Zhang Yimou

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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nobody smith
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Zhang Yimou

Message par nobody smith »

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Alors que se profile La Grande Muraille, j’ai rattrapé ce Sacrifices Of War où Zhang Yimou s’essayait déjà à la production chinoise avec une tête d’affiche internationale. Cela dit, ça ne lui a pas été d’un grand secours dans nos contrées puisque le film est sortit en DTV en catimini. Je dois avouer que j’ai du mal à comprendre ce choix. La présence de Christian Bale semblait être un argument de vente suffisant pour permettre une sortie en salle. D’autant plus rageant que le film est à mes yeux très réussi. Certes Yimou n’échappe pas à un certain académisme et à l’excès de pathos, sans compter ce qui apparaît comme quelques directives venant de plus haut. Je pense bien sûr la description des japonais, même si le contexte historique (le massacre de Nankin) n’appelait évidemment pas à en montrer le meilleur. Ça n’empêche pas certains passages de se lâcher un peu trop. Je pense tout particulièrement à cette spectaculaire séquence où un irréprochable soldat chinois isolé liquide à lui seul tout un bataillon de sanguinaires japonais. Cependant, je trouve dans l’ensemble que Yimou arrive à offrir un long-métrage assez équilibré. Il arrive à prendre le temps d’explorer ses personnages réunis par les circonstances (des étudiantes, des prostitués et un américain grande-gueule) et à les faire évoluer avec un beau sens du mélodrame (la conclusion est abrupte mais c’est finalement ce qui sert au mieux l’histoire). Et le cinéaste de faire ça sans omettre de créer par sa mise en scène une atmosphère cauchemardesque très immersive. L’introduction à l’aveugle dans la fumée met tout de suite dans le bain et plusieurs scènes dégagent une sacrée force (notamment un plan-séquence très inspiré de Children Of Men). Il y aurait bien des choses à reprocher au film (Bale est un peu trop cabotin) mais je préfère nettement en voir les qualités.
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Watkinssien
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Re: Zhang Yimou

Message par Watkinssien »

Zhang Yimou est, pour moi, un grand cinéaste, mais dont il est difficile de voir où il se situe dans le paysage cinématographique. Artiste social et complètement lyrique, puisant dans l'emphase comme dans l'épure, toujours esthétisant, mais capable d'accorder le grandiose à l'intime. Il peut être également détester pour tout cela.

Il a fait un chef-d'oeuvre à mes yeux, avec Épouses et concubines, drame d'une beauté et d'une douleur profondes, et j'aime beaucoup sa filmographie des années 90, à mon sens la plus inspirée. Je suis également défenseur de deux de ses wu xia, avec les superbes et controversés Hero et Le secret des poignards volants...
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Jeremy Fox
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Re: Zhang Yimou

Message par Jeremy Fox »

Watkinssien a écrit : toujours esthétisant,

Pas toujours ; son superbe Qiu Ju femme chinoise est là pour le prouver ; grand coup de cœur à sa sortie.
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Watkinssien
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Re: Zhang Yimou

Message par Watkinssien »

Jeremy Fox a écrit :
Watkinssien a écrit : toujours esthétisant,

Pas toujours ; son superbe Qiu Ju femme chinoise est là pour le prouver ; grand coup de cœur à sa sortie.
Une vraie réussite du cinéma social, où il se calme à ce niveau-là, c'est vrai.
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cinephage
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Re: Zhang Yimou

Message par cinephage »

Si je ne suis pas trop adepte de ses films à grand spectacle, j'aime en revanche beaucoup ses "petits" films, et j'ai un peu l'impression qu'il fait les uns pour se permettre les autres. Des films comme le sorgho rouge, pas un de moins ou le récent coming home sont tout à fait émouvants, et me semblent beaucoup raconter de la culture et du vécu de la Chine, là où un Hero reste beaucoup plus limité, malgré d'indéniables moments de toute beauté (Yimou ne pouvant se lacher sur le fonds, se venge sur la forme, j'imagine).
En tout cas, il reste le fer de lance des coproductions franco-américaine. Déja, Sacrifices of War donnait un joli rôle à Christian Bale, tout en restant sur un réel fonds historique. Avec la grande muraille, on bascule tout de go dans la superproduction à l'américaine, avec monstres fabuleux et récits spectaculaires...
Sur ce créneau, Stephen Chow s'en sort drolement bien (le récent The Mermaid est une excellente comédie grand public, très spectaculaire également), ou pour un coté plus décalqué des films de studio américains, je recommanderais surtout Monster Hunt de Raman Hui ou Chronicles of the Ghostly Tribe, de Lu Chuan (un autre "auteur" passé du coté du grand spectacle). Le paradoxe est que ces films marchent bien en Chine, et qu'ils sont très bons dans la catégorie mainstream, mais fonctionnent mal hors des frontières, faute de comédiens américains connus...
Yimou, par son casting international, parvient à contourner ce problème, c'est assez malin.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Zhang Yimou

