Quel avenir pour le cinéma ?

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Supfiction
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par Supfiction »

Mama Grande! a écrit : 6 janv. 21, 23:59 De la même manière que la disparition des librairies n'empêcherait pas de se procurer les mêmes oeuvres par le e-commerce ou en e-book.
Les lecteurs et les érudits ne sont pas ceux qui auraient le plus besoin des librairies. Ceux qui en auraient le plus besoin ce sont les potentiels futurs lecteurs qui ne vont pas découvrir la lecture par enchantement en surfant sur Fnac.com. C’est pareil sur les plateformes. En parcourant ce que regardent mes nièces sur Netflix, entre affligement et résignation, j’ai découvert au milieu de tant de trucs ineptes qu’elles avaient visionné Baisers volés. Je me suis demandé ce que ça faisait au milieu de tous les soaps et autres séries archi-populaires. J’ai compris après que c’était en raison du dvd de Peau d’âne que j’avais laissé chez mes parents il y a 15 ans.
Bref, avec la dématérialisation, c’est la transmission génération elle qui disparaît quasiment (même si elle est bien pratique pour les « érudits » comme on en parlait avec ténia).

Sinon pour revenir aux discussions sur la salle, je n’ai jamais cherché à relancer une énième fois le débat de la salle contre le home cinéma. Je crois qu’il ne s’agit pas de choisir mais de prendre acte de ce qui se présente avec ses avantages, ses inconvénients et ses nouvelles perspectives.
La covision (à heure fixe) ne remplace pas la salle. En revanche, elle pourrait être une nouvelle opportunité m utile pour le lancement promotionnel d’un film en créant l’événement, pour les ciné-clubs et pour les festivals (le festival du cinéma italien ou myfrenchfilmfestival ont eu leur audience boostee cette année en pleine pandémie).
Dernière modification par Supfiction le 7 janv. 21, 11:32, modifié 1 fois.
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Mama Grande!
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par Mama Grande! »

Je suis tout à fait d’accord en ce qui concerne la transmission.
Pour l’anecdote, j’ai un ami qui ne lit que sur kindle et me trouve bête de ne pas en acheter un. Un jour, alors que l’on dînait ensemble, je venais de finir La Tâche de Philip Roth dans les transports, et je lui ai donné, sans que ça ait l’air de l’intéresser plus que cela. Quelques mois plus tard, il revient vers moi pour me dire qu’il l’a lu et adoré.
Si je lui avais juste dit « je te conseille La Tâche, c’est vraiment super! », il l’aurait probablement oublié. Mais le fait de l’avoir physiquement à proximité lui a fait penser « pourquoi pas? » quand il a eu du temps.
C’est un peu pareil avec la salle.
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cinephage
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par cinephage »

tenia a écrit : 7 janv. 21, 09:59 Bref, on parle beaucoup du contenant, comme avec les discussions autour de la SVOD, et peu des contenus, et j'en suis toujours un peu surpris. Peut-être effectivement parce que les contenants sont en danger et pas les contenus, mais il faudrait alors que certains articles culturels soient plus précis dans leurs tournures sur le sujet, si ce n'est pas vraiment du cinéma en tant que pourvoyeur d'oeuvres audiovisuelles dont on parle mais en tant que lieu de rassemblement socio-physique.
Dans ta tournure, il y a une assimilation du cinéma aux films. Les films sont les "oeuvres audiovisuelles", comme tu dis, le cinéma est un mélange de beaucoup de choses, dont l'expérience de la salle fait profondément partie. C'est effectivement de ce dernier qu'on discute.

La question de l'avenir des films est sans doute intéressante, mais je la distingue très nettement de l'avenir du cinéma.
Le cinéma en tant qu'espace de visionnage collectif, à la fois réel, mais aussi espace symbolique du vivre et réagir ensemble, est pour moi ce qui est menacé, et le véritable sujet de ce topic, alors qu'on n'a jamais autant produit de films qu'actuellement.

