Sicario (Denis Villeneuve - 2015)

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Karras
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Sicario (Denis Villeneuve - 2015)

Message par Karras »

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Générique
Nationalité : Américain
Réalisateur : Denis Villeneuve
Acteurs : Emily Blunt, Benicio Del Toro, Josh Brolin
Genre : Thriller
Durée : 2h02
Date de sortie : 7 octobre 2015
Année de production : 2015
Titre Original : Sicario
L'histoire
La zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique est devenue un territoire de non-droit. Kate, une jeune recrue idéaliste du FBI, y est enrôlée pour aider un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement dans la lutte contre le trafic de drogues. Menée par un consultant énigmatique, l'équipe se lance dans un périple clandestin, obligeant Kate à remettre en question ses convictions pour pouvoir survivre.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
mdd a écrit : Sicario: 7,5/10
Denis Villeneuve fait le taf mais ça manque un peu d'originalité
lowtek a écrit :SICARIO 6/10
ça aurait fait un bon premier épisode d'une saison de True Detective. Dommage que le personnage d'Emily Blunt n'ait aucune fonction dans le récit, et que ses états d'âmes finissent par alourdir le film.
Harkento a écrit :Sicario (Denis Villeneuve) : 7,5 / 10

Un thriller d'action antonionien qui brille par quelques moments de tension vraiment saisissants. Et contrairement à Lowtek je trouve intéressant que Villeneuve pose très souvent sa caméra sur le visage et les attitudes de son héroïne, ce qui crée une empathie assez forte puisque, comme elle, le spectateur plonge coeur et âme dans un monde sauvage, inconnu, rugueux et imprévisible ou le 'mal' semble toujours tapi dans l'ombre.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Ces longues séquences aériennes ou les paysages défilent devant nos yeux renvoie à son personnage qui découvre un monde qu'elle ne connaît pas et dont les lois véritables lui échappent (en témoigne certains des personnages qu'elle cotoie), étant toujours observatrice, en arrière plan ou même manipulée.
Ce n'est pas non plus un chef d'oeuvre mais formellement et thématiquement je trouve le cinéaste canadien extrêmement cohérent dans sa filmographie. Vivement la suite ! 8)
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Watkinssien
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Re: Sicario ( Denis Villeneuve - 2015 )

Message par Watkinssien »

Vraiment apprécié ce polar tendu, sombre, magnifiquement photographié.

La mise en scène de Villeneuve est précise, implacable et d'une très belle tenue et ses acteurs sont bien dirigés. Emily Blunt est même étonnante vu que son personnage est quand même bizarrement écrit et ancré dans ce récit fort et sans fioritures.
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Shin Cyberlapinou
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Re: Sicario ( Denis Villeneuve - 2015 )

Message par Shin Cyberlapinou »

Réalisation extrêmement solide pour un film soigné et adulte à défaut d'être révolutionnaire, il aurait peut-être fallu (encore) plus radical en termes de mise en scène pour rattraper un scénario soigné mais somme toute linéaire. Blunt fait très bien le boulot mais j'ai moi aussi été plus intéressé par la fausse décontraction de Josh Brolin et le calme melvillien de Del Toro, dont le personnage pourrait avoir un spin off. 7,5/10 quand même.
lowtek
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Re: Sicario ( Denis Villeneuve - 2015 )

Message par lowtek »

Watkinssien a écrit :Vraiment apprécié ce polar tendu, sombre, magnifiquement photographié.

