The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Boubakar
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The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par Boubakar »

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Un homme doit partir de son domicile, car il a un rendez-vous professionnel important, mais cela frustre sa fille qui espérait le voir à son concert de violoniste. Ce trajet ne sera pas sans embuches...
Inédit en France, invisible ou presque à part une cassette vidéo anglaise, le négatif original a disparu... il a fallu un miracle, à savoir une copie de sauvegarde dans le but d'une diffusion à télévision, pour que The appointment fasse à nouveau surface 40 ans après sa sortie. C'est le seul film réalisé par Lindsey C. Vickers, ancien assistant à la Hammer, et qui part sur un concept très rarement montré au cinéma, à savoir le complexe d'Électre.

Après une introduction vraiment hallucinante, qui file une frousse pas possible avec trois fois rien, une fille qui se promène dans une forêt, le film parle au départ d'un conflit entre une (autre) fille, en opposition avec sa mère pour se rapprocher de son père, lequel est surpris par ce comportement presque grossier de sa part, car elle tient tête à ses parents.
Après, il s'agit essentiellement du trajet que va faire cet homme en voiture pour son travail, d'où le titre du film, mais sa grande force est qu'il n'explique rien. Les problèmes qu'il va vivre sont-ils la vengeance de sa fille, de phénomènes paranormaux, de signes du destin (la présence de rottweillers) ou la faute à pas de chance ? En tout cas, le résultat à l'écran est vraiment impressionnant, où on craint à chaque instant pour sa vie, vu les indices disséminés lors du trajet, notamment un rêve prémonitoire.

Le film est fabriqué avec trois bouts de ficelle, mais il file une drôle d'angoisse, avec cette lumière à la limite du sinistre, l'excellente musique de Trevor Jones qui nous plonge dans cette étrange atmosphère, et qui ne donne pas envie d'emprunter des routes de montagnes...
Quarante ans après, et le travail de la BFI qui a permis de sauver le film, il est temps de découvrir cette œuvre très étonnante, fantastique dans tous les sens du mot, et d'une très grande noirceur, loin des précédents travaux à la Hammer de Lindsey C.Vickers.
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Flol
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par Flol »

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Profondo Rosso
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par Profondo Rosso »

The Appointment est un véritable du cinéma fantastique et anglais, du fait de sa rareté et celle de son réalisateur qui fit très peu parler de lui avant et plus du tout après. Après des débuts à la télévision au sein de la BBC, Lindsey C. Vickers officie en tant qu’assistant-réalisateur sur plusieurs productions Hammer des années 70 et auprès de John Frankenheimer sur Grand Prix (1960) notamment. Les seuls éléments préfigurant The Appointment sont à chercher dans son court-métrage The Lake (1978, et présent sur le BR de la BFI), brillant exercice de frayeur où la nature menaçante, terreur indicible et mystère opaque font déjà forte impression.

The Appointment s’ouvre sur une séquence absolument sidérante. Un très rationnel et neutre rapport de police nous est lu en voix-off tandis qu’à l’inverse l’irrationnel se déploie à l’écran pour nous donner une « explication » du fait divers irrésolu de la disparition d’une fillette dans une bourgade provinciale. Un chemin de traverse dans la verdure de la campagne anglaise, une adolescente intriguée/intimidée par une peur sourde, un mal flottant puis c’est la manifestation brutale et inattendue du surnaturel. Une ellipse nous amène trois ans plus tard dans ces mêmes lieux où nous allons suivre le différent familial opposant le père de famille Ian (Edward Woodward) à sa fille de quatorze ans Joanne (Samantha Weysom). Cette dernière s’émeut de l’absence de son père, pris par un rendez-vous professionnel (le fameux « appointment), qui ne pourra pas assister à son récital de violon le lendemain. Au fond rien de très grave si ce n’est que quelques instants auparavant on voit Ian appréhender longuement la réaction de sa fille, une crainte confirmée par le drame qu’en fera Joanne. Au fil des échanges avec son épouse Dianna (Jane Merow), on comprend à quel point les parents très attentifs à la sensibilité à fleur de peau de leur fille cherche régulièrement à la ménager de la moindre contrariété. Une tension étrange naît au sein du paisible foyer par le désarroi profondément infantile mais également assez trouble de Joanne face à cette absence. L’ombre du complexe d’Electre plane sur cette relation père/fille, d’autant que l’on devine le profond agacement de la mère à ce sujet. Un évènement somme tout anodin prend ainsi une proportion inattendue et instaure une atmosphère pesante au sein du foyer.

