Johnnie To

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

bruce randylan
Mogul
Messages : 11657
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Johnnie To

Message par bruce randylan »

Non, comme je disais The longest nite est assez bancal et foutraque mais avec des moments grandioses de mise en scène. Je le citais avant tout pour l'affiliation avec Collateral dont j'apprécie les deux premiers tiers pour la forme avant de trouver le dernier tiers vraiment raté avec un scénario très décevant.
Note que je dis "apprécie" et non "aime" ou "adore". Je crois que le seul Mann que j'adore totalement c'est Révélations.

Il y a d'autres réalisateurs de Hong-kong qui ne sont pas si débridé que ça ou pas tout le temps : La trilogie "on fire" de Ringo Lam, les thrillers urbains de Kirk Wong, plusieurs Tsui Hark... Et on n'évoque ici que les cinéastes d'action. Il y a toute une veine sociale qu'il ne faut pas négliger : Ann Hui, Allen Fong, Fruit Chan, Stanley Kwan... Sans oublier évidement Wong Kar-wai.

D'ailleurs les choses ne sont pas si simples puisque la "nouvelle vague" HK (qui a eut lieu à la fin des années 1970) s'est très rapidement approprié le cinéma de genre pour y greffer leur thèmes et préoccupations, souvent liés aux craintes dues à la future rétrocessions à de Hong-Kong à la Chine dont les conditions étaient encore floues à l'époque. D'où le traitement de la violence, de la schizophrénie, de l'identité, des connections avec le passé, un esthétisme rugueux et brute etc...
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11657
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Johnnie To

Message par bruce randylan »

Jericho a écrit :
bruce randylan a écrit : C'est une suite officieuse à The mission qui est le polar qui l'a vraiment fait connaître. Le film a pris un p'tit coup de vieux mais demeure réjouissant en proposant l'anti-thèse total au style John Woo.
A cause de la musique oui (comme pour la plupart des films HK de l'époque), mais la réalisation est toujours aussi monstrueuse.
La photo n'est pas toujours à la hauteur également.
Jericho a écrit :
Après ça passe à ses co-réalisations passionnantes avec Wai Kai Fai qui sont plus personnelles, audacieuses et souvent casse-gueules comme mad detective, running on karma, Fulltime killer et l'excellente comédie Fat Choi Spirit.
Perso, j'aime pas son duo avec Wai Kai Fai, en général ce sont les films que j'aime le moins: c'est moins virtuose, et j'aime pas les scripts qu'ils réalisent.
Oui, je comprends tout à fait. En occident, les gens préfèrent de loin ses polars tandis que ses autres projets reçoivent souvent un accueil bien plus tiède. Comme je raffole des mélanges de genre typiquement asiatique, cette association me surprend continuellement. Comme je le disais déjà avec Gounou, ça ne veut pas dire que leurs films en duo sont tous réussis, loin de là, mais ils sortent tellement des sentiers battus que j'applaudis la prise de risque et l'originalité, d'autant qu'on y trouve une vraie cohérence films après films. Ce n'est pas anodin d'ailleurs si Jodorowski adore des titres comme My left eyes sees ghost. :D
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
Dale Cooper
Accessoiriste
Messages : 1795
Inscription : 4 nov. 14, 23:03
Localisation : Twin Peaks

Re: Johnnie To

Message par Dale Cooper »

bruce randylan a écrit :Il y a d'autres réalisateurs de Hong-kong qui ne sont pas débridés
Attention à ce que tu dis.

