Dune I et II (Denis Villeneuve - 2021 & 2024)

[Demi-Lune]

Quoique indiscutablement bancale sur le plan narratif et inégale sur le plan technique (y compris au regard des standards de la même époque), l'adaptation de Lynch reste pour moi un film incroyable et incontournable car c'est justement l'une de ces œuvres qui semblent taillées pour le cinéma, la force de son imaginaire et son pouvoir de concrétisation: il y a une vision d'artiste fou qui se déploie dans toutes les composantes de la mise en scène et qui irrigue les images pour faire de l'expérience autre chose qu'un grand spectacle stricto sensu. Le Dune de Lynch est animé d'intuitions déroutantes et géniales qui rendaient cet univers aussi mémorable que fuyant, comme nimbé du voile d'un rêve étrange et inquiétant dont le souvenir s'estompe; le film paraissait constamment en perpétuelle instabilité de par ses heurts de narration, ce qui lui donnait paradoxalement beaucoup de caractère. Or, de caractère, c'est cruellement ce qui fait défaut à mon sens à la version de Villeneuve. Je mentirais si je disais que ce nouveau Dune est raté ou que c'est une grosse daube, car il remplit son office de spectacle de SF parfaitement exécuté sur le plan technique, avec quelques plans ou séquences de nature à impressionner grâce à des jeux d'échelle grandioses (rappelant un peu les formalisations de Rogue One). Mais cela suffit-il à considérer le film comme réussi ? Hélas non... Tout cela bute sur une lacune fondamentale: cela manque terriblement d'âme, de vie - Villeneuve impose, certes, une ligne esthétique brutaliste qui distingue Dune du tout-venant, mais l'intérêt éveillé par ses choix (notamment dès l'introduction, que j'ai trouvée prometteuse contrairement à G.T.O, avec des formes de vaisseaux, des sons et des costumes venus d'ailleurs suscitant un minimum d'étonnement) s'affaisse assez vite face à l'atonie du casting, cette espèce de pompe solennelle à la Nolan que Zimmer élève à des cimes ridicules avec sa bouillie infâme, cette direction artistique minimaliste à l'extrême qui encroûte les envies d'évasion galactique sous un glacis aseptisé impropre à l'imagination, cet étirement comme caution de fidélité au plus près du texte d'origine, ces hommages cinématographiques inadaptés (le baron Harkonnen filmé comme le colonel Kurtz, gné? les visions de Chani par Paul filmées comme des pubs Dior dans le désert...). Et surtout, l'impression de revivre les scènes du Lynch au travers d'une photocopieuse dernier cri, qui perfectionne les trucages sans la magie, le mystère, l'indicible qui sont au cœur de l'histoire spirituelle de l’Élu. Production IKEA livrée clés en mains, ce Dune de Villeneuve, tout irréprochable puisse-t-il être sur le plan technique pur, ne charme pas, ne fait vivre aucune autre sensation que celle d'un repaissement d'images et de bruits, et se livre assez facilement au spectateur alors que la complexité de son background devrait, au contraire, générer des zones d'ombre de nature à titiller son esprit. C'est toute l'ironie amère de sa fin, qui laisse tout en plan en plein milieu du gué et abandonne le public sur un semblant de promesse que l'avenir du box-office ne tiendra peut-être pas.

[Rick Deckard]

Le film de Lynch, cette infâme croûte kitchouille qui est une insulte à l’œuvre de Frank Herbert…

[Demi-Lune]

Le film de Lynch, cette infâme croûte kitchouille qui est une insulte à l’œuvre de Frank Herbert…

Ok.

[reuno]

J'ai bien aimé cette nouvelle version mais effectivement, d'accord avec toi, par rapport au Lynch, il présente moins de défauts, peut-être même plus de qualités.
Mais à aucun moment on ne trouvera de fulgurances telles que l'on croisait dans le film de 1984.