On a pu lire plus haut deux témoignages de gens qui ne vont plus au cinéma parce qu'ils ne supportent plus leurs semblables. C'est bien évidemment leur droit, mais lorsque cette attitude se généralise, on ne fait plus société.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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tenia
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par tenia »

C'est effectivement ce que je questionne : la fusion de la salle de cinéma et de ce qu'elle y diffuse, du contenu et du contenant, du temple et des dieux.
Au fond, ça questionne par exemple ce que répondraient certains à la question : Si on dit "Le cinéma disparait", verra-t'on encore des films ? Ou, pour simplifier : la salle représente-t'elle plus le cinéma que le films qui la font vivre ?

Je comprends la fusion particulière au cinéma des oeuvres et du contexte sociétal et logistique dans lequel "LE cinéma" s'inscrit, mais je ne peux m'empêcher de me demander, culturellement et artistiquement parlant (ce qui me semble pourtant être la priorité du sujet), si on ne s'accroche pas trop à l'idée d'aller "au cinéma" plutôt que d'aller "voir un film".

C'est une question de nuance et de sémantique sans doute, mais cela me gêne de voir si peu l'avenir des œuvres être mentionné au profit de l'avenir des murs dans lesquels on peut les voir (parfois). Alors que perso, quand je vois ce que j'ai découvert hors des salles, je me dis que ce sont bien les oeuvres qui me restent, non les endroits où je les ai découvertes (enfin, sauf exception). Je comprends la ritualisation sociétale et comportementale qui entoure les films découverts en salles, mais Rashomon est-il moins Rashomon parce qu'on ne l'a pas vu en salles entouré d'inconnus ? Ca ne m'empêche pas de trouver qu'une salle de cinéma est le plus bel écrin pour un film, mais ce que je préfère, c'est encore le film... Après tout, sans lui, je ne serai pas entré dans cette fameuse salle.
Dernière modification par tenia le 7 janv. 21, 13:19, modifié 4 fois.
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El Dadal
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par El Dadal »

Pour moi, rien n'est plus beau que ce moment où les lumières s'estompent progressivement dans la salle, le silence se fait et la projection commence. À ce moment là, et à ce moment là seulement, toutes les œuvres sont à égalité. Elles ont toutes le même potentiel, la même chance de toucher le public. Mais si cette belle sensation prévaut, c'est parce qu'elle a été ritualisée depuis des décennies, d'où les parallèles réguliers à l'expérience religieuse et/ou mystique. Et ce sont tous les à-côtés d'une projection en salles qui viennent en modifier la teneur pure et fragile.

Il n'y a pas si longtemps, les fauteuils en bois inconfortables, les hommes en chapeau qui ne se découvrent pas, les aller-retours dans les allées et les volutes de cigarettes dans l'air faisaient partie du décor. Aujourd'hui, il s'agit des téléphones portables. L'incorrection et le manque de courtoisie sont le reflet des sociétés dans lesquelles nous vivons. On peut choisir de s'en accommoder ou bien vouloir faire en sorte que ces éléments gênants n'aient pas cours dans une salle de cinéma. La différence majeure avec les époques précédentes tient dans le fait que voir un film dans une salle de cinéma n'est plus considéré comme un acte anodin. Quand vous payez 12.90€ votre place, vous ressentez bien plus tous ces éléments gênants qui vous tirent du film. Et dans ce contexte économique crucial, il devient inconcevable de payer pour des prestations qui ne soient pas optimales. D'où la victoire galopante du home cinema, qui permet un contrôle affirmé de ces différents éléments à un niveau impossible à atteindre dans un lieu recevant du public quand le pacte tacite de respect de l'autre est régulièrement bafoué.

