Gens de Dublin (John Huston - 1987)
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Gens de Dublin (John Huston - 1987)
Le consensus cinéphile qui entoure ce dernier film de Huston, et dans lequel je ne me suis pas franchement retrouvé, me donne envie d'ouvrir un fil consacré. Et de demander aux admirateurs de m'éclairer sur le pourquoi de leur admiration. Pourquoi considérez-vous ce film comme un chef-d’œuvre ? En quoi ce film est-il grand ou beau, pour vous ?
Attention, il n'y a rien de malicieux ou de provocateur dans ma question, hein (et ça ne prépare pas un retournement de veste, parce que je me suis bien ennuyé dessus quand même ). J'insiste là-dessus. Je cherche simplement à comprendre ce qui, à vous lire, m'a manifestement échappé.
J'avoue ne pas avoir été saisi par cette richesse thématique ou profondeur émotionnelle qui semblent susciter chez beaucoup l'enthousiasme : je serais donc très intéressé de vous lire à ce sujet.
Attention, il n'y a rien de malicieux ou de provocateur dans ma question, hein (et ça ne prépare pas un retournement de veste, parce que je me suis bien ennuyé dessus quand même ). J'insiste là-dessus. Je cherche simplement à comprendre ce qui, à vous lire, m'a manifestement échappé.
J'avoue ne pas avoir été saisi par cette richesse thématique ou profondeur émotionnelle qui semblent susciter chez beaucoup l'enthousiasme : je serais donc très intéressé de vous lire à ce sujet.
- AtCloseRange
- Mémé Lenchon
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
Je ne vais pas entrer dans les détails, je ne l'ai pas revu depuis des années mais la grandeur de ce film me fait beaucoup penser à la première partie de Voyage au Bout de l'Enfer (qui tourne aussi autour d'un rituel, un mariage donc). En fait, c'est tout ce qui est sous-jacent qui est important. Derrière les apparences d'un repas de Noël comme tant d'autres se cachent tous les sentiments enfouis des personnages, leurs rancoeurs, leurs blessures. Et comme c'est Noël, d'une certaine façon, chacun fait semblant de faire face mais il y a plein de petits signes (qu'on repère davantage effectivement à la révision quand on sait à quoi s'attendre) disséminés ça et là qui ne font que préparer à ce final si émouvant.
Et je rajouterai que la musique d'Alex North est magnifique.
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
Je croyais avoir écrit quelque chose sur ce film mais je n'ai retrouvé que ceci :
Puis, commence la seconde partie, celle de la révélation de ce que les conventions sociales cachaient. Dans le film, c'est une musique qui déclenche le processus de la mémoire et de la mélancolie chez Angelica Huston. Pour les spectateurs, c'est l'image d'Angelica Huston soudain pétrifiée dans l'escalier et entendant résonner le chant du passé, qui déclenche le même processus. Soudain, un trou se fait dans les conventions sociales, dans la maille du quotidien ; ce trou renvoie vers un passé perdu à jamais, que le souvenir ne peut plus ressusciter (on est chez Huston via Joyce, pas chez Proust). Mais ce n'est que la première révélation. La deuxième révélation du film est que non seulement le passé est mort, mais que nous aussi, personnages comme spectateurs, allons le rejoindre dans la nuit de la mort. C'est ce que révèle le dernier plan du film : c'est une image de nuit, la nuit de la mort, où descendent des flocons de neige qui sont autant de souvenirs, d'images, de musique, d'âmes enfin (voir le titre original : the dead) qui vont se perdre dans le néant. Je connais peu de films aussi mélancoliques.
Edit : en tout point d'accord avec Atcloserange.
Edit 2 : ton Adjani fiche les jetons Demi-Lune.
Quand je pense aux Gens de Dublin, surgit souvent devant moi l'image de Huston dirigeant, au seuil de la mort, le film d'une chaise roulante. Je n'arrive pas à dissocier le film de cette connaissance de l'état de Huston et cela contribue sans nulle doute à l'émotion que j'y ressens. Huston est au crépuscule de sa vie, tout comme le personnage principal du film, vieilli avant l'heure, figé dans des gestes et des formules de politesses que lui dictent son éducation et les conventions sociales. Pourtant, ce sont ces conventions sociales, c'est le cérémonial empesé de Noël du film, qui leur permettent, à lui et à sa femme, de continuer à vivre, alors que leur coeur est déjà mort. C'est tout ce vernis du réel et des conventions sociales qui les fait tenir debout. On peut trouver ce vernis ennuyeux et figé, notamment quand on le voit de l'extérieur (c'est le cas de Demi-Lune), mais la vérité est qu'il est indispensable à leur vie, car il leur cache ce qui vient : la mort. On perçoit mieux cela quand on revoit le film. La première partie est alors déjà très émouvante.Parfois, l’acte de création du cinéaste consistera à créer dans son film une scène, ou à lui donner une ampleur nouvelle, à partir d’une scène d’un livre dont il aura su percevoir le potentiel cinématographique. A la fin des Gens de Dublin, fabuleuse adaptation de la nouvelle Les Morts de Joyce, John Huston part des dernières lignes du livre en en reprenant l’esprit général et quelques phrases, pour livrer pendant près de quatre minutes où défilent de magnifiques plans de l’Irlande sous la neige une méditation sur la mort plus vaste et qui résonne plus longuement dans notre esprit que celle du livre.