Bon, en tout cas, je suis convaincu et vais me regarder du Johnnie To ce mois-ci.
Tutut
Machino
Messages : 1105
Inscription : 17 févr. 08, 20:27
Localisation : Toujours jamais là

Re: Johnnie To

Message par Tutut »

À part ses titres réputés dans le polar/action, on ne peut pas dire que le reste de la production de To est exceptionnelle, le seul avantage de ces films est d'avoir souvent un cast au dessus de la moyenne.
Je parle de titres comme All about Ah Long, The Eighth Happiness, Love on a Diet, Fat Choi Spirit, même Justice My Foot avec Stephen Chow et Anita Mui n'a rien de transcendant.
The Bare-Footed Kid est vraiment sympa et PTU, malgré une histoire trop simplette assure au niveau cadrage et photo.
C2302t
Machino
Messages : 1126
Inscription : 30 nov. 13, 17:40

Re: Johnnie To

Message par C2302t »

Gounou a écrit :
cinephage a écrit :Sinon, je trouve que Mad Detective n'est pas suffisamment apprécié dans ce topic. Le film est bourré d'idées de mise en scène très ludiques (bon, parfois un peu trop, mais le film reste une véritable expérience).
D'accord avec ça. La "confusion" que l'on attribue à ce Mad Detective, en plus d'être toute relative, en constitue selon moi son premier charme récréatif. Charme synthétisé d'ailleurs avec une belle ironie lors du tout dernier plan du film.
Le film, au pitch modeste et concis, fait de ses tours de passe-passe et substitutions de point de vue un argument plutôt stimulant, tant sur le plan narratif que visuel (la frontière entre la clairvoyance et la folie ? ; quelle part de lucidité et quelle autre de fantasme ?), encourageant une inventivité à la fois naïve et décalée dans ses idées - les septs "démons" - et plutôt inquiétante dans l'atmosphère, assez sombre, où elles évoluent (lumière très tamisée, y compris lors des séquences diurnes, jeux de contre-jours...)
Bonne surprise.
Tout à fait d'accord avec toi. C'est mon johnnie to préfèré. Il y a une magie dans ce film qui ne s'explique pas(ainsi qu'une douce folie). C'est un film très inventif et finalement assez rafraichant par ses prises de risques. En tout cas, je ne m'en lasse pas.
bruce randylan
Mogul
Messages : 11657
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Johnnie To

Message par bruce randylan »

Seven year itch (1987)
Image


Après sept ans de mariage, un mari fidèle à son épouse n'en est pas moins attiré par de nombreuses femmes. Un voyage professionnel à Taïwan pourrait être l'occasion de passer à l'acte d'autant qu'une charmante damoiselle le séduit rapidement (pour transiter par sa valise des bijoux volés).


Oeuvre de jeunesse (évidement impersonnel) du cinéaste qui sert cette fois de yes-man à Raymond Wong qui joue, écrit et produit cette comédie de re-mariage sous l'influence de Billy Wilder mais qui a le bon goût d'éviter le plagiat... Enfin "bon goût", n'est peut-être pas le bon terme car le film ne brille bien-sûr pas par son finesse, sa subtilité et son féminisme. Le début donne d'ailleurs bien le ton avec un vrai festival de décolletés, de popotins et autres longues gambettes aguicheuses. Encore qu'on a vu pire dans le genre (c'est pas du Wong Jing !) d'autant que le film se calme rapidement sur cet aspect racoleur et misogyne.

Rien de bien original sous le soleil sinon : beaucoup de quiproquos à base de beau-frère neuneu (coucou Eric Tsang), de belle-mère tête à claques, de cache-cache dans une chambre d’hôtel, de dragueur looser pris à son propre jeu et de prétendant envahissant.
Il va sans dire qu'on est bien loin de Blake Edwards (ou de Billy Wilder) mais cette comédie n'est pas pour autant exécrable. C'est même plutôt plaisant grâce à un scénario qui ne s'éparpille pas, ne mélange pas les genres ou les sous-intrigues et ne croulent pas sous les guest-stars inutiles.
Sans aller jusqu'à parler de rigueur dans le traitement, on peut reconnaître que le scénario est assez bien bâtit et rythmé avec suffisamment de scènes amusantes pour qu'on passe un bon moment en mode "cerveau off". Certains passages m'ont même fait rire tout seul (typique d'un genre d'humour assez absurde, imprévisible et crétin pour m'amuser). J'avoue que je n'en attendais pas tant. :o

