Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Demi-Lune
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Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par Demi-Lune »

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La Méditerranée, l'été : une mer d'azur, un soleil de plomb... et 250 kilos d'or volés par Rhino et sa bande! Ils ont trouvé la planque idéale : un village abandonné, coupé de tout, investi par une artiste en manque d'inspiration. Hélas, quelques invités surprises et deux flics vont contrecarrer leur plan : ce lieu paradisiaque, autrefois théâtre d'orgies et de happenings sauvages, va se transformer en un véritable champ de bataille... impitoyable et hallucinatoire !

Le nouveau film du duo de fétichistes du cinéma bis suscite manifestement toujours autant de perplexité :
The Boogeyman a écrit :Overdose de TRES gros plans et de cadrages "cool" sans âmes et sans saveurs. Personnages et interprétations au raz du sol.
Une figure de style(s) plus agressante que prenante. Les réalisateurs se cachent derrière les mots "influences" et "hommages" mais utiliser une composition de Ennio Morricone à outrance ça ne capte pas l'intérêt sur 1h30. Ca fait beaucoup de bruit et au bout de 10mn le temps deviens trèèèèèèèèèèèèèèès long.
Mosin-Nagant a écrit :Très soigné dans la forme. Avec un petit coté "le cinéma bis pour les nuls"... Ça raconte vraiment rien.
Film aux couleurs chaudes mais froid comme un musé, j'ai piqué du nez malgré le mixage sonore très élevé.
Pas vu "Amer" ni "L'étrange couleur des larmes de ton corps" mais, si c'est la même démarche, c'est pas grave.
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Jack Carter
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par Jack Carter »

Je sens que ça va être aussi génial que le précédent (ironie)
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Watkinssien
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par Watkinssien »

Demi-Lune a eu un orgasme. :wink:
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Demi-Lune
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par Demi-Lune »

Oui, j'ai trouvé ça franchement remarquable. C'est un nouvel exercice de style qui ne réconciliera en rien les détracteurs avec le duo Cattet & Forzani... mais bon sang, quel exercice de style ! Voir toutes ces notes de merde que le film est en train de se prendre me brise le cœur. Les gars, on a l'impression que vous avez vu un navet ! Le film n'a à ma connaissance aucun équivalent dans le paysage cinématographique français, même s'il porte indiscutablement la marque de ses deux auteurs et procède d'une cinéphilie fétichiste sur un spectre allant de Jean-Luc Godard aux polars avec Alain Delon en passant par Peckinpah (et évidemment le ciné de genre italien). C'est un peu une sublimation pulp de tout un imaginaire contre-nature sur le papier. Le film que j'ai secrètement rêvé de voir depuis des années, comme une excroissance prestige des romans de série noire bon marché. J'ai été sur un petit nuage pendant toute la séance, parce que c'est du Cinéma à l'état pur : le script tient sur un timbre-poste et les acteurs craignent, mais les deux cinéastes transcendent tout ça grâce à leur appétit visuel tout-puissant, leur mise en scène insatiable et virtuose, qui transpire l'amour et le plaisir de filmer ainsi qu'une connaissance encyclopédique, et cependant harmonieusement digérée. Le film ne raconte rien à proprement parler parce que chez ce duo, on travaille la forme de façon quintessentielle (loué soit le chef op' Manu Dacosse!), toujours à la lisière de l'expérimental. Sous les atours du roman de gare, on n'est finalement pas loin d'une installation artistique abstraite et la parenté explicite avec le travail de Nicki de Saint-Phalle dès l'entame fait office de quasi-programme. Il y a une confiance très premier degré dans le pouvoir iconique de l'image qui va au-delà de la simple régurgitation et relecture idéalisée d'un passé cinématographique : le maniérisme du duo est toujours doublé, comme une surcouche, d'une capacité d'invention souvent sidérante qui en font de véritables créateurs sensoriels, sans nuls autres pareils pour moi. Tout ce qui touche au montage (y compris son) dans ce film tient de la leçon ininterrompue, de même que la gestion de l'espace, qui permet à ce siège d'être toujours imprévisible et scotchant. Et toutes ces images oniriques en contre-jour sur fond de Morricone! C'est mémorable. On ne sait absolument pas ce que va nous réserver la suite, putain mais c'est grisant quoi. C'est grisant que le cinéma français puisse accoucher d'un truc pareil. Et on est tellement abreuvé de séquences d'action dénuées de sens dans le cinéma hollywoodien que c'est un véritable lavage des yeux que de voir une telle science de la viscéralité, du découpage, avec des impacts balistiques qui font vraiment trembler, frémir et souffrir. C'est un film d'action et d'attente hors des sentiers battus, je n'ai pas souvenir d'avoir été tendu comme ça sur mon siège depuis un moment.
Bref, je conçois sans mal qu'on n'y voie qu'un exercice de style stérile mais perso, j'ai pris un panard et ai eu tout du long le sentiment de vivre un classique instantané.
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Watkinssien
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par Watkinssien »

J'avoue que ton texte est méritant et très intéressant.

