E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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AtCloseRange
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par AtCloseRange »

Demi-Lune a écrit :
Ratatouille a écrit :Non, Ford interprète le prof de bio d'Elliott (que l'on ne verra jamais...comme beaucoup d'adultes dans ce film) dans la scène de la grenouille.
Il me semble que Ford joue plutôt le directeur de l'école, devant lequel comparaît Elliot après la scène de la grenouille. Mais c'est une scène coupée. D'ailleurs, on ne voyait l'acteur que de dos.
AtCloseRange a écrit :l'adjectif approprié serait d'ailleur plutôt manipulateur et la combinaison Spielberg-Williams y est pour beaucoup.
Je suis toujours "ému" à la fin d'ET mais pas vraiment pour de "bonnes" raisons et un peu à l'insu de mon plein gré.
Un peu comme J.F.K. qui oblige du spectateur une certaine façon de penser ? Sérieusement, le cinéma est par essence manipulateur et c'est une manipulation que nous acceptons chaque fois que nous voyons un film. Le problème, c'est d'être aspiré ou rester en retrait de l'émotion véhiculée par le film. En ce sens, je ne vois pas quelles seraient éventuellement les "bonnes" raisons qui feraient qu'être ému serait acceptable dans un cas et pas dans un autre. On est ému ou on ne l'est pas. J'ai parfois été moi-même raidi par cette impression qu'on attendait de moi mon abandon émotionnel, comme si le réalisateur poussait des boutons pour commander mon émotion. Mais si on est ému, c'est parce que la scène a touché la sensibilité du spectateur et qu'elle a éveillé quelque chose de profond dans son cœur. Tu parles d'émotion à l'insu de ton plein gré, mais je pense au contraire qu'être envahi par l'émotion relève d'un libre-arbitre. C'est pourquoi tant de gens divergent sur l'appréciation émotionnelle de tas de films. Je ne crois pas qu'un procédé "manipulateur", comme tu dis, te rendrait ému - précisément parce que tu sens bien que le réalisateur derrière n'est pas honnête à ce moment-là. Or, E.T. transpire une honnêteté totale, ne serait-ce que parce qu'il s'agit d'un film fortement autobiographique. La fin d'E.T. est l'aboutissement d'une aventure qui prend fin de manière définitive, l'émotion atteint un climax classique au cinéma (renforcé par le fait que Spielberg a tourné le film de manière chronologique) et je ne vois absolument rien de manipulateur là-dedans, sinon pas plus que dans d'incalculables anciens films qui appuyaient tout par leur musique pour bien baliser le spectateur. Pour moi la fin d'E.T. est une merveille de poésie et d'émotion parce que Spielberg n'établit justement aucune distance avec la scène qu'il filme : il est lui-même touché, tout comme tous les acteurs, par la magie qui prend vie à ce moment-là, cette chose incroyable que d'être bouleversé par les adieux d'une chose qui n'est même pas réelle.

Quant à "mièvre", je rappelle que cela qualifie quelque chose de fade, manquant de vigueur.
C'est pour ça que j'ai précisé "manipulateur".
Je l'ai déjà dit plusieurs fois ici, la phrase de Spileberg qui dit qu'il met la larme au bord des yeux et que Williams la fait tomber est la preuve qu'on ne pourra jamais être totalement copain, Spielberg et moi.
Elle définit une grande partie de son cinéma.

Sinon quand je parlais d'émotion, je parle de la même émotion qu'il m'est arrivé de ressentir devant un téléfilm édifiant sur M6 sur une histoire vraie et tragique. Un sujet "terrible", la bonne dose de violons et l'"Emotion" vient.
Autrement dit rien de plus simple que de créer ce genre d'émotion et personnellement, je trouve ce poussage de bouton assez déplaisant et m'empêche d'adhérer complètement à ET.

Pour reprendre la phrase que j'ai souligné, le fait que le procédé est flagrant et lourd n'empêche pas qu'il puisse fonctionner de façon assez mécanique.
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par someone1600 »

Bien d'accord avec toi Demi-lune.

