Shinji Somai (1948-2001)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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bruce randylan
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Shinji Somai (1948-2001)

Message par bruce randylan »

La cinémathèque commence aujourd'hui une rétrospective intégrale de l’œuvre du cinéaste japonais Shinji Somai et qui se terminera début janvier 2013. Une douzaine de films datant des années 80-90 souvent inconnus en dehors du Japon. De manière générale le nom du réalisateur ne dira rien à la grande majorité des cinéphiles. Son œuvre est pourtant passionnante à plus d'un titre et est très réputé par la critique locale qui le place comme l'un des cinéaste majeur de ces 2 décennies, si ce n'est le meilleur ! :o
Formellement d'abord, il tourne majoritairement en plan-séquences (dont certains ne manquent pas de styles). Ensuite et surtout ses histoires sont souvent de très beaux portraits mélancoliques à la psychologie riche et complexe avec une prédilection pour l'adolescence.

Mais le texte de la cinémathèque en parle mieux que moi qui ne connait que 2 films du cinéastes (dont le très beau love Hotel qui contourne le pinku eiga pour en faire un magnifique film sur la solitude).
http://www.cinematheque.fr/fr/dans-sall ... i,489.html

Un cycle absolument incontournable et indispensable car l'ensemble des films de Somai est tout simplement invisible puisque inédit en vidéo en dehors du Japon ! :(

Ouverture ce soir avec Déménagement (1993)

Les parents de la jeune Ren se séparent. Très affectée par cette rupture (d'autant qu'elle doit subir les moqueries de ses camarades de classe), Ren tente de rapprocher de nouveau sa maman et son papa.


Présenté en son temps à la quinzaine des réalisateurs, Déménagement est un joli film bien qu'il m'ait moins touché que Love hotel. Je dois avouer que j'étais assez fatigué et que le premier tiers est plutôt assez classique dans son déroulement même si la sensibilité, la pudeur et la sobriété du traitement de Somai évitent toute mièvrerie et sentiments dégoulinants. Mais justement cette peur de trop en dire, de dramatiser son scénario et sa narration le rendent un peu hermétique à mon gout, trop en surface. Mais encore une fois, c'est sans doute dû à ma fatigue.

Par contre, à partir de la séquence où Ren menace ses camarades en cours de chimie, le film s'améliore grandement pour devenir sublime dans sa dernière partie. La petite Ren découvre que ses bonnes volonté n'ont pas les résultats escomptés mais elle tente malgré tout de réunir ses parents dans leurs ancien lieux de vacances, un lac célèbre pour ses cérémonies festives.
C'est intelligent, plein de justesse et avec suffisamment de non-dit pour qu'on s'intéresse vraiment aux personnages et à leur états d'âmes.
Il y a en effet pas mal de plan-séquence mais qui demeurent assez discrets et peu démonstratif. Ils suivent et scrutent les personnages dans des espaces clos qui symbolisent l'impasse dans laquelle ils se trouvent ou qui mettent en valeur la frontière invisible entre eux (la digue devant le lac)

Et il y a donc la dernière partie près du lac Biwa qui sort de la narration traditionnelle pour tendre vers la fable (la rencontre avec le vieux grisonnant qui lui explique qu'il ne faut pas garder trop de souvenirs) et le lyrisme discrètement onirique qui prend place durant et après la procession autour des flammes.
L'errance, l'apaisement, l'acceptation de grandir, la réunion du passé et du présent donnent lieux à quelques moments d'une poésie tout en nuance et délicatesse qui se terminent dans une sublime séquence à mi chemin entre le rêve et l'imaginaire. Un moment qui parvient à rendre palpable des sentiments et des émotions particulièrement danses sans avoir recours à l’explicatif et au verbe. Il en va de même pour l'ultime plan qui se déroule durant le générique de fin et qui est tout simplement magistrale de simplicité mais qui dégage une chaleur formidable.
Et puis il faut évoquer un casting vraiment touchant avec en premier lieu la jeune Tomoko Tabata, épatante.

Une petite merveille qui fait des miracle sur un sujet vu et revu bien que le rythme soit assez calme et que son refus des conventions (dont une fin très ouverte) puissent décevoir ceux qui aiment les déroulements traditionnels.


