► Film du mois

► Films vus
* Deux jours, une nuit (Dardenne) ●●●○○
Le film débute assez laborieusement par un ultimatum un peu invraisemblable et le début d’une ritournelle de face-à-face, humain contre humain, « ma vie contre –un peu de- la tienne », devant un catalogue de collègues grossièrement dessinés. Pourtant, en creux et sous une apparente simplicité, se tapit une émotion sincère, un drame universel qui nous touche assez vite. Avec cette trame infiniment minimaliste, en forme de fable, les frères Dardenne cherchent surtout et avant tout à questionner la réalité sociale (là où 1000 euros sont honteusement indispensable) et de grands principes (le socialisme à l’épreuve du capitalisme, la solidarité à l’épreuve de l’individualisme), à faire réfléchir... Même si pas très subtil, c’est plutôt réussi. Et Marion Cotillard livre une belle interprétation.
* L'impitoyable lune de miel (Plympton) ●●●○○
L’imagination de Bill Plympton n’a pas de limite, ça tombe bien, l’animation non plus. Du coup, son « impitoyable lune de miel » part littéralement dans tous les sens… et souvent en vrille d’ailleurs. Cartoonesque, fourmillant de gags visuels improbables, assez inégal aussi, c’est clair, mais fondamentalement réjouissant, ce film « autre » est un film à voir.
* Clueless (Heckerling) ●●○○○
Anodin teen-movie à Beverly Hills qui suit le quotidien de petites californiennes riches et branchées des années 90 : un microcosme certes très artificiel mais dépeint avec suffisamment de peps et de second degré pour rendre le tout digeste. En parlant de digestion, replonger dans la mode vestimentaire de l’époque m’a fait l’effet d’une sacrée madeleine (serais-je déjà vieille ?). A part ça, pas grand chose à se mettre sous la dent au niveau scénaristique : c'est faible dans l'ensemble et ça se dénoue connement. Néanmoins, le film reste fondamentalement plaisant, presque attachant (loin du film de garces attendu).
* La haine (Kassovitz) ●●○○○
Découverte très tardive de cette « haine » culte et générationnelle et, bien que toujours d’une actualité prégnante, le film ne fut pas le coup de poing attendu. Sans doute son impact est à remettre dans son contexte de sortie. Reste un film témoignage, cinématographiquement bien foutu (même si le noir et blanc fait un peu office de cache-misère, au sens propre du terme), qui n’évite pas les excès (notamment dans sa charge un peu trop appuyée contre la police) mais qui contient aussi quelques beaux moments et vraies fulgurances (la scène improbable dans les toilettes).
* Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu? (De Chauveron) ●○○○○
Je laisse souvent -toujours- passer quelques années avant de me pencher sur les phénomènes, histoire d'aborder les films lavés de la folie médiatique ou populaire. Le résultat est sans appel : le succès de l'année 2014 est à oublier de toute urgence. C'est lourd et c'est mauvais. Un scénario entièrement bâti sur des vannes racistes à trois francs six sous, surfant sur tel ou tel cliché ressassé, enfilées comme des perles - quatre à la seconde- par l’intégralité du casting. Dieu ce que c’est peu drôle, quand ce n’est pas franchement gênant ! En plus d’être paradoxalement toujours très politiquement correct (nous restons entre gens bien élevés et bien intégrés tout de même)... Poubelle.
* Pas son genre (Belvaux) ●●○○○
Deux figures archétypales : l’intellectuel mélancolique et cynique, la jeune coiffeuse fraîche et simple, s’essaient à bâtir une histoire d’amour, évidemment condamnée à l’échec. Ca ressemble à une expérience de laboratoire montée par un scénariste-réalisateur-démiurge un peu sadique… ça n’est pas loin d’en être une. Les personnages peinent vraiment à exister hors de leurs clichés respectifs, et les acteurs à leur donner individualité et volume. Le film reprend du souffle in-extremis dans sa dernière partie lorsque Jenifer s’affranchit de la sottise qu’on lui prête et prend silencieusement conscience de l’écart immense, irrattrapable, qui existera toujours entre elle et son amant. Alors son visage s’éteint et c’est d’une tristesse abyssale : il faut fuir… et c’est ce qu’elle fait. Reste qu’on ne voit pas bien où Belvaux veut en venir et que son analyse des genres et des classes n’est pas des plus subtiles.
* Rose de minuit - Midnight Mary (Wellman) ●●●○○
« Midnight Mary » met en vedette un personnage de « criminelle bien malgré elle » sans doute un peu trop positif pour réellement passionner. Toutes ses aventures, de ses vas-et-viens au sein de la pègre jusqu’à son grand amour sacrifié, sans parler du deus-ex-machina final, sont cousues de fil blanc. Néanmoins, les grands yeux de Loretta Young sont d’un charme ravageur, ses toilettes sont ravissantes, et grâce à elle, ce petit précode mi-social-mi-glamour (donc complétement bancal) passe comme une lettre à la poste.