J'ai absolument détesté ce long-métrage mais cette lettre d'amour est à souligner au crédit du film, d'avoir su susciter un tel enthousiaste.

J'aurais voulu être aussi emballé surtout que sur le papier il y avait de quoi. Le fétichisme évoqué a vraiment des limites lorsqu'il est aussi mal "fagoté" dans ce qu'il raconte. Une impression tenace et insupportablement agaçante à la longue d'une succession de tableaux cinéphiliques qui annulent constamment une quelconque émotion. Point de chocs esthétiques, mais une interminable recréation formelle, allant jusqu'au ridicule.

Et les acteurs sont mauvais, ils ne sont que des pantins mal (ou pas du tout) dirigés, qui ne servent qu'à "poser dans la pose" de la mise en scène, qui essaye effectivement de transcender tout ça. En vain, car elle ne fait que disposer et ne propose quasiment rien qui puisse, à mes yeux, marquer la rétine. La recherche du corps comme élément de "peinture vivante" est terriblement empesé et hystérique à la fois.

On sent que les réalisateurs voulaient attendre une sorte d'abstraction spatio-temporelle jusqu'au final. Pour l'atteindre, ils mettent en scène à travers d'innombrables références picturales et cinématographiques des explosions visuelles qui vont du pénible au vide, remplissent l'insignifiance de leur récit jusqu'à prétendre que le fond de leur film c'est la/les forme(s). Excuse qui me semble facile, car je pense que lorsque ces deux fameux éléments se confondent, cela demande une réelle alchimie, pas uniquement basée sur une constante expérimentation, mais aussi une motivation narrative où tout semble en place.

Bref, ce fut une véritable indigestion filmique, mais je suis content que Laissez bronzer les Cadavres puisse fournir un éloge comme ci-dessus.
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par Jack Carter »

Vivement que ballantrae vienne à la rescousse de Demi-Lune.

Perso, je vais aller le voir, mais la critique de Watkinssien (surtout le dernier paragraphe sur fond/forme), je pourrais l'aplliquer à L'Etrange couleur des larmes de mon corps, qui fut une de mes plus penibles seances de ces dernieres années en salles (et que j'ai du noter 2/10) donc j'irai en pur mode maso.
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par ballantrae »

Pas de crainte je serai à tes côtés Demi lune dès que je pourrai le voir:stand by me!
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par AtCloseRange »

ballantrae a écrit :Pas de crainte je serai à tes côtés Demi lune dès que je pourrai le voir:stand by me!
on n'en attend pas moins de toi.
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par Demi-Lune »

Demi-Lune a écrit :Et toutes ces images oniriques en contre-jour sur fond de Morricone!
Alors autant pour moi, s'il y a du Morricone dans la soundtrack, le morceau en question provient de La route de Salina.



Il aurait déjà été réutilisé au moment de Kill Bill vol. 2 (m'en souviens plus).
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The Boogeyman
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par The Boogeyman »

Demi-Lune a écrit :Il aurait déjà été réutilisé au moment de Kill Bill vol. 2 (m'en souviens plus).
Oui durant le passage où The Bride venant de sortir de sa tombe, marche dans le désert en plein cagnard vers la caravane de Budd

" Accélère minouche !" - Michel Poiccard /// “When you have to shoot shoot don't talk” - Tuco Benedicto Pacifico Juan Maria Ramirez /// "Alors tu vois où elles nous ont menées tes ondes négatives, tu devrais avoir honte.” - Oddball dit Le Cinglé /// "Wake up !... Time to die" - Leon Kowalski /// "C'est quoi minouche ?" - Patricia Franchini
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par The Boogeyman »

Demi-Lune a écrit : Alors autant pour moi, s'il y a du Morricone dans la soundtrack, le morceau en question provient de La route de Salina.
J'ai moi aussi cru que ce morceau était de Morricone.
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par Alexandre Angel »

L'affiche du film (Laissez bronzer..) est vraiment particulière : je déteste pas..
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par Eusebio Cafarelli »

