la somme des individus qui la composent. Si cela ce n'est pas du cinéma, alors je ne vois pas ce qui peut en être.

Je ne vois rien de tout cela chez un Noé, cinéaste prétendument politique.
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Vic Vega
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Message par Vic Vega »

Sven Ben Israel a écrit :Pour moi, même si je reste sceptique, je trouve que Noé enfonce Desplechin d'une force... Le langage cinématographique de Desplechin (ds j'ai par ailleur apprecié la thématique sur la DCut d'Esther Khan) est qd même bien pauvre, ayant bcp trop recours aux dialogues - encore une fois, j'espère qu'il ne polura pas trop ses élèves à la femis. Ferait peut-être un bon metteur en scène de théâtre...
Pourquoi reprocher à Desplechin ce que personne ne reproche à Tarantino -faire passer beaucoup de choses par le dialogue-? Et ce n'est pas parce que la stylisation chez un cinéaste est plus visible que chez un autre qu'il est meilleur. Le style de Desplechin est peut-être plus "discret" que celui de Noé mais lui ne régurgite pas de façon maladroite un style de mise en scène à la Godard (Seul Contre Tous) ou Kalatozov (Irréversible). Et surtout ne fait pas de second degré hors de propos par rapport à son sujet.
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Billy Budd
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Message par Billy Budd »

Sergius ?
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Sven Ben Israel
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Message par Sven Ben Israel »

Solal a écrit :[Sa mise en scène ayant des qualités objectives et flagrantes, je suis vraiment surpris qu'on puisse passer à côté à ce point et que l'on réduise ses films à un cinéma bavard. Un cinéma qui ne mise pas du tout sur les dialogues (comme le ferait le théâtre filmé) mais qui fait du langage son matériau, ce qui n'a strictement rien à voir. Son ambition est donc totalement cinématographique (et même cinégénique).

Le but n'est pas du tout de laisser libre cours à la parlotte : Desplechin fait de la sociologie romancée - pas étonnant d'ailleurs que ce soit le fils Bourdieu qui ait pondu le scénario de Comment je me suis disputé....

Je ne vois rien de tout cela chez un Noé, cinéaste prétendument politique.
Je ne trouve pas du tt que Noé est un cinéaste politique! Pour moi, il peut bien avoir été chercher sa technique chez Kalatozov vou JLG, ça ne m'empêche pas de reconaître le brio de sa mise en scène et son montage assez radical. E nfait, je l'aprécie comme u nFritz Lang dont l'intrigue policière ou autre me paraîtrait suranée, je me déconecte du scénario et me laisse porter par le mouvement, art hautement cinématographique. Ce qui fait selon moi (et je l'ai pas trouvé tt seul) la particularité du cinéma par rapport aux autres médiums et qui délimite la frontière entre cinéaste et auteur oeuvrant dans le medium cinéma, c'est le mouvement, le jeu d'échelle et la lumière!
Pour moi, Desplechin n'est à ce titre pas un cinéaste mais un auteur, que je trouve personnelement râté! Qd j'entend qu'il fait de la sociologie romancée ou que le fils de Bourdieu est son collaborateur, ça ne fait que renforcer mon opinion. De plus, cette thématique des corps de l'état (la diplo et la med leg) pourrait être intéressante, mais vu le résultat, je persiste à pensé qu'il s'est trompé de medium. En gros, son thème de prédilection, la communication (mon boulot depuis des années), ben j'entends et perçois effectivement ces aspects mis en évidence par Solal et Vic, cela ne m'empêche pas de trouver leur exposition totalement râtée par rapport au langage spécifique du cinéma dans son sens le plus noble.[/b]
Le cercle est l'ombre bi-dimensionelle de la sphère, elle même perçue à travers l'histoire socio-culturelle comme un icone de l'ineffable ouverture d'esprit, l'indivisible accomplissement de l'univers.
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Message par Solal »

Sven Ben Israel a écrit :Je ne trouve pas du tt que Noé est un cinéaste politique!
Il se présente lui-même comme tel et son projet s'inscrit dans une visée politique.
Sven Ben Israel a écrit :Ce qui fait selon moi (et je l'ai pas trouvé tt seul) la particularité du cinéma par rapport aux autres médiums et qui délimite la frontière entre cinéaste et auteur oeuvrant dans le medium cinéma, c'est le mouvement, le jeu d'échelle et la lumière!
Pour moi, Desplechin n'est à ce titre pas un cinéaste mais un auteur
Je me méfie toujours de ces définitions univoques du cinéma. Le cinéma est multiple.