Bon, je n'arrive pas a croire que l'on puisse detesté ET... mais bon, aucun film ne fait l'unanimité.
Beck
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Re: The Thing (John Carpenter - 1982)

Message par Beck »

Wagner a écrit :
Beck a écrit :Bon je vais revoir ce Euté tout de suite pour voir si mon impression a changé depuis la dernière fois où je l'ai maté (il y a plus de 5 ans je pense).
Tu devrais attendre, il devrait sortir en blu ray l'année prochaine pour les 30 ans du film, et tu pourras découvrir le chef d'oeuvre qui enterre La Nuit du chasseur et Moonfleet réunis :D :lol:

Ouch!
Mais bon sang qu'est-ce que vous avez tous aujourd'hui ?
et sinon j'ai pas un kopek alors j'vais télécharger euté et puis voilà hein spielberg a déjà beaucoup de fric et je lis pas ces foutus blu ray parceque j'ai pas de ps3 alors hein ca va hein

Jacques aka Jacques 2 a écrit:
Oui, enfin toutes ces comparaisons, c'est très vain ...

Personnellement, les 2 films cités sont "intouchables" et dépassent E.T de cent coudées : cela fait il avancer le débat ? ...

Car, pour E.T, ce n'est pas de la provoc mais un fait : j'y suis totalement insensible ...

Je ne critique pas ceux qui aiment mais, bon dieu, a t'on encore le droit de ne pas s'agenouiller devant certains films pourtant admirés par beaucoup ? Bien sûr que oui ...

Le film a sûrement des qualités (c'est Spielberg quand même) mais je considère que c'est son plus mauvais film (enfin, c'est mieux que "Hook" quand même) même si j'ai lu attentivement certains posts ci dessus ...

Et bah +1 mon jacko ! :D
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Wagner
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Wagner »

Demi-Lune a écrit :
Ratatouille a écrit :Non, Ford interprète le prof de bio d'Elliott (que l'on ne verra jamais...comme beaucoup d'adultes dans ce film) dans la scène de la grenouille.
Il me semble que Ford joue plutôt le directeur de l'école, devant lequel comparaît Elliot après la scène de la grenouille. Mais c'est une scène coupée. D'ailleurs, on ne voyait l'acteur que de dos.
Tout à fait, on ne voit pas Ford dans le film, je pensais que les amateurs sauraient un petit peu plus de quoi il en retourne :shock: :mrgreen:
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Strum
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Strum »

AtCloseRange a écrit :C'est pour ça que j'ai précisé "manipulateur".
Je l'ai déjà dit plusieurs fois ici, la phrase de Spileberg qui dit qu'il met la larme au bord des yeux et que Williams la fait tomber est la preuve qu'on ne pourra jamais être totalement copain, Spielberg et moi.
Elle définit une grande partie de son cinéma.

Sinon quand je parlais d'émotion, je parle de la même émotion qu'il m'est arrivé de ressentir devant un téléfilm édifiant sur M6 sur une histoire vraie et tragique. Un sujet "terrible", la bonne dose de violons et l'"Emotion" vient.
Autrement dit rien de plus simple que de créer ce genre d'émotion et personnellement, je trouve ce poussage de bouton assez déplaisant et m'empêche d'adhérer complètement à ET.

Pour reprendre la phrase que j'ai souligné, le fait que le procédé est flagrant et lourd n'empêche pas qu'il puisse fonctionner de façon assez mécanique.
Il y a une faille logique dans cette accusation de manipulation lancée au chef d'un cinéaste. En voyant un film, on accepte de voir la vision du monde d'un cinéaste. Cette vision est produite par une série d'images agencées de manière discrétionnaire par le cinéaste selon son goût et son objectif, qui est l'adhésion du spectateur à sa vision, en l'amenant dans un état émotionnel et un endroit mental précis. Cette vision, on y adhère ou pas. Si l'on y adhère, on trouvera toutes sortes de choses agréables à dire sur le cinéaste, et vice-versa. Mais aucun monde cinématographique ne reflète la réalité, et chacun provient du cerveau du cinéaste. Par rapport à la réalité, chaque film est illusion et mensonge. A cette aune, on pourrait à la rigueur dire que chaque cinéaste manipule la réalité pour produire du cinéma. Mais cela vaudrait alors pour tous les cinéastes, sans exception. On ne peut pas dire qu'aucun cinéaste ne manipule la réalité. Après vient la question des moyens d'adhésion au monde du cinéaste. Certains cinéastes utilisent des moyens plus facilement identifiables et agressifs que d'autres. D'autres sont plus subtiles, plus furtifs. Mais chacun ment. Chacun ajuste les moyens en fonction d'un objectif, chacun veut emmener un spectateur quelque part, en lui donnant ou non l'illusion d'un libre-arbitre. Dire qu'un cinéaste est manipulateur c'est une formule mal fondée d'un point de vue logique et un peu arbitraire pour dire qu'on n'aime pas le style d'un cinéaste, qu'on est rétif à ses moyens, voire à ses objectifs. En revanche, il est certain qu'il y a des cinéastes dont les moyens sont plus lourds que d'autres.