La mise en scène de Villeneuve est précise, implacable et d'une très belle tenue et ses acteurs sont bien dirigés. Emily Blunt est même étonnante vu que son personnage est quand même bizarrement écrit et ancré dans ce récit fort et sans fioritures.
"Bizarrement écrit" est une façon comme une autre de présenter les choses. Elle est surtout d'une naïveté et d'un idéalisme un peu à côté de la plaque, qui finit par casser les pieds (je ne parle même pas de son collègue qui sert à rien). Pour moi c'est la grande faiblesse du film, d'avoir un personnage aussi faible et stéréotypé qui nous sert de vecteur pour rentrer dans l'histoire. Le film aurait gagné à une plus grande complexité et ambiguïté de ce personnage, qui aurait aussi pu évoluer au court du récit. Là on baille dès qu'on voit arriver sa petite crise de conscience.
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shubby
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Re: Sicario ( Denis Villeneuve - 2015 )

Message par shubby »

lowtek a écrit :
Watkinssien a écrit :Vraiment apprécié ce polar tendu, sombre, magnifiquement photographié.

La mise en scène de Villeneuve est précise, implacable et d'une très belle tenue et ses acteurs sont bien dirigés. Emily Blunt est même étonnante vu que son personnage est quand même bizarrement écrit et ancré dans ce récit fort et sans fioritures.
"Bizarrement écrit" est une façon comme une autre de présenter les choses. Elle est surtout d'une naïveté et d'un idéalisme un peu à côté de la plaque, qui finit par casser les pieds (je ne parle même pas de son collègue qui sert à rien). Pour moi c'est la grande faiblesse du film, d'avoir un personnage aussi faible et stéréotypé qui nous sert de vecteur pour rentrer dans l'histoire. Le film aurait gagné à une plus grande complexité et ambiguïté de ce personnage, qui aurait aussi pu évoluer au court du récit. Là on baille dès qu'on voit arriver sa petite crise de conscience.
Elle incarne l'Amérique qui se fait dépuceler, c'est évident. Aux 3/4 du film le scénario explique clairement sa présence ici, donc sur un 1er degré ça colle. Ca me va. Juste que son personnage qui refume on n'y croit pas 2 secondes tant elle tient affreusement sa schmère. C'est tout à son honneur mais ça le fait pas. On dirait une ado qui essaye de fumer pour la 1ère fois :)

J'ai bien aimé ce film. Pas aussi bon que Incendies & Prisoners car Villeneuve court +ieurs lièvres à la fois à mon sens :
Spoiler (cliquez pour afficher)
Lâcher à un moment donné le perso de Blunt pour suivre celui de Del Toro casse gravement la narration collée à sa nuque malgré l'évident attrait bisseux du défouloir qui s'ensuit. Cela donne envie de se remater le Traqué de Friedkin ds la foulée ! Et je n'aime pas le dernier plan du match des gamins, par exemple, qui bifurque vers une sorte de variante de La cité de Dieu, gros cousin brésilien de ce film avec les Tropa de Elite. Ca ne s'intègre pas bien au reste je trouve, ça nuit à l'unité de ton. Je préfère nettement une complexité géo-politique qui masque la simplicité de notre animalité (pouvoir, contrôle, domination, chef de meute etc...) plutôt qu'un constat cliché à la Envoyé spécial sur France 2. J'aurais plus aimé que le film s'arrête avant qu'elle ne baisse son arme. On aurait ainsi eu droit à une légère redondance avec la chouette fin de Prisoners, certes, mais on sent que le perso de Del Toro aurait aimé qu'elle le butte parce que, au fond, ce mec est déjà mort. Il est fini. Qu'elle tire ou pas, peu importe. Elle s'en rend compte, donc ne tire pas. On le devine avant qu'elle ne le fasse.
Par contre, le personnage de Blunt est lui condamné à évoluer par delà le générique de fin. Il serait intéressant de voir si elle va nourrir le mauvais chien, comme on dit, en devenant bêtement réac' en se bronsonnisant, si elle va aller se planquer dans un monastère, cultiver son jardin, faire des gosses et protéger sa bulle ; que sais-je encore. Parce que ce dépucelage est déjà entériné par beaucoup, ici ou ailleurs. Certains "baillent" parce qu'ils ont l'impression d'avoir dépasser ce stade. Nos bulles de bisounours des 80's - 90's, flinguées par le 11/09 et hordes films qui ont mis le doigt sur ce monde factice (Matrix, Dark City, Truman Show...), sont loin derrière. Et ces migrants de la frontière mexicaine peuvent nous faire marrer comparés aux nôtres venus d'Afrique et à tous ces prémices flippant d'une 3ième guerre mondiale en stand-bye à nos portes.