Et puis, encore faut-il que ce soit réussi. Je suis preneur de la fluidité de Wong Kar Wai pour essayer de sonder la nature du temps, des plans séquences de de Palma ou de Scorsese quand ils démontent une mécanique, du montage schizophrène d'un Gus Van Sant, des jeux d'échelle (macro-micro/cercle-pointe) chez Cimino, etc. Et je ne parle même pas de l'architecture d'un Lang qui me rend totalement gaga... Mais le mouvement pour le mouvement :roll:

Et puis il faut tout de même accorder au cinéma de Desplechin un bon emploi de la lumière (qui, selon Godard, serait le style même d'un cinéaste) : lumière d'automne et froide dans la scène de crise panique dans Comment je me suis disputé, lumière blafarde et Salinger exsangue dans La sentinelle (c'est plus commun, c'est vrai), lumière de fin d'après-midi hivernale (ghetto) et feux de la rampe (théâtre) dans Ester Kahn . J'ai vu mieux récemment (notamment avec un usage enfin réussi de la DV : Jia Zhang Ke ou encore, dit-on, le dernier Kiyoshi Kurosawa) mais c'est quand même pas mal.
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Sven Ben Israel
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Message par Sven Ben Israel »

D'accord là dessus pr la lumière. :)

Mais trop de carrences pr le reste.
Le mouvement pour le mouvement? Pourquoi tu dis ça?
Walsh, Preminger, Welles e tquantité d'autre le mouvement n'est pas gratiut! ET même s'il l'était, je pense qu'il y à pas mal de gens ici qui sont très content de ces plans séquences de DePalma dont la prmière justification est souvent esthetique!
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Message par Solal »

Sven Ben Israel a écrit :Le mouvement pour le mouvement? Pourquoi tu dis ça?
Pour te montrer que c'était délicat de dire "le cinéma c'est le mouvement". C'est plus compliqué je trouve
C'est souvent combiné à autre chose, et c'est le résultat qui procure l'émotion esthétique. Et que dire, par exemple, de l'emploi des couleurs, du contraste d'un noir et blanc, de la bande son (sa fusion avec l'image ou au contraire comme contre-pied), sans parler du récit, des procédés d'identification, etc. :wink:
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Message par Sven Ben Israel »

OK, sauf que la plupart des aspects que tu evoque ne sont pas exclusivement propre au cinéma comme éléments determinants par rapports aux autres mediums...
Le cercle est l'ombre bi-dimensionelle de la sphère, elle même perçue à travers l'histoire socio-culturelle comme un icone de l'ineffable ouverture d'esprit, l'indivisible accomplissement de l'univers.
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Message par Philip Marlowe »

Bill Harford a écrit :
Margo a écrit : Un cinéaste misant - en partie - son cinéma sur les dialogues serait donc indigne d'être qualifié de metteur en scène. Et Bergman, c'est de la bouse ? Et Moretti ?
Et les Wachowski? :D :lol: :wink:
Bergman et les Wachowski à 2 cm d'écart :shock: Oyoyoy Bill, tu m'as tuer :lol:
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Billy Budd
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Message par Billy Budd »

Philip Marlowe a écrit :
Bill Harford a écrit : Et les Wachowski? :D :lol: :wink:
Bergman et les Wachowski à 2 cm d'écart :shock: Oyoyoy Bill, tu m'as tuer :lol:
Bah Matrix c'est pourtant un cyber Persona, ça crève les yeux
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Message par Philip Marlowe »

Nikita a écrit :
Philip Marlowe a écrit :Bergman et les Wachowski à 2 cm d'écart :shock: Oyoyoy Bill, tu m'as tuer :lol:
Bah Matrix c'est pourtant un cyber Persona, ça crève les yeux
:lol:
D'ailleurs le jeu de Keanu Reeves est vachement inspiré de celui de Liv Ullman, ça crève les yeux!
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Re: Arnaud Desplechin

Message par Jeremy Fox »

Existe t'il des coffrets Desplechin DVD ou BR ailleurs qu'en France ? Car je n'ai pas trouvé grand chose par chez nous.
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Frances
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Re: Arnaud Desplechin

Message par Frances »

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Re: Arnaud Desplechin

Message par Amarcord »

Jeremy Fox a écrit :Existe t'il des coffrets Desplechin DVD ou BR ailleurs qu'en France ? Car je n'ai pas trouvé grand chose par chez nous.
Pas à ma connaissance... Une fois n'est pas coutume, c'est encore en France qu'on est le mieux lotis, côtés coffrets (coffrets 2 films, notamment ceux des Cahiers, qui en ont sorti deux, si je ne m'abuse).
Desplechin est, pour moi, le meilleur cinéaste français émergé ces 30 dernières années.
Même si je ne suis pas fan d'Esther Khan et de Jimmy P. (comme pour Rohmer ou Rivette, je préfère le Desplechin "contemporain"), le reste emporte largement mon adhésion... Il y aurait effectivement un joli coffret à faire (avec ses courts métrages et des raretés telles que La Forêt, L'Aimée ou Léo, en jouant "Dans la compagnie des hommes" -- et son pendant Unplugged, en jouant "Dans la compagnie des hommes"-- )...
Pas encore vu le dernier (mais au vu de ce que j'en ai lu ou entendu, je l'aime déjà !), mon top 5 perso serait :
1. Comment je me suis disputé (Ma vie sexuelle)
2. Rois et Reine
3. Un Conte de Noël
4. La Sentinelle
5. La Vie des morts
[Dick Laurent is dead.]
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