* La merditude des choses (Van Groeningen) ●●●○○
Une clique d’ « affreux, sales et bourrés » et la peinture de la merditude environnante : ciel gris, bistrots et caravanes, chômage, alcoolisme, abrutissement, et désespérante reproduction sociale... Un jeune adolescent s’extrait de ce petit monde, non sans mal, et non sans y laisser quelques plumes, pour devenir « quelqu’un » ou en tout cas « quelqu’un d’autre » : une entreprise pas si évidente. Il devient en réalité, la partie contemporaine du film en témoigne, assez antipathique et complétement désabusé… puis écrivain à succès (bon c’est au moins ça). Sûrement un peu trop long dans son ensemble, « La merditude des choses » est néanmoins un film réussi et étonnamment bien dosé : excessif mais pas caricatural, détonnant et touchant, dégueulasse et attachant.
* La femme aux cheveux rouges - Red-headed woman (Conway) ●●●○○
Jean Harlow la blonde incarne une vamp aux cheveux rouges dans ce petit film precode aussi bancal que réjouissant. Au mépris de toutes bonnes mœurs, elle campe une garce parfaitement amorale : arriviste décomplexée, usant de ses charmes sans vergognes, hameçonnant les hommes avec des approches pour le moins offensives, les menant par le bout de ce que l’on devine, avant de les lâcher un peu plus tard pour des proies un peu plus riches. Tout cela sans s’interdire bien sûr quelques extras avec le french-lover du coin (à noter que là où il y a amoralité, il y a toujours un peu de français). Pulpeuse, gouailleuse, pas forcément très bonne actrice (il faut la voir feindre ses sanglots, pour mieux soulever sa poitrine), Jean Harlow est l’atout et le prétexte essentiel du film, bâti entièrement à la gloire de son sex-appeal. Le résultat n’est pas follement équilibré ni original mais possède un degré d’insolence tout de même fort savoureux.
* Une autre femme (Allen) ●●●○○
Un Woody Allen « sous influence » : introspectif, austère d’apparence et mélancolique en dedans, avec une Gena Rowlands magnifique à l’automne de sa vie. Le début du film n’est pas très engageant : un milieu d’intellectuels petits-bourgeois, guindé et malaimable, des conversations surprises chez le voisin psychiatre (par les conduits d’aération – mécanisme un brin capillotracté, on en conviendra !) ; puis la coquille craque, doucement, mais sûrement… La froide, invincible, professeur que tous admirent, se pose, s’analyse, et ploie progressivement sous le poids des regrets, des révélations et réalisations douloureuses, de l’érosion de toutes ses certitudes. Et là, il faut le dire, il y a des instants de pure grâce, d’émotion puissante, des larmes même. Pas facile de renaître à la vie, infinie de choix – et de frustrations –, et de trouver la paix.
* Le vent se lève (Miyazaki) ●●●●○ ♡ FILM DU MOIS ♡
Même si le film possède quelques longueurs et un personnage principal finalement difficilement aimable, il n’en reste pas moins extrêmement abouti, riche et délicat. Réaliste, très adulte, le film dénote, c’est certain, avec l’atmosphère d’un « Ponyo sur la falaise » et pourrait dérouter un public non averti. Mais il offre en contrepartie une reconstitution magnifique et intimiste (pudique) de la grande Histoire japonaise tout en transmettant à nouveau la passion puissante de Miyazaki pour les objets volants…( et pour les ciels qui vont avec, ici de toutes les teintes et de toutes les beautés possibles).
Le vent se lève… et on en a le souffle coupé.
* Shaun le mouton (Richard Starzak, Mark Burton) ●●○○○
Assez déçue et assez surprise de l’être, mon enfance ayant été bercée par les productions Aardman. Si l’animation de la pâte à modeler est toujours aussi impressionnante, le rythme général plutôt trépidant, l’intrigue est elle assez inconsistante, les choix musicaux pas convaincant (et c’est malheureusement d’autant plus flagrant que le film est muet). Quant à l’humour, à 2-3 sourires près, il m’a laissée parfaitement insensible. Question d’âge ? Peut-être.
* Intrigues (Brown) ●●●○○
Le titre français du film est bien choisi, car ce mélo et la vie de son héroïne sont effectivement cousus (jusqu'à l'excès) de ces « intrigues » : des sacrifices à gogo, des romances qui en cachent d’autres, des déshonneurs, des chagrins, des drames et des secrets bien gardés. Au milieu de cela, une Garbo altière, qui encaisse tout avec une incroyablement dignité. Garbo incarne parfaitement cette aristocrate, fascinant personnage de femme des années 20, d’une épaisseur, d’une liberté et d’une « chevalerie » en réalité bien inhabituelles. Mais elle incarne mieux encore le silence, le non-dit, la souffrance digne... Difficile d’ailleurs pour le lover John Gilbert de paraître autrement que d’une grande fadeur à ses côtés.
* Café society (Allen) ●●○○○
Tout juste plaisant, foncièrement anodin, Woody Allen –plein de sa nostalgie cinéphile- nous sert du glamour hollywoodien passé au filtre orangé, du juif new-yorkais dans tous ses avatars et une petite histoire d’amour avortée qui ne passionne guère. Pour relever un poil ce petit film sans élan : une pointe de mélancolie (assez belle, il est vrai) in-extremis et 2-3 bons mots. La recette d'une heure et demi d'ennui poli.
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