Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Flol
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Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par Flol »

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J'allais en parler dans le topic des commentaires...avant de me dire que ce film est tellement beau, et tellement représentatif de ce que j'aime au cinéma (surtout en ce moment), qu'il mérite bien son propre topic plutôt que d'être noyé dans un fil de messages sans aucun lien.

2 heures hors du temps, sous le soleil écrasant de Madrid, où l'on profite de l'été, où l'on prend plaisir à l'indolence, à flâner, boit, rire, aimer, faire des rencontres au hasard...l'ancien monde, quoi.
Et difficile de ne pas tomber amoureux de Itsaso Arana, dont les grands yeux noirs donnent envie de la suivre n'importe où.
C'est typiquement le genre de films dans lequel on a envie de vivre, et qui rend tristement nostalgique d'une époque semblant aujourd'hui si lointaine. Ça fait du bien, mais ça fait aussi un peu mal...

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Profondo Rosso
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par Profondo Rosso »

Un des mes films favoris de 2020 qui était très haut dans mon top, ça m'avait fait faire le chemin inverse et aller voir Le Rayon vert d'Eric Rohmer qui est la gross influence assumée du film.

Je mets mon avis de l'époque !

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Eva, 33 ans, décide de rester à Madrid pour le mois d’août, tandis que ses amis sont partis en vacances. Les jours s’écoulent dans une torpeur madrilène festive et joyeuse et sont autant d’opportunités de rencontres pour la jeune femme.

Eva en août est l’occasion d’une belle ballade estivale et introspective dans la ville de Madrid. Le réalisateur souhaite dans son film capturer l’atmosphère si particulière d’une grande cité urbaine au mois d’août. La langueur de l’été, les ruelles désertes et l’atmosphère plus festive permettent au citadin resté sur place de poser un autre regard sur la ville, seul face à ses pensées. C’est le cas de Eva (Itsaso Arana), jeune femme à la fois imprégnée et extérieure à Madrid. Elle habite la ville mais en ce mois d’août loue un appartement comme une vacancière, et toute la découverte des lieux se fait à travers son point de vue qui semble comme neuf dans cet espace qu’elle connait pourtant déjà. Eva et Madrid sont en fait les principaux protagonistes du film, et les quartiers tout comme l’esprit de l’héroïne constituent des espaces mystérieux et inconnus à découvrir. La narration déroule de façon chronologique les journées d’Eva, chaque nouvelle date s’affichant à l’écran. Cela prolonge le sentiment d’errance flottante, certains jours passant en une image ou instant elliptique quand d’autres développent de vraies longues séquences et aparté. Cela correspond aux hasards qui peuvent marquer une journée ou pas, et correspond aussi à la quête incertaine d’Eva. Elle se laisse porter, visitant un musée par le simple attrait d’une touriste souriante, rencontre de vieux amis ou amants, se fait de nouvelles connaissances au gré d’une interaction qu’elle sollicite ou qui vient à elle, tout cela la conduisant dans des lieux communs ou incongrus.

Cette déambulation captive constamment grâce à la présence lumineuse de Itsaso Arana et à la manière d’en faire une page blanche que ni le spectateur, ni ses interlocuteurs n’arrivent à déchiffrer. En effet si elle suscite les confidences spontanées de chaque quidam croisé, elle-même ne se confie jamais en rien mais malgré tout, dans toutes ces scènes de dialogues, la caméra de Jonas Trueba ne voit qu’elle, ses grands yeux expressifs, son visage mutin et rieur. Cet attrait scintillant qu’elle dégage en compagnie trouve son écho contraire dans le langage corporel languide, du regard perdu, chargé de doutes et de mélancolie qu’elle laisse échapper seule. L’art de Jonas Trueba à construire des moments entiers sur un rien initial, laisser l’incertitude guider la tournure des situations, est fascinante de bout en bout. Le scénario (coécrit avec son actrice Itsaso Arana) pourtant très écrit et laissant peu de place à l’improvisation dégage pourtant brillamment ce sentiment de spontanéité. Cela rappelle beaucoup le travail de Richard Linklater dans sa trilogie des Before (Before Sunrise (1995), Before Sunset (2004) et Before Midnight (2013)) sauf qu’ici le fil rouge des déambulations est plus ténu, reposant entièrement sur les humeurs de son héroïne. Un doux parfum Rohmerien (et plus précisément Le Rayon vert (1986)) plane sur le film qui pêche finalement uniquement quand il finit par donner une explication au moment que vit Eva.

