Baz Luhrmann

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Supfiction
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Baz Luhrmann

Message par Supfiction »

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Un petit topic réalisateur (pour changer) ?
Des topics films existent (pas tous).

Elvis
viewtopic.php?f=3&t=39920
Gatsby
viewtopic.php?f=3&t=34705&p=2312395&hil ... n#p2312395
Australia:
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Roméo + Juliet
viewtopic.php?f=3&t=12911
Moulin Rouge !
viewtopic.php?p=58497#p58497
Spiderman 2
viewtopic.php?f=3&t=500

zemat a écrit : 28 juin 22, 09:31
tchi-tcha a écrit : 28 juin 22, 02:32
Me réconciler avec Luhrmann peut-être pas. Moulin Rouge ou Australia restent des trucs qui piquent les yeux, font éternuer et me collent la migraine. Le seul film du bonhomme que je retenterais éventuellement serait Roméo + Juliette (et encore, c'est bien grâce à Craig Armstrong, parce que je crains le pire malgré tout). Mais là, grand film oui, très très grand même.
"Moulin Rouge !" est l'un de mes deux films préférés (avec "Magnolia"). :fiou:
Mais je reconnais que ce n'est pas fait pour tout le monde.
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Supfiction
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Re: Baz Luhrmann

Message par Supfiction »

J’avais revu Roméo + Juliette il y deux ans je crois et le film avait toujours ses points forts (les très jolies scènes entre Léo et la gracieuse Claire Danes) et ses faiblesses (ça soule un peu au début). Il faut que je revois Moulin Rouge. Quant à Australia, c’est un film très inoffensif, voire anodin. On peut y trouver son compte pour le dépaysement.
Dernière modification par Supfiction le 28 juin 22, 13:05, modifié 1 fois.
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Profondo Rosso
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Re: Baz Luhrmann

Message par Profondo Rosso »

Réalisateur au style clivant mais que j'aime beaucoup, un peu de copié-collé d'avis passés

Ballroom Dancing (1992)

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Scott Hastings s'entraîne depuis des années dans le cours de danse animé par sa mère, ancienne danseuse exubérante, pour remporter un prestigieux concours de danse. Mais il rêve de dépasser les règles très strictes des concours de danse en exécutant ses propres pas, ce qui plaît peu à son entourage et surtout au jury des concours. Après s'être fait piquer sa partenaire par son principal rival, il ne rencontre pour la remplacer qu'une maladroite débutante peu gracieuse, Fran.

Premier film de Baz Luhrmann qui entamait là sa fameuse trilogie du "Rideau Rouge" mêlant romance et univers du spectacle. Les deux films suivants sont bien plus célèbres que ce Ballroom Dancing que ce soit sa relecture toute personnelle de Shakespeare dans Romeo + Juliette ou le mélodrame musical grandiose qu'est Moulin Rouge . Si on gagnera en exubérance, moyens et grandiloquence par la suite, Stricltly Ballroom est loin de constituer un brouillon des deux suivants (il est même meilleur que le trop touffu Roméo + Juliette) tant la quintessence des thématique de Luhrmann se retrouvent ici. Ca en est même étonnant de cohérence tant les autres films revisiteront des aspects de ce galop d'essai en y ajoutant à chaque fois une touche qui les rendront uniques à leurs tour. Ancien danseur lui même, Luhrmann nous plonge dans le milieu des concours de danse amateurs australiens où le surdoué Scott Hastings (Paul Mercurio) est malgré son immense talent victime de son originalité. Régulièrement bridé par les juges en compétition à cause des figures inédites qu'il improvise, il fini par être lâché par sa partenaire au grand dam de sa mère ancienne danseuse reportant sur lui ses rêves de grandeurs. La seule acceptant de concourir avec lui sera Fran, débutante maladroite aux origines latines. A une échelle plus modeste et humaine tout Roméo + Juliette et Moulin Rouge sont là : couple improbable opposé aux conventions (ici des ayatollah de la danse opposé au innovations qu'ils ne peuvent reproduire eux même), les apartés cartoonesque outranciers, la débauche de couleurs kitsch et même déjà l'art de la réinvention musicale de tube pop avec une relecture réussie du Time After Time de Cindy Lauper.

