SPOILERS
Hérédité a, souvent et à tort, été comparé à Rosemary baby et à Ne vous retournez pas. Non pas que le film n'assume pas ses influences notoires, ou en assume d’autres, on pourrait au moins évoquer Drag me to Hell de Raimi, voire certains Bergman, notamment dans cet éclairage douloureux de la matière intime, mais toutes ces références réunies restent insuffisantes pour rendre justice à la singularité du geste d’Aster. A la particularité de son regard, son approche personnelle du fantastique ou bien encore sa maitrise confondante des outils du médium; tout ceci donnant l’impression d’assister à la naissance d’un talent - que certains évoquent Shyamalan n’est guère étonnant.
Hérédité se présente comme un film de deuil - d’ailleurs le film s’ouvre sur un deuil. Deuil d’autant plus douloureux, qu'il ne se réalise jamais vraiment; blessure qui se réouvre régulièrement jusqu’à explosion. Ambiance à la fois solaire et mortifère, doté d’un rythme calme indifférent aux changements, le film ressemble à un cri face à la mort. Un cri qui se traduit par des plans sur l’effroi confinant au statisme: yeux écarquillés, visages figés, bouches ouvertes, ruisselants…Un véritable esthétique de l’effroi qui, progressivement, se transforme en rumination sur la parentalité et la filiation, et d’où Aster tire toute l’horreur d’une famille fortuitement et étrangement composée ( pertinence de l’aspect hétérogène du casting). À ce doute sur l’origine, kyrielle de non-dits, regrets, culpabilités : Aster en fait une double matière horrifique. Horreur liée d'abord à l’exposition des secrets, aveux, rejets, rapports interdits, et horreur devant la logique sacrificatoire qui l’accable, étrange fatum qui détermine les personnages à des fonctions. Image de l’enfermement : poupée dans leur maison , image de fin du film. Hérédité est donc une charge dérangeante contre la famille traditionnelle, inconfortable, qui, détruite pièce par pièce, comme Kubrick l’avait fait avec Shining, sera recomposée selon un ordre mystérieux et sacré…Un saut quasi mythologique qui réoriente le sens du film, et sur laquelle beaucoup tiqueront. Mais une fin cohérente, envoutante, quasi magique, qui prouve la richesse de la palette d’Aster et sa foi dans le cinéma à enchanter le monde.
Meilleure film fantastique depuis le Oculus de Flanagan.