G.T.O a écrit :Le précédent Ramsay, le boursouflé We need to talk about Kevin m'ayant passablement gonflé.
Pas évident à manipuler, ce film. Je le trouve aussi marquant que boursouflé et grossièrement calculateur, effectivement. Je n'arrive pas complètement à trancher sur le fait de savoir si je l'apprécie ou non. J'ai d'ailleurs retrouvé - lointainement - ce déchirement sur
Mise à mort du cerf sacré. Sauf que j'ai choisi mon camp, là.
Demi-Lune a écrit :We need to talk about Kevin (Lynne Ramsay, 2011)
Ça me laisse quand même un curieux goût dans la bouche, ce film. C'est une œuvre marquante, très bien interprétée par Tilda Swinton et Ezra Miller, et terriblement anxiogène et dure, mais les procédés employés par la réalisatrice sont fragiles.
Déjà, l'insistance de la symbolique de l'éclaboussure rouge, ça va bien un moment, on a compris.
Puis le principe de la narration alternée entre le présent et le passé, qu'on remonte chronologiquement, crée un suspense très mécanique et roublard, certes prenant mais artificiel dans ce contexte, puisqu'on sait dès le départ qu'il y a eu drame et que les miettes que nous jette la réalisatrice nous permettent d'en deviner la portée. Le montage est habile mais il y a pour moi un côté petit malin, une génération d'attente chez le spectateur qui débouche au final sur pas grand-chose s'agissant de l'énigme Kevin.
Alors là aussi, c'est à double-tranchant : ça renvoie le spectateur au même vertige d'impuissance que la mère jouée par Tilda Swinton, mais ça peut être aussi l'aveu de faiblesse d'un traitement qui n'aura jamais (sauf UNE exception) fait de Kevin autre chose qu'un démon (conçu à minuit pile, en plus, la réalisatrice prend bien la peine de le montrer !!). Sans déconner, c'est Damien la malédiction, un gosse échappé des Révoltés de l'an 2000, un génie absolu du Mal. Autant ce côté maléfique est vraiment angoissant lorsqu'il est môme (ses pleurs ininterrompus dès qu'il est avec sa mère, son jeu vicieux de défi avec elle, ses mensonges par rapport à sa fracture du bras, etc), autant ça devient gros par la suite comparé au laisser-pisser permanent du père (qui, évidemment, ne remarque rien) et de l'intériorisation de la mère (franchement, j'aurais craqué depuis longtemps, ce n'est pas crédible qu'elle supporte tout le temps cette torture mentale et fasse tête basse dès que son mari la fait culpabiliser d'être parano). Sans parler de ces indices à rebours comme la cible dans la rétine ou ses "Die! Die!" lorsqu'il joue tout gosse au jeu vidéo. Résultat, si le film cherche à faire douter quant à la responsabilité de Tilda Swinton en tant que mère par rapport à la montée en puissance de ce monstre, ça se mord la queue puisqu'il y a dans la malfaisance de Kevin un caractère quasi pathologique et abstrait. Pourrit-il la vie de sa mère parce qu'il s'est senti dès le départ indésirable, pour se faire remarquer et se venger d'un déficit d'affection ? Le film laisse des pointillés mais ils restent étroits. Ce faisant, Lynne Ramsay se lave les mains des causes profondes de la tragédie, comme une impossibilité pour elle de donner une logique à ces massacres américains sortis de nulle part. Une chose est sûre, les parents étaient démunis, que ce soit par complaisance (le père, avec qui Kevin est hypocritement pote) ou par impréparation (le rôle de mère). L'ironie du titre prend alors tout son sens puisqu'il n'y a jamais eu de dialogue parental, de courage de percer l'abcès.
Film fort et dérangeant qui pose beaucoup de questions même si les ficelles sont plus ou moins appuyées.