Voyons les choses sous un autre angle : aurions-nous été en contact avec l'autre si ce n'était pour voir une même œuvre à un moment donné ? Une envie partagée selon un certain nombre de codes pré-définis. Sans film, pas d'expérience commune. Et c'est là où je rejoindrai ténia : c'est bien l'œuvre qui est au centre de l'expérience, indissociable de son environnement. Sans elle, rien ne se justifie. Elle est le vecteur du rapport humain. Mais si on ne la respecte pas, je ne suis pas sûr que le jeu en vaille la chandelle, car le pacte tacite n'est pas respecté. Et l'expérience mystique de se dissoudre en environnement stérile dans lequel plusieurs inconnus se retrouvent au coude-à-coude face à une image projetée.
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primus
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par primus »

cinephage a écrit : 7 janv. 21, 11:40On a pu lire plus haut deux témoignages de gens qui ne vont plus au cinéma parce qu'ils ne supportent plus leurs semblables. C'est bien évidemment leur droit, mais lorsque cette attitude se généralise, on ne fait plus société.
Nous ne "faisons plus société" depuis un bon moment. Ou alors toutes les contestations, divisions, oppositions de ces dernières années sont une vue de l'esprit. L'attitude générale dans la rue parisienne c'est que les gens se supportent tant bien que mal et que les forums, réseaux internet ne font que le confirmer. Il y a les recherches d'approbations et d'affinités continuelles et personnelles, ce qui ne fait pas société non plus. Quand les gens se permettent en salle de se comporter de plus en plus comme chez eux au détriment des autres, ça ne fait pas société non plus. Les grands classiques étant les bavardages pendant le film ou les coups de pieds, de genoux dans le dossier de son siège.
Quoiqu'on en dise la qualité d'une séance c'est aussi et surtout le comportement des gens dans la salle. Je supporte très bien mes semblables tant qu'ils ne m'emmerdent pas. J'imagine que nous sommes une majorité à penser ainsi.
Demi-Lune a écrit : 14 oct. 21, 15:27Ah par contre je suis affirmatif, monfilm = primus.
Je suis également Julien, Soleilvert, Nicolas Brulebois, Riqueunee, Boris le hachoir, Francis Moury, Yap, Bob Harris, Sergius Karamzin ... et tous les "invités" pas assez bien pour vous 8)
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par Jack Griffin »

primus a écrit : 7 janv. 21, 14:06 Quand les gens se permettent en salle de se comporter de plus en plus comme chez eux au détriment des autres, ça ne fait pas société non plus. Les grands classiques étant les bavardages pendant le film ou les coups de pieds, de genoux dans le dossier de son siège.
Quoiqu'on en dise la qualité d'une séance c'est aussi et surtout le comportement des gens dans la salle. Je supporte très bien mes semblables tant qu'ils ne m'emmerdent pas. J'imagine que nous sommes une majorité à penser ainsi.
Mais ça a toujours existé non ? Sans aller chercher dans nos mémoires, des tas de films montrent des salles où c'est le bazar (je ne sais plus dans quel Felini, Roma ou Amarcord, Matinee de Dante, des persos qui vont et viennent dans les salles de cinéma dans plein de films américain, l'argent de poche de Truffaut). La salle de cinéma reste encore un endroit populaire (l'Opéra et le théatre ont d'autres régles).
Je pense plutôt que notre tolérance a diminué et les progrès technologiques nous confortent là dedans.
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par harry »

