hansolo a écrit : ↑6 janv. 21, 14:55
Supfiction a écrit : ↑6 janv. 21, 13:00
Le truc c’est que le système est (était) fondé autour de la sortie en salles. La promotion notamment est concentrée sur la date de sortie salle. Rien de comparable avec les moyens déployés lors d’une sortie directe en vidéo. Créer l’événement, c’est ce qu’arrivait à créer la salle. Il n’y a aucune raison pour que la vidéo n’en soit pas capable. Si l’événement est là, les échanges et le partage suivent automatiquement.
Plusieurs outils de promotion consubstentiels du cinéma sont devenus beaucoup moins originaux ou ont même disparus ces dernieres années, sans que ca ne choque beaucoup de monde:
- l'affiche de cinéma est désormais très rarement originale et les affichistes ont quasiment disparu
- les photos d'exploitation (lobbys card) ont totalement disparu depuis 2012 ...
Et l'art de la bande-annonce, dans la salle et en dehors. Avant, n'importe quel navet donnait envie d'être vu rien qu'avec la bande-annonce. Le
Godzilla de
Emmerich en est un bel exemple. Quand je regarde celles depuis 10 ans, le schéma est toujours le même. C'est la différence avec avant où le schéma répétitif de bandes annonces était presque réservé aux productions fauchées.
Roy Neary a écrit : ↑6 janv. 21, 18:54
Je souscris à tout ce que dit Cinéphage.
Et je rajoute autre chose qui importe énormément pour moi (Ténia va encore souligner que je parle de médium mais en fait non, ou bien dans un sens autre et bien plus symbolique) : je me place dans le rapport qu'entretient Martin Scorsese à la salle, soit un lien de type religieux en considérant la salle comme une cathédrale dans laquelle sont délivrés un message ou une expérience. Mais j'évacue le dogme religieux au profit 1) de la mystique 2) de la réunion collective d'une communauté qui contemple ensemble le même événement et absorbe celui-ci les sens et l'intellect éveillés, comme témoin d'une "révélation". Ensuite le sens du" message" délivré par l’œuvre projetée peut subir des interprétations au gré des individus, évidement.
Et là, qu'importe si on est dans une salle vide/clairsemée ou bien dans une salle bondée : dans le premier cas je convie le Scorsese religieux centré sur lui-même, dans le deuxième je convie le Spielberg mystique de la fin de
Rencontres du 3e type avec son assemblée d'humains qui lèvent les yeux vers le ciel. Eh oui, c'est au cinéma qu'on lève les yeux (et là, je convie Godard
). Les deux approches (introspective et communautaire) sont bien sûr complémentaires et dans une démarche de va-et-vient.
Pour ce que je viens d'exprimer, bonne chance si vous voulez retrouver l'équivalent en SVOD devant votre télé...
Oui... et non.
Un dogme religieux n'existe pas et ne peut pas être pérenne sans le collectif, justement. On en avait déjà parlé dans le topic News US, mais effectivement on entre au cinéma comme en religion. C'est pareil avec la chanson populaire mais j'y reviendrai.
La réunion et la mystique peuvent très bien s'offrir sur le petit écran. Je dirais même plus, c'est ce qui convient le mieux à certains films, en particulier ceux qui ont un message religieux. Il y a cinq ans, j'étais allé voir
Au Hasard Balthazar de
Bresson dans le cadre d'une ressortie, et en le revoyant à la TV un autre jour, je n'ai pas vu une grande différence. Je ressentais même mieux son message via le petit écran, et c'était pareil avec Les Anges du Péché ou encore avec
Ordet de
Dreyer ou
Solaris de
Tarkovski.*.
Les expériences collectives mènent parfois trop souvent à certaines dérives, mais c'est une autre histoire.
primus a écrit : ↑6 janv. 21, 20:32
Une salle unie et silencieuse devant un film, qui applaudit à la fin dans une belle émotion collective, c'est un souvenir agréable mais lointain. Les choses ont changé, les gens ont changé. On peut éventuellement retrouver cela au hasard d'une séance ou d'un festival mais le plus souvent c'est la foire aux incivilités où la plupart se comporte en salle comme si c'était chez eux. Alors pourquoi m'infliger ça en payant en plus le prix fort alors que j'ai à chaque fois mieux apprécié chez moi les films vus dans ces conditions.