Revenons-en à ET. ET un modèle commercial ? Malgré son énorme succès commercial, ET n'était pas et n'est pas un blockbuster au sens où l'on entend ce terme aujourd'hui. Budget relativement réduit, histoire familiale intime et personnelle, ET n'a pas été fait avec l'idée d'en faire une machine de guerre commerciale. Le film fut même montré à Cannes car le distributeur n'était pas très sur de savoir comment le commercialiser. Le succès massif du film n'était nullement programmé ou dans ses gènes.

Appliquons la question des moyens à E.T. Le moyen principal d'ET, ce n'est pas un moyen peu recommendable ou traitre, c'est la mise en scène, cette raison d'être du cinéma. C'est par la mise en scène, par les images, que tout passe. Voilà qui le distingue de ce que tu appelles les "films commerciaux des années 80" - si j'en devine bien le sens. Comment Spielberg montre-t-il à quel point Elliot est perdu après le divorce des parents, à quel point il a peur du monde ? En ne montrant jamais le visage des adultes. J'ai cité plus haut, toute la série de plans qui le montre. Qu'est-ce qui signifie les niveaux de réalité dans le film ? La lumière. Le film est nimbé dans des halos de lumière, qui, symboles de révélation ou non, figurent des échappatoires à la réalité, ou des désirs d'une autre réalité peut-être. Comment le cinéaste montre-t-il le lien symbiotique entre ET et EllioT ? Non par les dialogues, mais par les deux scènes montées parallèlement où Elliot hoquette parce qu'ET vient de boire une bière, laisse échapper la grenouille parce qu'ET a des envies de liberté, embrasse une fille comme Wayne embrasse Maureen O'Hara dans L'Homme Tranquille qu'ET regarde à la télé. Bref, la mise en scène nous parle. La musique de Williams est "envahissante" ? Elle est là en permanence, c'est vrai, comme une deuxième voix doublant celle de la mise en scène. Mais cette musique est si belle, si juste, elle semble si bien traduire les sentiments d'Elliot qu'elle est comme le chant du coeur de l'enfant. Elle "n'envahit" pas, elle étend joyeusement la surface de ce coeur. Il y a cette fois lien symbiotique entre la musique et l'image. Je comprends que Spielberg tombé amoureux de cette musique ("John Williams is ET" a-t-il dit à la sortie du film) ait voulu à ce point l'utiliser. La musique pose problème quand il n'y a pas de symbiose entre elle et l'image, ce n'est pas le cas ici. C'est un film où l'on pleure. Est-ce un mal ? Pleurer au cinéma, ce peut être aussi une forme d'exutoire, de libération. Que fait Spielberg à la fin du film ? Il montre Elliot qui pleure car ET le quitte. Que fait Spielberg lui-même au moment où il s'identifie à Elliot ? Il pleure ou plutôt il souhaite pleurer avec Elliot, car Elliot lui rappelle sa propre enfance d'enfant divorcé. Et cette musique de Williams le faisait pleurer, alors il la mixe plein pot. Car si ET n'est pas un film mièvre, ET est un film sentimental et sincère. Ce n'est pas avec ET qu'on va penser ou refaire le monde, mais des films comme cela, ah, il en faut aussi.

Après, vient il est vrai à la fin du film, l'inévitable poursuite victorieuse pour échapper aux méchants ; c'est pour moi la partie la moins intéressante du film. Un élément repris par des tas de "films commerciaux des années 80" ? Certainement. Mais un élément surtout propre à toutes les histoires en forme de conte depuis la nuit des temps : à la fin, l'enfant échappe à l'ogre.
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par jacques 2 »

E.T pas un "blockbuster" ?

Pas au sens du coût de production initial, c'est vrai ...
Mais par contre, à l'époque de sa sortie, je me rappelle très bien du matraquage et de la vente du dernier Spielberg : le budget publicitaire n'était certes pas celui d'un cinéma d'auteur ou d'un film moyen ...

