Bigas Luna (1946-2013)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

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La Lune et le Téton (1994)

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Tete, petit garçon attristé par la venue d'un petit frère l'éloignant de sa mère, se réfugie dans une passion soudaine pour la très belle Estrellita, de passage dans son village pour jouer le spectacle qu'elle donne avec son mari français à travers le pays. Mais le petit garçon n'est pas le seul à aimer Estrellita, et les passions de se déchaîner, avec douceur et violence, sur fond de rêves éveillés sous le regard d'une Lune complice.

La Lune et le Téton vient clore la trilogie "ibérique" de Bigas Luna après Jambon, jambon (1992) et Macho (1993). Tout comme dans les volets précédents, le réalisateur y interroge certains pans de la culture espagnole par le prisme du sexe et de la masculinité. Il s'agit du plus personnel des trois films pour Bigas Luna puisque grandement autobiographique à travers les souvenirs de son enfance catalane. Le jeune héros Tete (Biel Duran) est donc un double dont les pensées et l'observation du monde des adultes correspond à celle du réalisateur à l'époque. Dans le prolongement des films précédents, la virilité se pose comme un attribut culturel dès la scène d'ouverture avec une démonstration de castell (château en catalan), cette manifestation publique catalane consistant à bâtir une pyramide humaine. Tete est mis à contribution et doit être la pièce finale de la tour, on le voit péniblement gravir les étages humains, harangué par son père au sol lui sommant de montrer qu'il est un homme, un vrai. Malheureusement Tete échoue et la pyramide s'effondre. Tete n'est pas encore un homme, il reste un enfant comme va le montrer sa réaction à la naissance de son petit frère. Notre héros jalouse la proximité du nourrisson avec sa mère, et plus particulièrement son droit à la tétée à laquelle évidemment lui n'a plus accès. Il ne rêve plus désormais que d'avoir des seins qui ne s'offriraient qu'à lui. Il pense être récompensé quand le couple de saltimbanque formé par Estrella (Mathilda May) et Maurice (Gérard Darmon), s'installe dans sa ville. Estrella est d'une beauté éblouissante et surtout dispose d'une poitrine magnifique que ses tenues mettent grandement en valeur, faisant tourner la tête de l'enfant et pas que lui.

Cet attrait mammaire représente l'entre-deux où se situe Tete, les premiers émois sexuels du préadolescent qui commence à regarder les femmes différemment, mais aussi la tentation d'un retour en enfance où le sein le ramène une relation maternelle fusionnelle. Tete va donc se rapprocher de Estrellita, tout en observant le triangle amoureux se formant entre elle, son compagnon Maurice et Miguel (Miguel Poveda) un jeune homme tombé fou amoureux d'elle. Les sentiments se jouent ici à une échelle sensorielle et culturelle. Miguel a le coup de foudre en ressentant littéralement une décharge lorsqu'il serrera la main à Estrelitta pour la première fois. Celle-ci est sincèrement amoureuse de Maurice mais est frustrée par l'impuissance de ce dernier. Repoussant d'abord les avances de Miguel, Estrellita y devient progressivement sensible par ce vecteur culturel quand il se met à lui chanter à toute heure des sérénades flamenco devant chez elle. La rivalité se fait ainsi par ce côté traditionnel et culturel dans une des plus belles scènes du film, lorsque Miguel (l'acteur Miguel Poveda étant avant tout chanteur cela amène un panache immédiat à la scène) chante sa passion en catalan à l'extérieur tandis qu'un l'intérieur Maurice enlace et danse avec Estrellita au son de L'Homme à la moto d'Edith Piaf. Le plaisir qu'il ne peut plus lui donner physique, Estrellita le prend chez Maurice par l'émoi que provoque en elle ses émissions corporelles, que ce soit l'odeur de ses pieds qu'elle adore sentir ou ses larmes dont elle recueille chaque goutte - sans parler du numéro scénique de Maurice à base de pets. Lorsque Miguel suite à un drame personnel sombre dans une détresse le rendant encore plus vulnérable, c'est le déclic pour Estrella qui s'en rapproche pour l'apaiser et lui en retour qui peut la satisfaire par le sexe. Mathilda May par sa présence sensuelle, protectrice et bienveillante est un véritable idéal de LA femme selon Bigas Luna, amante, confidente et maternelle. Ce difficile statut la rend incapable de choisir entre l'homme qu'elle ne peut aimer que chastement désormais, et celui qui en sus peut la combler physiquement.

