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Bertrand Tavernier (1941-2021)
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
C'est aussi Rose qui raconte à la fiancée de Bouvier l'exécution de ce dernier, et l'horreur qu'elle a suscitée en elle. C'est pour ça que je ne crois pas que la fin soit factice, ou ratée en regard de la tonalité du film. C'est la victoire, au sens de la reprise en main de leur destin (et de leur position dans le sens de l'histoire comme tu le dis) des victimes respectives des deux protagonistes. L'ouvrière retirée de l'usine pour satisfaire les désirs sexuels du juge et son aspiration avortée à une vie familiale -en quoi il est bien un double de l'assassin dans ses frustrations-, délaissée et finalement violée, rejoint ses compagnes et chante les lilas et le retour du printemps politique. Les enfants massacrés par un malade, mais aussi par toute une société qui les envoyait mourir dans les ateliers ou les hospices, et dont l'asassin est le fruit, se regroupent et brandissent le drapeau rouge.Watkinssien a écrit : ↑5 avr. 21, 12:20 Il ne faut pas oublier que le chant vient du personnage de Rose, femme aimée et parfois soumise de manière très ambigüe par le juge Rousseau.
On peut trouver que c'est appuyé, ou que c'est trop téléologique, mais je ne crois pas que ce soit postiche par rapport à l'ensemble.
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
Trop appuyé, je ne le pense pas non plus. Il s'agit là des réactions logiques d'une classe sociale oppressée, exploitée, méprisée, piétinée.
Pour rebondir sur vos remarques ci-dessus, on peut même se demander si l'acharnement du juge à faire condamner Bouvier n'est pas motivé par la nécessité de détruire une image monstrueuse de lui-même qui lui est intolérable (cf la honte qu'il éprouve après avoir violé Rose). Depuis le début de la traque, son flair pour retrouver et confondre Bouvier est de l'ordre du viscéral comme s'il le comprenait intimement. La théorie du double semble alors cohérente. Bouvier/Rousseau : les deux faces d'une même pièce.
Il me semble que Tavernier regrettait d'avoir figé la dernière image et qu'il avait pas mal hésité sur la manière de terminer le film.
Et pour moi aussi, le juge et l'assassin un grand Tavernier... un grand film tout court.
Pour rebondir sur vos remarques ci-dessus, on peut même se demander si l'acharnement du juge à faire condamner Bouvier n'est pas motivé par la nécessité de détruire une image monstrueuse de lui-même qui lui est intolérable (cf la honte qu'il éprouve après avoir violé Rose). Depuis le début de la traque, son flair pour retrouver et confondre Bouvier est de l'ordre du viscéral comme s'il le comprenait intimement. La théorie du double semble alors cohérente. Bouvier/Rousseau : les deux faces d'une même pièce.
Il me semble que Tavernier regrettait d'avoir figé la dernière image et qu'il avait pas mal hésité sur la manière de terminer le film.
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
Il était assez critique sur cette fin également, dans la fameuse interview avec Noiret, dans les Bonus du DVD, notamment sur le carton final il me semble, avec cette mise en parallèle maladroite, je trouve, entre les enfants morts à la mine et l'exécution de Bouvier. On peut aimer le film, et encore une fois c'est mon cas, tout en trouvant cette conclusion facile et démago.
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
Justement non, j’ai revu il y a peu ce bonus, et Tavernier regrette la mise en scène de la dernière scène (la grève dans l’usine) la trouvant plutôt pauvre cinématographiquement. Mais il ne regrette pas du tout le carton final. Pour moi ce carton met en avant le fait que pendant que le juge s’acharne pour la justice criminelle, il n’y a pas de justice sociale. (alors que le nombre des victimes est d’un tout autre ordre de grandeur)
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
Je serais d'accord avec cette interprétation : les deux personnages sont construits à la fois sur leur opposition et sur leur ressemblance, de l'ouverture avec les deux discours (celui du juge sur fond noir et celui du futur assassin écrivant dans la neige) jusqu'à la double fin catastrophique.Frances a écrit : ↑5 avr. 21, 13:57 on peut même se demander si l'acharnement du juge à faire condamner Bouvier n'est pas motivé par la nécessité de détruire une image monstrueuse de lui-même qui lui est intolérable (cf la honte qu'il éprouve après avoir violé Rose). Depuis le début de la traque, son flair pour retrouver et confondre Bouvier est de l'ordre du viscéral comme s'il le comprenait intimement.
Je ne connais pas l'interview de Tavernier mais je comprends qu'il ait été sévère à posteriori, sur le plan strictement cinématographique, pour ce qui est des dernières images, plus plates que le reste du film. Le carton final me paraît totalement en phase politiquement avec le propos d'ensemble du film, qu'on apprécie ou non ce dernier.