On est loin du feel good movie. Là-dessus, je n'ai pas encore d'avis arrêté. Car, après tout, on peut voir ce film comme une propagande qui collerait une claque à un mouton pour le réveiller et l'envoyer au front se battre pour sa patrie en sachant pertinemment qu'elle n'est pas clean. On n'est pas dans la palliatif fun malgré une forme parfois à se damner et qq scène cultes (l'intro, le convoi). L’assaut nocturne m'a lui semblé un brin faiblard.
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Thaddeus
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Re: Sicario ( Denis Villeneuve - 2015 )

Message par Thaddeus »

~SPOILERS POSSIBLE ~
Harkento a écrit :Et contrairement à Lowtek je trouve intéressant que Villeneuve pose très souvent sa caméra sur le visage et les attitudes de son héroïne, ce qui crée une empathie assez forte puisque, comme elle, le spectateur plonge coeur et âme dans un monde sauvage, inconnu, rugueux et imprévisible ou le 'mal' semble toujours tapi dans l'ombre.
Sur le principe, je suis d'accord avec toi. Heureusement que le personnage d'Emily Blunt (excellente) est là, il permet au spectateur de se trouver un point de fixation moral dans un film qui, sans elle, aurait été assez pénible et irrespirable. Ce qui me gêne un peu, ce n'est pas sa fonction mais son traitement dans le récit et surtout ce que le récit en fait. De la première à la dernière minute, elle ne sera qu'une observatrice passive, résignée, finalement impuissante, et dont la position de recul ne fera que mettre en avant la flamboyance monstrueuse de ses deux partenaires masculins. Ce sont eux qui agissent, qui imposent à l'enchaînement des évènements leurs méthodes sauvages, et qui d'un certain point de vue "raflent la mise" en termes d'impact purement dramatique. Villeneuve ne cherche à aucun moment à légitimer leurs exactions (heureusement) mais il semble manifestement fasciné par leur brutalité, leur charisme (Del Toro), leur coolitude (Brolin) de mâles alpha ultra-dominants, ne réservant à Emily Blunt que le rôle nettement plus ingrat de jeune femme soumise malgré elle à leurs motivations et à leurs manipulations. Ils contrôlent cyniquement, elle est un pion, et au final elle est totalement vaincue par la logique des "loups". On peut percevoir cela comme une noirceur bien franche du collier... ou comme une forme de nihilisme un peu crapoteux qui fait la part belle à la toute-puissance de ses deux pourris officiellement placés du bon côté côté de la loi.

Pour le reste, et tout en ayant plutôt aimé le film, je suis moins enthousiaste que les avis développés ci-dessus. Il y a un côté ultra-sérieux, péremptoire, emphatique dans ce type de cinéma qui me gonfle un tantinet. La grosse partition zimmerienne, faite de basses et de pistons crescendo, lorsque la cohorte de véhicules de la police arrive au Mexique pour extrader un baron du cartel par exemple, est symptomatique. Ou bien encore la conclusion, sur-signifiante, qui prend bien soin de souligner à quel point l'avenir des enfants de Juarez est bouché par la violence (un épilogue inverse à celui de Traffic au passage, lui aussi sur le trafic de drogue, lui aussi avec Del Toro, et qui s'achève lui aussi dans un stade d'enfants). D'autre part, je trouve que les personnages manquent de consistance et de complexité : c'est particulièrement vrai pour celui d'Alejandro, longtemps laissé dans ses zones d'ombre, mais qui ne se révèle être au final qu'un type irrécupérable, un salaud intégral mû par l'instinct de vengeance le plus primaire.
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Re: Sicario ( Denis Villeneuve - 2015 )