C’est là que les artifices narratifs viennent interrompre l’errance (une voix-off) et que les rencontres finissent par faire lourdement sens (un ex fraîchement quitté, une adepte de la méditation pour femme enceinte). La rencontre avec l’inconnu Agos (Vito Sanz) trahit d’ailleurs ce renoncement au mystère. La première rencontre nocturne tout en sous-entendu et silence captive, la seconde également avec ce désir mutuel en sourdine qu’aucun des deux n’ose révéler explicitement, tout cela pour déboucher sur une scène de sexe basique bien moins sensuel que l’attente – et qui donne la clé du récit sans finesse. Eva en août est ainsi un joli film dont le voyage vaut nettement plus que le point d’arrivée qui aurait gagné à rester dans le flou. 5/6

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Demi-Lune
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par Demi-Lune »

Constat plus mesuré, de mon côté. Si le dépouillement du film, dans sa réalisation, permet effectivement d'infuser aux images un temps long (mais jamais chiant) et de s'imprégner de l'atmosphère estivale de Madrid, de ses journées solaires et de ses nuits caniculaires, et si l'actrice principale est mimi comme tout, l'ombre du cinéma de Rohmer m'a semblé, en revanche, planer tout du long sur ce chassé-croisé sentimental, et ce, au détriment de Trueba. Car Eva en août manque, pour moi, sensiblement de l'âme et de l'esprit des parcours intérieurs féminins qui jalonnent justement l’œuvre du grand Momo, et en assurent sa profondeur humaine. Or, pour tout agréable que soient le film de Trueba et le parcours (dans tous les sens du terme) de sa charmante protagoniste, le portrait s'avère finalement peu fouillé et le plaisir tiré, finalement volatile, au-delà de l'empreinte sensitive que laissent quelques passages en creux (principalement, les scènes de tension sexuelle avec des prétendants). A découvrir tout de même.
Dernière modification par Demi-Lune le 7 mai 21, 20:43, modifié 1 fois.
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par Lohmann »

Dans mon Top 3 de l'année passée (avec Tommaso de Ferrara et 3 Aventures de Brooke de Yuan Qing). Je viens de recevoir le DVD du film de Trueba, et j'ai eu la bonne surprise de voir qu'il n'incluait pas un mais deux DVD, puisqu'il y a également Los Exiliados románticos inédit en France.
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MJ
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par MJ »

Sans que les références à Cavell ne soient hors de propos elles m'avaient semblé plus appliquées presque à titre d'illustration que réellement incarnées dans le récit amoureux (ou des choix de mise en scène). Il manque peut-être l'angle un peu dur qui ne manque jamais chez Rohmer, mais c'est le genre de film soucieux de tact et de délicatesse qui a de moins en moins le vent en poupe... et qui mérite d'être défendu pour ça.
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Flol
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par Flol »

C'est sûr qu'à trop vouloir le comparer ou jouer au jeu des références avec Rohmer, il y a moyen d'en ressortir déçu.
Perso, j'ai dû y penser une fois vite fait au début, puis j'ai été porté jusqu'au bout sans que le poids de la référence ne vienne interférer mon impression.
Mais c'est quand même dommage de rester bloqué sur cette impression de "sous-Rohmer". Le film existe très bien tout seul, sans forcément avoir à être ramené en permanence à cette référence.
C'est peut-être ça le problème, avec le fait d'être cinéphile : tu montres ce film à quelqu'un qui ne connait pas Rohmer, il l'apprécierait pour ce qu'il est, pas pour ce qu'il n'est pas.
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par Karras »

La comparaison avec conte d'été est un peu inévitable, mais je ne l'ai pas vu comme un sous-Rohmer, plutôt un film miroir jeune femme/jeune homme ville/bord de mer. Bon, en tout cas, j'avais bien aimé, manquait peut être d'ancrer un peu plus le personnage dans des lieux connus de Madrid.
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par Flol »

En fait, à bien y réfléchir, je ne vois pas grand-chose de Rohmer là-dedans. Ok ça se passe l'été et on suit un personnage qui rencontre et discute avec des gens. Et ?
Parce que au niveau du langage utilisé (et je ne parle pas que de la différence français/espagnol, évidemment) et du type de jeu des comédiennes/comédiens, pour moi ça n'a rien à voir, le film de Trueba me parait davantage ancré dans un réalisme quotidien.
Plus que Rohmer, ça m'a surtout fait penser au cinéma de Guillaume Brac finalement - qu'on assimile lui aussi beaucoup trop facilement et un peu paresseusement à Rohmer.
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par cinéfile »

J'ai découvert le film au second confinement et gros pincement au coeur en m'apercevant que j'étais en fait à Madrid quasi au moment du tournage et que j'avais arpenté à cette ocassion certains lieux de l'action (Los Jardines de Sabatini 8)). Je vous laisse imaginer le coup de blues en temps de confinement...