Ce que j'ai trouvé légèrement faible peut-être, et c'est dommage, c'est l'arc narratif du procureur homosexuel joué par Brialy. Il apporte de la nuance, avec une figure certes veule et opportuniste, mais pas monstrueuse, et il est, avec Rose mais d'une tout autre façon, le seul personnage à exprimer un avis complexe sur un système dont il est à la fois bénéficiaire et victime. Mais c'est une figure de second plan, un peu fade ou sous-employée, qui marque moins que la mère du juge, ou même presque que le psychiatre et le chanteur de rue brièvement incarnés avec verve par Yves Robert et Jean-Roger Caussimon.
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
Ah je le trouve formidable, le personnage de Brialy. A l'image de Rose, c'est un personnage coincé entre deux instances, deux visions, deux mondes. Il est verbalement parfois d'une grande immoralité et dans son comportement totalement lucide. Le destin du personnage incarne donc cette dualité dramatique qui amène à à l'inévitable car la culpabilité devient trop forte, contagieuse et avant cela à une impasse éthique. Brialy est d'ailleurs formidable, il fait tout passer au spectateur grâce à la subtilité de son jeu, à sa manière de mêler charme et condescendance, ironie et une terrible lassitude dépressive.
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
Je pense que ma frustration vient davantage du manque de mise en valeur du personnage que de celui-ci en tant que tel. Brialy est excellent et son texte est bien écrit, j'en suis d'accord, mais il me manque quelque chose. On ne sait rien de lui (pourquoi vit-il avec un homme dont il a fait exécuter le frère, jusqu'où va son allégeance à Maurras et sa lucidité envers sa propre position nationaliste et antisémite, vise-t-il vraiment à retourner au Tonkin, pourquoi se suicide-t-il, etc.). Il sert essentiellement de contrepartie au juge, c'est un rôle un peu sacrifié. Mais bon, ce sont des vétilles.
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
Nan nan : c'est bien la femme de Michel Aumont.Supfiction a écrit : ↑5 avr. 21, 10:43Non, la femme de Michel Aumont. Mais en fait je crois que c’est Sabine Azema qui fait le coup du verre d’eau, c’est plus son genre égoïste et égocentrique.
Mais Sabine se prend également un verre à un autre moment.
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
Oui. Et sa façon de faire est particulièrement hypocrite (« Laissez, je vais me servir! », un peu comme la petite-fille de Eastwood dans Gran Torino qui lui demande s’il veut de l’aide pour ranger en escomptant qu’il lui réponde non).
Le topic du film existe : https://www.dvdclassik.com/forum/viewtopic.php?t=39521
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
Je viens de commencer la version TV de Voyage à travers le cinéma français sur le replay F2.
Alors faites gaffe, apparemment à F2 on ne lit pas de gauche à droite mais dans le sens contraire. Je dis ça car sur la plateforme, le dernier épisode est le premier qui apparait dans la bande à gauche et le premier est à l'extrémité droite (il n'y a pas de numéro d'écrit). Du coup j'ai évidemment commencé par le dernier...J'ai trouvé ça bizarre qu'il commence sa série par les années 60, mais bon, après tout, c'était peut être pour casser une chronologie trop attendue. J'ai su qu'il y avait un vrai problème quand à la fin de l'épisode il conclue toute la série sur toutes les décennies passées jusqu'à 1970.... Bon, c'est pas très grave, on apprécie tout autant, mais c'est quand même un peu chelou de la proposer dans ce sens.
Alors faites gaffe, apparemment à F2 on ne lit pas de gauche à droite mais dans le sens contraire. Je dis ça car sur la plateforme, le dernier épisode est le premier qui apparait dans la bande à gauche et le premier est à l'extrémité droite (il n'y a pas de numéro d'écrit). Du coup j'ai évidemment commencé par le dernier...J'ai trouvé ça bizarre qu'il commence sa série par les années 60, mais bon, après tout, c'était peut être pour casser une chronologie trop attendue. J'ai su qu'il y avait un vrai problème quand à la fin de l'épisode il conclue toute la série sur toutes les décennies passées jusqu'à 1970.... Bon, c'est pas très grave, on apprécie tout autant, mais c'est quand même un peu chelou de la proposer dans ce sens.
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
Tu as regardé la série sur quelle plateforme ? Je viens de voir sur le site de france.tv et l'ordre semble être le bon.
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
Je passe par Mycanal, et c'est absolument parfait (et passionnant à suivre, cela va sans dire).
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Re: Bertrand Tavernier (1941-2021)
Sur la plateforme France TV.
Chez moi c'est dans cet ordre (celui avec "Le genou de Claire" est le plus à gauche et c'est le dernier épisode)
Chez moi c'est dans cet ordre (celui avec "Le genou de Claire" est le plus à gauche et c'est le dernier épisode)