Puis, commence la seconde partie, celle de la révélation de ce que les conventions sociales cachaient. Dans le film, c'est une musique qui déclenche le processus de la mémoire et de la mélancolie chez Angelica Huston. Pour les spectateurs, c'est l'image d'Angelica Huston soudain pétrifiée dans l'escalier et entendant résonner le chant du passé, qui déclenche le même processus. Soudain, un trou se fait dans les conventions sociales, dans la maille du quotidien ; ce trou renvoie vers un passé perdu à jamais, que le souvenir ne peut plus ressusciter (on est chez Huston via Joyce, pas chez Proust). Mais ce n'est que la première révélation. La deuxième révélation du film est que non seulement le passé est mort, mais que nous aussi, personnages comme spectateurs, allons le rejoindre dans la nuit de la mort. C'est ce que révèle le dernier plan du film : c'est une image de nuit, la nuit de la mort, où descendent des flocons de neige qui sont autant de souvenirs, d'images, de musique, d'âmes enfin (voir le titre original : the dead) qui vont se perdre dans le néant. Je connais peu de films aussi mélancoliques.
Edit : en tout point d'accord avec Atcloserange.
Edit 2 : ton Adjani fiche les jetons Demi-Lune.
Dernière modification par Strum le 30 nov. 15, 12:16, modifié 1 fois.
- Père Jules
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
Rien de bien différent pour ma part. Je trouve ce film totalement bouleversant (sans même tenir compte de l'état d'Huston), mettant en scène des personnages qui ne paraissent avoir un semblant de conscience d'eux-mêmes que dans la solitude, loin des "conventions sociales" comme l'écrit Strum. Tu prends les personnages un par un, tu perçois qu'effectivement, chacun d'entre eux n'est que le produit de ces conventions: de l'ancienne gloire du chant au formidable conteur d'histoires, en passant par la jeune pianiste et le fils honteux, alcoolique mais progressiste. Le titre original est évocateur: tous ces personnages sont morts. Une mort symbolique mais une mort tout de même. A ce titre les quelques plans furtifs de pièces vides avec pour seule bande sonde la voix complètement fanée de la soeur Morhan sont d'une beauté terrassante. Je ne parle même pas du monologue final de Donal McCann, il m'émeut aux larmes à chaque fois. Quand, une fois sa femme endormie, il entame avec "quel rôle ai-je joué dans ta vie ?", je trouve ça proprement magnifique. Même lorsque j'apprivoisais tout juste Gens de Dublin (et que la première heure me semblait certes intéressante mais un poil "figée" pour reprendre l'expression) ça m'avait bouleversé. Aujourd'hui, je tiens le film dans son ensemble pour un chef-d'oeuvre (et pas un petit !), les dernières minutes proposant comme vous l'avez souligné un éclairage plus concret sur les personnages et leurs relations.
Après ma revision du mois dernier, je l'ai fait entrer dans mon top 10. Il m'est totalement indispensable.
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- manuma
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
C'est en tout cas un film qui me semble vraiment se prêter à une seconde vision, à la 6eme sens et autres suspenses à twist en quelque sorte (la comparaison est un peu abrupte, je le reconnais). A sa découverte au début des années 90, j'avais suivi les 3 quarts du film tout juste intrigué, sans réelle passion. Et puis les dernières minutes m'avaient complètement sonné, sans que je puisse véritablement expliqué pourquoi. Je me souviens d'ailleurs m'être immédiatement repassé ce final dans l'espoir de saisir le pourquoi de l'émotion ressentie.
Je l'ai revu il y a quelques années, et, pour résumer, ce qui me touche là-dedans, je crois que c'est avant tout l'humanité du regard d'Huston, qui ne juge aucune de ces existences précaires, quelconques, ratées pour certaines.
Je l'ai revu il y a quelques années, et, pour résumer, ce qui me touche là-dedans, je crois que c'est avant tout l'humanité du regard d'Huston, qui ne juge aucune de ces existences précaires, quelconques, ratées pour certaines.
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
Il faudra que je retente un visionnage pour le réévaluer, parce que, à l'instar de Demi-Lune, je suis franchement passé à côté de ce film. Je me souviens même de vos avis déjà très dithyrambiques à l'époque (raison pour laquelle je m'étais précipité sur le DVD) et d'avoir pensé que vous aviez tous fumé...