D'ailleurs, sur le changement de comportement des spectateurs, vous trouverez plus de détails ici :
https://www.liberation.fr/tribune/2000/ ... ges_330906
Cela date d'il y a vingt ans mais certains élément m'ont parlé, j'avoue. Certains ont connu les exclusivités avec places moins chères ?
Flol a écrit : ↑6 janv. 21, 14:55Impossible.
#Team8èmeRang
Une petit question comme ça : tu as déjà essayé de voir quelle position dans la salle te rappelle celle que tu as devant la télévision ? Par rapport à l'écran, j'entends.
El Dadal a écrit : ↑7 janv. 21, 12:15
Pour moi, rien n'est plus beau que ce moment où les lumières s'estompent progressivement dans la salle, le silence se fait et la projection commence. À ce moment là, et à ce moment là seulement, toutes les œuvres sont à égalité. Elles ont toutes le même potentiel, la même chance de toucher le public. Mais si cette belle sensation prévaut, c'est parce qu'elle a été ritualisée depuis des décennies, d'où les parallèles réguliers à l'expérience religieuse et/ou mystique. Et ce sont tous les à-côtés d'une projection en salles qui viennent en modifier la teneur pure et fragile.
Cela a son charme aussi mais moi, ce qui me gène, c'est que cette ritualisation peut fermer à des changements mettant fin à des situations qui étaient souvent des "fautes de mieux". Mon exemple est le 24p, qui non seulement n'est pas le bonne illusion du mouvement mais le minimum, mais en plus était une limitation technologique qu'on a gardé par habitude alors qu'objectivement, il serait intéressant de faire plus.
Pour ma part, je pense que la (S)VOD, conjuguée à la situation actuelle, va rendre extrêmement évident ce qui existe déjà depuis un moment : que chaque œuvre va bien être compartimentée par son mode de diffusion. Et ce ne sera pas un drame, juste quelque chose de normal. Mieux, cela va permettre aux films, au cinéma, de retrouver le même chemin que la musique occidentale. Pour moi, l'avenir du cinéma est de devenir jumeau définitif de la musique. Oui, j'inclue les musiques dites "anoblies" comme la musique classique et le jazz. Je m'explique.
La seule différence entre le cinéma et la musique, c'est l'apparition du support physique. Dans le cadre de la musique, le disque est apparu beaucoup plus tôt. Pour le reste, on a : mêmes origines avec la chanson populaire (foires itinérantes avec chapiteaux de cirque et minstrel shows), même remise en question quasiment la MÊME décennie (les années 60 avec la Nouvelle Vague et les mélanges entre genres musicaux), puis question de la dématérialisation. Et bien sûr même interrogations sur la différence entre l'expérience collective et l'expérience individuelle.
La musique classique, d'abord. Autant une sonate au piano, un quatuor à cordes ou autres ensembles musicaux de cette taille, il me paraît largement suffisant d'acheter le disque ou de regarder des chaînes comme Mezzo ou Deutsche Grammophon (sérieusement, abonnez-vous, c'est bien). D'autant qu'aujourd'hui, certaines collections offrent de très beaux enregistrements, sans que ça n'empêche d'aller en voir de temps en temps. Un opéra et même une symphonie, même en blu ray, ça me parait plus compliqué.
Le Jazz, pareil. Surtout quand certains orchestres (Miles Davis dans sa période funk) sortent des albums qui sont en réalité des répétitions enregistrées à leur insu. Et une grande partie de la production peut s'écouter sur un disque.