C’est dans ce contexte que le surnaturel va s’installer. Des évènements étranges instaurent une forme de fatalité prémonitoire dont on ne sait s’il elle vient d’une force maléfique supérieure où naît des contrariétés observées du foyer. Toujours est-il que Vickers instaure une atmosphère glaçante et onirique nous prévenant du pire pour la famille, dans un mélange d’onirisme indicible ou d’expression d’une psyché malade. On pense beaucoup aux atmosphères futures mais dans un cadre contemporain plus concret de La Compagnie des loups de Neil Jordan (1984) où un sentiment interdit, une frustration, vont s’amorcer dans le sommeil et l’inconscient pour plier l’environnement et la destinée. Le montage, le filmage flottant.

Après cette fatalité entrevue dans les effluves du rêve, Vickers crée un suspense assez insoutenable en laissant se révéler tous les signes de sa concrétisation durant le trajet de Ian. Tous les éléments restés mystérieux prennent progressivement un tour tangible et glace le spectateur dans une attente stressante ou la bande-son inquiétante de Trevor Jones, les inserts entêtants et hypnotiques au montage. Et lorsque l’inéluctable finit par surgir, Vickers entrecroise cette approche flottante avec un réalisme saisissant pour dilater un incident routier qui vaut bien tous les spots de préventions. C’est cette touche paganistes anglo-saxonne et ce réalisme brut qui rend le film si inclassable et son issue truffée de symboles (les chiens) si marquante. C’est au spectateur de faire le lien pour une explication pas si opaque en définitive (il suffit de faire le lien entre la première victime, possible « rivale » et Joanne) mais terrifiante sur le côté destructeur d’un amour exclusif et déçu. 5/6
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Dale Cooper
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par Dale Cooper »

Je me joins aux commentaires précédents.
Joli coup de poing que ce film fantastique qui mélange l'onirisme et le drame dans une atmosphère très angoissante.

Merci pour la découverte.
Flol a écrit : 3 août 22, 15:26
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Bien sûr. Pareil.
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Flol
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par Flol »

Quel film incroyable.
Elles sont rares, les œuvres qui parviennent à maintenir un niveau de malaise constant de sa première à sa dernière minute.
Eh bien The Appointment est de cette trempe-là. Car j'ai rarement vu un film décrivant aussi bien cette impression de cauchemar éveillé, de ceux qui continuent de hanter un coin de notre tête plusieurs heures après.

Tout commence par une séquence d'intro qui pose direct l'ambiance, entre onirisme et terreur pure, dont la conclusion (assez choquante, faut le reconnaître) vient nous confirmer qu'on est bien parti pour une expérience étrange.
Avant de continuer sur le même mode d'angoisse atmosphérique, parfaitement soutenu par un score glaçant de Trevor Jones, et ce du début à la fin ! Avec comme nœud central cette séquence nocturne hallucinante, où le moindre mouvement de caméra, le moindre événement, aussi anodin soit-il (des pétales de fleurs qui tombent toute seule, des chiens qui apparaissent au coin d'une rue), suinte l'angoisse de tous ses pores.
Le dernier tiers, alors qu'il pourrait être prévisible, revêt lui aussi ce sentiment d'inquiétante étrangeté, y compris lors de l'accident de voiture - le genre de séquences que l'on a tous vu des centaines de fois...mais des comme ça, j'avoue en avoir rarement vu.

Non vraiment, un film incroyable. Tant pis si la copie est un peu dégueu, ce n'est en aucun cas un frein pour apprécier pleinement la claque qu'est The Appointment.

PS : et ce sera mon film du mois, évidemment.
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par AtCloseRange »

Ah oui quand même :shock:
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par Flol »

C'est tout de même dommage de découvrir cette scène incroyable hors contexte.

Ça y est, j'ai envie de le revoir. :o
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AtCloseRange
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par AtCloseRange »

Flol a écrit : 25 oct. 22, 16:12 C'est tout de même dommage de découvrir cette scène incroyable hors contexte.
Mais ça donne franchement envie.
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Demi-Lune
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par Demi-Lune »

Découvert il y a quelques jours et je souscris aux commentaires élogieux, c'est à (re)découvrir d'urgence. Un pitch simplissime transcendé par un climat anxiogène obtenu grâce à un travail de choix sur la texture, le rythme et le son (une atmosphère british de rêve/cauchemar digne de La compagnie des loups - big up au coup de la photo sur le meuble qui prend vie dans le noir), et surtout, grâce aux interstices laissés par les non-dits de la relation père/fille, qui provoquent un sentiment de malaise tenace. Dès l'ouverture, la mise en images de Vickers parvient à instiller quelque chose de l'ordre de la menace viscérale et le réalisateur tient cette note pendant 1h30 non seulement sans trébucher, mais en réservant aussi une séquence finale qui dépasse toutes les attentes alors même que le film n'a eu de cesse de nous y préparer. Très fort. A rebours, il y a un sentiment de fatalité, de mélancolie presque, qui explose au visage et qui pousse immédiatement à une révision délestée de l'angle strictement effroi/fantastique. C'est typiquement le genre de bizarrerie cinématographique obsédante que je cherche inlassablement à débusquer, merci à Classik pour la mise en avant. J'espère que Thoret et sa collection MMD se penchera dessus un de ces quatre. Ou Intersections.
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Flol
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par Flol »