Encore une fois, n'hésitez pas à y faire un tour à cette rétrospective : sa rareté n'a d'égale que sa qualité ! Et c'est vraiment rare. :wink:
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Re: Shinji Somai (1948 - 2001)

Message par Helward »

J'ai pu profité du passage de la rétro au festival des 3 continents de Nantes. Clairement, Somai s'impose chez moi comme étant LE grand cinéaste japonais des années 80.
Bonnes projections Bruce :wink:
bruce randylan
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Re: Shinji Somai (1948 - 2001)

Message par bruce randylan »

Helward a écrit :J'ai pu profité du passage de la rétro au festival des 3 continents de Nantes. Clairement, Somai s'impose chez moi comme étant LE grand cinéaste japonais des années 80.
Bonnes projections Bruce :wink:
merci et j'y compte bien ! :D

Tu as pu tous les voir à Nantes ?


Vu ce soir the friends (1994)

3 garçons s'amusent à espionner un vieil homme qui vit dans une maison délabrée et dont le jardin n'a pas été entretenue depuis des années (des décennies). A force de se faire suivre et observer, le petit vieux les invite et les 3 enfants s'attachent rapidement à lui au point de l'aider à rénover sa maison et son terrain.


Encore une merveille de délicatesse.
L'histoire est plus linéaire, plus "évidente" que Déménagement et ce qu'il perd en onirisme, il le gagne en chaleur, en simplicité. On pourrait presque parler de naïveté idéalisé tant la bonne volonté des enfants est spontanée. Et pourtant on marche. Un détail tout simple m'a conquis : les bambins chantent le générique d'introduction de mon voisin totoro. C'est tout bête, mais du coup l'affiliation avec l'optimisme et la candeur désarmante de Miyazaki apparait logique et naturel ici. Ainsi, on accepte très facilement leurs caractères.

On s'attache immédiatement aux 4 nouveaux amis d'autant qu'on ne sort quasiment pas de la maison, du jardin et les quelques mètres les entourant. Durant un peu plus d'une heure, il ne se passe pas grand chose (ils arrachent les mauvaises herbes, font un peu de peinture, le petit gros court chercher de quoi aiguiser un couteau) mais il y a cet humanisme plein de lumière proche des petits rien qu'on trouve dans les chroniques à la Ozu.
Puis une séquence de typhon emmène le film dans une autre direction, plus grave et mélancolique quand les souvenirs de la guerre ressurgissent et que les enfants décident du coup de retrouver la femme qu'il aimait mais qu'il n'a jamais oser recontacter après le conflit, traumatisé par ce qu'il avait accompli là-bas.
C'est un peu plus dramatisé avec quelques heureuses coïncidences mais ça ne gêne en rien d'autant l'émotion est bien là, toujours avec cette pudeur et cette douceur.
Et puis la conclusion est de nouveau un moment sublime de poésie et d'émerveillement.

La mise en scène est souvent de qualité avec une nouvelle fois des plans assez longs, discrets qui prennent souvent de la hauteur comme une brise qui s’éloignerait après avoir caresser un visage. Il y a vraiment des séquences formidables de sensibilité comme celle où l'institutrice vient voir le vieil homme ou celle Yoyai vient faire ses adieux. De plus mine de rien, le traitement ne manque pas de rigueur puisque l'histoire est uniquement raconté du point de des enfants. Ce qui se passe quand ilz ne sont pas présent n'est tout simplement pas abordé.

bref je suis de nouveau sous le charme
Dernière modification par bruce randylan le 13 août 19, 23:08, modifié 1 fois.
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Re: Shinji Somai (1948 - 2001)

Message par Helward »

bruce randylan a écrit :Tu as pu tous le voir à Nantes ?
J'ai pu assister à la projection de 4 des 5 films que j'avais l'intention de découvrir à cette occasion: the Friends, Shonben rider, Luminous woman et the Terrible couple. Je pense regretter avoir loupé Tokyo heaven. On verra si tu confirme mon sentiment.
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Re: Shinji Somai (1948 - 2001)

Message par bruce randylan »

Helward a écrit :
bruce randylan a écrit :Tu as pu tous le voir à Nantes ?
Je pense regretter avoir loupé Tokyo heaven.
Sur les 8 que j'ai pu voir pour le moment, c'est le moins bon :

Tokyo Heaven (1990)

Une adolescente qui commence une carrière prometteuse de top-model décède brusquement dans un accident de voiture. Trop tôt à son gout, elle décide de retourner sur terre en fantôme pour refaire sa vie