Et Maggie Cheung y apparait furtivement dans les dernières secondes.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
Jack Griffin
Goinfrard
Messages : 12389
Inscription : 17 févr. 05, 19:45

Re: Johnnie To

Message par Jack Griffin »

Trailer du nouveau Johnnie To, Three. On reste dans les années 90



Realizing that he will be defeated in no time during a police showdown, a thug shoots himself to force the cops to cease fire and take him to the hospital. In the hospital, he claims human rights to refuse immediate treatment in order to bide time for his underlings to rescue him. The detective in charge sees through his scheme but decides to play along so as to capture his whole gang once and for all.
Jericho
Cadreur
Messages : 4436
Inscription : 25 nov. 06, 10:14

Re: Johnnie To

Message par Jericho »

On reste dans les années 90
:?: :?: :?:
Image
Avatar de l’utilisateur
shubby
Assistant opérateur
Messages : 2706
Inscription : 27 avr. 08, 20:55

Re: Johnnie To

Message par shubby »

Jack Griffin a écrit :Trailer du nouveau Johnnie To, Three. On reste dans les années 90



Realizing that he will be defeated in no time during a police showdown, a thug shoots himself to force the cops to cease fire and take him to the hospital. In the hospital, he claims human rights to refuse immediate treatment in order to bide time for his underlings to rescue him. The detective in charge sees through his scheme but decides to play along so as to capture his whole gang once and for all.
Merci !!! :)
Par contre, je cherche à revoir Loving You (Cop Story, The Tasteless Detective...) et peine à le trouver ! Si vous avez des pistes.
bruce randylan
Mogul
Messages : 11657
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Johnnie To

Message par bruce randylan »

Le petit revenant / Lucky encounter (1992)

Un jeune enfant assassiné par son oncle lors d'une tentative de kidnapping demande de l'aide à deux cambrioleurs débonnaires pour l'aider à se venger.

L'année de réalisation suffit à comprendre que cette comédie fantastique fait partie des œuvres alimentaires que le cinéaste enchainait sans trop se poser de questions. Si le film doit être vu, c'est avant tout pour son casting avec un duo très attachant entre Tony Leung et Kent Cheng qui semblent avoir eu une réelle complicité sur le tournage. L'avantage tourne bien-sûr pour Tony Leung, toujours autant charismatique, même dans une production sans trop d'ambition.

L'autre élément qui pourrait mériter un visionnage tient quand même à son scénario surréaliste, et pour plusieurs raisons. Il y a tout d'abord le postulat initial et qu'on ne peut pratiquement voir qu'à Hong-Kong : le fantôme d'un bambin de 8 ans désirant se venger ! Les premières minutes sont à ce titre plutôt habiles et astucieuses puisqu'on a vraiment l'impression de voir une famille bourgeoise et capitaliste trop occupée par leur bisness et qui délaisse leur progéniture. On découvrira seulement après quelques minutes que si l'enfant leur est invisible, c'est pour une bonne raison.
Ensuite, et toujours dans la logique précieuse à Hong-Kong, le film regorge d'idées improbables. C'est le grand avantage des films de fantômes locaux : il n'y a rien de plus facile que d'inventer des règles pour faciliter la progression de l'histoire. Ici, on peut voir le fantôme si on se met à éternuer devant lui ! Un fantôme qui craint d'ailleurs l'écusson des forces de police ( ? )... ce qui l'empêche de pouvoir dénoncer son fourbe d'oncle directement aux autorités. D'où d'ailleurs une scène très drôle où le duo de héros essaie de faire voir à un policier le spectre sensé se trouver dans un grosse peluche Garfield. :mrgreen:

Cela dit, tout cela reste à peu près "logique". Le plus WTF est par présent via le personnage campé par John Sham, sorte d'inventeur du paranormal qui a bricolé une télécommande moléculaire permettant de faire à peu près tout et n'importe quoi (ça dépend des besoin du scénario ! ). Et puis un laser anti-fantôme aussi quitte à faire...