Message par Flol »

Grosse mise en scène, même si un peu trop bourrée de sons infrabasses pour bien faire comprendre aux spectateurs que "attention là, gros danger !". La séquence d'introduction est extrêmement forte, de même que l'arrivée à Juarez (malgré les 158 plans de camions qui roulent vite et fort) ou la fusillade sur l'autoroute. Mais je trouve que Villeneuve ne fait pas grand-chose de tout ça. Ça ressemble un peu à un film d'allumeuse : le mec te fait monter la sauce, il te fait croire que tu auras droit à un, voire plusieurs orgasmes...et puis au final, rien. Le climax totalement déceptif en est le symbole.
Alors on va me rétorquer que ce n'est pas ce qui intéressait Villeneuve. Ok. Sauf que dans le genre du polar sur les narcotrafiquants, je crois qu'il arrive un peu tard tant j'ai eu l'impression d'avoir déjà vu ça 50 fois auparavant. J'y croyais pourtant beaucoup (j'aime assez le boulot de Villeneuve, notamment Prisoners et Enemy), mais je n'ai vraiment rien vu d'exceptionnel là-dedans.
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Re: Sicario ( Denis Villeneuve - 2015 )

Message par Jericho »

Orgasmes = scènes d'actions ?
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Re: Sicario ( Denis Villeneuve - 2015 )

Message par Flol »

Jericho a écrit :Orgasmes = scènes d'actions ?
Non, pas forcément.
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Re: Sicario ( Denis Villeneuve - 2015 )

Message par Jericho »

Tu parles de quoi alors ?
Quelle sauce ?
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Re: Sicario ( Denis Villeneuve - 2015 )

Message par Flol »

Je demande juste qu'il se passe quelque chose d'intéressant, pas forcément en terme d'action pure. Mais qu'il fasse au moins quelque chose de ces montées de tension, toutes bien foutues qu'elles soient.
Comme l'a dit Thaddeus, on a un peu l'impression que Villeneuve bande ses muscles pendant 1h30. Et c'est à peu près tout.
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Re: Sicario ( Denis Villeneuve - 2015 )

Message par mannhunter »

Ratatouille a écrit :Je demande juste qu'il se passe quelque chose d'intéressant
Bon t'es dur là après 1H45 passionnante d'"Envoyé Spécial" y a quand même une amorce d'enjeux et le minimum syndical d'intensité quand Benicio se prend pour Paul Kersey lors du final...bon ok, ok, je :arrow:
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Re: Sicario (Denis Villeneuve - 2015)

Message par Jericho »

Il n'est un secret pour personne que, Denis Villeneuve est une valeur montante, l'un des cinéastes les plus doués de sa génération. Au début de sa carrière, on pouvait voir en lui, un cinéaste québécois prometteur, spécialisé dans le film d'auteur. Maintenant, qu'il a quitté son pays natal pour Hollywood, on peut dire qu'il a changé de statut. Il a pris une autre dimension, s'attaquant sans vergogne aux films de genres. A ce propos, c'est avec un enthousiasme certain, que j'attends l'un de ses prochains projets, la suite de mon film préféré de tous les temps (à savoir Blade Runner). D'ici là, on a le temps de le voir venir, donc revenons à la critique du jour.

Ce long-métrage adopte le point de vue d'une jeune agent du FBI, qui après avoir effectué une intervention non sans conséquence dans les pertes humaines, se porte volontaire pour une opération d'un tout autre niveau, au sein d'un groupe d’intervention d’élite dirigé par un agent du gouvernement. Tout ceci afin de stopper les agissements du chef du cartel de Juarez.