Film charmant avec pas mal de moments forts (la séquence en bord de rivière), mais qui tirait un peu en longueur pour moi.
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J'avais d'ailleurs moyennement accueilli la "révélation" finale, explicitée dès le titre en castillan.
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par Karras »

Flol a écrit : 7 mai 21, 18:36 En fait, à bien y réfléchir, je ne vois pas grand-chose de Rohmer là-dedans. ...
En tous cas le réalisateur assume le rapprochement :
The sequence of the stars is not only beautiful, but it’s the most “Rohmerian” of all. Is the shadow of director Éric Rohmer, the “Rohmerian” label, still accompanying you?

I’m ok with that, and I hope that, when I die, they’ll say about me: “A young man has died or, better yet, an old Spanish director very influenced by Éric Rohmer.” In fact, with Itsaso we watched “The green ray” (1986), by Rohmer again, a film with which we wanted to talk in a direct way, as some painters have done with pictures of others throughout history. They have repainted them to reinterpret them. In cinema, there have been much better and much smarter directors than you, and you have to try to learn from them. Starting out from them to, obviously, reach your own destination.
https://insidemedia.blog/2019/08/13/jon ... n/?lang=en
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Flol
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par Flol »

Ok on peut penser à Rohmer à ce moment-là, et en particulier au Rayon Vert, mais j'y vois plus un clin d'œil qu'une influence écrasante.
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par primus »

Beaucoup aimé aussi, je lui avais mis 7,5/10.
Dégouté que nous n'ayons pas de blu ray pour ce joli film. Arizona distribution a fait le choix du DVD en 2021. Marre...
Notre habitude de comparer quand on regarde un film ça joue souvent de mauvais tours. J'essaie d'éviter. L'influence assumée dans ce cas ne me gêne pas non plus.
Un film charmant, tendre, doux. Mais effectivement cette convivialité impromptue devient presque un fantasme, un rêve. Du moins sur Paris ces derniers temps, même en faisant semblant et en surjouant.
Eva en août rappelle d'ailleurs que ça ne sert à rien de se raconter des salades, à soi et aux autres. La sincérité d'Eva lui permet de transformer son rêve en réalité, avec amour.
Demi-Lune a écrit : 14 oct. 21, 15:27Ah par contre je suis affirmatif, monfilm = primus.
Je suis également Julien, Soleilvert, Nicolas Brulebois, Riqueunee, Boris le hachoir, Francis Moury, Yap, Bob Harris, Sergius Karamzin ... et tous les "invités" pas assez bien pour vous 8)
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par primus »

Flol a écrit : 7 mai 21, 18:36 Plus que Rohmer, ça m'a surtout fait penser au cinéma de Guillaume Brac finalement - qu'on assimile lui aussi beaucoup trop facilement et un peu paresseusement à Rohmer.
Pour en avoir parlé avec lui, ça ne le dérange pas car c'est d'une telle évidence qu'il accepte complètement la comparaison. C'est ce qui me gêne d'ailleurs, cette évidence. Mais je pense qu'il est en train de se démarquer progressivement, surtout depuis l'île au trésor. Hâte de voir A l'abordage, même si j'espère ne pas avoir de comparaisons qui s'imposent à moi (Civeyrac) pendant sa découverte.
Peut-être que l'enseignement à la Fémis devrait intégrer davantage de conseils pour s'affranchir au plus vite de ses modèles.
Demi-Lune a écrit : 14 oct. 21, 15:27Ah par contre je suis affirmatif, monfilm = primus.
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par MJ »

Pour clarifier de mon côté, je n'ai pas passé le film à penser au Grand Momo et à comparer défavorablement (j'ai pensé au perfectionnisme moral et aux textes de Cavell, par contre, sachant que c'est cité dans le film). En revanche, il me paraît que de contraster après-coup avec ce cinéaste permet de voir une différence dans le traitement de l'ordinaire : Rohmer est piquant, il y a souvent une dimension polémique inscrite dans sa manière de traiter la conversation, les quiproquos, des incidents de la vie de tous les jours. Il y a de ça chez Guillaume Brac, aussi, qui est un cinéaste politique et pas du tout du repli sentimental. Ici il y a une idée du grâcieux qui par moments m'a semblée légèrement plaquée (et qui à bien des moments prend : moins par l'attention au quotidien que par la beauté conjointe de l'interprète et du paysage estival).
Mais je ne voudrais pas paraître plus critique avec le film que je ne le suis dans les faits (il était l'année passée dans mon top 15 des sorties françaises également)...
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Re: Eva en août (Jonás Trueba - 2019)

Message par Profondo Rosso »

En bonus du dvd de Eva en août on un de ces films précédents très plaisant également

Les Exilés romantiques (2015)

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Une fourgonnette, l’été devant soi et une envie de dévorer des kilomètres... soit les parfaits ingrédients d’un road movie alternatif entrepris par trois amis trentenaires en mal d’aventure. Sur fond de musique folk signée Tulsa, le trio s’arrête à Paris, Toulouse et Annecy, à la recherche d’amours éphémères et idylliques.

