Parlons globalement de l'évolution de la cadence d'images et de ses prochaines évolutions (peut-être) à venir... C'est un sujet qui permet quelques digressions, que je vais m'efforcer de résumer du mieux que je peux, qui fera bien marrer Pacaya car je suis loin d'être un spécialiste mais je suis impatient d'en apprendre davantage avec vous.
24 images par secondes, truc de boomer ?
- "La photographie c'est la vérité, et le cinéma c'est vingt-quatre fois la vérité par seconde... " (Jean-Luc Godard)
- "Contrairement à Godard, je pense que le cinéma c'est le mensonge vingt-quatre fois par seconde..." (Brian De Palma)
- "C'est pas le mec qui a réalisé Wise Guys qui va me faire la leçon, alors vingt-quatre fois la vérité par seconde, okay ?" (Jean-Luc Godard)
D'abord, petit rappel élémentaire mais concis : la cadence d'images correspond au nombre d'images qui seront capturées par la caméra en une seconde, de façon à ce que notre œil n'ait pas le temps de se rendre compte qu'il s'agit d'une succession d'images fixes, y voyant ainsi une illusion de mouvement, ce qui est la définition du cinéma. La cadence de 24 images par seconde, devenue le standard du cinéma sur pellicule, avait été fixée au moment du passage au cinéma sonore, car il permettait un bon compromis entre une restitution sonore crédible et une bonne fluidité de mouvement dans l'action (tout en ne demandant pas trop de pellicule, car la pellicule ça coûtait cher).
Mais avant ça, dans les premiers films de l'Histoire, cela dépendait surtout de la vitesse de rotation de la manivelle de la caméra, tournée donc manuellement par le caméraman. On situe cette cadence entre 14 et 20 images.
Cela donnait alors un sentiment de saccades (souvent amplifié par les "sautes" d'images).
Aujourd'hui, un moyen de voir la différence avec les mêmes films est permis grâce aux développeurs. Par exemple, tout le monde connaît ça...
Récemment, le développeur et Youtubeur Denis Shiryaev a retravaillé ce document des frères Lumière, pas simplement en y ajoutant du son, mais en améliorant la qualité des images en la passant à 4K (3840 x 2160 pixels), et en enrichissant la cadence à 60 images par secondes, ce qui donne :
Ce à quoi, un autre développeur et Youtubeur y a ajouté de la couleur...
Denis Shiryaev a également retravaillé d'autres documents d'époque et je vous conseille de jeter un œil à sa chaîne, qui peut facilement entrer dans les 20% de ce que Youtube fait de mieux selon les chiffres de Flol.
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Il faut d'abord remarquer que le format 24 images par secondes a ses limites. Parmi ses inconvénients, il y a l'impossibilité de faire des mouvements de caméra rapides sans l'apparition de saccade à l'écran. C'est ce qui m'a par exemple toujours un peu dérouté dans le panoramique circulaire de Blow Out. Au fur et à mesure que le mouvement s'intensifie, l'image apparaît de plus en plus saccadée... mais bon, ça reste un plan génial.
Conséquence ? Mal aux yeux, mal à la tête, envie de gerber, drogue, dépression, suicide. Un nouveau format, principalement supporté sur Youtube, a fait son entrée : le 50p. Alors "nouveau" c'est vite dit bien sûr, car des cadences plus élevées (voire très, très, très élevées) avaient déjà été utilisées à de très nombreuses reprises au cinéma pour permettre des ralentis, en redescendant la cadence au montage (ou en l'élevant pour faire des accélérés).
Le changement de cadences permet même des effets et trucages dont les cinéastes raffoleront, comme David Fincher qui s'amusera (avec une Panavision) à changer la cadence pendant une scène de Fight Club, pour un ralenti instantané -- à 25 secondes dans la vidéo ci-dessous :
Un des inconvénients de ces différentes cadences reste la lumière artificielle, comme les néons, 60 Hz aux États-Unis, une fréquence pas synchrone avec certaines cadences d'images (c'est toujours pareil aujourd'hui, faîtes le test avec une GoPro). En général les chefs op' font gaffe mais parfois ils commettent des erreurs, comme Zsigmond dans le climax d'Obsession de De Palma (encore lui, certes, mais qui de mieux pour parler de techniques de cinéma). L'équipe n'y avait pas pensé, mais l'erreur fut conservée car transformée en atout artistique (et je doute que De Palma avait envie de re-tourner la scène). Le moment en paraît d'autant plus irréel -- à 1:38 dans la vidéo ci-dessous :
L'avantage du 50p, c'est d'offrir une image beaucoup plus précise sans saccade dans les scènes d'action. L'inconvénient... ben c'est justement d'offrir un rendu trop précis et donc moins "cinéma". Avec l'arrivée de l'UltraHD (évoquée dans ce topic : (UHD / 4K) : équipements et Blu-ray), et surtout de la 3D, arrive donc ce qu'on appelle "la cadence élevée" (High Frame Rate, rebaptisée 3D+) qui, comme son nom l'indique, augmente le nombre d'images par seconde, et aussi le confort de visionnage paraît-il, pour les films en 3D. Peter Jackson a ouvert le bal en 2012 avec Le Hobbit : Un voyage inattendu et ses 48 images par secondes.
James Cameron a vu de la lumière, et avait déclaré tourner ses futures suites d'Avatar avec des scènes culminant à 120 images/secondes, quand Ang Lee sort Gemini Man constitué uniquement de scènes tournées en 120i/s, pour permettre une 3D plus lisse et une plus grande immersion.
Pour l'instant, malgré leurs efforts, c'est encore loin d'être la norme, mais on verra bien prochainement avec Cameron.
Voilà, j'espère ne pas avoir fait d'erreur, sinon à vous de compléter/corriger.
Au final, la différence vous choque-t-elle beaucoup, cela vous semble mieux ou sentez-vous une perte de "magie du cinéma" dans les derniers films ? Le trop plein d'images serait-il plutôt synonyme de migraine ? Était-ce mieux avant, nom de Dieu ? Des choses à ajouter ? Sinon, ça va ?