Le premier élément que je trouve pertinent dans le scénario, mais qui a fait et qui fera grincer des dents certaines personnes; c'est d'adopter pleinement le point de vue de cette nouvelle recrue idéaliste, à qui on ne révèle pas tout. Elle est intégrée dans l'équipe, sans vraiment l'être: on lui distille les infos au compte-gouttes. Durant l'opération, elle n'est pas passive pour autant, mais le sentiment de confusion est prédominant chez elle, alors que ses nouveaux collègues savent très bien dans quel bourbier ils ont mis les pieds. Sans compter leurs procédés expéditifs qu'elle réprouve... J'ai apprécié ce parti pris, c'est très immersif, on découvre des choses au fur et à mesure. A travers le regard paumé de ce personnage déterminé, j'ai surtout eu la sensation d'être dans les coulisses d'une mission à grande envergure, où la notion du bien et du mal est totalement floue.

Le casting du film est de grande qualité, que ce soit dans les rôles les plus consistants ou dans les plus bénins, les acteurs sont parfaits. Emily Blunt, Josh Brolin, Maximiliano Hernandez, Daniel Kaluuya, etc... Il n'y a rien à dire, ils sont tous excellents, mais il faut admettre qu'il y en a un qui est au-dessus de la mêlée, c'est évidemment Benicio Del Toro. En plus de livrer une prestation impressionnante de justesse, il a le chic d'incarner un protagoniste fascinant et diablement charismatique. Au final, on sait peu de choses sur lui, mais on comprend sans mal pourquoi il fait parti de l'équipe, ainsi que ses motivations et ses méthodes peu académiques. Rien que pour lui, le film mérite le déplacement.

Pour ce qui est de la mise en scène de Sicario, je me suis régalé. Villeneuve filme le tout avec classe et élégance (les plans aériens sont somptueux). Les paysages, les personnages, et l'action, il sait tout mettre en boite avec brio. D'ailleurs, ce qui m'a le plus agréablement surpris (outre d'avoir fait de la ville de Juarez, un personnage à part entière), c'est l'ambiance mortifère qui parcourt ce long-métrage. Le cinéaste , bien aidé par une composition musicale assez anxiogène, enchaine les séquences tendues qui prennent aux tripes. On a parfois l'impression de regarder un film d'horreur, tant les montées en pression sont perturbantes. Ce n'est pas de la violence graphique dont il est question, même si l'oeuvre reste véhémente, le malaise est essentiellement dû à une tonalité grave, voire sinistre.

Si c'est très chiadé visuellement parlant, c'est grâce aussi au chef opérateur Roger Deakins, ce dernier nous montre une nouvelle fois l'étendu de son talent. Notamment et surtout lors des scènes "entre chien et loup". Ceci dit, j'ai un bémol à l'égard du passage filmé en vision nocturne, c'est strictement personnel, mais je trouve le rendu pas très cinégénique, et ce dans n'importe quel film... Fort heureusement, la séquence ne dure pas bien longtemps (cinq minutes, à tout casser).

Pour conclure, je dirai que Sicario arrive à retranscrire un cinoche burné, tout en accordant une certaine sophistication à l'ensemble. J'aime les amalgames, et d'autant plus quand c'est ce genre d'ingrédients qui donnent un tel résultat.
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LedBird
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Re: Sicario (Denis Villeneuve - 2015)

Message par LedBird »

J'ai eu un peu de mal personnellement, je suis jamais vraiment rentré dedans. En fait je ne me suis jamais senti impliqué émotionnellement, on est censé s'attacher au personnage d'Emily Blunt, ressentir de l'empathie pour elle voire s'identifier mais est tellement sous-traitée, passive et mise à l'écart qu'il en a été de même pour moi, je sais bien que c'est voulu mais il manque quelque chose pour qu'il y ait une vraie accroche.