C'était déjà un "blockbuster" à l'évidence et en tout cas vendu comme tel ...

Parce que sinon, "Avatar" (que j'apprécie beaucoup d'ailleurs) c'est aussi un cinéma d'auteur : Cameron est aussi de film en film très fidèle à ses thématiques de prédilection

:wink:
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Strum »

Avatar a le plus gros budget de l'histoire du cinéma.

ET, film sans star et sans prétention particulière, était un budget relativement modeste. Voici quelques films qui en 1982 avaient un budget supérieur à ET :

3x Le budget d'ET
Blade Runner (Scott)

2x le budget d'ET
La Valse des Pantins (Scorsese)
Tootsie (Pollack)
Gandhi (Attenborough)
Tron

1,5x le budget d'ET
The Thing...

C'est assez parlant, non ? Après le succès massif et inattendu du film aux Etats-Unis, le studio a viré casaque et on a probablement eu droit en France à une campagne marketing sur le mode "le plus gros succès commercial...", mais la campagne marketing initiale aux US était elle beaucoup plus modeste.
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Jeremy Fox »

jacques 2 a écrit :E.T pas un "blockbuster" ?

Pas au sens du coût de production initial, c'est vrai ...
Mais par contre, à l'époque de sa sortie, je me rappelle très bien du matraquage et de la vente du dernier Spielberg : le budget publicitaire n'était certes pas celui d'un cinéma d'auteur ou d'un film moyen ...

C'était déjà un "blockbuster" à l'évidence et en tout cas vendu comme tel ...
Ah non pas du tout ; on en parlait au contraire à sa sortie comme d'un Spielberg intimiste dont on n'était pas du tout certain qu'il soit un succès commercial. C'est après le bouche à oreille et les formidables entrées qu'on a commencé à en faire du matraquage ; un peu comme Les choristes ou les Cht'is en fait.
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par AtCloseRange »

Strum a écrit :
AtCloseRange a écrit :C'est pour ça que j'ai précisé "manipulateur".
Je l'ai déjà dit plusieurs fois ici, la phrase de Spileberg qui dit qu'il met la larme au bord des yeux et que Williams la fait tomber est la preuve qu'on ne pourra jamais être totalement copain, Spielberg et moi.
Elle définit une grande partie de son cinéma.

Sinon quand je parlais d'émotion, je parle de la même émotion qu'il m'est arrivé de ressentir devant un téléfilm édifiant sur M6 sur une histoire vraie et tragique. Un sujet "terrible", la bonne dose de violons et l'"Emotion" vient.
Autrement dit rien de plus simple que de créer ce genre d'émotion et personnellement, je trouve ce poussage de bouton assez déplaisant et m'empêche d'adhérer complètement à ET.

Pour reprendre la phrase que j'ai souligné, le fait que le procédé est flagrant et lourd n'empêche pas qu'il puisse fonctionner de façon assez mécanique.
Il y a une faille logique dans cette accusation de manipulation lancée au chef d'un cinéaste. En voyant un film, on accepte de voir la vision du monde d'un cinéaste. Cette vision est produite par une série d'images agencées de manière discrétionnaire par le cinéaste selon son goût et son objectif, qui est l'adhésion du spectateur à sa vision, en l'amenant dans un état émotionnel et un endroit mental précis. Cette vision, on y adhère ou pas. Si l'on y adhère, on trouvera toutes sortes de choses agréables à dire sur le cinéaste, et vice-versa. Mais aucun monde cinématographique ne reflète la réalité, et chacun provient du cerveau du cinéaste. Par rapport à la réalité, chaque film est illusion et mensonge. A cette aune, on pourrait à la rigueur dire que chaque cinéaste manipule la réalité pour produire du cinéma. Mais cela vaudrait alors pour tous les cinéastes, sans exception. On ne peut pas dire qu'aucun cinéaste ne manipule la réalité. Après vient la question des moyens d'adhésion au monde du cinéaste. Certains cinéastes utilisent des moyens plus facilement identifiables et agressifs que d'autres. D'autres sont plus subtiles, plus furtifs. Mais chacun ment. Chacun ajuste les moyens en fonction d'un objectif, chacun veut emmener un spectateur quelque part, en lui donnant ou non l'illusion d'un libre-arbitre. Dire qu'un cinéaste est manipulateur c'est une formule mal fondée d'un point de vue logique et un peu arbitraire pour dire qu'on n'aime pas le style d'un cinéaste, qu'on est rétif à ses moyens, voire à ses objectifs. En revanche, il est certains qu'il y a des cinéastes dont les moyens sont plus lourds que d'autres.