Une jolie histoire qui aurait pu être touchante, poétique, et originale. Ca ne l'est que par intermittence. La faute en revient à Shinji Somai qui opte pour une narration tout en cassure, refusant la fluidité.
Du coup, les scènes ne sont que rarement liées et la compréhension du film est vraiment trop heurtée. On passe presque plus de temps à se demander pourquoi on passe de telle scène à telle scène plutôt que s'intéresser aux personnages dont on met vraiment du temps à comprendre les motivations. Le dispositif de la mise en scène s’accorde en plus mal à cette manière de raconter l'histoire : les plan-séquences donnent un rythme assez lent au film qui ne correspond pas du tout à une narration hachée. On a plutôt l'impression d'assister à une suite de court-métrages indépendants mis bout à bout.

Celà dit, il y a a tout de même des bonnes choses : l'actrice est charmante et pétillante, les séquences "fantastiques" avec des trucages volontairement bricolés sont amusantes, quelques jolis plans, une séquence musicale assez euphorisante et puis dans la dernière demi-heure, on finit par s'attacher aux personnages même s'ils restent vraiment superficiels. D'ailleurs la fin est très curieuse et j'ai eut du mal à comprendre où Somai voulait en venir.
Spoiler (cliquez pour afficher)
L'héroïne parvient à échapper à un rappel dans l'au-délà en s'enfuyant avec l'homme qu'elle aime et qui finit par découvrir qu'il a des sentiments pour elle aussi. Et juste après ça, elle s'en va volontairement et joyeusement au paradis brisant ainsi le cœur du pauvre homme qui se remettra difficilement de cette histoire. Vraiment curieux comme comportement.
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Re: Shinji Somai (1948-2001)

Message par bruce randylan »

The catch (1983)

Un pêcheur de thon solitaire et bougon refuse que sa fille se fiance à un serveur. Pour se faire bien voir, celui-ci décide de devenir à son tour pêcheur.


L'un des films les plus connus du cinéaste alors qu'il s'aventure dans un domaine qu'il a rarement abordé : celui du documentaire.
Sans en être un dans le sens strict, la description de la vie des pêcheurs et surtout les séquences où Ken Ogata se démène pour attraper ces gros poissons sentent vraiment le vécu. On imagine mal que ces passages soient truqués et l'acteur a du beaucoup donner de sa personne pour y parvenir. C'est vraiment troublant car 1 mois avant j'avais découvert le documentaire le vieil homme et la mer de Chine orientale (John Junkerman - 2011) et les séquences de pêche étaient quasiment identiques (peut-être plus impressionnante pour le documentaire, le protagoniste étant un homme très âgé luttant contre un thon énorme dans la scène finale). Ce sont des séquences fascinantes et intenses où la longueur des plans habituels de Somai ne pouvaient que donner des images fortes à l'immersion immédiate.

Les parties sur terre sont plus inégales car le scénario est très classique et que les personnages manquent un peu de profondeur. De plus la mise en scène n'a pas toujours la même inspiration. Certains moments comptent parmi ce que Somai a fait de mieux : le majestueux plan d'ouverture sur les dunes ; Ken Ogata apercevant sa femme marchant sous la pluie (avec un traitement du son très originale) ou encore le passage sur les quais avec les feux d'artifice. D'autres sont par contre bien plus faibles comme les scènes d'amour très naturalistes et interminables.
The catch manque ainsi un peu de rythme avec des longueurs récurrentes dès qu'on s'éloigne de la mer. Mais lorsque l'on est sur le bateau, on sent le pouvoir qu'elle exerce sur les homme, la violence qu'elle peut créer, les drames qu'elle peut réclamer, les déceptions ou les joies qu'elle peut offrir.

