Qu'il y ait des méchants de cinéma primaires, pour que les héros soient d'autant plus méritoires et attachants, c'est une convention comme une autre... mais ici, je suis d'accord avec toi, elle coince. Le film charge très artificiellement la mule sous couvert que l'époque légitimerait des traits de caractère arriérés. Le truc, c'est que comme le saut de foi que représente le dévolu d'Elisa pour la créature est énorme, le film croit bon de le favoriser en faisant de la masculinité une figure repoussoir. Ça donne du coup un côté démago dont le pauvre Michael Shannon fait constamment les frais (il faut notamment voir cette scène où il rentre chez son
home sweet home pour retrouver des enfants qu'on devine élevés à la trique, et une épouse sexuellement complaisante, et manifestement heureuse de se faire tringler par un tel mâle alpha).
A titre de comparaison, le personnage du capitaine franquiste dans
Le labyrinthe de Pan est un méchant de cinéma détestable, mais encore crédible, lui.
Ça me rassure que tu ne comprennes pas toi non plus le dévolu jeté sur le monstre. On passe de la pitié à l'attirance par l'opération du Saint-Esprit, sans que le côté glauque du truc ne soit jamais questionné, d'ailleurs. Je veux bien croire que la suspension d'incrédulité ou la magie n'aient pas pris sur moi, mais c'est quand même un poil problématique que la narration brade à ce point ce qui est pourtant à la fois son épicentre et son point critique. Car au final, c'est comme si la créature n'était là que pour remplir un vide (sans mauvais jeu de mots) dans la misère sexuelle de l'héroïne - qu'on a bien pris soin de nous montrer, comme si ça conditionnait tout. Je ne pense pas que ce flou sur ce qui la meut soit laissée à dessein... elle trahit pour moi un pitch confus et maladroit, qui préfère se payer un virilisme américain rance plutôt que de raconter convenablement et d'assumer une histoire casse-gueule.
Sinon, tu en as pensé quoi de ces deux moments, reuno ?
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- Le mime de l'érection du monstre, et le numéro en noir et blanc façon The artist. Gros malaise embarrassé, pour ma part.