C'est surtout un profond hymne à l'art de la danse où l'épanouissement passe par l'affirmation de soi. Pour Fran (Tara Morice) il s'agira de sortir de sa chrysalide et prendre son courage à deux mains pour oser montrer qu'elle la godiche débutante (avec une allure "Ugly Betty" avant l'heure bien appuyée avec acné et grosses lunettes au début) peut briller aux yeux de tous et accompagner le plus doué des danseur. On n'est cependant pas devant un banal récit à la pygmalion car elle sera d'un vrai apport pour Scott en canalisant sa fougue, ses créations chorégraphiques s'adaptant désormais à un pas de deux plutôt qu'une vaine flamboyance individuelle, le plaisir laissant place à la quête de trophées. Pas besoin de mots pour comprendre tout cela, les numéros de danse sont là pour ça et il sont fabuleux. On retiendra particulièrement le numéro de Paso Doblo où Scott s'initie à la rigueur et la grâce de la danse espagnole auprès du père de Fran, splendide. Les différents moments d'apprentissages entre Fran et Scott sont plein de charme également par la grâce des mouvements de chacun s'accordant progressivement ensemble, les jeu de regards où ils ressentent avoir trouvé le partenaire idéal sur et en dehors de la piste sans l'exprimer forcément par les mots. Paul Mercurio et Tara Morice, danseurs accomplis forme un bien beau couple enflammant la piste et entre jeu caricatural et vrai émotion les parents joués par Barry Otto Pat Thomson apportent une belle profondeur dramatique au récit notamment la conclusion.

Un final qui renvoie d'ailleurs directement à celui de Moulin Rouge, tout les enjeux dramatiques se résolvant sur la scène dans un mémorable crescendo dramatique. Luhrmann s'abandonne alors totalement dans sa mise en scène et son imagerie, faisant tourbillonner sa caméra autour de son couple de danseur dont les costumes étincèlent soudain, le public ébahi battant la mesure alors que la musique s'évanouit. Une grande réussite judicieusement récompensée de la Caméra D'oor à Cannes en 1992. C'est clairement le film à voir pour ceux que la surcharge de Roméo + Juliette et Moulin Rouge indisposent ils pourraient être surpris et pour les fans de Luhrmann c'est déjà l'affirmation d'un sacré talent. 5/6

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AtCloseRange
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Re: Baz Luhrmann

Message par AtCloseRange »

Supfiction a écrit : 28 juin 22, 09:47 Spiderman 2
viewtopic.php?f=3&t=500
Il faut bien dire que c'est son meilleur film.
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Profondo Rosso
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Re: Baz Luhrmann

Message par Profondo Rosso »

Moulin Rouge (2001)

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Au XIXe siècle, Christian, un poète désargenté, tombe sous le charme de la meneuse de revue du Moulin Rouge, Satine. La plus célèbre courtisane de Paris hésite entre l'amour et la gloire que lui offre un riche aristocrate obsédé par sa beauté.

Avec son 3e film, Baz Luhrmann concluait en apothéose ce qu'il nomme sa trilogie du Rideau Rouge entamé avec Ballroom Dancing et poursuivie dans sa relecture de Roméo et Juliette. Moulin Rouge apporte une synthèse à ses deux films, narrative (la narration virevoltante et surtout le crescendo du final identique à celui de Ballroom Dancing) esthétique (le mélange de romanesque classique et d'esthétique MTV syncopée inventée dans Roméo et Juliette) et thématique avec cette fois l'histoire d'amour flamboyante se mêlant à l'ode au monde du spectacle. Moulin Rouge se démarque pourtant par une richesse et une profondeur insoupçonnée sous le clinquant. Le film détone avec le tout venant de la comédie musicale puisqu'il n'est ni une adaptation d'un standard de Broadway, ni une création complètement originale (hormis le superbe morceau Come what may) les chansons brassant un éventail très large allant des standards oubliés (et référentiels comme Complainte de la Butte écrit par Jean Renoir pour son French Cancan et ici repris par Rufus Rainwright) à l'hommage à d'autres comédies musicale comme La Mélodie du Bonheur et surtout une réinvention complète de 40 ans de musique pop à travers les réorchestration de tube connus de tous. Le collage pourrait sembler indigeste s'il n'y avait un vrai lien entre toutes ces sources.