Mais comme je disais les quelques ralentissements et des personnages trop schématiques empêchent le film d’accéder au status de chef d’œuvre. Il se contentera de celui d'excellent film. :wink:
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Re: Shinji Somai (1948 - 2001)

Message par Helward »

bruce randylan a écrit :
Helward a écrit : Je pense regretter avoir loupé Tokyo heaven.
Sur les 8 que j'ai pu voir pour le moment, c'est le moins bon :

Tokyo Heaven (1990)

Une adolescente qui commence une carrière prometteuse de top-model décède brusquement dans un accident de voiture. Trop tôt à son gout, elle décide de retourner sur terre en fantôme pour refaire sa vie

Une jolie histoire qui aurait pu être touchante, poétique, et originale. Ca ne l'est que par intermittence. La faute en revient à Shinji Somai qui opte pour une narration tout en cassure, refusant la fluidité.
Du coup, les scènes ne sont que rarement liées et la compréhension du film est vraiment trop heurtée. On passe presque plus de temps à se demander pourquoi on passe de telle scène à telle scène plutôt que s'intéresser aux personnages dont on met vraiment du temps à comprendre les motivations. Le dispositif de la mise en scène s’accorde en plus mal à cette manière de raconter l'histoire : les plan-séquences donnent un rythme assez lent au film qui ne correspond pas du tout à une narration hachée. On a plutôt l'impression d'assister à une suite de court-métrages indépendants mis bout à bout.

Celà dit, il y a a tout de même des bonnes choses : l'actrice est charmante et pétillante, les séquences "fantastiques" avec des trucages volontairement bricolés sont amusantes, quelques jolis plans, une séquence musicale assez euphorisante et puis dans la dernière demi-heure, on finit par s'attacher aux personnages même s'ils restent vraiment superficiels. D'ailleurs la fin est très curieuse et j'ai eut du mal à comprendre où Somai voulait en venir.
Spoiler (cliquez pour afficher)
L'héroïne parvient à échapper à un rappel dans l'au-délà en s'enfuyant avec l'homme qu'elle aime et qui finit par découvrir qu'il a des sentiments pour elle aussi. Et juste après ça, elle s'en va volontairement et joyeusement au paradis brisant ainsi le cœur du pauvre homme qui se remettra difficilement de cette histoire. Vraiment curieux comme comportement.
Ok, çà me rassure un peu finalement.
D'ailleurs, tu décris le même ressenti que j'ai pu avoir sur Shonben rider. Je ne sais pas si tu l'as déjà vu, mais j'ai eu cette même difficulté à relier les scènes entre elles malgré/à cause du dispositif en plans séquence, le plus compliqué dans ces cas là étant de s'attacher aux personnages.
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Re: Shinji Somai (1948-2001)

Message par bruce randylan »

Helward a écrit : D'ailleurs, tu décris le même ressenti que j'ai pu avoir sur Shonben rider. Je ne sais pas si tu l'as déjà vu, mais j'ai eu cette même difficulté à relier les scènes entre elles malgré/à cause du dispositif en plans séquence, le plus compliqué dans ces cas là étant de s'attacher aux personnages.
Je le vois samedi soir :wink:

Là, d'un coup, je me demande si je ne mélange pas un peu Tokyo Heaven et Lost chapter of snow : Passion... le problème de faire 5 films du même réalisateur en moins de 2 jours. :|
Bon dans les deux, les films sont assez froid.

Donc Lost chapter of snow : Passion (1985)

Iori a été adoptée très jeune et placée dans une famille où elle ne s'épanouissait pas. Un voisin la prend en charge et quelques années plus tard quand elle devient adolescente, elle éprouve des sentiments pour celui-ci.

Un semi déception car comme que Tokyo Heaven (en encore plus prononcée), la narration avance par bloc, dans une succession de scènes qui s'enchaînent sans la moindre continuité dramatique. Il est donc une nouvelle très délicat de s'investir émotionnellement dans l'histoire et de s'attacher aux personnages. D'ailleurs, je l'ai découvert il n'y a même pas une semaine et je n'en rien presque plus aucun souvenir à quelques scènes près et c'est avant tout pour leur virtuosité. Il faut dire que l'intrigue est assez étrange avec un mélange de genre entre la comédie romantique, le drame mélancolique et même le film policier puisqu'on a un cadavre, mort empoisonné, sans qu'on sache qui l'a tué et même pour quelle raison. Le jeu des doutes et de la culpabilité ne fonctionne pas du tout puisque les différents personnages laissent de marbre. Enfin du moins, pour mon cas.