Après je ne jette pas tout, j'ai apprécié certaines scènes même si elles sont parfois plombés par la musique.
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Je pense notamment à l'assaut dans le tunnel qui aurait été meilleure si il n'y avait pas eu cette musique agaçante
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Harkento
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Re: Sicario ( Denis Villeneuve - 2015 )

Message par Harkento »

Thaddeus a écrit :
~SPOILERS POSSIBLE ~
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Harkento a écrit :Et contrairement à Lowtek je trouve intéressant que Villeneuve pose très souvent sa caméra sur le visage et les attitudes de son héroïne, ce qui crée une empathie assez forte puisque, comme elle, le spectateur plonge coeur et âme dans un monde sauvage, inconnu, rugueux et imprévisible ou le 'mal' semble toujours tapi dans l'ombre.
Sur le principe, je suis d'accord avec toi. Heureusement que le personnage d'Emily Blunt (excellente) est là, il permet au spectateur de se trouver un point de fixation moral dans un film qui, sans elle, aurait été assez pénible et irrespirable. Ce qui me gêne un peu, ce n'est pas sa fonction mais son traitement dans le récit et surtout ce que le récit en fait. De la première à la dernière minute, elle ne sera qu'une observatrice passive, résignée, finalement impuissante, et dont la position de recul ne fera que mettre en avant la flamboyance monstrueuse de ses deux partenaires masculins. Ce sont eux qui agissent, qui imposent à l'enchaînement des évènements leurs méthodes sauvages, et qui d'un certain point de vue "raflent la mise" en termes d'impact purement dramatique. Villeneuve ne cherche à aucun moment à légitimer leurs exactions (heureusement) mais il semble manifestement fasciné par leur brutalité, leur charisme (Del Toro), leur coolitude (Brolin) de mâles alpha ultra-dominants, ne réservant à Emily Blunt que le rôle nettement plus ingrat de jeune femme soumise malgré elle à leurs motivations et à leurs manipulations. Ils contrôlent cyniquement, elle est un pion, et au final elle est totalement vaincue par la logique des "loups". On peut percevoir cela comme une noirceur bien franche du collier... ou comme une forme de nihilisme un peu crapoteux qui fait la part belle à la toute-puissance de ses deux pourris officiellement placés du bon côté côté de la loi.

Pour le reste, et tout en ayant plutôt aimé le film, je suis moins enthousiaste que les avis développés ci-dessus. Il y a un côté ultra-sérieux, péremptoire, emphatique dans ce type de cinéma qui me gonfle un tantinet. La grosse partition zimmerienne, faite de basses et de pistons crescendo, lorsque la cohorte de véhicules de la police arrive au Mexique pour extrader un baron du cartel par exemple, est symptomatique. Ou bien encore la conclusion, sur-signifiante, qui prend bien soin de souligner à quel point l'avenir des enfants de Juarez est bouché par la violence (un épilogue inverse à celui de Traffic au passage, lui aussi sur le trafic de drogue, lui aussi avec Del Toro, et qui s'achève lui aussi dans un stade d'enfants). D'autre part, je trouve que les personnages manquent de consistance et de complexité : c'est particulièrement vrai pour celui d'Alejandro, longtemps laissé dans ses zones d'ombre, mais qui ne se révèle être au final qu'un type irrécupérable, un salaud intégral mû par l'instinct de vengeance le plus primaire.
Voilà. Tu as très bien résumé la raison pour laquelle je n'ai pas pu mettre une note comme 8 / 10. La mise en scène démonstrative ne masque pas un scénario assez basique dans le fond, même si pour moi tout reposent sur les personnages et leurs interactions. Surtout entre le trio Del Toro/Brolin/Blunt qui magnétisent l'écran, il faut quand même le souligner : si c'était d'autres acteurs, ça aurait pu ne pas fonctionné du tout. Il y a quand même cette sensation que le pire peut arriver n'importe quand, que la violence peut surgir d'un coin de rue ou dans la pièce d'a coté : il y a une vraie tension en sourdine qui m'a vraiment captivé du début à la fin. Avec le recul et les quelques jours qui ont passé, j'ai plus le souvenir d'une très bonne séance que d'un très bon film ... même si j'ai envie de le défendre davantage car j'aime bien le cinéma de Villeneuve ! :D
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