Le jeune Tete observe cette agitation de loin, sans pouvoir s'y mêler. Bigas Luna use donc d'une imagerie poétique, provocante et innocente à la fois pour traduire formellement l'expression de l'amour que voue Tete à Estrellita. Cela passe par la rêverie et quelques images fascinante où Tete imagine Estrellita lui montrer spontanément ses seins, les presser et l'asperger de lait. La contradiction entre le désir encore latent de l'enfant et le besoin de régression enfantine s'entremêlent à travers ce sein sensuel, nourricier et maternel de Mathilda May. Les éléments les plus voyants (la rutilante moto de Maurice) et expressifs de virilité sont bien plus en retrait dans ce film que sur Jambon, jambon et Macho, être un "homme" étant davantage une prise de conscience, une manière de grandir plutôt qu'une démonstration de force. Le père (Abel Folk) de Tete semble ainsi davantage vouloir éveiller un caractère volontaire chez son fils par ses allusions aux racines Romaines (avec quelques scènes décalées où Tete l'imagine en centurion) plutôt macho en puissance. Tout le récit appelle à solliciter en soi tout ce qui fait bon être un homme, se conjuguant à une sensibilité toute féminine. Autant Macho était une caricature des maux du mâle andalou, autant La Lune et le Téton célèbre la douceur de l'homme méditerranéen. Pour Tete l'accomplissement consistera à enfin parvenir au sommet de la castell en s'imaginant encouragé et récompensé par Estrellita l'invitant à téter ses seins (l'innocence de cette attente s'exprimant quand la mère (Laura Mañá) se substitue à elle et qu'il trouve son lait meilleur). Pour Estrellita, Miguel et Maurice, ce sera le fait de s'astreindre au modèle matrimonial traditionnel pour accepter un plus doux et libre ménage à trois. Plus le film avance, plus il bascule d'une certaine imagerie terreuse et primitive à quelque chose de plus onirique et poétique que permet notamment le monde forain. Une belle réussite pour ce qui est le film le plus lumineux de la trilogie. 5/6

Bon avec un pitch pareil je me doute que les perv... pardon les esthètes du forum attendent des captures

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Message par cinéfile »

2 films vus et 1 revu du réalisateur ces dernières semaines :

Révision légèrement à la baisse de Angoisse, qui commence pourtant sous les meilleures auspices. Et ce notamment par son travail sur le cadre et l'ambiance entre les deux niveaux du récit, tout aussi bien qu'à l’intérieur de chacun d'entre eux. Approche reposant principalement sur un principe d'opposition et de "dialogue". En particulier dans le film dans le film (l'ophtalmologiste tueur et sa mère), où le tournage barcelonais - sensé figurer Los Angeles - crée une légère distorsion sensorielle : l'immeuble très vieille Europe dénote avec ses occupants américains. Une osmose se crée alors entre une intrigue superficiellement "horrifique" (tendance giallo) et une structure globale nettement plus expérimentale et libre. Tout cela est fascinant pendant 30-45 minutes. Malheureusement, une fois son principe clairement exposé, la seconde moitié du film devient trop prévisible et je me suis légèrement ennuyé à partir de ce moment-là. Dommage pour un film pourtant court (80 minutes). Cela dit, le raison d'être d'un tel film est d'être vu en salles et je rêve de pouvoir le voir un jour sur grand écran.

Découverte du méconnu Lola (1986) qui reprend des éléments passés et à-venir du cinéma de Bigas Luna : ambiance nocturne poisseuse (scènes de boites de nuit etc), fascination pour la nourriture (Angela Molina suçant un noyau de pêche :oops: ), triangle amoureux, perversion sexuelle, meurtres... Si la réalisation et le montage démontrent une indéniable maitrise stylistique, le scénario plutôt mince ainsi que des dialogues peu inspirés finissent par rendre l'ensemble franchement décevant, surtout vis à vis d’œuvres antérieures telles que Bilbao et probablement Caniche (pas encore vu).