Bref, une nouvelle fois, le cinéma hong-kongais offre un fourre-tout sans queue ni tête, pas forcément drôle mais épisodiquement amusant et surprenant. Je crois qu'on tient d'ailleurs la voiture téléguidée la plus choupinette et irrésistible de l'histoire du cinéma :D
Il faut aussi noter un gros clin d'œil à Histoire de fantôme de chinois, un peu de mélancolie quand le fantôme se retrouve à un spectacle au milieu de ses anciens camarades de classes bien vivant, un plagiat très bordélique de la corde ombilicale de Poltergeist, un Anthony Wong postillonnant, un peu de vaudeville amoureux, de la réincarnation...

Il faut reconnaître que Johnnie To s'en sors pas si mal et que sa réalisation possède une certaine fluidité qui fait vraiment défaut à beaucoup de films du même genre. Il y a plusieurs gags bien traités visuellement et une technique tout à fait honnête (toujours en comparaison des concurrents).
Après, objectivement, ça reste profondément médiocre, fourre-tout, fauché et sans ligne directrice. Mais les afficionados un brin sado-maso des ghost comedy peuvent y trouver quelques qualités. :fiou:

Curieusement et contre toute attente, le film est sorti chez nous dans la collection Hong-Kong boulevard (mais pourquoi ?!)
Image
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Avatar de l’utilisateur
Shin Cyberlapinou
Assistant opérateur
Messages : 2202
Inscription : 1 févr. 09, 09:51

Re: Johnnie To

Message par Shin Cyberlapinou »

bruce randylan a écrit :Curieusement et contre toute attente, le film est sorti chez nous dans la collection Hong-Kong boulevard (mais pourquoi ?!)
Magie des fonds de catalogue et autres expirations de droits... Ta critique donne presque envie, que vaut le DVD et 100 manières de tuer sa femme, l'autre film du binôme?
bruce randylan
Mogul
Messages : 11657
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Johnnie To

Message par bruce randylan »

Je décline toute responsabilité en cas d'achat ! :mrgreen:

Pour le dvd, bonne question. J'ai regardé direct mon DVD HK zone all (un fortune star non restauré mais toujours décent). Je connais pas 100 manières de tuer sa femme (qui se traîne une petite moyenne sur cinemasie.com).
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11657
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Johnnie To

Message par bruce randylan »

The bare-footed kid (1993)

Image

Un vagabond aux pieds-nus débarque dans une ville pour rencontrer l'ami de son père, un rebel, qui vient de décéder. Il le retrouve travaillant dans une fabrique de teinture convoitée par des officiers corrompus, frayant avec des triades.

Un auto-hommage de la Shaw Brothers qui s'offre un remake des Disciples de Shaolin de Chang Cheh, s'octroyant au passage la présence de Ti Lung dans un second rôle et Liu Chia-liang aux chorégraphies (comme dans l'original). C'est Aaron Kwok qui a la lourde tâche de reprendre la flambeau d'Alexander Fu Sheng. La jeune vedette continue de se croire dans des un de ses vidéo-clips qui ont fait sa gloire et cabotine à outrance, étalant sans vergogne son sourire Colgate à chaque séquence. Certes son personnage est un jeune provincial naïf mais Aaron Kwok n'a pas l'air de s'être vraiment penché sur la psychologie de son rôle. C'est le gros point noir de ce film par ailleurs sympathique, sans être extraordinaire.
Il a l'avantage aujourd'hui d'avoir opté pour une direction old school alors que l'heure était à la modernité à Hong-Kong dans la renouveau du Wu Xia Pian : Tsui Hark avait livré ses Il était une fois en Chine, Sammo Hung Blade of Fury et l'année d'après on allait avoir Frères d'armes de Daniel Lee par exemple.
Johnnie To n'avais pas l'ambition de révolutionner le 7ème art et se contente d'une réalisation simple, fluide et sans style tape à l'œil ni démonstratif.
Comme dans ses films de cette période, il livre un film impersonnel, non dénué d'efficacité mais incapable de transcendé son scénario. Les 2 personnages féminins sont ainsi totalement sous exploités malgré des caractères qui auraient pu permettre d'offrir un peu de nouveauté (Maggie Cheung en propriétaire altruiste et pacifique et Jacqueline Wu en institutrice). C'est aussi le cas de la figure principale dont l'évolution est assez peu satisfaisante (mais la faute en incombe sans doute à l'ego de son comédien).
C'est évidément le toujours fringuant et classe Ti Lung qui s'impose sans problèmes malgré le peu de séquences qu'il possède au final.