primus a écrit : 7 janv. 21, 14:06
cinephage a écrit : 7 janv. 21, 11:40On a pu lire plus haut deux témoignages de gens qui ne vont plus au cinéma parce qu'ils ne supportent plus leurs semblables. C'est bien évidemment leur droit, mais lorsque cette attitude se généralise, on ne fait plus société.
Nous ne "faisons plus société" depuis un bon moment. Ou alors toutes les contestations, divisions, oppositions de ces dernières années sont une vue de l'esprit. L'attitude générale dans la rue parisienne c'est que les gens se supportent tant bien que mal et que les forums, réseaux internet ne font que le confirmer. Il y a les recherches d'approbations et d'affinités continuelles et personnelles, ce qui ne fait pas société non plus. Quand les gens se permettent en salle de se comporter de plus en plus comme chez eux au détriment des autres, ça ne fait pas société non plus. Les grands classiques étant les bavardages pendant le film ou les coups de pieds, de genoux dans le dossier de son siège.
Quoiqu'on en dise la qualité d'une séance c'est aussi et surtout le comportement des gens dans la salle. Je supporte très bien mes semblables tant qu'ils ne m'emmerdent pas. J'imagine que nous sommes une majorité à penser ainsi.
On pourrait prolonger ca a une société ou tout le monde veut des droits (de tout et de n'importe quoi) mais aucun devoir (ou au moins qui s'appliquent surtout aux autres).
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par Flol »

El Dadal a écrit : 7 janv. 21, 12:15 Pour moi, rien n'est plus beau que ce moment où les lumières s'estompent progressivement dans la salle, le silence se fait et la projection commence. À ce moment là, et à ce moment là seulement, toutes les œuvres sont à égalité. Elles ont toutes le même potentiel, la même chance de toucher le public. Mais si cette belle sensation prévaut, c'est parce qu'elle a été ritualisée depuis des décennies, d'où les parallèles réguliers à l'expérience religieuse et/ou mystique. Et ce sont tous les à-côtés d'une projection en salles qui viennent en modifier la teneur pure et fragile.

Il n'y a pas si longtemps, les fauteuils en bois inconfortables, les hommes en chapeau qui ne se découvrent pas, les aller-retours dans les allées et les volutes de cigarettes dans l'air faisaient partie du décor. Aujourd'hui, il s'agit des téléphones portables. L'incorrection et le manque de courtoisie sont le reflet des sociétés dans lesquelles nous vivons. On peut choisir de s'en accommoder ou bien vouloir faire en sorte que ces éléments gênants n'aient pas cours dans une salle de cinéma. La différence majeure avec les époques précédentes tient dans le fait que voir un film dans une salle de cinéma n'est plus considéré comme un acte anodin. Quand vous payez 12.90€ votre place, vous ressentez bien plus tous ces éléments gênants qui vous tirent du film. Et dans ce contexte économique crucial, il devient inconcevable de payer pour des prestations qui ne soient pas optimales. D'où la victoire galopante du home cinema, qui permet un contrôle affirmé de ces différents éléments à un niveau impossible à atteindre dans un lieu recevant du public quand le pacte tacite de respect de l'autre est régulièrement bafoué.

Voyons les choses sous un autre angle : aurions-nous été en contact avec l'autre si ce n'était pour voir une même œuvre à un moment donné ? Une envie partagée selon un certain nombre de codes pré-définis. Sans film, pas d'expérience commune. Et c'est là où je rejoindrai ténia : c'est bien l'œuvre qui est au centre de l'expérience, indissociable de son environnement. Sans elle, rien ne se justifie. Elle est le vecteur du rapport humain. Mais si on ne la respecte pas, je ne suis pas sûr que le jeu en vaille la chandelle, car le pacte tacite n'est pas respecté. Et l'expérience mystique de se dissoudre en environnement stérile dans lequel plusieurs inconnus se retrouvent au coude-à-coude face à une image projetée.
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Pour ma part, j'aime toujours aller au cinéma, et la potentielle disparition des salles (bien que je n'y crois pas des masses) m'attristerait au plus haut point. Parce que cela reste une expérience à part, pour toutes les sensations que cela peut procurer, pour le fait que ça nous "oblige" à être actif (faut quand même que j'affronte le train et le plus souvent le RER A pour y parvenir :o), contrairement à la démarche passive consistant à zapper mollement sur Netflix ou autre pendant 20 minutes avant de lancer un truc sans trop de conviction.
Mais j'y vois de plus en plus une activité solitaire, tant j'en ai de plus en plus marre de mes congénères qui ont plus tendance à me stresser qu'autre chose ; je sais ça ne fait pas très "société", Cinephage...mais les gens n'ont qu'à être moins pénibles, aussi. :o
J'ai bien sûr quelques bons souvenirs de séances où l'ambiance collective était palpable et plutôt sympathique à vivre (et encore, je les compte juste sur les doigts d'une main), mais rien ne vaut une salle 100% silencieuse autour de moi pour découvrir un film. L'idéal pour moi, c'est donc une grande salle rien que pour moi - ce qui ne m'est malheureusement jamais arrivé.