Et enfin, découverte de La Lune et le Téton, qui constitue au contraire une belle surprise et pour lequel je n'ajouterais ni de retirerais rien à l'avis de Justin juste au dessus. Ce versant doux et poétique quelque peu inattendu, mais non exempt d'un sens de la provocation inhérent à son auteur, conclut sur une bonne note cette mini-rétrospective.
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

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Caniche (1979)

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Angel et sa sœur Eloisa vivent dans une grande maison héritée d'une vieille tante récemment décédée. Petit à petit, une étrange relation se met en place entre eux deux et Dani, un caniche un peu trop présent...

Troisième film de Bigas Luna, Caniche démontre dès ses débuts plus méconnus le sens du malaise et de la provocation du réalisateur. Par son ambiance austère et oppressant, Caniche se déleste même du côté érotique et chatoyant qui pouvait donner un certain attrait à ses classiques à venir malgré les écarts comme Les Vies de Loulou (1990) ou la trilogie ibérique (Jambon, jambon (1992), Macho (1993) et La Lune et le téton (1994)). La monstruosité ordinaire se montre ici sous son jour le plus cru. Angel (Àngel Jové) et Eloisa (Consol Tura ) sont deux frères et sœur vivant misérablement en espérant de jours meilleurs avec le décès imminent d'une vieille tante sénile et démente. En attendant c'est la sinistrose, la solitude et la misère sexuelle qui guide le quotidien de la fratrie qui a des manières très suspectes de la combler. Eloisa reporte son affection sur son caniche Dany, objet de toutes les attentions, l'accompagnant en tout lieu. Angel lui aussi semble nourrir un certain attachement pour les chiens, en général plutôt des molosses errants qu'il se plaît à traquer et à ramener dans leur sordide demeure.

Bigas Luna manie avec brio l'explicite et l'implicite dans les situations ambigües à travers sa mise en scène qui nous laisse entrevoir le pire. Les cabots recueillis par Angel s'avèrent ainsi invisibles le lendemain de leur arrivée tandis que le réfrigérateur se trouve à chaque fois bien garni en viande qu'Eloisa prépare avec amour pour son cher Dany. Le caniche si choyé s'avère pourtant fort apeuré et cherche souvent à s'enfuir de la maison, comme si son instinct animal lui indiquait l'horreur en sourdine. C'est d'ailleurs assez remarquable comment la direction et le filmage du caniche participe au malaise, les feulements et regard apeuré, les réactions vive dès que Angel le touche, tout cela contribuant à nous donner des indices. Tant que les personnages survivent dans la pauvreté, nous restons dans un relatif non-dit malgré quelques moments chocs notamment une proximité pour le moins inattendue entre Eloisa et Dany.

Lorsque l'héritage tant attendu arrive avec le décès de la tante, le malaise s'expose peu à peu plus crûment. Alors que les tares étaient contenues et cachée des regards dans la fange de la pauvreté, elle e révèle dans l'éclat du luxe. Pour nous signifier que seul le vernis a changé, Bigas Luna travaille une forme de mimétisme dans la gestuelle, les habitudes et espaces traversés par les personnages. Eloisa passe de leur cuisine crasseuse à une autre dernier cri, Angel vidait une piscine insalubre où se noyait les rats pour en arpenter une autre à l'eau immaculée, le tout selon les mêmes angles de prises de vues que la première partie. Les habitudes et désirs pervers demeurent, mais élevés par ce nouveau statut social où la race canine est toujours au centre des préoccupations puisque la fratrie compte investir dans un cimetière de chien. Le lien au chien, au sexe et à la mort est posé et les éléments tapis dans l'ombre auparavant se révèlent pour la déchéance des protagonistes. Déjà jaloux de Dany, Angel se morfond maintenant que sa sœur désormais riche et apprêtée attire l'attention d'autres homme. S'il faut être un chien pour attirer susciter sa tendresse, il est prêt à régresser. Ce n'est plus seulement l'ombre de la zoophilie et de l'inceste qui plane (le second étant la conséquence de l'étouffement du premier), mais sa concrétisation dans des séquences où l'absurde côtoie le sordide total.