Reste donc la réalisation souvent admirable de Somai qui offre une nouvelle fois plusieurs plan-séquences marquants comme celui en bord de mer au milieu d'immenses bloc de pierre enneigés ; celui dans le parc pour enfant en forme de triangle. Il y a surtout l'époustouflant plan d'ouverture de 13 minutes (il y a une coupe tout de même à un moment) : un très long mouvement de caméra qui restera sans doute comme le plan de référence de l’œuvre de Somai. C'est celui le plus ambitieux en terme technique et narrative puisqu'il s'y déroule non seulement dans plusieurs lieux (2 maisons séparé par un pont) mais surtout sur plusieurs jours voire semaine. Il y a différentes ellipses assez osés à l'intérieur d'un même plan sans que celui paraisse pour un simple excercice de style démonstratif. Les sauts temporels sont en plus très lisibles, ce qui confère une réelle poésie et un vrai lyrisme (le vol de la marionnette, les changements de lumières, les ombres chinoises etc...)

Voilà, vous pouvez le voir ici (et en étant un peu méchant, vous pouvez presque arrêter le film là)

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Re: Shinji Somai (1948-2001)

Message par bruce randylan »

Typhoon club (Taifu-kurabu - 1985)

Dans un collège de campagne, le quotidien de divers élèves évoluent alors qu'un violent ouragan se rapproche.

Un film qui n'a vraiment pas volé sa réputation. :D
C'est une petite merveille d'équilibre entre différents registres qui contournent toutes les conventions et les clichés du film sur l'adolescence. Il est bien sûr question de premier amour, d'émoi sexuel, de problème de communication, de rapports avec les adultes etc... Mais tout cela est transcendé par la réalisation de Shinji Somai qui refuse d'emprunter un schéma classique.
Sa structure ne répond à pratiquement à aucun code. Une séquence légère peut enchaîner à un moment plus existentielle, les rires peuvent laisser place à une énorme tension au sein de la même scène, on jongle d'un personnage à un autre, traitement audacieux du son (et son absence), le film n'a pas peur de l'allégorie, des métaphores et des transgressions en tout genre. Et surtout Somai ne juge jamais ses personnages, même quand ceux-ci sortent des normes et de la bien-séance. On sent un véritable attendrissement pour ses différents enfants. Mais comme "qui aime bien, châtie bien, il ne les idéalise jamais et peu montrer la naïveté de leur actes (qu'ils soient inoffensifs ou au contraire déviant).
Ainsi, la fascination d'un élève mal dans sa peau le pousse au sadisme sans qu'il se rende compte tout de suite de ses actes qui répondent à des pulsions : il verse de l'acide dans le dos de celle qu'il désire et tente même de la violée plus tard. Un autre élève, beaucoup trop sérieux et studieux, veut sauver l'honneur perdu du Japon en se transformant en un Mishima en culotte courte (et qui donnera lieu à une séquence mémorable), une jeune fille fait une fugue à la grande ville à cause d'un chagrin d'amour etc...
Tous ces personnages sont vraiment écrits avec justesse, mais tout poussant leur caractère juste ce qu'il faut pour faire glisser le film vers une fable sur la liberté et la confrontation avec ses propres choix.
Ca n'en fera pas d'eux des adultes, ça les fera juste grandir. D'ailleurs les "grandes personnes" ne sont pas du tout matures ici. Ils sont capricieux, impulsifs, puérils, remplis de préjugés et ridicules (les voisins du professeur viennent directement en classe pour demander au prof pourquoi il tarde à épouser leur filles sans parler de leurs séances de beuverie et du mépris du prof pour ses élèves).

Shinji Somai utilise avec brio la longueur des plans pour synthétiser toutes ses idées et son regard. La durée des plan-séquences permet de faire naître des émotions de multiples situations : le décalage, la poésie, l'étrangeté, le malaise (parfois très dérangeant)... une certaine pureté primaire en fin de compte car ce typhoon les coupe du monde, ce qui permet de révéler leur nature et les désinhiber pour mieux les mettre à nus (au sens propre comme figuré).
D'où un grand nombre de séquences marquantes : le travelling vers une estrade où les enfants entames une danse ; le tétanisant plan où un ado, tel une machine dénuée de toute émotion, traque une fille et défonce lentement une porte en bois ; l'échaffaud(age) que construit méticuleusement le Mishima Jr ; la danse sous la pluie ; l'ouverture dans la piscine avec le voyeur pris à son propre jeu ; une élève prisonnière sous la pluie dans une ville qu'elle ne connait pasetc...
Des moments presque à chaque fois miraculeux.