Quelques années avant son récent et magnifique Eva en août (2020), Jonas Trueba nous proposait déjà une belle errance estivale, romantique et existentielle avec Les Exilés romantiques. On trouve déjà là un récit à la narration volontairement lâche, ici avançant au rythme des pérégrinations d’un trio d’amis voyageant entre l’Espagne et la France. Luis (Luis E. Parés), Vito (Vito Sanz) et Francesco (Francesco Carill) sillonnent donc les routes à bord de leur fourgonnette orange, entre indolence et rires potaches. Sous la langueur apparente, le récit se structure à travers les villes et les rencontres que chacun des personnages va y faire, entre Toulouse, Paris et Annecy. Chaque étape correspondra à des retrouvailles amoureuses (effectives ou espérées) qui correspondront à un certain questionnement sur le passage à l’âge adulte, les responsabilités, la quête amoureuse. La très courte durée du film (un peu plus d’une heure) rend chacun de ces moments très fugaces, participant à l’inconséquence et atermoiements des personnages sans s’appesantir outre mesure. Ce ne sera qu’au fil des situations, interactions et bribes d’informations glanées au détour d’un dialogues que les petits manques de chacun se révèlera. Ainsi Francesco retrouve à Toulouse Renata (Renata Antonante), jeune femme amoureuse de lui mais avec laquelle il ne se résout pas à entamer une relation plus sérieuse. On devine un certain narcissisme et une habitude de se dissimuler sous un mal-être factice pour fuir les attentes, ce que Jonas Trueba laisse transparaître en situation lorsqu’il interprète à sa façon une lecture commune, mais aussi par le regard de ses amis qui ont l’habitude (et regrettent) de le voir se comporter ainsi face à ses petites amies.

Plus tard ce seront les retrouvailles parisiennes entre Luis et Isabelle (Isabelle Stoffel), où cette fois la quête de stabilité un peu bohème de la jeune femme (qui souhaite devenir mère) se heurte à la fuite en avant de l’éternel étudiant Luis englué depuis des lustres dans sa thèse. Là encore l’éternelle post adolescence est un refuge, une manière de prolonger une jeunesse qui commence à nous échapper. Cette éternelle candeur s’incarnera avec Vito qui renoue avec une Française et amour d’un été (Vahina Giocante) à laquelle il vient faire une aussi touchante que maladroite déclaration d’amour. La réaction embarrassée de cette dernière annonce d’emblée l’échec de la tentative, qui donne un moment aussi poignant qu’embarrassant. Cette fois c’est le pragmatisme de l’âge adulte (la distance géographique qui rend difficile une vraie relation) qui vient briser les espoirs romantiques de Vito. Jonas Trueba ne fige aucun des protagonistes dans leur perspectives initiales, mais ne fait néanmoins pas reposer leur évolution sur une grand révélation, un aspect plus dramatique. Ce sont tout simplement les moments passés ensembles, les gestes furtifs et les regards tendres qui font changer les comportements initiaux. Le réalisateur travaille cette tendresse assumée avec pudeur, filmant chaque rapprochement à distance, dans des plans d’ensemble où le romantisme naît du décorum de chacune des villes et en illustrant l’accomplissement (le baiser et/ou les paroles douces échangées) et l’espoir (le regard des deux autres amis heureux et implicitement en attente d’un même bonheur) au sein de la même image.

Même l’échec de Vito sera une forme de soulagement d’avoir ouvert son cœur et Trueba réunit alors l’ensemble de ses protagonistes libérés de leurs entraves intimes comme sociétales (le dernier dialogue sur le test de Bechdel) pour saluer leur communion le temps d’une baignade dans un magnifique panorama d’Annecy. Toutes les qualités qui brilleront dans une matière plus étirée et maîtrisée dans le futur Eva en août (la bande-son folk, le côté hors du temps notamment lorsque l’amorce d’une discussion politique est évacuée) s’expriment déjà là de fort belle manière. 4;5/6

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