Le ton austère et glacial, presque d'entomologiste pour Bigas Luna, rend le spectacle aussi aberrant que fascinant. Malgré la nature glauque de l'ensemble, l'ironie éclatante du réalisateur éclate dans un épilogue urbain où l'on voit Dany enfin libéré se trouver de nouvelles protectrices. Bigas Luna s'avère déjà dans cette première période de sa carrière est vrai maître du malaise. 4,5/6
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

Message par manuma »

Revu justement Jamón Jamón hier soir, et ça tient toujours très bien la route. Un cadre géographique marquant, parfaitement exploité, une intrigue romanesque un peu folle, trash et transgressive, mais qui, comme sur le précédent Lulu de Luna, en appelle de façon déconcertante à la morale dans sa conclusion, et des scènes érotiques qui cassent la baraque. D’ailleurs je constate que c’est Stefania Sandrelli qui, en dépit d’une forte concurrence, sort grande gagnante en ce domaine (même si, dans un autre genre, Javier Bardem, c’est quelque chose aussi !). Bref, on n'est pas loin du petit classique des années 90.

Sinon, c’est curieux comme ce cinéaste a quasiment disparu des radars au tournant des années 2000. Que valent ses dernières réalisations ?
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

Message par Profondo Rosso »

manuma a écrit : 8 avr. 22, 10:22 Sinon, c’est curieux comme ce cinéaste a quasiment disparu des radars au tournant des années 2000. Que valent ses dernières réalisations ?
Je n'ai pas vu ses films des années 2000 mais si l'on en croit les retours critiques son inspiration a sensiblement baissée à ce moment-là. J'ai le souvenir de critique mitigée sur La Femme de chambre du Titanic (pas vu) à l'époque, Son de mar a relativement bonne réputation et le reste est passé inaperçu.
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

Message par manuma »

Profondo Rosso a écrit : 8 avr. 22, 11:32 Je n'ai pas vu ses films des années 2000 mais si l'on en croit les retours critiques son inspiration a sensiblement baissée à ce moment-là. J'ai le souvenir de critique mitigée sur La Femme de chambre du Titanic (pas vu) à l'époque, Son de mar a relativement bonne réputation et le reste est passé inaperçu.
Merci pour ces précisions. Je garde de mon côté un bon souvenir de La Femme de chambre du Titanic, assez différent de Lulu et Jamón Jamón dans le ton, et qui n'avait effectivement pas fait parler de lui autant que les précédents travaux du cinéaste.

J'ai tout de même retrouvé une critique plutôt positive dans le magazine Premiere de l'époque :

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Sinon, je serais très curieux de découvrir ce Caniche, déjà recommandé par Kevin, ainsi que son film de science-fiction avec Dennis Hopper et Michael Moriarty, Reborn, autrefois sorti en VHS chez nous...
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

Message par cinéfile »

Profondo Rosso a écrit : 8 avr. 22, 01:00 Caniche (1979)
Ta prochaine découverte ne peut être que Bilbao !

manuma a écrit : 8 avr. 22, 11:56 Sinon, je serais très curieux de découvrir ce Caniche, déjà recommandé par Kevin, ainsi que son film de science-fiction avec Dennis Hopper et Michael Moriarty, Reborn, autrefois sorti en VHS chez nous...
Oui, Reborn/Renacer est quasi invisible...

Je suis aussi intrigué par son premier film (Tatuaje), adapté de Montalban et d'une histoire de Pepe Carvalho. Je crois qu'il s'agissait d'une commande et que le réalisateur l'a plus ou moins reniée par la suite.
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

Message par manuma »

cinéfile a écrit : 8 avr. 22, 13:32 Ta prochaine découverte ne peut être que Bilbao !
Ok. Je note aussi pour ce titre au pitch effectivement prometteur...
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

Message par Profondo Rosso »

cinéfile a écrit : 8 avr. 22, 13:32
Profondo Rosso a écrit : 8 avr. 22, 01:00 Caniche (1979)
Ta prochaine découverte ne peut être que Bilbao !
C'est pas le plus facile à trouver mais on va essayer :mrgreen:
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

Message par cinéfile »

manuma a écrit : 8 avr. 22, 13:50
cinéfile a écrit : 8 avr. 22, 13:32 Ta prochaine découverte ne peut être que Bilbao !
Ok. Je note aussi pour ce titre au pitch effectivement prometteur...
Son meilleur film pour moi 8) (parmi ceux que j'ai vu)
Expression assez clichée, mais c'est la matrice de son cinéma.