Je souscris à l'avis de Demi-Lune sur l'originalité dans le cinéma français, sur l'exercice de style souvent brillant et ultra-référencé, sur le travail visuel qui vire par moments au cinéma expérimental, sur le gros travail de montage et la BO.
J'ai aussi des réserves : jeu (non-jeu) des acteurs, scénario pas assez construit (le Cinéma ce n'est pas que des images, c'est aussi une narration) et qui tourne en rond avec des personnages (l'écrivain) qui sont seulement des alibis aux flash-back, tendance à être trop explicatif là où l'ellipse ou le hors-champ auraient suffit (un exemple, la mort de Bernie Taupin filmé une première fois de façon onirique, puis une seconde avec un autre point de vue très trivial, mais qui tue à mon sens l'intention de départ). Je ne suis pas convaincu par le découpage en tranches horaires (ça casse le rythme).
Mais j'ai passé quand même un excellent moment de cinéma, avec de belles idées : le "déshabillage" à la mitraillette, les travellings avec raccords dans l'axe vers le gros plan à la place d'un habituel champ-contrechamp, le balancement onirique du hamac de Bernie et de ce dont il rêve, certains effets de montage, le générique en négatifs colonisés (si c'est bien ça).

Demi-Lune a écrit :Oui, j'ai trouvé ça franchement remarquable. C'est un nouvel exercice de style qui ne réconciliera en rien les détracteurs avec le duo Cattet & Forzani... mais bon sang, quel exercice de style ! Voir toutes ces notes de merde que le film est en train de se prendre me brise le cœur. Les gars, on a l'impression que vous avez vu un navet ! Le film n'a à ma connaissance aucun équivalent dans le paysage cinématographique français, même s'il porte indiscutablement la marque de ses deux auteurs et procède d'une cinéphilie fétichiste sur un spectre allant de Jean-Luc Godard aux polars avec Alain Delon en passant par Peckinpah (et évidemment le ciné de genre italien). C'est un peu une sublimation pulp de tout un imaginaire contre-nature sur le papier. Le film que j'ai secrètement rêvé de voir depuis des années, comme une excroissance prestige des romans de série noire bon marché. J'ai été sur un petit nuage pendant toute la séance, parce que c'est du Cinéma à l'état pur : le script tient sur un timbre-poste et les acteurs craignent, mais les deux cinéastes transcendent tout ça grâce à leur appétit visuel tout-puissant, leur mise en scène insatiable et virtuose, qui transpire l'amour et le plaisir de filmer ainsi qu'une connaissance encyclopédique, et cependant harmonieusement digérée. Le film ne raconte rien à proprement parler parce que chez ce duo, on travaille la forme de façon quintessentielle (loué soit le chef op' Manu Dacosse!), toujours à la lisière de l'expérimental. Sous les atours du roman de gare, on n'est finalement pas loin d'une installation artistique abstraite et la parenté explicite avec le travail de Nicki de Saint-Phalle dès l'entame fait office de quasi-programme. Il y a une confiance très premier degré dans le pouvoir iconique de l'image qui va au-delà de la simple régurgitation et relecture idéalisée d'un passé cinématographique : le maniérisme du duo est toujours doublé, comme une surcouche, d'une capacité d'invention souvent sidérante qui en font de véritables créateurs sensoriels, sans nuls autres pareils pour moi. Tout ce qui touche au montage (y compris son) dans ce film tient de la leçon ininterrompue, de même que la gestion de l'espace, qui permet à ce siège d'être toujours imprévisible et scotchant. Et toutes ces images oniriques en contre-jour sur fond de Morricone! C'est mémorable. On ne sait absolument pas ce que va nous réserver la suite, putain mais c'est grisant quoi. C'est grisant que le cinéma français puisse accoucher d'un truc pareil. Et on est tellement abreuvé de séquences d'action dénuées de sens dans le cinéma hollywoodien que c'est un véritable lavage des yeux que de voir une telle science de la viscéralité, du découpage, avec des impacts balistiques qui font vraiment trembler, frémir et souffrir. C'est un film d'action et d'attente hors des sentiers battus, je n'ai pas souvenir d'avoir été tendu comme ça sur mon siège depuis un moment.
Bref, je conçois sans mal qu'on n'y voie qu'un exercice de style stérile mais perso, j'ai pris un panard et ai eu tout du long le sentiment de vivre un classique instantané.
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par Watkinssien »

L'avis de Demi-Lune était déjà publié, Eusebio. :wink:
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Re: Laissez bronzer les cadavres (Hélène Cattet & Bruno Forzani - 2017)

Message par Mosin-Nagant »

Alexandre Angel a écrit :L'affiche du film (Laissez bronzer..) est vraiment particulière : je déteste pas..
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