Un film très riche dont une seule vision ne suffit pas à appréhender. (désolé donc si ce texte parait brouillon ou décousu).
A noter qu'il s'agit du seul film de Shinji Somai distribué en France.
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Re: Shinji Somai (1948-2001)

Message par Helward »

Je me souviens l'avoir bien aimé moi, Lost chapter of snow, mais étrangement, à part le plan séquence du début, je ne me souvient plus de grand chose, si ce n'est un final qui verse un peu trop dans le mélo... (je l'ai vu y'a 1 mois :| )

Et évidemment pour Typhoon Club, j'adhère :D
bruce randylan a écrit :A noter qu'il s'agit du seul film de Shinji Somai distribué en France.
Qu'un éditeur français un peu couillu nous sorte une intégrale en dvd (façon Wakamatsu ou Yoshida), ou du moins ses films les plus importants. Le ciné nippon des années 80 est vraiment le parent pauvre de l'édition vidéo. Y'a pourtant quelques pépites qui valent l'effort.
bruce randylan
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Re: Shinji Somai (1948 - 2001)

Message par bruce randylan »

Helward a écrit : D'ailleurs, tu décris le même ressenti que j'ai pu avoir sur Shonben rider. Je ne sais pas si tu l'as déjà vu, mais j'ai eu cette même difficulté à relier les scènes entre elles malgré/à cause du dispositif en plans séquence, le plus compliqué dans ces cas là étant de s'attacher aux personnages.
Donc !

P.P. Rider (1983)

Un enfant obèse et turbulent est kidnappé par erreur par des yakuzas qui décident de le garder malgré tout. Trois de ses camarades de classes décident de le libérer pour lui demander d'arrêter de les embêter à l'école.


Un drôle de film absurde et non-sensique qui part un peu dans les sens sans la moindre logique ou cohérence. Les motivations des personnages sont toujours floues voire incompréhensibles, l'humour à froid et flegmatique surprend et déstabilise à plusieurs reprises... mais heureusement PP Rider amuse souvent. Justement pour toutes ses raisons farfelues avec des idées sorties de nulle part comme ses bulles de savon qui accompagne un travelling en pleine rue... ou encore un policier qui demande une partie de roulette russe dans la cale d'un bateau en bois... ou cette espèce de sosie non kidnappé tranquille dans sa piscine etc... des policiers à qui ont fait croire à un viol dans des toilettes pour monter une évasion.... le chef de la police qui met des baffes à ses troupes parce qu'ils ne trouvent une solution pour emprunter un tunnel sans abîmer une statue qui réside sur le toi de leur véhicules... D'autres moments sont bien trop déconnectés du récit pour qu'on comprenne quelle chose tel la séquence où les personnes sortent d'un manège sous une pluie battante dans un parc d'attraction vide ou la fille qui saute sans raison d'un pont. A l'inverse d'autres sont plus angoissant et curieusement dramatique comme un incendie dans un bateau en feu ou bien la mort d'un policier dans un hôtel sordide.

Dans l'ensemble les plan-séquences (parfois impressionnants) apportent beaucoup à cette idée d'étrangeté par la longueur qu'ils apportent. L'espèce de combat en bord de rivière, avec course à pied sur des planches flottantes et un beau tour de force assez délirant et improbable vraiment jouissif. Même chose pour le plan quasi-final qui semble interminable. Ou celui d'ouverture, très technique (et bricolée avec les moyens du bord) où la caméra surplombe une rue pour passer au dessus du mur d'une piscine extérieur, traine autour du bassin avant de traverser des arbres histoire d'aller dans la cour d'une école avant de remonter où niveau de la route en dehors de l'établissement scolaire.
Contrairement à Helward, ce procédé ne m'a trop dérangé puisqu'il participe à l'esprit un fou-fou du film et lui donne un rythme nonchalant qui colle au flegme ambiant. Le problème, c'est que le film dure 2h et que donc le procédé finit par lasser sur la fin qui traine vraiment en longueur à un moment. D'ailleurs le scénario est vraiment étiré inutilement (le petit gros pourrait être sauvé bien plus tôt).
Mais comme je disais la séquence finale rattrape bien la donne.

Donc, je suis plutôt client :D
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Re: Shinji Somai (1948-2001)

Message par bruce randylan »

Kazahana (2001)

Une prostituée traverse le Japon pour aller retrouver sa jeune fille, placée chez ses parents. Un homme devenu impuissant depuis la mort de sa mère l'accompagne plus ou moins malgré elle.