Profondo Rosso a écrit : 8 avr. 22, 15:55
cinéfile a écrit : 8 avr. 22, 13:32

Ta prochaine découverte ne peut être que Bilbao !
C'est pas le plus facile à trouver mais on va essayer :mrgreen:
Tu me remercieras.
Spoiler (cliquez pour afficher)
non en vrai, j'espère que ça finira pas comme le Trueba auquel tu as mis 2/6... :mrgreen: mais ce coup-là ça devrait le faire
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

Message par Torrente »

Il vient de sortir en Espagne le Bilbao avec sous-titres anglais : https://www.amazon.es/Bilbao-1978-Blu-r ... 09SF1Z3GY/
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

Message par Profondo Rosso »

Ah bonne nouvelle ça !
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

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Jambon, jambon visible gratuitement en replay gratuit tout l'été sur le site d'Arte. https://www.arte.tv/fr/videos/018392-00 ... on-jambon/
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

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Bilbao (1978)

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Leo vit avec une ancienne actrice, Maria, qui est aussi la maitresse de l'oncle de Leo, lequel pourvoit a leurs besoins. Leo rencontre ''Bilbao'', une prostituée stripteaseuse qui va bientôt l'obséder au point qu'il cherche a en faire son jouet...

Bilbao forme avec Tatuaje sorti en cette même année 1978 un coup double qui lance la carrière cinématographique de Bigas Luna. Avant cette incursion dans le cinéma, Bigas Luna après des études de sciences économiques aura avant tout navigué dans le monde des arts. Sa première passion est la peinture (dans laquelle il se replongera ponctuellement au gré des remous de sa carrière de réalisateur) avant de s'intéresser à l’architecture d’intérieur mais aussi à l’art conceptuel, le plaçant au cœur des avant-garde d'alors et le voyant exposé dans des galeries d'arts à Barcelone ou à Londres. Tout cela fait du Bigas Luna des débuts un pur plasticien dont les thèmes et obsessions passeront avant tout par un travail plastique, un sens de l'atmosphère et du sensitif plutôt qu'une narration et caractérisation de personnages classiques. Ce sera le cas dans le suivant Caniche (1979) et donc dans ce Bilbao mal aimable à souhait, délesté de tout l'écrin sensuel et chatoyant qui feront bien mieux passer les provocations de ses classiques à venir comme Les Vies de Loulou (1990), Jambon, jambon (1992), Macho (1994) ou La Lune et le téton (1995).

Bilbao s'inscrit donc dans cette veine plus austère en partie sous l'influence de l’École de Barcelone, courant-cinématographique avant-gardiste auquel appartient Bigas Luna qui va là surfer sur le vent de liberté que fait souffler la mort de Franco en (1975). Tout le film adopte de façon clinique le point de vue Leo (Angel Jove), un homme solitaire vivant sous la coupe de sa famille et plus particulière de (ce qu'on suppose être) sa tante Maria avec laquelle il entretient des relations incestueuses. Sa seule oasis s'incarne à travers Bilbao ( Isabel Pisano), une plantureuse et provocante prostituée stripteaseuse qu'il traque sans relâche. Une bonne partie du film réside dans les pérégrinations urbaines où Leo épie Bilbao à travers la ville. Cette "filature" passe par la rue où Bilbao racole, les clubs louches où elle danse devant une assemblée masculine sinistre et libidineuse, le métro et le bus, au point que son emploi du temps quotidien n'aura bientôt plus de secret pour Leo. Le film met constamment mal à l'aise en endossant ce point de vue voyeuriste, renforcé le grain de l'image (un relent d'avant-garde new-yorkaise plane sur le film), la froideur et le minimalisme du récit. Il n'y a pas ou peu de dialogue si ce n'est le long monologue de Leo ressassant maladivement son obsession, les rares moments où il ne traque pas Bilbao nous informant à la fois sur son imaginaire retors mais aussi sa vie particulièrement sinistre au côté de Maria qu'il ne supporte plus. Le côté fétichiste et obsessionnel du personnage s'illustre dans les films érotiques qu'il regarde compulsivement, le travail de plasticien qu'il effectue entre photo, collage et découpages dans lequel il cherche à fondre Bilbao.