Revenons-en à ET. ET un modèle commercial ? Malgré son énorme succès commercial, ET n'était pas et n'est pas un blockbuster au sens où l'on entend ce terme aujourd'hui. Budget relativement réduit, histoire de familiale relativement modeste et personnelle, ET n'a pas été fait avec l'idée d'en faire une machine de guerre commerciale. Le film fut même montré à Cannes car le distributeur n'était pas très sur de savoir comment le commercialiser. Le succès massif du film n'était nullement programmé ou dans ses gènes.

Appliquons la question des moyens à E.T. Le moyen principal d'ET, ce n'est pas un moyen peu recommendable ou traitre, c'est la mise en scène, cette raison d'être du cinéma. C'est par la mise en scène, par les images, que tout passe. Voilà qui le distingue de ce que tu appelles les "films commerciaux des années 80" - si j'en devine bien le sens. Comment Spielberg montre-t-il à quel point Elliot est perdu après le divorce des parents, à quel point il a peur du monde ? En ne montrant jamais le visage des adultes. J'ai cité plus haut, toute la série de plans qui le montre. Qu'est-ce qui signifie les niveaux de réalité dans le film ? La lumière. Le film est nimbé dans des halos de lumière, qui symboles de révélation ou non, figurent des échappatoires à la réalité, ou des désirs d'une autre réalité peut-être. Comment le cinéaste montre-t-il le lien symbiotique entre ET et EllioT ? Pas par les dialogues, mais par les deux scènes montées parallèlement où Elliot hoquette parce qu'ET vient de boire une bière, laisse échapper la grenouille parce qu'ET a des envies de liberté, embrasse une fille comme Wayne embrasse Maureen O'Hara dans L'Homme Tranquille qu'ET regarde à la télé. Bref, la mise en scène nous parle. La musique de Williams est "envahissante" ? Elle est là en permanence, c'est vrai, comme une deuxième voix doublant celle de la mise en scène. Mais cette musique est si belle, si juste, elle semble si bien traduire les sentiments d'Elliot qu'elle semble être le chant du coeur de l'enfant. Elle n'envahit pas, elle étend joyeusement la surface de ce coeur. Il y a cette fois lien symbiotique entre la musique et l'image. Je comprends que Spielberg tombé amoureux de cette musique ("John Williams is ET" a-t-il dit à la sortie du film) ait voulu à ce point l'utiliser. La musique pose problème quand il n'y a pas de symbiose entre elle et l'image, ce n'est pas le cas ici. C'est un film où l'on pleure. Est-ce un mal ? Pleurer au cinéma, ce peut être aussi une forme d'exutoire, de libération. Que fait Spielberg à la fin du film ? Il montre Elliot qui pleure car ET le quitte. Que fait Spielberg lui-même au moment où il s'identifie à Elliot ? Il pleure ou plutôt il souhaite pleurer avec Elliot, car Elliot lui rappelle sa propre enfance d'enfance divorcé. Et cette musique de Williams le faisait pleurer, alors il la mixe plein pot. Car si ET n'est pas un film mièvre, ET est un film sentimental et sincère. Ce n'est pas avec ET qu'on va penser ou refaire le monde, mais des films comme cela, ah, il en faut aussi.

Après, vient il est vrai à la fin du film, l'inévitable poursuite victorieuse pour échapper aux méchants ; c'est pour moi la partie la moins intéressante du film. Un élément repris par des tas de "films commerciaux des années 80" ? Certainement. Mais un élément surtout propre à toutes les histoires en forme de conte depuis la nuit des temps : à la fin, l'enfant échappe à l'ogre.
Tout est dit en gras (et c'est exactement de ça dont je voulais parler et de rien d'autre).
Il n'y donc pas de faille logique contrairement à ce que tu avances.
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Watkinssien
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Watkinssien »

Inutile de penser que tu veuilles me croire si je dis que Spielberg peut être aussi subtil dans son cinéma...
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Strum
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par Strum »

