Rick Blaine a écrit :Pour ma part je suis incapable de dissocier le jugement des qualités cinématographiques un film de mon appréciation individuelle (je sais que Jeremy est un peu dans le même cas que moi).
Partant de là, la question de l'analyse filmique a peu de sens et on se demande ce que vous faites dans la rédaction d'un site dont c'est le fonds de commerce
Je ne dis pas qu'il faut les dissocier (il ne faut d'ailleurs pas, probablement), mais il y a des choses qui sont de l'ordre de la technique (en particulier du montage) qu'il est possible de juger objectivement - quitte à ce qu'on leur fasse dire ce qu'on veut ensuite.
Un faux-raccord, c'est un faux-raccord. Il y a une foule de films que j'adore qui en contiennent des flagrants (tiens, Chantons sous la pluie, par exemple), ça ne m'empêche pas d'adorer les films, mais ils sont là.
La question de la "cohérence" du point de vue, c'en est pour moi une autre : une mise en scène, c'est un regard (qu'on a envie de suivre, auquel on adhère... c'est une autre question). Mais lorsqu'un film qui tient un regard en change (aussi brutalement), ça crée factuellement un déséquilibre. On l'aime ou on l'aime pas, mais il est là. Dark Passage délaisse son regard subjectif à mi-film, il y a déséquilibre (je redis, on peut trouver ça génial). Polisse tient une approche documentaire, puis lors de sa dernière scène se permet une sur-dramatisation, à travers un montage alterné, qui rompt avec le reste du film, il y a déséquilibre. Après, en plus, on peut trouver qu'il soulève des questions morales, comme l'explique Demi-Lune, mais c'est encore autre chose.
Moi, c'est quelque chose auquel je suis très sensible, et qui a tendance à me faire sortir d'un film. Exemple récent : Nymphomaniac de Lars Von Trier. Tout le film est narré, en flashback, par le personnage principal. Chaque séquence adopte donc le point de vue de ce personnage, et toutes sont donc vues à travers le prisme de sa subjectivité. C'est ce qu'on pourrait appeler le dispositif narratif du film. Or, dans l'épisode 2, et à des fins de dramatisation, Lars von Trier s'accorde une exception à ce procédé en offrant (là aussi) un montage alterné entre ce que vit le personnage principal et, à un autre endroit, ce que vit son fils. A cet instant, le film contredit son dispositif narratif. Je n'y place pas d'affect, c'est factuel. Ensuite, une fois cet état des choses constaté, on peut réagir différemment (moi, ça m'a scandalisé, je comprendrais qu'on s'en foute). Mais pour pouvoir faire de l'analyse filmique, on peut déjà commencer par admettre que c'est là (un dernière fois, que ça nous plaise ou pas émotionnellement parlant).