Bientôt l'obsession se fait plus pressante, les regards lointains et les substituts "artistiques" ne suffisent plus, il "doit" posséder Bilbao. Il ne s'agit pas d'une simple possession sexuelle puisqu'il suffirait de se présenter à elle comme client pour au moins avoir une promiscuité physique (ce qui arrivera mais le laissera tétanisé) mais qu'elle soit véritablement une marionnette soumise et à la merci de ses fantasmes les plus fous. Les films sur ce sujet d'un homme séquestrant une femme pour en faire le jouet de ses désirs n'est à l'époque plus si novateur et a déjà donné son lot de films fous et dérangeants comme L'Obsédé de William Wyler (1965), La Prisonnière d'Henri-Georges Clouzot (1968) ou encore La Bête aveugle de Yasuzo Masumura (1969). Bigas Luna se distingue par sa tonalité glaciale et déshumanisée, mais surtout par une approche assez stupéfiante de frontalité dans les scènes de sexe. Rien ne nous est épargné de l'incroyable appétit qu'à Leo du corps de Bilbao, de la satisfaction qu'il éprouve à l'avoir à sa merci et des sévices qu'il lui inflige dont une longue scène où il lui rase le pubis - traitement auquel devra se soumettre l'actrice Isabel Pisano qui n'est pas doublé et eut de grande appréhension sur le tournage. Là encore, Bigas Luna garde une distance froide qui déleste tous ces moments de la moindre sensualité (contrairement aux films voisins sur le sujet évoqué plus haut) pour nous faire simplement partager le regard d'un esprit dément. C'est inconfortable à souhait, austère, tout en finissant par étendre ce mal bien au-delà de la seule psyché dérangée d'un individu. Tout Bigas Luna est déjà là, à nu et regardant nos désirs et notre monstruosité droit dans les yeux. 5/6
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Re: Bigas Luna (1946-2013)

Message par cinéfile »

Profondo Rosso a écrit : 1 août 22, 03:16 Bilbao (1978)
5/6
8)
Profondo Rosso a écrit : 1 août 22, 03:16 l'actrice Isabel Pisano qui n'est pas doublé et eut de grande appréhension sur le tournage.
Et qui confiait, passablement dépitée, dans un docu récent sur la TVE que le film avait "ruiné" sa carrière. Il est vrai que la scène en question est sidérante de frontalité, frontalité renforcée comme tu l'indiques par la froideur inconfortable instaurée par Bigas Luna, car mêlant distance (le côté entomologiste de la névrose) et crudité (rien ne nous est épargné). Bigas Luna est un cinéaste imminemment provocateur - et en tant que tel a pu user d'humour et même de touches poétiques dans ses moments les plus "tendres" - mais dans ce film-ci, ces éléments sont notablement absents. Outre l'héritage de l'Ecole de Barcelone, Bilbao et le début de carrière de Bigas Luna s'inscrit dans une Movida triste, à laquelle j'associerais volontiers un Eloy de la Iglesia (autre provocateur avec ses caractéristiques propres et dont on a parlé récemment, mais qui à l'époque proposait également une vision frontale, sinistre et désenchantée d'un pays alors en pleine transition).
Profondo Rosso a écrit : 1 août 22, 03:16 Tout Bigas Luna est déjà là
Oui, tout à fait.
Pour aussi galvaudé que soit le raccourci analytique qui veut qu'un premier film - j'aurais tendance à mettre de côté Tatuaje que le cinéaste sembla renier par la suite - présente en germe toute l’œuvre à venir de l'auteur, on est forcé de reconnaitre qu'elle s'applique très bien à Bigas Luna : fétichisme, voyeurisme, perversion, ritualisation et érotisation des rapports entre soi et le monde - dont une utilisation symbolique de la nourriture (ici le lait dans la scène clef du passage à l'acte qu'on retrouve sous une autre forme plus douce dans La Lune et le Téton, le noyau de pêche qu'Angela Molina suce compulsivement dans le méconnu Lola, le jambon ibérique dans le justement nommé Jamón, Jamón et pleins d'autres exemples). Jusqu'à la participation régulière d'Angel Jové, soit comme acteur principal ou pour des apparitions plus modestes, dans les films suivants.
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