Message par ballantrae »

Autant j'ai suivi Yimou depuis ses débuts ( Le sorgho rouge, Ju dou, Epouses et concubines, Qiu Jiu puis Vivre!) jusqu'à ses deux films de sabre que j'estime magnifiques ( Hero et Le secret ,pas La cité interdite) autant ce truc avec bestioles et acteurs internationaux ne m'inspire guère confiance au vu du rendu visuel et du récit apparent! Je trouve que ces délires vont mieux à Tsui Hark.
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nobody smith
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Re: Zhang Yimou

Message par nobody smith »

J’espérais que La Grande Muraille soit le Gods Of Egypt de 2017. Il y a de ça dans le film. C’est parfois con (le perso de Willem Dafoe), mal foutu (un bon paquet d’ellipses inexplicables) et laid (les bestioles qui versent dans le sous-Avatar). Mais il y a quelque chose d’attachant dans cette aventure très premier degré alors que le spectacle équivaut à voir des gosses faire mumuse avec leurs jouets. Ça assume sans sourciller une forme de prestigieux plaisir régressif. C’est traversé d’une générosité et d’une bonne dose de folie dès qu’il s’agit de trouver des moyens pour démastiquer du monstre. Cependant, je sors de la séance de La Grande Muraille bien moins euphorique qu’à celle de Gods Of Egypt. Ce que je résume assez clairement au réalisateur. Là où Alex Proyas communiquait tout son enthousiasme envers son délirant projet, Yimou ne semble pas trop s’impliquer dans sa grosse machinerie. Il ne paraissait pas à sa place sur un blockbuster de cette nature et il le démontre assez rapidement. Sa mise en scène est plutôt impersonnelle et peine à saisir le délire ambiant. Du coup, c’est rigolo mais pas trop.
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Demi-Lune
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Re: Zhang Yimou

Message par Demi-Lune »

Au cas où vous l'auriez raté sur Arte, donnez une chance en replay à Ju Dou (1990), film que Zhang Yimou a tourné juste avant la consécration d’Épouses et concubines. Le contexte, le décor (ah, ces demeures de famille ancestrales ceinturées de cours intérieures) et le sous-texte émancipateur forment avec ce dernier un fil rouge personnifié par la muse Gong Li, pour qui le mot "grâce" semble avoir été inventé. Mais au-delà de la parenté de forme, et de l'argument a priori un peu banal qui guide l'intrigue (un ménage à trois dans une teinturerie), se dissimulent des ressorts inattendus emmenant le film vers un drame plus énigmatique et troublant, qui poursuit durablement en mémoire à mesure qu'il libère, sur plusieurs années, sa dureté et son poison inguérissable. La mise en scène et la narration n'ont pas encore atteint la plénitude et souffrent sans doute de quelques scories, mais il y a suffisamment d'éléments marquants pour faire de ce film autre chose que cet espèce d'opus discret dans la filmo de Yimou.
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Thaddeus
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Re: Zhang Yimou

Message par Thaddeus »

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(en italiques : films découverts en salle à leur sortie)


Le sorgho rouge
Par la verve des situations qui marient le pathétique et le paillard, le tragique et la fantaisie, la chronique joyeuse d’une distillerie chinoise des années 30 (sorte de Belle Équipe avec cuivres et bols de terre cuite et guise de guinguettes et de cotillons) devient fresque. D’un bout à l’autre le rouge domine, ce pourpre enflammé qui associe le sang versé au vin bienfaiteur : voiles du palanquin nuptial où tangue la jeune épouse, peau écarlate de l’écorcheur contraint à l’atrocité, feu crépitant derrière ceux qui chantent l’hymne au sorgho, autant de signes plastiques disposés avec une impressionnante force expressive jusqu’à l’éclipse finale qui éteint le film dans un flamboyant camaïeu. Les sceptiques crieront au symbolisme esthétisant. Mais qu’il soit loisible d’être emporté par tant de beauté et de passions. 5/6