Ou alors mon canap avec un bon Bluray, une bonne bière, et ma fille qui fait dodo tranquillement dans la pièce d'à côté. :)
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par Watkinssien »

Flol a écrit : 7 janv. 21, 16:25 L'idéal pour moi, c'est donc une grande salle rien que pour moi - ce qui ne m'est malheureusement jamais arrivé.

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El Dadal
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par El Dadal »

Flol a écrit : 7 janv. 21, 16:25 Parce que cela reste une expérience à part, pour toutes les sensations que cela peut procurer, pour le fait que ça nous "oblige" à être actif...
Voilà, il y a un écart fondamental d'appréciation il me semble entre les démarches actives et passives. Si on me dit "allez, on va se faire un ciné", démarche qui ne m'intéresse guère, il est évident que l'expérience sensitive de la salle, tout le protocole qui entoure le film, le rituel est bien plus important que l'œuvre. À contrario, se déplacer pour aller voir une œuvre précise est une démarche volontariste dont les fondements sont très différents. Les expériences peuvent se croiser, mais ce n'est pas une nécessité.

Bon, et sinon, un petit Steven Seagal à la maison avec des chips et des copains, ça vaut bien une salle hein...
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par LeRationaliste »

hansolo a écrit : 6 janv. 21, 14:55
Supfiction a écrit : 6 janv. 21, 13:00 Le truc c’est que le système est (était) fondé autour de la sortie en salles. La promotion notamment est concentrée sur la date de sortie salle. Rien de comparable avec les moyens déployés lors d’une sortie directe en vidéo. Créer l’événement, c’est ce qu’arrivait à créer la salle. Il n’y a aucune raison pour que la vidéo n’en soit pas capable. Si l’événement est là, les échanges et le partage suivent automatiquement.
Plusieurs outils de promotion consubstentiels du cinéma sont devenus beaucoup moins originaux ou ont même disparus ces dernieres années, sans que ca ne choque beaucoup de monde:
- l'affiche de cinéma est désormais très rarement originale et les affichistes ont quasiment disparu :(
- les photos d'exploitation (lobbys card) ont totalement disparu depuis 2012 ...
Et l'art de la bande-annonce, dans la salle et en dehors. Avant, n'importe quel navet donnait envie d'être vu rien qu'avec la bande-annonce. Le Godzilla de Emmerich en est un bel exemple. Quand je regarde celles depuis 10 ans, le schéma est toujours le même. C'est la différence avec avant où le schéma répétitif de bandes annonces était presque réservé aux productions fauchées.
Roy Neary a écrit : 6 janv. 21, 18:54 Je souscris à tout ce que dit Cinéphage.

Et je rajoute autre chose qui importe énormément pour moi (Ténia va encore souligner que je parle de médium mais en fait non, ou bien dans un sens autre et bien plus symbolique) : je me place dans le rapport qu'entretient Martin Scorsese à la salle, soit un lien de type religieux en considérant la salle comme une cathédrale dans laquelle sont délivrés un message ou une expérience. Mais j'évacue le dogme religieux au profit 1) de la mystique 2) de la réunion collective d'une communauté qui contemple ensemble le même événement et absorbe celui-ci les sens et l'intellect éveillés, comme témoin d'une "révélation". Ensuite le sens du" message" délivré par l’œuvre projetée peut subir des interprétations au gré des individus, évidement.
Et là, qu'importe si on est dans une salle vide/clairsemée ou bien dans une salle bondée : dans le premier cas je convie le Scorsese religieux centré sur lui-même, dans le deuxième je convie le Spielberg mystique de la fin de Rencontres du 3e type avec son assemblée d'humains qui lèvent les yeux vers le ciel. Eh oui, c'est au cinéma qu'on lève les yeux (et là, je convie Godard :lol: ). Les deux approches (introspective et communautaire) sont bien sûr complémentaires et dans une démarche de va-et-vient.