Tout comme dans ses deux premiers films, Luhrmann veut dépeindre une grande histoire d'amour perturbée par l'oppression du monde extérieur ainsin que par les contrainte de celui du spectacle, enchanteur et prison dorée à la fois. De l'aveu de Luhrmann, le scénario mêle ainsi le mythe d'Orphée (avec Christian s'enfonçant et se perdant dans "les bas fonds" du monde du spectacle/enfer par amour pour Satine/Eurydice), l'opéra La Traviatta (et plus précisément le livre de Dumas fils La Dame au Camélia qu'il adaptait et où on retrouve une histoire entre un poète pauvre et une courtisane atteinte de phtisie) avec pour revenir au cinéma Les Chaussons Rouges de Michael Powell et Emeric Pressburger. On pourrait même qualifier Moulin Rouge de remake du film de Powell puisque l'histoire est la même : Un jeune auteur tombe amoureux d'une étoile du ballet/meneuse de revue pour laquelle il écrit un spectacle inspiré des contes d'Andersen/Bollywood mais la jalousie de l'entrepreneur/Directeur de ballet les guettent bientôt. Luhrmann déplace juste le thème du choix impossible entre monde du spectacle et vie personnelle de Powell à un ode à la vie de bohème permettant de fusionner les deux. Le choix des chansons reprises revenant de manière récurrente tout au long du film en devient plus évident comme Children of Révolution de T-Rex, dont une première après une absorption d'absinthe mémorable. Marius De Vries (producteurs des premiers album de Madonna) et le compositeur Craig Armstrong ont d'ailleurs fourni un travail de réinvention impressionnant.

Après une ouverture mélancolique, le début du film est assez éreintant et presque pénible avec son déferlement d'information, un montage survolté correspondant au repères perturbés de Christian rencontrant les joyeux drilles de Toulouse Lautrec (excellent John Leguizamo) et pénétrant pour la première fois au Moulin Rouge. Le tout se fige avec la première apparition de Nicole Kidman, filmée comme les plus grande stars hollywoodien de l'âge d'or vantant les vertus matérialistes du Sparkling Diamonds (de Marylin Monroe dans Les hommes préfères les Blondes) et Material Girl de Madonna. Le ton oscillera ainsi entre excès, comédie et grosse farce jusqu'au basculement lors de l'entrevue entre Christian et Satine suite à un quiproquos. La séduction agressive et de façade de Kidman est totalement balayée lorsque McGregor entonne le Your Song de Elton John. Un très grand moment, le regard de Nicole Kidman qui change soudainement, troublé la notion d'espace et de temps qui s'efface avec le décor changeant au fil du coup de foudre naissant (et où Luhrmann applique comme dans d'autres instants du film les motifs de la mythique séquence de ballet de 20 minutes des Chaussons Rouges). D'autres grands moments suivront tel cette reprise tango incandescente du Roxanne de Police, Like a Virgin de Madonna sous un jour inattendu et où les chansons ne fonctionnent jamais comme un interlude mais comme une vraie avancée narrative. Difficile parfois de revenir aux originaux tant le lien se fait dans l'esprit avec la trame du film, tel The Show Must Go On sacrificiel chanté par Satine et Ziedler. Luhrmann n'oublie en effet jamais sa dimension d'artiste, Christian constituant son double à qui il confronte des situations qu'il a lui même rencontré tel le financier envahissant, I don't like this end.

Nicole Kidman trouvait là un de ses très grands rôles : séductrice, gouailleuse, fragile, une des plus belle héroïnes des années 2000 à l'allure princière et changeant de tenue à chaque séquence. Le couple formé avec McGregor est magnifique, ce dernier montrant des aptitudes insoupçonnées (son rôle le plus fameux jusque là était le junkie de Trainspotting) en grand héros romantiques. Tout deux ayant pris des cours de chant sont très convaincant, et le reste du casting est excellent notamment Jim Broadbent tout en excès dans la peau de Ziedler. Le final est déchirant, l'amour triomphe mais est perdu aussitôt (grand moment où Satine à bout de force entonne une ultime fois Come what may pour retenir Christian) pour ne plus laisser que les souvenirs, une histoire, un lieux dont les évènement reste à rapporter. L'art du montage alterné usité tout au long du film trouve là son aboutissement dans cette conclusion tragique et apaisé. Malgré la souffrance, la mort et la perte, la vie bohème est sauve (et son motif Freedom,Beauty, Truth and Love). The Show Must Go On... 5/6
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Profondo Rosso
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Re: Baz Luhrmann

Message par Profondo Rosso »

Australia (2008)

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En 1939, une aristocrate britannique, dont le mari vient de mourir, hérite de son ranch en Australie. Elle demande de l'aide à un drover (« cow-boy » australien) et à ses employés aborigènes pour résister à l'impitoyable concurrence dans le commerce du bétail. Ils devront traverser les contrées inhospitalières de l'outback avec le troupeau et seront témoins du bombardement de Darwin par l'aviation japonaise.

