Rappelons d'abord, ce que n'est pas, Men, le nouveau film d'Alex Garland qui prolonge son précédent effort, Annihilation.
N'en déplaise à ceux qu'ont cru y voir un autre exemplaire de "elevated horror" des studios A24, et à propos duquel Ari Aster assez récemment racontait qu'il s'agissait des "moins mauvais des films d'horreur actuels", de cette manière d’un genre à être théoriser en surplomb et mépris, mais d’une tentative de réelaboration du film de trauma. Ici entendu que le terme de "trauma" désigne ce qu’il faut découvrir (perversité d’une dynamique de couple dysfonctionnel ) et de ce qu'il crée : sorte de récit fantastique de hantise, et production anarchique d’une imagerie d’hommes, de doubles, tantôt défigurés, tantôt travestis, qui assaillent l’héroïne, de manière si étroite et intime que la forme elle-même prend une tournure mentale. Ne cherchant nullement à créditer le moindre suspense quant à la véracité du trip, pareille accusation tombe alors très vite. Ce que dessinent au fond ces images d’homme, cette série, c’est à saisir une typicité d'attitude. Moins pour en faire la critique ou la dénoncer comme on a pu le dire ici ou là, encore moins pour créer un suspense sur ce qui est réel ou pas, ce qui n'exclue pour autant toute étrangeté, mais dans un but de pure sidération face à une polymorphie délirante. Cycle d'auto-génération ne s’arrêtant plus, répétition de comportement interminable, butée, que la fin bégayante du film incarne si bien.
Car ce que cherche vraisemblablement et au fond Garland, c’est de métaphoriser la duplicité amoureuse, questionner l'eros, à la fois comme poison inhérent au couple et remède, par le recours au mythe d’androgyne (on pense à l'image de sculpture de visage monstrueux dans l'église) Fruit défendu autant que part maudite découlant de l’impossibilité de s’accorder entre homme et femme, butée sur fond de pastorale, le geste de Garland ne manque ni d'élégance ni de singularité.