Ju Dou
En première instance la tentative est simple : allier l’espace chinois, son sens du cadre et du vide, à la dramaturgie japonaise, plus axée sado-maso. Mais le développement est subtil, qui organise des rapports de force, de servitude et de sexe dont la mise en scène ne cache rien, d’autant que l’action prend place dans un atelier de teinturerie où la machinerie joue un rôle non négligeable. Poulies, chaînes et étoffes se combinent pour créer une structure de désir, un univers pictural omnivore qui dépasse les individus. En contrepoint ou en contradiction de la violence et de la moiteur du sujet, Zhang procède ainsi à une esthétisation du monde, une coloration des sentiments, et peint avec un pessimisme cruel le puritanisme d’une société où toute velléité de plaisir doit être punie comme une transgression. 4/6

Épouses et concubines
Splendeur des tentures rouges et des lanternes orangées, hiératisme de plans composés avec une rigueur d’esthète, emploi délicatement pensé de l’écarlate vital, couleur de désir et de puissance, du bleu, vecteur d’abandon et de désarroi, ou du noir à l’approche de la mort. Zhang élabore un huis clos dont la tenue plastique, l’architecture, les lumières racontent à elles seules l’histoire. Ce qui se joue dans le gynécée de cette vaste demeure seigneuriale, c’est un emprisonnement, une double captivité morale et physique par un maître filmé de loin, symbole abstrait d’un pouvoir absolu, mais aussi une lutte d’influence renvoyant à la condition féminine dans la société chinoise des années vingt. Un rituel de résignations et de douleurs en parures chatoyantes, traduit au travers d’images somptueuses. 4/6

Qiu Ju, une femme chinoise
Aux cadrages précis et aux compositions chromatiques sophistiquées succède ici le néoréalisme d’une démarche bien plus dépouillée. Zhang recourt à un tournage semi-documentaire pour conter l’histoire d’une paysanne de la Chine du Nord exigeant des excuses au mauvais traitement subi par son mari. Les joues rougies de froid, emmitouflée façon Bibendum, Qiu Ju va à pied au district, puis en bus au tribunal, de sa démarche de canard décidé. Quand bien même juges et policiers sont de braves gens serviables, dépeints sans manichéisme, elle guerroie pour l’honneur et, sur ses pas, c’est tout un système autocrate qui saute aux yeux, son absurde pesanteur bureaucratique, les vices de l’immobilisme national, ainsi que la nécessité de prendre son destin en main, condition première de la démocratie. 4/6

Vivre !
Cela commence par la déchéance d’un homme qui ruine sa famille, incapable de réfréner sa passion du jeu. Cela se poursuit avec le retour du mari prodigue. En bref, c’est un feuilleton romanesque à la Dumas, une fresque ample et foisonnante qui frôle les bons et les grands sentiments, les petits incidents et les grandes tragédies, et qui fait de l’Histoire un vaste océan imprévisible. Ballotant ses personnages de la guerre civile à la Révolution culturelle, l’intrigue tisse ainsi un mélodrame de bien belle eau – naissances, mariages, morts, larmes, rien ne manque. Hymne à l’appétit de vivre et au bonheur familial, qui ne perd jamais la teneur intime et psychologique dans les fastes du spectacle, ce Docteur Jivago chinois ne manque pas d’atouts, et constitue une fort belle proposition de cinéma populaire. 4/6

Hero
Ou comment le roi Qin a réuni sept provinces pour fonder l’empire de Chine : une suite de meurtres et de massacres dont Zhang tire un opéra d’un lyrisme superlatif, joué par les plus grandes vedettes du pays. Virtuosité des combats chorégraphiés, science du maniement des foules, débauche et raffinements des couleurs dominantes (rouge, blanc, vert, bleu) qui singularisent chaque chapitre : il y a dans ce ballet esthétique nourri de philosophie orientale quelque chose du Kurosawa de Ran et de Rêves. Rapprochant escrime et calligraphie, le film définit le formalisme stylisé d’un cinéaste affirmant son goût pour les récits trompeurs à la Rashōmon, fertiles en dévoiements et retournements. Reste la question du message, apologie presque transparente d’un régime totalitaire matant et récupérant ses dissidents. 4/6