Pour son ultime réalisation avant son décès prématuré Shinji Somai signe un très beau road movie intimiste et existentialiste avec 2 portraits assez touchants d'écorchés vifs qui essayent de combler leurs solitudes sans pouvoir être totalement capable de voyage ensemble et d'exprimer leur émotion.
Le scénario intègre avec beaucoup d'habilité plusieurs flash-back dans la première demi-heure qui éclairent la psychologie des personnages sans trop en faire. Ces retour en arrière d'une durée assez brève se déroulent dans un passé proche ce qui permet de gagner énormément de concision dans la narration qui ne s'étire pas inutilement même si le rythme du film est assez calme pour ne pas dire contemplatif par moment. Somai préfère les moments en creux, les esquisses plutôt que les explications démonstratives sans pour autant tomber dans l'austérité. D'ailleurs le caractère des personnages se complètent bien entre l'homme introverti et la femme plus expressive et spontanée même si elle possède elle aussi une grande part de fragilité et d'une profonde douleur.Le film n'est ainsi pas dénuée touche d'humour ou de décalage comme le passage dans l'auberge pour routier qui s'organise de petits spectacles à l'occasion. Mais le ton est dans l'ensemble bien-sûr mélancolique mais jamais mélodramatique grâce à la pudeur de Somai.

La mise en scène fait preuve d'une jolie délicatesse dès l'ouverture d’une grâce tout aérienne avec ce "couple" qui se réveille au pied d'un arbre tandis qu'un mouvement de caméra se rapproche d'eux en montant et descendant comme porté par une douce brise. D'autres moments sont tout aussi réussis surtout dans la dernière partie comme la danse sur un lac gelé ou les 2 séquences au pied du temple. La conclusion en plus particulièrement ouverte continue de confirmer l'attachement envers les personnages et la sincérité de Somai qui ne cherche pas à imposer un happy end qui serait déplacé ou incohérent.

La lenteur du récit, la retenue du cinéaste qui joue tout de même avec des figures archétypes du mélodrame ne plairont sans doute pas à tout le monde mais pour ma part, j'y ai largement trouvé mon compte.
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Re: Shinji Somai (1948-2001)

Message par locktal »

J'ai profité de mon petit séjour parisien pour faire un tour à la Cinémathèque française et découvrir un peu le cinéma de Shinji Somai !

The terrible couple / Tonda Kappuru (Shinji Somai, 1980)
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Ce premier film de Somai est une chronique adolescente attachante, dans laquelle les deux jeunes protagonistes (Yusuke, le jeune garçon et Kei, la jeune fille), le "couple terrible" du film, sont amenés à cohabiter ensemble, alors qu'ils fréquentent la même classe. Sous ses airs de bluette adolescente, le film de Somai décrit avec une infinie délicatesse le passage à l'âge adulte, avec les angoisses, les choix parfois difficiles, la naissance d'un amour, de ces adolescents touchants (et pas seulement les deux héros du film), bref l'apprentissage de la vie tout simplement. Somai exclut d'ailleurs quasiment complètement les adultes de son métrage (sauf le prof d'anglais qui, malgré son statut d'adulte, a lui-même un comportement juvénile) et s'attarde sur le quotidien de ces adolescents (dont les deux héros livrés à eux-mêmes) qui ont finalement les mêmes problèmes que les adultes, mais que leur fraîcheur et leur spontanéité finissent par sauver. C'est d'ailleurs lorsqu'ils réagissent trop comme les adultes, qu'ils rencontrent des problèmes. Le cinéaste japonais n'a pas peur de faire durer les scènes, sans coupe, pour immerger totalement le spectateur dans son univers. Et l'équilibre entre légèreté et gravité, comique et tragique, y est déjà parfait, tandis que l'adolescence, un peu comme chez Gus Van Sant plus tard, y est presque sacralisée, avant le quotidien banal du monde adulte...

Assurément, une immense découverte, qui donne vraiment envie de découvrir les autres films de Somai, qui semblent encore plus aboutis...
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bruce randylan
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Re: Shinji Somai (1948-2001)

Message par bruce randylan »

J'y étais aussi :)

Voilà, comme tu dis très bien, c'est un film charmant, drôle et délicat.