Pour ce que je viens d'exprimer, bonne chance si vous voulez retrouver l'équivalent en SVOD devant votre télé...
Oui... et non.

Un dogme religieux n'existe pas et ne peut pas être pérenne sans le collectif, justement. On en avait déjà parlé dans le topic News US, mais effectivement on entre au cinéma comme en religion. C'est pareil avec la chanson populaire mais j'y reviendrai.
La réunion et la mystique peuvent très bien s'offrir sur le petit écran. Je dirais même plus, c'est ce qui convient le mieux à certains films, en particulier ceux qui ont un message religieux. Il y a cinq ans, j'étais allé voir Au Hasard Balthazar de Bresson dans le cadre d'une ressortie, et en le revoyant à la TV un autre jour, je n'ai pas vu une grande différence. Je ressentais même mieux son message via le petit écran, et c'était pareil avec Les Anges du Péché ou encore avec Ordet de Dreyer ou Solaris de Tarkovski.*.
Les expériences collectives mènent parfois trop souvent à certaines dérives, mais c'est une autre histoire.
primus a écrit : 6 janv. 21, 20:32 Une salle unie et silencieuse devant un film, qui applaudit à la fin dans une belle émotion collective, c'est un souvenir agréable mais lointain. Les choses ont changé, les gens ont changé. On peut éventuellement retrouver cela au hasard d'une séance ou d'un festival mais le plus souvent c'est la foire aux incivilités où la plupart se comporte en salle comme si c'était chez eux. Alors pourquoi m'infliger ça en payant en plus le prix fort alors que j'ai à chaque fois mieux apprécié chez moi les films vus dans ces conditions.
D'ailleurs, sur le changement de comportement des spectateurs, vous trouverez plus de détails ici : https://www.liberation.fr/tribune/2000/ ... ges_330906

Cela date d'il y a vingt ans mais certains élément m'ont parlé, j'avoue. Certains ont connu les exclusivités avec places moins chères ?
Flol a écrit : 6 janv. 21, 14:55Impossible.
#Team8èmeRang
Une petit question comme ça : tu as déjà essayé de voir quelle position dans la salle te rappelle celle que tu as devant la télévision ? Par rapport à l'écran, j'entends.
El Dadal a écrit : 7 janv. 21, 12:15 Pour moi, rien n'est plus beau que ce moment où les lumières s'estompent progressivement dans la salle, le silence se fait et la projection commence. À ce moment là, et à ce moment là seulement, toutes les œuvres sont à égalité. Elles ont toutes le même potentiel, la même chance de toucher le public. Mais si cette belle sensation prévaut, c'est parce qu'elle a été ritualisée depuis des décennies, d'où les parallèles réguliers à l'expérience religieuse et/ou mystique. Et ce sont tous les à-côtés d'une projection en salles qui viennent en modifier la teneur pure et fragile.
Cela a son charme aussi mais moi, ce qui me gène, c'est que cette ritualisation peut fermer à des changements mettant fin à des situations qui étaient souvent des "fautes de mieux". Mon exemple est le 24p, qui non seulement n'est pas le bonne illusion du mouvement mais le minimum, mais en plus était une limitation technologique qu'on a gardé par habitude alors qu'objectivement, il serait intéressant de faire plus.