Le secret des poignards volants
Moins ambitieux que le précédent dans son propos comme dans sa logistique, ce nouveau film de sabres et d’arts martiaux se contente de rivaliser avec Tigre et Dragon d’Ang Lee. Il agence trahisons amoureuses et coups de théâtre, complots et bandits mystérieux, chevaliers assassins et walkyries au visage d’ange, honorant un romanesque échevelé qui fait fi de toute crédibilité. Une fois de plus le chromatisme engendre une dynamique dramaturgique, un éventail de fantaisies et d’inventions qui tente de combler l’œil tout en organisant des actions guerrières, des renversements d’apparences, des manipulations politiques multipliées par les règles d’un jeu lui aussi régi par ses propres références incontournables. Dans son genre c’est sans doute très réussi ; seulement voilà, ce n’est pas du tout ma came. 3/6

La cité interdite
De film en film, le cinéaste est devenu une sorte d’illustrateur appliqué mais virtuose, représentant officiel d’un genre à lui tout seul : la grande fresque fastueuse cousue au fil d’or, avec armées de figurants, perspectives vertigineuses, plans d’ensemble dantesques. Chaque image est une overdose de dorures translucides et de colonnades arc-en-ciel, filmées comme de gigantesques enluminures. Chaque kimono de soie bruisse sur des tapisseries de pourpre et de jade, au sein d’un palais dont l’opulence visuelle fait du grandiose sa loi première. Et si l’on saisit bien que derrière la munificence des apparats et la démesure épique des scènes de batailles se tapit une immonde machination humaine, ce spectacle impressionnant ne propose guère plus qu’une sidération éphémère de la pupille. Ce n’est pas rien. 4/6


Mon top :

1. Le sorgho rouge (1987)
2. Vivre ! (1994)
3. Épouses et concubines (1991)
4. Ju Dou (1990)
5. Hero (2002)

Garant d’un cinéma à la fois prestigieux et populaire, dont les fastueuses ambitions picturales n'échappent pas toujours à la pente d'un certain académisme propret, Yimou ne m’enthousiasme que par intermittences, quand bien même ses propositions ne manquent pas d’atouts.
Dernière modification par Thaddeus le 4 nov. 18, 17:45, modifié 2 fois.
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Demi-Lune
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Re: Zhang Yimou

Message par Demi-Lune »

La redécouverte d'Épouses et concubines a été un véritable électrochoc. Un film de maître, d'un accomplissement époustouflant. Je ne comprends pas que je sois resté insensible la première fois.
Visiter après-coup la fameuse demeure du clan Qiao, près de Pingyao (et avoir la cour de la quatrième épouse pour moi tout seul) restera gravé dans ma mémoire.
Tous ses films de jeunesse avec Gong Li ont l'air recommandables, sauf un apparemment : Opération jaguar. Quelqu'un l'a vu ? C'est vraiment nul ?
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Watkinssien
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Re: Zhang Yimou

Message par Watkinssien »

Demi-Lune a écrit :La redécouverte d'Épouses et concubines a été un véritable électrochoc. Un film de maître, d'un accomplissement époustouflant. Je ne comprends pas que je sois resté insensible la première fois.
Visiter après-coup la fameuse demeure du clan Qiao, près de Pingyao (et avoir la cour de la quatrième épouse pour moi tout seul) restera gravé dans ma mémoire.
Tous ses films de jeunesse avec Gong Li ont l'air recommandables, sauf un apparemment : Opération jaguar. Quelqu'un l'a vu ? C'est vraiment nul ?
Etant généralement adepte du cinéma du sieur, je dois dire sans hésiter que c'est pas terrible du tout, avec des moments bien ridicules.
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Re: Zhang Yimou

Message par Demi-Lune »

Thaddeus a écrit :Ju Dou (Zhang Yimou, 1990)
En première instance la tentative est simple : allier l’espace chinois, son sens du cadre et du vide, à la dramaturgie japonaise, plus axée sado-maso. Mais le développement est subtil, qui organise des rapports de force, de servitude et de sexe dont la mise en scène ne cache rien, d’autant que l’action prend place dans un atelier de teinturerie où la machinerie joue un rôle non négligeable. Poulies, chaînes et étoffes se combinent pour créer une structure de désir, un univers pictural omnivore qui dépasse les individus. En contrepoint ou en contradiction de la violence et de la moiteur du sujet, Zhang procède ainsi à une esthétisation du monde, une coloration des sentiments, et peint avec un pessimisme cruel le puritanisme d’une société où toute velléité de plaisir doit être punie comme une transgression. 4/6
Quelque chose qu'on ne dit pas souvent, c'est à quel point Yimou savait conclure ses films de cette époque. La fin de Ju Dou et d'Épouses et concubines, ça vous hante à jamais.
Mention spéciale à son compositeur, Zhao Jiping.
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Re: Zhang Yimou