Son style est encore balbutiant mais on reconnait sans problème son univers : l'univers adolescent, le regard tendre et décalé, des plans relativement longs, un traitement du son original, des touches poétiques...
Mais on sent que le film reste quand même une commande car The terrible couple demeure plus explicatif que ses réalisation ultérieures dont l'ambiance repose bien plus sur la caméra qu'ici.

Mais ca reste un film très plaisant, frais avec des acteurs vraiment attachant mais malheureusement trop long.
126 minutes pour une histoire comme celle-ci, c'est 30 minutes de trop car le scénario tourne souvent en rond avec des personnages qui n'évoluent plus beaucoup. D'ailleurs la version projetté à la cinémathèque est la director's cut. Celle d'origine faisait 1h46.
Mais on trouve régulièrement des jolies scènes pour compenser tout ça : les sorties à 4, le retour que se fantasme l'adolescent, un amoureux qui vient se taper l'incruste dans l'appartement et la très belle scène où les 2 filles doivent taper sur la tête des 2 garçons avec un marteau en mousse.


Mont Gassan (2000)

Un téléfilm produit pour mettre en valeur les classiques de la littérature japonaise. On y voit l'acteur Akira Emoto lire durant 50 minutes la nouvelle Gassan écrit par Atsushi Mori.
50 minutes non-stop de sous-titres très littéraires, voilà qui n'est vraiment pas aisé à suivre. Comme j'étais en plus assis trop proche de l'écran, il était presque impossible de lire les sous-titres ET regarder l'écran en même temps... J'ai donc décroché très rapidement à vouloir "lire" l'histoire qui n'a de toute façon pas évoqué grand chose pour moi.
J'ai préféré profiter des images où l'on retrouve sans peine le style de Somai : des plan-séquences avec travellings, mouvements de grue, zooms et flous. Même si la photo télévisuelle n'est pas très belle (le master vidéo n'arrange rien), il y a de très jolis plans en extérieur. On peut donc seulement se laisser porter par le rythme de la voix et de la caméra même si 50 minutes, c'est un poil long aussi.

Voilà, on dira que c'est avant tout une curiosité (très rare).

Dans cette collection, j'avais vu un épisode réalisé par Kiyoshi Kurosawa : Matasaburo, le vent qui provoquait le même sentiment : images fascinantes et hypnotiques mais l'histoire est tout bonnement impossible à suivre. Je pense qu'il faut vraiment comprendre le japonais pour apprécier la chose. Celà dit l'épisode de Kurosawa est tout de même supérieur à celui de Somai avec une mise en scène plus soignée qui donnai une atmosphère bien plus "narrative" (tout en étant parfaitement abstraite pourtant) là où Somai ne s'attarde presque que sur le lecteur de la nouvelle.
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Re: Shinji Somai (1948-2001)

Message par locktal »

bruce randylan a écrit :J'y étais aussi :)
8) ! On a dû s'y croiser, alors !

Tu as de la chance d'être sur Paris, quand même ! Etant déjà rentré à Dijon, cela sera donc le seul film de Somai découvert à la Cinémathèque... Sniff :( !
bruce randylan a écrit : Son style est encore balbutiant mais on reconnait sans problème son univers : l'univers adolescent, le regard tendre et décalé, des plans relativement longs, un traitement du son original, des touches poétiques...
Mais on sent que le film reste quand même une commande car The terrible couple demeure plus explicatif que ses réalisation ultérieures dont l'ambiance repose bien plus sur la caméra qu'ici.

Mais ca reste un film très plaisant, frais avec des acteurs vraiment attachant mais malheureusement trop long.
126 minutes pour une histoire comme celle-ci, c'est 30 minutes de trop car le scénario tourne souvent en rond avec des personnages qui n'évoluent plus beaucoup. D'ailleurs la version projetté à la cinémathèque est la director's cut. Celle d'origine faisait 1h46.
Mais on trouve régulièrement des jolies scènes pour compenser tout ça : les sorties à 4, le retour que se fantasme l'adolescent, un amoureux qui vient se taper l'incruste dans l'appartement et la très belle scène où les 2 filles doivent taper sur la tête des 2 garçons avec un marteau en mousse.
C'est vrai que le film est peut-être un peu long... La scène avec le marteau en mousse est vraiment magnifique, tu as raison !
En tout cas, ça m'a vraiment donné envie de voir ses autres films, car j'apprécie beaucoup sa sensibilité et déjà son style...
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