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
Découvert il y a 2 ans, et il m'était arrivé exactement la même chose : j'avais suivi la 1ère heure tranquillement, sans être non plus ébloui (alors que je m'y attendais, connaissant la réputation du film)...et puis voilà, les 10 dernières minutes arrivent, avec ce sublime monologue intérieur de Angelica Huston, et là tout s'éclaire.manuma a écrit :j'avais suivi les 3 quarts du film tout juste intrigué, sans réelle passion. Et puis les dernières minutes m'avaient complètement sonné, sans que je puisse véritablement expliqué pourquoi
Un énorme choc, mon film du mois de novembre 2010 (pas revu depuis, mais j'aimerais beaucoup).
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
Donal McCann.Ratatouille a écrit :avec ce sublime monologue intérieur de Angelica Huston, et là tout s'éclaire.
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
Ah oui pardon. Je sais pas pourquoi, j'étais persuadé que le monologue était de Angelica Huston (comme quoi, il faut vraiment que je le revoie).
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
C'est Franck Viale qui a signé la chronique classikienne à l'occasion de la sortie du film en DVD chez Elephant.
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
Belle critique!
Je l'ai découvert il y a 15 jours avec le DVD qui vient de sortir.
On s'est tous, j'imagine, posé des question sur la vie (et donc l'amour), la mort et la valeur de nos existences et Gens de Dublin est à ce propos l'un des films les plus beaux et intelligents que j'ai vu.
Il aborde ces questions de manière très simple et très douce avec ces petits riens qui font une vie et cachent de grands sentiments derrière eux et ce monologue final... rien que d'en parler c'est déjà l'abimer. Il est des moments où le cinéma vous touche en plein coeur et ces dernières minutes en font partie.
En définitive je ne trouve que des qualités au film et la première heure ne m'a pas du tout ennuyé (la mise en scène de Huston est dynamique, en perpétuel mouvement, utilisant brillamment le hors champs) néanmoins comme le fait justement remarquer Franck Viale je trouve qu'à trop le mettre sur un piédestal on risque de lui nuire (en ce qui me concerne je ne crierait pas au chef-d'oeuvre et le trop plein d'attentes lié à sa réputation m'a un peu gâché le visionnage), c'est un film qui doit se donner par surprise un peu comme l'émotion qui saisit Anjelica Huston.
Je l'ai découvert il y a 15 jours avec le DVD qui vient de sortir.
On s'est tous, j'imagine, posé des question sur la vie (et donc l'amour), la mort et la valeur de nos existences et Gens de Dublin est à ce propos l'un des films les plus beaux et intelligents que j'ai vu.
Il aborde ces questions de manière très simple et très douce avec ces petits riens qui font une vie et cachent de grands sentiments derrière eux et ce monologue final... rien que d'en parler c'est déjà l'abimer. Il est des moments où le cinéma vous touche en plein coeur et ces dernières minutes en font partie.
En définitive je ne trouve que des qualités au film et la première heure ne m'a pas du tout ennuyé (la mise en scène de Huston est dynamique, en perpétuel mouvement, utilisant brillamment le hors champs) néanmoins comme le fait justement remarquer Franck Viale je trouve qu'à trop le mettre sur un piédestal on risque de lui nuire (en ce qui me concerne je ne crierait pas au chef-d'oeuvre et le trop plein d'attentes lié à sa réputation m'a un peu gâché le visionnage), c'est un film qui doit se donner par surprise un peu comme l'émotion qui saisit Anjelica Huston.
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
Je ne crie absolument pas au chef-d'oeuvre, mas rien que pour sa dernière demi-heure ce film mérite quand même qu'on s'y attarde. Tout est en osmose, la mise en scène, l'écriture, les acteurs, la galerie de portraits.
Je regrette quelques longueurs par-ci par-là, mais c'est vraiment pour chipoter.
Je regrette quelques longueurs par-ci par-là, mais c'est vraiment pour chipoter.
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
Personnellement, il m'a fallu quatre ou cinq visionnages (dont deux à la suite) pour réellement apprécier Gens de Dublin à sa juste valeur, et il figure aujourd'hui parmi mes films préférés. Une des émotions cinématographiques les plus pures.
- Père Jules
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
En gros, quelle différence avec l'édition Film de ma vie ?Jeremy Fox a écrit :C'est Franck Viale qui a signé la chronique classikienne à l'occasion de la sortie du film en DVD chez Elephant.
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Re: Gens de Dublin (John Huston - 1987)
Je n'ai pas l'édition de la collection Films de ma vie, pour te répondre clairement, il semblerait pas grand chose... La source de cette édition est plus récente ITV 2011. C'est la même que pour l'édition américaine. Si tu as la précédente édition, reste à comparer les captures?!