Reste donc les combats de Liu Chia-liang qui n'a pas perdu de son talent et qui livres quelques chorégraphies enthousiasmantes même s'il faut reconnaître que les scènes d'actions ne sont pas si fréquentes et parfois un peu courtes. C'est le cas du final qu'on aurait bien aimé voir développé un peu plus, d'autant que la hargne et la violence des échanges tranchent avec la bonhommie du reste du film.
De plus le choix de tourner en 1.85 et non en scope amenuise un peu la lisibilité des combats avec une caméra un peu trop proche des intervenants. C'est dommage car pour le coup Aaron Kwok est d'un bon niveau (et les doublures sont bien gérés j'imagine).

Un honnête divertissement où l'on ne s'ennuie pas forcément mais qui demeure tout de même un peu frustrant à plusieurs titres.



Excellent DVD zone 3 sorti chez Celestial (forcément)
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
bruce randylan
Mogul
Messages : 11657
Inscription : 21 sept. 04, 16:57
Localisation : lost in time and lost in space

Re: Johnnie To

Message par bruce randylan »

Office (2015)



On n'avait plus eu de Johnnie To en salles depuis la sortie (confidentielle) de La vie sans principe. Office partage avec ce dernier la volonté d'évoquer la crise financière qui a frappé l'Asie en 2008. Et si la vie sans principe était une production 100% HK, Office repose en grande partie sur des capitaux chinois pour un marché chinois... ce qui implique quelque changements. Sans doute pour contourner la censure, le cinéaste opte donc pour une comédie musicale se déroulant en majorité dans les bureaux d'une grande compagnie sur le point d'être introduite en bourse.
Celà dit, on sait aussi que Johnnie To n'a jamais vraiment été un auteur et que ses sujets sociaux-politiques ne sont que peu développés ou approfondis (comme Breaking News) pour privilégier essentiellement l'ambiance et la réalisation.
Office ne déroge pas à la règle est s'impose comme un étourdissant exercice de style virtuose un brin vide et superficiel vu le potentiel de son sujet, réduit à un génial parti pris : des décors à la construction théâtrale, presque aussi épuré que ceux de Dogville et qui correspondent à la logique d'Open Space qui auraient contaminés la société entière. Et je ne parle pas uniquement du monde de l'entreprise mais aussi de la ville en tant que tel : métro, hall, appartement... Tout est ramené à une architecture "filaire" et du vide. Un manière aussi d'évoquer un monde littéralement transparent où le vol d'informations et d'idées est un risque omniprésent.
La direction artistique est tout bonnement éclatante, renforcée par une utilisation de la 3D très pertinente qui joue beaucoup sur la profondeur de champ, les déplacements de la foule, les sources de lumière, les perspectives, les valeurs de cadres etc... Les rapports de force au cœur de cette entreprise s'en trouvent fortement renforcés pour mieux mettre à mal les rapports hypocrites et les confrontations d'influences au sein de cette compagnie. Et Johnnie To pousse encore plus loin ce dispositif individualiste en prenant le contrepied de la comédie musicale, genre collectif par définition, qui devient ici totalement individualiste. Le cinéaste multiplie les fulgurants et nerveux mouvements de caméra qu'il brise dans leurs élans par un montage tout en rupture.
Dans office, l'harmonie n'a pas sa place.