Dans la chanson populaire, en particulier le rock (on arrive au cœur du sujet), c'est encore plus flagrant. Il faut dire ce qui y est : le disque, le 33 tours, n'était et n'est encore qu'un produit. Le fonctionnement normal, c'était le single qu'on écoutait à la radio, chez soi ou au mieux avec un juke box. Puis des groupes comme les
Beatles,
Led Zeppelin et
Pink Floyd ont débarqué pour utiliser le 33 tours, jusque là réservé à un public plus riche. Mais combien ont vraiment utilisé ce support comme un vrai support ? Autrement que juste une collection de chansons ? Ben... pas grand monde. Mais parmi eux, certains ont monté leurs concerts comme quelque chose à rater sous aucun prétexte. Personnellement, j'en citerais trois :
Pink Floyd,
King Crimson, et
Magma. Leur point commun : la scène a été le lieu d'élaboration de leur musique. Le premier a montré sur scène
Dark Side of the Moon avant de l'enregistrer en studio et le vendre par camions. Le second a tellement privilégié la scène que leurs tournées étaient de vrais marathons et leurs disques les plus importants (
Starless and Bible Black,
Red,
Thrakattak) sont des montages de bandes live et d'enregistrements studio. Le troisième changeait carrément la structure de ses morceaux sur scène, qu'ils l'enregistraient en studio ou pas (à ce jour, "Theusz Hamtaahk" n'a jamais été enregistré en studio), comme s'ils la composaient devant le public**. Et à chaque tournée, certains morceaux étaient et sont encore modifiés. La preuve ultime étant l'existence de catalogues de concerts enregistrés : Collector's Club pour
King Crimson et AKT pour
Magma.
A mon sens, le cinéma, c'est pareil.
Fondamentalement, est-ce qu'absolument tous les films sont vraiment taillés pour la salle ? Pour sa grande taille, pour l'expérience collective, pour l'extrême précision sonore ? Personnellement, je pense que non. D'abord la télévision, puis le marché vidéo, et surtout la VOD rendent cela évident : si la salle est une expérience à part, il faudra alors des films à part. Ce n'est pas un hasard si on cite toujours les mêmes films pour rappeler les vertus de la salle en matière techniques et émotionnelles.
2001, l'Odyssée de l'Espace,
Apocalypse Now,
Lawrence d'Arabie, les péplums des années 50-60,
Métropolis,
Gravity,
Blade Runner I et
II,
La Guerre des Étoiles***, et j'en passe.
Je reste toujours sceptique quant à la nécessité de faire programmer en salles des films comme Ida, des documentaires (bon ça dépend lesquels) et autres. J'étais aussi allé voir Sonate d'Automne d'
Ingmar Bergman lors d'une rétrospective et là encore, pas sûr que ce soit un film taillé pour le cinéma. En revanche, pour prendre une autre ressortie,
Akira, c'est une autre histoire. En terme de mise en scène, d'ampleur de l'histoire, de choix de cadrages, de mixage son, etc.
Dans tous les cas, tout ceci ne doit pas être une incitation à tout compartimenter. On peut très bien vouloir ressentir un film avec n'importe quel support, et on n'aura pas que des chefs d’œuvres en salle et que des navets à la TV.
Moi, en tout cas, mon seul souhait, ce serait que les multiplex arrêtent de mettre le volume sonore à 11. Il n'y a pas de fatalité : il n'y a AUCUNE raison pour que le son soit si fort ! C'est déjà assez chiant de supporter des bruitages surmixés par rapport à la musique. Peut-être un autre indice sur la disparition des bonnes bandes originales.
L.R
*Pour rappel : "J'en arrive à un point où je suis pris pour un prophète, ce que je ne suis pas du tout, au demeurant. Je suis simplement un homme à qui Dieu a offert l'occasion d'être poète,
et qui propose de prier autrement que dans simplement une cathédrale. Je n'ai rien d'autre à dire à ce sujet."
Andreï Tarkovski sur France Inter, 1986. Dans "Le Temps scellé" je crois, il qualifie aussi les cathédrales de "caricature d’institution sociale". Cela veut tout dire, non ?
** A ce sujet, le fondateur du groupe,
Christian Vander, disait ceci à
Antoine de Caunes : "Je dois dire surtout qu'en fait, Magma est divisé en deux : sur scène et à la maison. Des gens venaient chez moi et m'écoutaient jouer simplement au piano. Et beaucoup m'ont alors dis : "pourquoi on ne ressent pas cette chaleur sur scène ?".
*** Le slogan lors de la ressortie en salles en 1997, c'était "Si vous avez vu SW à la TV, vous ne l'avez jamais vu". Et je dois dire qu'avec les dernières modifications, ça n'a jamais été aussi vrai.