Avec l’apothéose que constituait Moulin Rouge (2001), Baz Luhrmann avait conclu sa trilogie du « Rideau Rouge » où ode au monde du spectacle s’entremêlait et servait la vision d’un romantisme flamboyant. Ce romantisme prenait un tour naïf et fougueux dans Ballroom Dancing (1992) et son monde des concours de danse, une transposition pleine de bruit et de fureur de Romeo et Juliette (1996) et l’aboutissement de Moulin Rouge qui réunissait le meilleur des précédents pour un des plus beaux mélos des années 2000. Il était donc tant de passer à autre chose pour Luhrmann qui après avoir échoué à monter sa fresque sur Alexandre Le Grand (avec Léonardo Di Caprio et Nicole Kidman) car devancé par Oliver Stone sur le sujet, le réalisateur ose donc la grande fresque romanesque où il nous contera un pan de l’histoire de son Australie natale. La plus grande crainte avec ce film était de voir le style de Luhrmann noyé dans un classicisme malvenu et donner un objet impersonnel. Passé une belle scène d'ouverture des plus poétique, la première demi-heure hyper chargée en lieux, situations, personnages et réalisation virevoltante typique de sa patte (on pense pas mal aux ouvertures hystérique de Moulin Rouge ou Ballroom Dancing) rassure immédiatement, on n'aura pas droit à un objet académique sans saveur, même si la deuxième partie du film moins portée sur l'aventure pure et dure est plus sobre.

Tous les personnages et enjeux sont ainsi posés en un temps record (avec un point de départ par sans rappeler l’argument d’Il Etait Une Fois Dans L'Ouest) que ce soit Nicole Kidman excellente en aristocrate anglaise coincée dans cette contrée sauvage, Hugh Jackman en gros rustre finalement tout aussi isolé des locaux du fait de sa proximité les noirs et surtout Brandon Walters épatante révélation en métis attachant et déchiré entre deux monde. Offrant un véritable hommage aux aborigènes et à leurs culture, Luhrmann charge son film d'une spiritualité de tous les instants influençant sa réalisation (la traversée elliptique et presque rêvée du grand Nulle Part) ainsi que les péripéties les plus marquantes comme lorsque Nullah stoppe un troupeau fonçant sur lui par une chanson tandis que Roi Georges vieil aborigène au savoir ancestral est véritablement l'âme du film. On a une dénonciation forte également des méthodes du gouvernement australien avec cette vision de la « génération volée » qui vit des métis arraché à leurs famille pour être assimilé et rendu plus acceptable par une éducation religieuse. Le spectre omniprésent du Magicien D'Oz plane également sur le film (le ranch de Faraway Downs rappelant évidemment la ferme du film de Fleming), justifiant les moments les plus volontairement factice comme lorsque Nicole Kidman vient consoler Nullah après la mort de sa mère et évoque pour la première fois le conte, ou offrant certaines des plus belles scènes comme les retrouvailles finales sur fond de "All Over the rainbow".

Le souffle de la grande aventure se déploie avec des vues majestueuses de paysages australiens peu vus au cinéma jusque-là, où Luhrmann (malgré quelques fautes de gouts dont des incrustation assez laides) livre des moments très impressionnants lors de la traversée avec le troupeau, alternant brillamment prise réelle et effets numérique, plein air et tournage en studios. La deuxième partie du film (tous les enjeux du début étant parfaitement bouclé à mi-parcours) est plus classique dans sa forme mais approfondi bien les personnages, notamment celui de Jackman dont la distance et le sentiment de liberté se justifie plus précisément. Là encore la façon dont l’Australie se trouva brutalement mêlées à la Deuxième Guerre Mondiale offre son lot de séquences spectaculaire notamment un bombardement final apocalyptique. Le final poignant où Nullah assume son destin et héritage offre sans doute la plus belle illustration au cinéma du rituel du walkabout avec le film éponyme et chef d’œuvre de Nicolas Roeg. Une réussite pour Luhrmann donc où l’on déplorera cependant un score assez quelconque alors que la beauté de certaines images et élans mélodramatique auraient mérité une bande-son plus marquante. 4,5/6
Supfiction a écrit : 28 juin 22, 10:04 Il faut que je revois Moulin Rouge. Quant à Australia, c’est un film très inoffensif, voire anodin. On peut y trouver son compte pour l’Afrique.
L'Afrique ? :mrgreen:
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Re: Baz Luhrmann

