Produit par To :
Too many ways too be N°1 (Wai Ka-Fai - 1997)
Les hong-kongais n'ont peut-être pas de pétrole mais ils ont des idées.
Ils le prouvent dans ce polar complètement barré qui utilise son tournage fauché pour se poser en manifeste visuel hystérique et virtuose.
Imaginez Wong Kar-wai période
les anges déchus en vitesse acceléré et plus expérimental pour avoir une idée du résultat.
C'est donc 90 minutes de plan-séquences intégralement tournés en grand angle avec une caméra qui court perpétuellement d'un acteur à l'autre à toute allure.
Tant d'énergie fatigue un peu à la longue d'autant que le procédé de réalisation est tout même répétitif à la longue mais ça n'entache pas trop le plaisir du visionnage surtout que l'exercice de style n'est pas gratuit. Ainsi le grand moment du film (la baston cadré en l'envers
) trouve son sens dans la mesure où c'est justement le passage où tout bascule dans le sens figuré comme au sens propre.
Le film en effet a un coté
Smoking No smoking selon que Lau Ching-Wan agisse en chef de gang responsable ou en crétin impulsif.
Le coté 2 en 1 est à la fois bien géré dans la narration (la partie introductive étant éclatée en différents points du récit) et dans l'écriture où les tonalités sont suffisamment différentes pour ne jamais se répéter. La 2ème partie - la plus longue - sort malgré tout du lot avec une succession de scènes marquantes. L'humour noir fait son effet avec quantité de doigts coupés
Toute la séquence du règlement de compte dans le restaurant suivie la mort des 2 parrains que pleurent chaque clans est aussi un grand moment, tordant et maîtrisé.
Un gfilm foutraque, harassant et bordélique qui se veut aussi inventif, délirant et virtuose (je n'ai pas évoqué le sens du cadrage, mais il le faudrait)
On a bien sur le droit de trouver ça aussi complètement insupportable
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Running out of time 2 ( 2001 )
Autant le 1er ne m'avait pas emballé plus que ça, autant cette fausse suite/remake m'a conquis du début à la fin (je suis minoritaire semble-t-il)
Il n'y pourtant que 2 années qui les séparent, mais le bond qualitatif visuel m'a parut énorme. L'aspect un peu cheap du premier disparait pour laisser place à une mise en scène aérienne, fluide et glamour.
Surtout To se prend moins sérieux pour ce qui est ici une comédie auto-parodique. C'est souvent second degré et décalé à fond avec des situations jubilatoire et des seconds rôles crétins et attachants.
C'est donc parti pour 90 minutes d'un jeu du chat et de la souris entre un policier et un voleur terriblement rusé qu'il poursuit en vain, ce dernier prenant un malin plaisir à ridiculiser "amicalement" les forces de l'ordre.
La confrontation Lau Ching-Wan / Ekin Chen, à la complicité évidente, est simplement irrésistible avec au milieu du film une course à vélo mémorable. Ceux qui ne voyait dans To qu'un cinéaste violent et sombre seront surpris par la fraicheur et l'humour bon enfant qui donne bien la pêche en sortant de la salle. Leur face à face est plein d'humanité, de respect et de chaleur.
Comme souvent To passe par des détails et des personnages saugrenues pour sortir du lot et marquer son originalité. Dans ce
running out of time, c'est un festival (les ornithologues, le looser qui ne gagne pas à pile ou face, la livraison de la rançon au 4 coins de la ville avec arrêt au resto, la poursuite à pied etc...) et derrière tout ça pointe l'idée qu'il faut savoir perdre avec panache.
En fait, film après film, j'ai l'impression que To est le cinéaste de l'échec ou plutôt de son acception. Ses personnages trouvent souvent le salut s'il décide de transformer une défaite en victoire personnelle grâce au cheminement intérieur qu'ils auront parcouru. A l'inverse ceux qui courent après le succès ou la perfection en voulant provoquer le destin se réservent plutôt un sort funeste.
Derrière ça, il y a bien sur les thème du jeu et du défi, très récurrents dans sa filmographie.
A partir de là, ses films adoptent logiquement un parti-pris où la forme est tout aussi primordial que le fond car Johnnie To s'impose comme le cinéaste ludique par excellence.