[Barry Egan]

C'est la différence entre l'ère des artistes pour qui la technique était un outil et celle d'aujourd'hui où ce qu'on peut faire prend le pas sur ce qu'on veut. Un "Dune" parfait et descriptif, sans effort de traduction, sans rêve, un "Dune" urbain, où le sable est au désert ce que le béton est à la métropole. Le côté visionnaire de Villeneuve, c'est pas celui d'un village ancien...

[AtCloseRange]

Le film de Lynch, cette infâme croûte kitchouille qui est une insulte à l’œuvre de Frank Herbert…

Ah c'est sûr que le kitsch c'est pas trop son truc à Villeneuve, il préfère clairement le pompeux chiant.

[Watkinssien]

Le film de Lynch, cette infâme croûte kitchouille qui est une insulte à l’œuvre de Frank Herbert…

Ok.

En tout cas, j'ai quasiment le même ressenti que toi concernant la proposition de Villeneuve.

Et d'ailleurs, j'ai eu exactement le même ressenti que sur son Blade Runner 2049 et son Arrival, une certaine beauté technique, mais une pesante et froide atmosphère dont on dégage difficilement des émotions en même temps que de réels questionnements sur l'univers dépeint. Et malheureusement, Villeneuve semble confondre contemplation avec moments creux depuis.

Je ne peux pas cracher totalement sur le film, car malgré tout c'est bien d'avoir des grosses productions un peu plus ambitieuses que d'habitude. Quelques moments bien troussés (mais attendus), un casting inégal, une musique horrible, une condensation scénaristique assez maîtrisée pendant à peu près les 2/3 du film, jusqu'à une dernière partie que je trouve réellement bâclée.

Bref, ce n'est pas déshonorant loin de là, mais ce n'est clairement pas une œuvre "monumentale et historique".

[Flol]

Bref, ce n'est pas déshonorant loin de là, mais ce n'est clairement pas une œuvre "monumentale et historique".

Tu veux dire que...le marketing nous aurait menti ?

[Watkinssien]

Bref, ce n'est pas déshonorant loin de là, mais ce n'est clairement pas une œuvre "monumentale et historique".

Tu veux dire que...le marketing nous aurait menti ?

[LeRationaliste]

Mon multiplexe devrait être fermé et son gérant en prison pour voler les spectateurs (13,40 euros la séance sans suppléments et plus de séances du matin), raison pour laquelle je ne peux pas aller voir Dune.

Pour le reste, j'ai toujours pensé que cet univers est bien surestimé quant à ses qualités et que la recontextualisation est obligatoire. Bon, c'est le cas de toute œuvre du passé, mais celle-là en particulier tant son côté pionnier l'a placé à part, même si on a grandement exagéré sa portée philosophique et surtout son ardeur de lecture. En clair, je trouverais normal qu'on me dise que c'est juste un mélange entre Star Wars et Game of Thrones. Le projet cassé de Jodorowsky et de Lynch me font dire aussi que la saga de Frank Herbert est plus adaptée au format de série TV qu'au format cinéma.

L.R

[Major Tom]

Bon... Alors...
Un peu déçu.
La première moitié du film, bien qu'inégale, est tout de même assez réussie. Je trouve en revanche la seconde moitié écrite avec les pieds, et où l'orgie numérique d'une laideur grisâtre finit par gaver.

Ce que la version Villeneuve gagne (pas tout le temps) en respect du livre et en compréhension du récit (mais avec un style proche d'une mini-série HBO), David Lynch, lui, le rehaussait du point de vue esthétique. Lynch avait pigé l'aspect folklo du bouquin (que vous devriez lire si ce n'est pas fait, il est très bien), et il se permettait des expérimentations visuelles quelque part assez audacieuses, alors qu'ici c'est esthétiquement fadasse.

Je vais enfoncer une porte ouverte là-dessus évidemment, enfin... pas pour tout le monde a priori... mais les séquences de rêves chez Lynch, avec le "Prophecy Theme" de Brian Eno et la narration chuchotée de MacLachlan façon ASMR ("The spiiiccce..."), sont évidemment trèèèèèèèès au-dessus des passages clipesques de Villeneuve filmés au ralenti sur de la World Music.