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Nick Carraway est un jeune homme du Middle West proche de la trentaine. Il quitte sa région pour travailler dans la finance à New York. Il emménage alors à côté de Jay Gatsby, dont l'immense maison occulte celle de Nick. De plus, Gatsby donne fréquemment de somptueuses et importantes réceptions. Mais Nick ignore tout de cet homme, sujet des plus folles rumeurs.

Après sa flamboyante trilogie du Rideau Rouge (Ballroom Dancing, Roméo + Juliette, Moulin Rouge en 1992, 96 et 2001) Baz Luhrmann aura opéré sans se délester de son style tapageur une sorte de retour au réel en s’évadant du monde du spectacle. Avec Australia (2008), Luhrmann offrait ainsi une grande fresque romanesque à la Out of Africa où il s’attaquait à l’histoire de son pays dans sa gloire (la résistance durant la Seconde Guerre Mondiale) comme ses errances (l’arrachement de jeunes aborigènes à leur famille et à leur culture) tout en narrant une belle histoire d’amour entre Nicole Kidman et Hugh Jackman.

En adaptant Gatsby le Magnifique, Baz Luhrmann se confronte directement à la problématique de cette transition à travers le personnage de Gatsby incarné ici par Leonardo Di Caprio. Le film part ainsi d’une construction, d’un excès et d’une extravagance typique du réalisateur qui viendra ainsi se briser sur les rives du drame de F. Scott Fitzgerald. Le début du film évoque ainsi l’ouverture de Moulin Rouge avec ce même voile de regret du personnage de Nick Carraway nostalgique de l’époque de sa découverte du New York des Années Folles. Luhrmann déploie alors tout son sens de l’excès et de l’anachronisme pour nous étourdir dans le fantasme fait de ce lieu et de cette époque à travers d’étourdissantes et grisantes séquences (l’arrivée en zoom avant aérien sur Nick reproduisant ironiquement la trajectoire des futurs suicidés de Wall Street, la séquence d’orgies sur fond de hip hop).

L’adaptation de Jack Clayton en 1974 était remarquable mais ratait toute la dimension mystérieuse de Gatsby et de la romance entretenue avec Daisy. Comme étouffée par ses stars (Robert Redford et Mia Farrow) le film s’avérait trop frontal dans son histoire d’amour devenant trop classique car placée désormais au premier plan dès l’entrée en scène de Gatsby/Redford. Luhrmann ne commet pas cette erreur et tout comme dans le roman il y a quelque chose d’insaisissable et de beau dans le lien entre Gatsby et Daisy, une passion idéalisée qui ne peut être observée et fantasmée que de loin par Nick Carraway qui retrouve plus directement sa dimension mi impliquée mi spectateur des évènements (un monologue intérieur appuyant largement ce fait). Tobey Maguire demeure toujours le jeune homme rêveur de Pleasantville et des Spider-Man et exprime magnifiquement cette facette. Gatsby est ici clairement un double de Baz Luhrmann, le personnage auquel il s’identifie le plus. Le réalisateur dans sa Trilogie du Rideau Rouge n’aura eu de cesse de célébrer une forme de romantisme total, d’abandon de soi et de communion surmontant tous les préjugés, écarts sociaux et regard extérieur. Le monde du spectacle est un havre où tout est possible, l’idéal artistique et amoureux est se réalise sur une piste de danse (Ballroom Dancing), seule la mort peut éteindre la flamme de la passion dont il demeure un intense et indélébile souvenir (Moulin Rouge) et la romance la plus universelle retrouve le souffle des premières fois (Roméo + Juliette).