AtCloseRange a écrit :Tout est dit en gras (et c'est exactement de ça dont je voulais parler et de rien d'autre).
Il n'y donc pas de faille logique contrairement à ce que tu avances.
J'avais bien compris de quoi tu voulais parler. Le débat sur les moyens, qui touche à la mise en scène, est bien sûr un débat légitime. J'essayais simplement de dire que le mot "manipulation", un peu parano et défensif, et qui est malheureusement employé aujourd'hui à tort et à travers, ne convient pas à ce débat, le résume mal. Il faudrait trouver un autre terme ou faire une périphrase. D'ailleurs, ce que tu as mis en gras n'implique pas du tout l'idée d'une "manipulation" (terme trop subjectif et accusatoire - à cette aune, certains pourraient même a contrario faire valoir que le cinéaste le plus manipulateur est celui qui utilise des moyens furtifs et pas celui qui utilise des moyens identifiables et bruyants ; bref, on ne s'en sortirait pas). Je n'aime pas ce terme manipulation, un cliché de la critique pour moi.
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par cinephage »

Faire la blague est une constante au cinéma, où l'on est vraiment souvent obligé de tourner un plan d'une autre séquence dans un endroit différent (impliquant la construction d'une "feuille", un fond de déco qui fasse croire qu'on est au même endroit que le reste de la séquence dans laquel ce plan doit s'intégrer), de ruser pour un accessoire (verre qui casse plus facilement, chocolat qui ne fond pas sous les HMI, j'en passe et des meilleures).

"Est-ce que ça marche ?" (comprendre, est-ce que l'artifice est bien caché, est-ce que l'image parait naturelle) est une question qui se pose très souvent. Après, savoir s'il s'agit de manipulation...
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par AtCloseRange »

Strum a écrit :
AtCloseRange a écrit :Tout est dit en gras (et c'est exactement de ça dont je voulais parler et de rien d'autre).
Il n'y donc pas de faille logique contrairement à ce que tu avances.
J'avais bien compris de quoi tu voulais parler. Le débat sur les moyens, qui touche à la mise en scène, est bien sûr un débat légitime. J'essayais simplement de dire que le mot "manipulation", un peu parano et défensif, et qui est malheureusement employé aujourd'hui à tort et à travers, ne convient pas à ce débat, le résume mal. Il faudrait trouver un autre terme ou faire une périphrase. D'ailleurs, ce que tu as mis en gras n'implique pas du tout l'idée d'une "manipulation" (terme trop subjectif et accusatoire - à cette aune, certains pourraient même a contrario faire valoir que le cinéaste le plus manipulateur est celui qui utilise des moyens furtifs et pas celui qui utilise des moyens identifiables et bruyants ; bref, on ne s'en sortirait pas). Je n'aime pas ce terme manipulation, un cliché de la critique pour moi.
Sauf que la phrase de Spielberg sur Williams, je ne l'ai pas inventée (artistiquement, elle me choque) et elle n'a fait que confirmer après coup ce que je pensais notamment d'ET.
Plutôt que "manipulateur", on peut dire "gros sabots" voire "chantage à l'émotion".
Je suis désolé, il y a un peu de ça mais là, effectivement, on entre dans un large débat qui opposerait schématiquement l'émotion en sourdine et sur le mode mineur et une émotion plus "présente" (je ne trouve pas le bon mot).
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Re: The Thing (John Carpenter - 1982)

Message par »

AtCloseRange a écrit :
Wagner a écrit : Alors là, il faut directement montrer le film à Bettelheim! :mrgreen:
Tiens, d'ailleurs, ce ne serait pas Harrison Ford, l'homme au porte-clés?
Je crois me rappeler avoir lu ça un jour.
L'homme aux clés, c'est Peter Coyote, me semble-t-il.
jacques 2
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Re: E.T. l'extraterrestre (Steven Spielberg - 1982)

Message par jacques 2 »

AtCloseRange a écrit :Plutôt que "manipulateur", on peut dire "gros sabots" voire "chantage à l'émotion".
Exactement mon ressenti : c'est pourquoi j'avais déjà parlé dans un message précédent de "gros sabots" ...

Ou encore on le voit arriver avec ses bottes de sept lieues pour nous tirer des larmes ...

Dans "Elephant man", pour prendre un autre métrage , je n'ai pas ressenti ce tiraillement par la manche et j'ai marché à fond : j'avais même eu les larmes aux yeux ... :wink:
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