Spetters (ça veut dire quoi, au fait?) est une nouvelle découverte, pour moi, "verhoevennienne" en diable, et un nouvel emballement. Verhoeven conjugue ici tout ce qui constitue son talent : cette spontanéité plébéienne qu'il partage avec Fassbinder et Pasolini, voire, post-modernisme oblige, Kaurismaki, ce vitalisme indémodable, ce rythme, ce goût du baroque (et d'Hitchcock) qu'il partage avec Brian De Palma, ce sens irrécupérable du spectacle qui en fait une sorte de cinéaste hugolien, qu'il filme une course de motocross ou l'assaut de milliers d'arachnides numériques.
Verhoeven inocule du grandiose feuilletonesque dans les fictions, ensoleille le sordide de truculence, irradie le trivial le plus obscène d'innocence narrative. Véritable fureur de vivre aussi blafarde que pimpante,
Spetters fuse de saillies filmiques à la sauce hollandaise, d'humeurs composites étonnantes, entre
Krempoli et nouvelle vague tchèque, de saisissement de l'air du temps 1980 (Nina Hagen affichée dans le métro,
Heart of Glass de Blondie feulant de façon subliminale au diapason du beau visage
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- de salope
de Renée Soutendijk) et d'idées de mise en place aussi naturelles que stupéfiantes, coulant de source, toutes simples, comme ce moment, situé au début, qui présente Hans Von Tongeren, déboulant en "trial" sur le garage de ses potes. Une Coccinelle fait obstacle.. Là, pas de champ-contrechamp nous prouvant que la Volkswagen barre la route. Rien (prononcer "rienne") "surmonte" la caisse, juché sur sa moto, comme si elle n'était qu'un quelconque talus : c'est simple comme un coup de fil et pourtant, je n'avais jamais vu ça.. Cette spontanéité de l'action, si jaillissante qu'elle se trouve réalisée avant même qu'on la réalise, à tel point qu'on se demande si l'on ne rêve (ou cauchemarde) pas. Le cinéma de Verhoeven est décidemment indécidable, perclus d'ironie et, dans le même temps, imprégné de croyances occultes en certains sortilèges cinématographiques.