Gatsby fonctionne ici selon le même idéal, la même quête d’absolu, capable de raccrocher ses espoirs à une lueur verte sur la baie d’en face, qu’il cherchera à capturer par tous les moyens. Pour ce rêveur, la manifestation de son amour doit être un monde rêve et de spectacle, Luhrmann décrivant les fêtes fastueuses et la demeure de Gatsby comme échappés d’un conte de fée. Si Luhrmann peut magnifier cet amour dans les mondes de chimères que constituent la Trilogie du Rideau Rouge, Gatsby va par contre lui cruellement voir son idéal se confronter à une terrible réalité. Leonardo Di Caprio était arrivé au bout d’un certain type de personnage torturés et obsessionnel après ses rôles jumeau de Shutter Island et Inception où il poursuivait le souvenir de sa femme disparue. L’acteur renouvèle sa palette ici en assumant enfin son physique avantageux (sa scène d’introduction, sourire radieux sur fond de feux d’artifices assorti d’un charmeur I’m Gatsby est un régal) sous lequel il dissimule ses fêlures plutôt que de les exposer au grand jour. Sa fébrilité n’en est que plus touchante lorsque ce gentleman révèle un amoureux transi et il retrouve le temps de quelques scènes la grâce et la maladresse juvénile de Titanic ou Roméo + Juliette tel ce moment où Gatsby indécis revient trempé et penaud vers Daisy à laquelle il n’ose adresser un regard. Les moments les plus romantiques sont fantasmés (le flashback de la première rencontre entre Gatsby et Daisy) où illustrés comme tel par Luhrmann (la scène de danse, Gatsby lançant toute ses chemises à Daisy).

Carey Mulligan exprime bien la dualité du film, tour à tour séductrice et superficielle, amoureuse passionnée et surtout femme dépassée par l’amour d’un homme l’idolâtrant. Gatsby affronte la réalité par un passé de Daisy dont il est absent et dont il ne peut supporter l’existence en dépit de son amour présent. Dans les contes un enchantement il suffirait à effacer ses souvenirs et tout recommencer mais en poursuivant son impossible rêve de perfection Gatsby va voir tout s’écrouler et les clivages de classes (comme lui rappellera Joel Edgerton dans une des scènes les plus intenses) de nouveau faire obstacle. Luhrmann éteint la flamme entretenue dans sa Trilogie du Rideau Rouge avec cette tragique prise de conscience mais la ravive tout à la fois par cette croyance absolue de Gatsby pour son bonheur. Son dernier regard sera pour cette lueur verte de l’autre côté et qu’il aura cherché à saisir jusqu’au bout. Il est le personnage le plus pur de l’histoire car son obsession est la plus belle de toute et il n’aura reculé derrière aucun moyen pour l’assouvir. Si chacun retournera à son milieu et à son conformiste, il lui restera toujours l’admiration de Nick Carraway. Baz Luhrmann signe sans doute là son meilleur film avec Moulin Rouge et met une nouvelle fois son style outrancier au service d’un grand mélodrame. 6/6

Et c'est tout restera à revoir Romeo + Juliette un de ces jours :mrgreen:
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Re: Baz Luhrmann

Message par Supfiction »

Je viens de voir Ballroom Dancing, le seul de sa filmo qu’il me restait à découvrir. C’est fou à quel point les thématiques de Elvis sont déjà à l’oeuvre dans cette première œuvre, entre lutte contre le conservatisme, la manipulation, l’orgueil et le tiraillement du héros entre ses désirs profonds et la volonté de ne pas décevoir les siens. En revanche, le scénario est archi-previsibile (pas grave) et il faut passer outre cette appétence de Luhrmann pour le ringard et le grossier, un univers à la Donald Trump.
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Re: Baz Luhrmann

Message par Profondo Rosso »

Supfiction a écrit : 8 juil. 22, 15:11 Je viens de voir Ballroom Dancing, le seul de sa filmo qu’il me restait à découvrir. C’est fou à quel point les thématiques de Elvis sont déjà à l’oeuvre dans cette première œuvre, entre lutte contre le conservatisme, la manipulation, l’orgueil et le tiraillement du héros entre ses désirs profonds et la volonté de ne pas décevoir les siens. En revanche, le scénario est archi-previsibile (pas grave) et il faut passer outre cette appétence de Luhrmann pour le ringard et le grossier, un univers à la Donald Trump.
Caméra d'or à Cannes en plus celui-ci ! Le méchant a de faux-airs de Trump oui :lol: Et c'est son premier film mais il lâche déjà un des plus grands climax musical de sa filmo, j'adore cette scène c'est vraiment le feeling galvanisant à la Rocky mais pour une scène de danse :mrgreen:

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