
Fatima vit seule avec ses deux filles : Souad, 15 ans, adolescente en révolte, et Nesrine, 18 ans, qui commence des études de médecine. Fatima maîtrise mal le français et le vit comme une frustration dans ses rapports quotidiens avec ses filles. Toutes deux sont sa fierté, son moteur, son inquiétude aussi. Afin de leur offrir le meilleur avenir possible, Fatima travaille comme femme de ménage avec des horaires décalés. Un jour, elle chute dans un escalier. En arrêt de travail, Fatima se met à écrire en arabe ce qu'il ne lui a pas été possible de dire jusque-là en français à ses filles.
Vous aimez quand le cinéma parvient à exprimer des choses infiniment complexes avec un maximum de limpidité ? Vous en avez soupé des propositions plus ou moins dictatoriales, où la place du spectateur est réduite à la portion congrue ? Peu de démarches vous touchent autant que celles d'un cinéaste accordant le plus grand respect à ses personnages, sans jamais négliger leurs faiblesses et leurs défaillances ? Alors courez voir Fatima. Philippe Faucon poursuit son étude attentive de la France immigrée, de ses tensions, de ses espoirs, de ses doutes, de ses crispations (je n'avais vu jusqu'alors que le très beau Dans la Vie et la plus didactique Désintégration). Le film fait partie de ces oeuvres où tout semble relever d'un certain état de grâce, où tout est sa place, où tout est foncièrement juste, où rien, dans les choix de mise en scène et d'interprétation, ne saurait être mis en question, où chaque élément participe d'un sentiment de vérité, d'un tact, d'une pudeur qui garantissent la plus vive émotion. Qu'il filme Fatima préparant le couscous en brassant le riz qu'elle humecte petit à petit, qu'il capte le sourire sur le (très beau) visage de Nesrine, qui se laisse à regarder son ami dansant sur Osez Joséphine tandis que sa copine à côté, tout en se maquillant, fredonne la chanson, qu'il suggère par les situations et les dialogues à quel point le rapport entre le père et ses deux filles est fait de tendresse, d'attention, de complicité mais aussi du souci du regard des autres, qu'il nous délecte à retranscrire l'énergie et la tchatche des rapports de séduction adolescents avec les scènes "kechichiennes" des sorties de Souad, le cinéaste témoigne du même tact, de la même chaleur, de la même douceur. Superbe portrait d'une femme-courage, soumise aux difficultés quotidiennes de l'intégration, le film exalte les forces vives de l'amour maternel mais aussi l'énergie et le potentiel incommensurable de la jeunesse : Nesrine, avec son calme, son obstination, sa persévérance et ses découragements passagers, est le complément de sa soeur cadette, beaucoup plus rebelle et frondeuse. Un superbe film, qui a d'ores et déjà sa place garantie dans mon Top 10 de fin d'année.