Message par Crève-cœur »

Un réalisateur au sujet duquel j'ai un mal fou à me fixer un avis, tant le peu de sa filmographie que j'ai eu l'occasion de voir balance entre l'excellent (Vivre !) et le calamiteux (La Grande Muraille, Hero - en soit pas mauvais mais vraiment soporifique).
Dernière modification par Crève-cœur le 15 nov. 17, 12:47, modifié 1 fois.
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Re: Zhang Yimou

Message par Supfiction »

Crève-cœur a écrit :Un réalisateur au sujet duquel j'ai un mal fou à me fixer un avis, tant le peu de sa filmographie que j'ai eu l'occasion de voir lui balance entre l'excellent (Vivre !) et le calamiteux (La Grande Muraille, Hero - en soit pas mauvais mais vraiment soporifique).
Peut-être parce qu'il faisait de très beaux films dans les années 90 (Ju Dou, Epouses et concubines, Qiu Ju..) profitant d'une Gong Li au sommet de sa beauté, de sa sensualité et de ses talents d'actrice. Et que maintenant il fait des films de propagande nationaliste chinoise.
J'aimais tellement Gong Li à l'époque que j'avais acheté en chine le CDV de Ju Dou en chinois sans sous-titres. L'histoire et la mise en scène parlait d'elle-même, pas besoin de traduction.
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Re: Zhang Yimou

Message par bruce randylan »

A l'Etrange Festival
Shadow (2018)

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En conflit depuis longtemps, un seigneur envisage de reprendre une ville stratégique à la puissance ennemie. Il ignore que son chef des armées est malade et a fait appel à un sosie, pour le remplacer à la cour.

Autrement plus ambitieux que sa Grande Muraille, Yimou reste pour autant dans le film à gros budget tout en étant désireux d’expérimenter sur la forme. Il en résulte une œuvre un brin schizophrénique, entre recherche plastique, drame psychologique virant dans la tragédie, réflexion sur le pouvoir et les apparences et film d'action. Il y a sans doute une inspiration à chercher chez Kagemusha pour ce mélange de relecture shakespearien et d'histoire locale (ici, un épisode des Trois Royaumes). Ca vaut aussi pour les comédiens où l'on a par moment l'impression qu'ils sont sous l'influence du jeu halluciné de Testuya Nakadai (même si le résultat est plutôt inégal)
La première moitié est ainsi une longue mise en place très statique, et pas forcément très clair dans ses enjeux, où le cinéaste symbolise les travers de ce royaume par une direction artistique radicale privilégiant les teintes noir et blanc et la désaturation, les décors en tissus à moitié transparents et des costumes qui reproduisent les calligraphies et peintures traditionnelles dont l'encre se serait délité.
C'est donc visuellement somptueux même si comme je le disais son maniérisme frôle l'académisme, l'histoire n'est pas des plus limpides ou qu'il faut du temps pour rentrer dans l'histoire et apprécier les tensions et manipulations psychologiques.
C'est donc finalement au travers de l'action que l'histoire se révèle, preuve que les scènes de combats ne sont pas gratuites et sont au contraire bien intégrées au récit, en développant les thèmes de la dualité (Ying et Yang et donc masculinité/féminité) avec en plus des techniques martiales inédites, très graphiques et bien mises en scènes.
La dernier acte synthétise les deux courants où l'on perd en subtilité et finesse ce qu'on gagne en ambiguïté.

Pas sur que les détracteurs de sa seconde période y trouve leur compte mais ceux qui apprécient Hero (et dans une moindre mesure le secret des poignards volants pour ma part) peuvent s'y pencher sans crainte. C'est plus intéressant, et parfois passionnant, que pleinement réussi mais c'est rassurant de savoir que Zhang Yimou essaie de sortir du moule et refuse la facilité.



Il y a le logo métropolitan avant le film donc j'imagine que ça devrait sortir prochainement en salles et/ou en vidéo chez nous.
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