Pour ma part, je pense que la (S)VOD, conjuguée à la situation actuelle, va rendre extrêmement évident ce qui existe déjà depuis un moment : que chaque œuvre va bien être compartimentée par son mode de diffusion. Et ce ne sera pas un drame, juste quelque chose de normal. Mieux, cela va permettre aux films, au cinéma, de retrouver le même chemin que la musique occidentale. Pour moi, l'avenir du cinéma est de devenir jumeau définitif de la musique. Oui, j'inclue les musiques dites "anoblies" comme la musique classique et le jazz. Je m'explique.

La seule différence entre le cinéma et la musique, c'est l'apparition du support physique. Dans le cadre de la musique, le disque est apparu beaucoup plus tôt. Pour le reste, on a : mêmes origines avec la chanson populaire (foires itinérantes avec chapiteaux de cirque et minstrel shows), même remise en question quasiment la MÊME décennie (les années 60 avec la Nouvelle Vague et les mélanges entre genres musicaux), puis question de la dématérialisation. Et bien sûr même interrogations sur la différence entre l'expérience collective et l'expérience individuelle.

La musique classique, d'abord. Autant une sonate au piano, un quatuor à cordes ou autres ensembles musicaux de cette taille, il me paraît largement suffisant d'acheter le disque ou de regarder des chaînes comme Mezzo ou Deutsche Grammophon (sérieusement, abonnez-vous, c'est bien). D'autant qu'aujourd'hui, certaines collections offrent de très beaux enregistrements, sans que ça n'empêche d'aller en voir de temps en temps. Un opéra et même une symphonie, même en blu ray, ça me parait plus compliqué.
Le Jazz, pareil. Surtout quand certains orchestres (Miles Davis dans sa période funk) sortent des albums qui sont en réalité des répétitions enregistrées à leur insu. Et une grande partie de la production peut s'écouter sur un disque.
Dans la chanson populaire, en particulier le rock (on arrive au cœur du sujet), c'est encore plus flagrant. Il faut dire ce qui y est : le disque, le 33 tours, n'était et n'est encore qu'un produit. Le fonctionnement normal, c'était le single qu'on écoutait à la radio, chez soi ou au mieux avec un juke box. Puis des groupes comme les Beatles, Led Zeppelin et Pink Floyd ont débarqué pour utiliser le 33 tours, jusque là réservé à un public plus riche. Mais combien ont vraiment utilisé ce support comme un vrai support ? Autrement que juste une collection de chansons ? Ben... pas grand monde. Mais parmi eux, certains ont monté leurs concerts comme quelque chose à rater sous aucun prétexte. Personnellement, j'en citerais trois : Pink Floyd, King Crimson, et Magma. Leur point commun : la scène a été le lieu d'élaboration de leur musique. Le premier a montré sur scène Dark Side of the Moon avant de l'enregistrer en studio et le vendre par camions. Le second a tellement privilégié la scène que leurs tournées étaient de vrais marathons et leurs disques les plus importants (Starless and Bible Black, Red, Thrakattak) sont des montages de bandes live et d'enregistrements studio. Le troisième changeait carrément la structure de ses morceaux sur scène, qu'ils l'enregistraient en studio ou pas (à ce jour, "Theusz Hamtaahk" n'a jamais été enregistré en studio), comme s'ils la composaient devant le public**. Et à chaque tournée, certains morceaux étaient et sont encore modifiés. La preuve ultime étant l'existence de catalogues de concerts enregistrés : Collector's Club pour King Crimson et AKT pour Magma.