Certain moments sont de fabuleux tour de force dans l'utilisation d'une caméra ultra-dynamique (louma ?) mais qui risque aussi de frustrer le spectateur qui s'attendent à une comédie musicale traditionnelle. Pas de chorégraphie, pas de réelles danses et des mélodies assez répétitives (et pas du tout entêtantes). La véritable et unique danseuse est la caméra et on voit bien que To n'a d'yeux que pour elle même si il essaie un peu de faire vivre ses personnages qui possèdent chacun un ou deux moments réussis ou touchants. Malheureusement l'écriture est assez réduite et on finit par croire que les décors transparents ont aussi touchés la caractérisation et l’interprétation ainsi s'avère fortement inégale. Ca reste la grande faiblesse d'Office et même Chow Yun Fat n'a pas l'air très à l'aise et n'imprime pas son charisme naturel. Le dernier tiers parvient cependant à accélérer la narration avec une certaine intensité dramatique.

Pour ma part, le brio de la réalisation, des décors, de la photographie et de la 3D ont suffit à me maintenir attentionné tout en regrettant que le scénario ne soit pas plus ambitieux, s'arrêtant à un vernis un peu léger. Je trouve aussi dommage que le film ne s'attarde pas davantage sur les oubliés de ce capitalisme qui surgissent de manière cruelle le temps de 2 plans : une personne âgée poussant une montagne de cartons et un plan-séquences circulaire gravitant autour de livreur de journaux, propriétaires d'échoppes ambulantes... D'un autre côté leur absence rend leur apparition d'autant plus marquante.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Ben Castellano
Décorateur
Messages : 3689
Inscription : 23 janv. 05, 12:07

Re: Johnnie To

Message par Ben Castellano »

Image

Concernant Office, je crois qu'il faut le prendre comme un projet porté en premier lieu par Sylvia Chang, créatrice de la pièce d'origine, scénariste et quand même au centre du film avec son personnage, très mis en valeur. Johnnie To me semble plus exécuter ça dans une optique de mise en scène de théâtre du coup. Il faut suivre, car entre les informations données uniquement en chanson (pas terribles) et certains dialogues très rapides, tout va très vite dans la caractérisation, c'est très bavard, même si la caméra ajoute un rythme de danse se substituant à toute autre chorégraphie comme dit Bruce. La grâce en moins niveau mise en scène tout de même, alors que cette fois il était pleinement dans le genre dédié...
En sortant du film, je me suis dis qu'il était intéressant de voir à quel point les trois personnages féminins principaux portent ensemble, de manière originale, une construction tragique assez gonflée à l'écrit, en plus du personnage de Mrs HO. Le jeune héros joué par Ziyi Yang apporte une touche de légèreté trop juvénile et fonctionnelle, qui le fait quand même passer bien au second plan, et Chow Yun-fat, est effectivement totalement éteint. Eason Chan est moyennement convainquant également avec un rôle pourtant clé et moteur.
J'ai apprécié les aspects les plus mélos du film à vrai dire, notamment via le personnage de Sophie joué par Tang Wei, il y a de belles choses à piocher, mais le reste peine globalement à ne pas tomber dans le soap distancié à l'ironie pesante... Le travail sur les décors est surprenant 5 minutes, puis lasse franchement et alourdi la mécanique... peut-être que ça prend une autre dimension en 3D? En tout cas si on souhaite nous écoeurer en figeant une esthétique du captialisme chinois, c'est réussi... mais ce sera tout, le film manque d'une certaine concistance pour que ça touche. L'avalanche de placements produits donne franchement la nausée par exemple, on a le sentiment que le cinéaste cette fois est dépassé par son dispositif, sa recherche de virtuosité.
Répondre