TIENS EN PARLANT DU SON, NOTEZ AUSSI QUE LA VERSION DE VILLENEUVE EST PARFOIS UN PEU BRUYANTE, ENFIN JUSTE UN PEU.
JE VOUS DIS ÇA COMME ÇA, HEIN, POUR VOUS PRÉVENIR.
SI VOUS ÊTES SENSIBLES, PRENEZ VOS PROTECTIONS AUDITIVES, ÇA PEUT TOUJOURS SERVIR.
VOUS M'ENTENDEZ ?


Pour résumer :

Spoiler (cliquez pour afficher)

David Lynch > Denis Villeneuve
Toto / Brian Eno > Hans Zimmer

Sinon c'est moi, ou il manque Feyd ?
On a bien Rabban, joué par Dave Bautista, mais pas de Feyd ?? J'imagine que Villeneuve le réserve pour la suite. Un peu dommage aussi.

[Jeremy Fox]

Je serais à priori le seul à trouver la BO de Zimmer superbe ?!

[Major Tom]

Je serais à priori le seul à trouver la BO de Zimmer superbe ?!

Parmi les bons points, j'ai noté, c'est vrai, qu'il y a des moments musicalement très agréables au début (les scènes sur Caladan), avec des chœurs subtils et lointains assez sympas.
Mais bon après...

[batfunk]

TIENS EN PARLANT DU SON, NOTEZ AUSSI QUE LA VERSION DE VILLENEUVE EST PARFOIS UN PEU BRUYANTE, ENFIN JUSTE UN PEU.
JE VOUS DIS ÇA COMME ÇA, HEIN, POUR VOUS PRÉVENIR.
SI VOUS ÊTES SENSIBLES, PRENEZ VOS PROTECTIONS AUDITIVES, ÇA PEUT TOUJOURS SERVIR.
VOUS M'ENTENDEZ ?

C'EST MARRANT, J'AI EU LE MÊME PROBLÈME AVEC TENET! D'AILLEURS, À LA SORTIE, ON TE FILE UNE CARTE DU MÊME AUDIOPROTHÉSISTE ! CURIEUX, NON !

[shubby]

- J'ai rêvé d'une fille qui marchait en tongs sur le sable...
- Ouais, je m'en rappelle ! La meuf qu'on avait maté cet été sur la plage à La Tranche sur Mer ? C'te bombe ! Je m'étais retourné sur le ventre direct pour faire des trous dans le sable avec mon gros ver Popaul !

Pas envie de tirer sur l'ambulance, là, j'ai les boules. Villeneuve nous a fait son Don Quichotte, quoi. Y'a des trucs comme ça, faut plus y toucher. Don Quichotte, Tintin, Dune... ils ont depuis longtemps été digérés autrement, ailleurs et bien. On passe. Pas une scène d'action à sauver, ambiance à chier, et tout le délire se voulant trippant - l'essence de Dune, merde ! - n'évoque rien de rien. Pas d'échappée, pas d'envolée, pas d'accroche, nada. Si, graphiquement y'a des idées (les vaisseaux libellules rappelent Oshii, c'est cool), mais c'est trèèès maigre.

CE SCORE EST UNE HONTE, OUI ! Il mérite un Razzie Award à lui tout seul. Mauvais, mal agencé, abrutissant... A tout moment tu sens que Batman peut jaillir du sable, hop. Si l'écho des sons ds Blade Runner 2049 fonctionnait à peu près, ici la reprise des 3 notes du thème principal du Lynch donne juste envie d'entendre l'ost originelle pour sauver les meubles. Sans parler de ces envolées criardes féminines qui elles renvoient - en mal dosées, mal placées, mal copiées - au duo Yoko Kanno/Origa (RIP) qui lui nous ramène aux mangas. Et pas les plus heureux, hein, on parle de ces films qui synthétisent de bonnes séries, souvent moisis et au rythme foireux. Foireux, c'est le mot. Je trouve que Major Tom, Watkinssien et Demi-Lune sont encore trop gentils. C'est une purge, une vraie de vraie. Atréides atterré.