A mon sens, le cinéma, c'est pareil.
Fondamentalement, est-ce qu'absolument tous les films sont vraiment taillés pour la salle ? Pour sa grande taille, pour l'expérience collective, pour l'extrême précision sonore ? Personnellement, je pense que non. D'abord la télévision, puis le marché vidéo, et surtout la VOD rendent cela évident : si la salle est une expérience à part, il faudra alors des films à part. Ce n'est pas un hasard si on cite toujours les mêmes films pour rappeler les vertus de la salle en matière techniques et émotionnelles. 2001, l'Odyssée de l'Espace, Apocalypse Now, Lawrence d'Arabie, les péplums des années 50-60, Métropolis, Gravity, Blade Runner I et II, La Guerre des Étoiles***, et j'en passe.
Je reste toujours sceptique quant à la nécessité de faire programmer en salles des films comme Ida, des documentaires (bon ça dépend lesquels) et autres. J'étais aussi allé voir Sonate d'Automne d'Ingmar Bergman lors d'une rétrospective et là encore, pas sûr que ce soit un film taillé pour le cinéma. En revanche, pour prendre une autre ressortie, Akira, c'est une autre histoire. En terme de mise en scène, d'ampleur de l'histoire, de choix de cadrages, de mixage son, etc.

Dans tous les cas, tout ceci ne doit pas être une incitation à tout compartimenter. On peut très bien vouloir ressentir un film avec n'importe quel support, et on n'aura pas que des chefs d’œuvres en salle et que des navets à la TV.
Moi, en tout cas, mon seul souhait, ce serait que les multiplex arrêtent de mettre le volume sonore à 11. Il n'y a pas de fatalité : il n'y a AUCUNE raison pour que le son soit si fort ! C'est déjà assez chiant de supporter des bruitages surmixés par rapport à la musique. Peut-être un autre indice sur la disparition des bonnes bandes originales.

L.R

*Pour rappel : "J'en arrive à un point où je suis pris pour un prophète, ce que je ne suis pas du tout, au demeurant. Je suis simplement un homme à qui Dieu a offert l'occasion d'être poète, et qui propose de prier autrement que dans simplement une cathédrale. Je n'ai rien d'autre à dire à ce sujet." Andreï Tarkovski sur France Inter, 1986. Dans "Le Temps scellé" je crois, il qualifie aussi les cathédrales de "caricature d’institution sociale". Cela veut tout dire, non ?

** A ce sujet, le fondateur du groupe, Christian Vander, disait ceci à Antoine de Caunes : "Je dois dire surtout qu'en fait, Magma est divisé en deux : sur scène et à la maison. Des gens venaient chez moi et m'écoutaient jouer simplement au piano. Et beaucoup m'ont alors dis : "pourquoi on ne ressent pas cette chaleur sur scène ?".

*** Le slogan lors de la ressortie en salles en 1997, c'était "Si vous avez vu SW à la TV, vous ne l'avez jamais vu". Et je dois dire qu'avec les dernières modifications, ça n'a jamais été aussi vrai.
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par frédéric »

Et hop, cinémas et tous les secteurs restent fermés jusqu'à au moins fin Janvier sinon plus, bref. :(
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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par LeRationaliste »

Et pendant ce temps, le mec qui a attroupé 3000 personnes pour Miss France n'est toujours pas sous les verrous. Magnifique. Cohérence/20.

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Re: Quel avenir pour le cinéma ?

Message par Flol »

Watkinssien a écrit : 7 janv. 21, 17:11
Flol a écrit : 7 janv. 21, 16:25 L'idéal pour moi, c'est donc une grande salle rien que pour moi - ce qui ne m'est malheureusement jamais arrivé.
Image
Oui alors ça, c'est sans doute le moment du film qui m'a toujours fait le plus fantasmer.
Même avec le Covid, j'ai jamais réussi à avoir une salle pour moi tout seul. :x
hansolo a écrit : 6 janv. 21, 14:55 Une petit question comme ça : tu as déjà essayé de voir quelle position dans la salle te rappelle celle que tu as devant la télévision ? Par rapport à l'écran, j'entends
Pas vraiment, puisque je ne cherche pas trop à reproduire l'expérience vécue dans mon canap. La plupart du temps, je me mets carrément sur les côtés histoire d'éviter au maximum le monde qui vient se masser dans le même petit périmètre au centre de la salle...
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