Demi-Lune a écrit : 25 oct. 22, 17:23 Ou Intersections.
:idea:

J'en parle immédiatement au malandrin qui "gère" cette "entité".
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par zemat »

My two cents rapidement : très belle ambiance, mais le rythme est très lancinant et il faut apprécier le fait que l’intrigue est plus suggérée qu’autre chose.
Dommage que les excellentes 5/10 premières minutes n’aient pas grand-chose à voir avec la suite du film…
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primus
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par primus »

Pas du tout aimé ce film. Vu il y a quelques semaines j'ai découvert un truc fauché, mal joué et surtout qui étire tous ses effets à l'extrême. Des plans et ralentis interminables et pas un seul moment d'angoisse, de peur ou d'un début de frémissement. L'intro est effectivement trompeuse. On assiste ensuite à un mauvais huit clos, involontairement comique par moment.
Une fois de plus l'emballement dithyrambique mène souvent à une grosse déception.
Et même si certains me diront que ça n'a rien à voir, n'étant pas du tout client du giallo et autres cinémas bis z et compagnie je n'ai pas accroché non plus à ce genre d'esbroufe visuelle et narrative.
Je m'y suis copieusement ennuyé.
Une rareté? tu m'étonnes...
Demi-Lune a écrit : 14 oct. 21, 15:27Ah par contre je suis affirmatif, monfilm = primus.
Je suis également Julien, Soleilvert, Nicolas Brulebois, Riqueunee, Boris le hachoir, Francis Moury, Yap, Bob Harris, Sergius Karamzin ... et tous les "invités" pas assez bien pour vous 8)
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par Flol »

primus a écrit : 8 nov. 22, 14:07 Pas du tout aimé ce film. Vu il y a quelques semaines j'ai découvert un truc fauché, mal joué et surtout qui étire tous ses effets à l'extrême. Des plans et ralentis interminables et pas un seul moment d'angoisse, de peur ou d'un début de frémissement. L'intro est effectivement trompeuse. On assiste ensuite à un mauvais huit clos, involontairement comique par moment.
Une fois de plus l'emballement dithyrambique mène souvent à une grosse déception.
Et même si certains me diront que ça n'a rien à voir, n'étant pas du tout client du giallo et autres cinémas bis z et compagnie je n'ai pas accroché non plus à ce genre d'esbroufe visuelle et narrative.
Ça n'a rien à voir :idea:

Bon sinon tant pis, hein. Ça reste me concernant l'un de mes plus gros chocs cinés de cette année, et c'est bien là l'essentiel.
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El Dadal
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par El Dadal »

Pas l'ombre d'un giallo dans ce film, mais par contre, la figure tutélaire de Suspiria, ça oui. Pour caricaturer, un mix entre Mike Leigh et le film d'Argento, dans une variation des Choses de la vie. Soit la banalité du quotidien, mais aussi la banalité du mal, confrontés aux forces les plus obscures régissant l'ordre de cet univers. L'homme et sa conscience prisonniers d'un jeu dont les dés sont d'office pipés (mais sans le moralisme éreintant d'un Haneke). L'utilisation d'Edward Woodward renvoie bien évidemment au païen The Wicker Man, autre exploration britonne perverse et étouffante, qui ne laisse aucun répit au spectateur. En outre, cette force magnétique et démoniaque qui étreint le film dans sa globalité, déroulant son funeste programme dans une mise en scène millimétrée, trouve aussi des variations moins feutrées, plus brutales (la scène du garagiste en premier lieu), qui ajoutent un peu de surprise au déroulé, et jamais le film ne cède à la légèreté. Une vraie cocotte-minute.

J'ai souvent pensé à des œuvres qui lui furent postérieures, tels que l'inéluctable Mise à mort du cerf sacré, ainsi que le récent Men, reconduisant son cadre (ainsi que sa scène introductive) avec panache.

Et pour rester chez les Anglais, qui savent définitivement se délecter d'atmosphères délétères, j'ai aussi pensé à cette variation musicale signé Sylvian & Czukay, et dont le titre pourrait parfaitement coller au film de Lindsay Vickers : Plight & Premonition.
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Boubakar
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Re: The Appointment (Lindsey C. Vickers - 1981)

Message par Boubakar »

Le film sortira en salles cet automne grâce aux Films du Camélia :



J'espère le revoir sur grand écran :) !
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