Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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locktal
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par locktal »

Oui, je pense que c'est à peu près la même idée, El Dadal :wink:
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Truffaut Chocolat
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par Truffaut Chocolat »

MJ a écrit :
Truffaut Chocolat a écrit :Et si les dialogues et les digressions sur la finance et le capital en général n'ont pas d'importance, pourquoi est-ce qu'ils reviennent autant ? Quand ça ressemble à un ratage, que ça te fait l'effet d'un ratage, je suis navré mais c'est peut-être parce que c'en est un.
Si c'est une allusion à ma remarque qu'on n'est pas obligé de tout le temps les écouter, je ne veux pas dire par là qu'elles n'ont pas d'importance mais que c'est moins leur contenu (attendu) qui semble intéresser le cinéaste que les rapports de force où ces propos servent d'armes sociales. Par ailleurs, aux seuls propos sincères et authentiques (la crise d'angoisse du premier passager, l'honnêteté de la façon dont son épouse rompt), le personnage ne trouve rien à répondre.
Cosmopolis ne ressemble ni ne me fait l'effet d'un ratage. Je n'y vois pas non plus tout à fait un grand film (la faute à sa dernière partie et à une petite sécheresse). Je comprends qu'on y reste extérieur. Mais c'est aussi ce qui le rend passionnant: c'est un film qui exige de se positionner par rapport à ce qu'on attend aujourd'hui de Cronenberg.

Sinon vous avez pensé quoi de la scène du rappeur soufi? C'est un moment assez curieux puisque tout le film joue d'une certaine façon sur un cliché de clip de rap (la limousine).
Qu'on soit d'accord ou pas, tu donnes un point de vue intéressant, donc bon.
Je veux bien pour le rapport de force, mais pour moi ça n'a aucun intérêt.
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par johell »

Un Cronenberg intriguant mais qui ne m'a pas du tout passionné. Le traitement est minimaliste, presque théâtral. Le film s'étire sur de longs échanges de dialogues sur toute la durée du long-métrage. Le film n'offre pas grand chose d'autres qu'un récit très bavard avec ses nombreuses métaphores sur la société capitaliste. Pour être méchant, je dirais que c'est du cinoche bien "prise de tête". Les intellos vont se faire une joie de décortiquer tout ça! Pour ma part, ce film-là ne fait pas parti du cinéma de Cronenberg que j'apprécie....
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par Blue »

Cosmopolis est un suicide artistique en trompe l'oeil. En réalité, il s'agit d'une forme de renaissance. Comme si le cinéaste canadien s'était rendu compte qu'il s'est égaré au fil du temps (jusqu'à en devenir banal), il en revient à la forme la plus dépouillée - et donc désagréable - de son cinéma. Voir Cosmopolis aujourd'hui, c'est connaître un peu la même sensation que la découverte de Stereo/Crimes Of The Future à l'époque. La boucle est bouclée. Et maintenant ?

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Roy Neary
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par Roy Neary »

Malheureusement, je n'ai plus trop le temps de participer au forum (et de voir autant de films qu'avant...) mais là, devant les sales notes que se prend ce nouveau Cronenberg j'avais envie d'abonder dans le sens des défenseurs de Cosmopolis. Le projet m'avait excité dès le départ et en sortant du film, j'étais un peu hagard et pas très sûr de mes opinions. Mais Cosmopolis me traîne dans la tête depuis. Si je pense qu'il est tout de même trop verbeux, le montage parvient à intégrer parfaitement ces longs moments de dialogues (ou monologues) dans le rythme du récit. Ce qui est sûr c'est que c'est cronenbergien en diable et que le cinéaste de Crash et de Vidéodrome est toujours présent même s'il ne parle plus de Nouvelle Chair... en même temps, le temps a fait son oeuvre et son concept s'est réalisé dans la réalité (ou du moins progresse d'année en année) donc il poursuit - avec raison me semble-t-il - le même chemin sur un plan uniquement cérébral. Les dialogues sont certes envahissants mais justement ce maelström participe de ce vertige existentiel dans lequel le spectateur tombe (et dont il se relève... ou pas). Et au détour de phrases pompeuses, c'est un jeu de pistes auquel ont est conviés ; Samantha Morton dit des choses très justes sur l'état de notre société et de son évolution, mais l'ensemble est noyé dans une logorrhée qui tient autant de la satire que d'un constat lucide sur la vanité et la dégénérescence de notre civilisation techno-capitaliste. En tout cas, il reste que l'intellectuel qu'est Cronenberg est toujours ce cinéaste de la torpeur et des effets hypnotiques. Et les "funérailles" du trader auxquelles on assiste sont filmées avec un mélange d'élégance, de violence psychologique et de précision chirurgicale qui fait froid dans le dos.

Cosmopolis n'a pas un train de retard sur les films apocalyptiques de l'An 2000, car l'An 2000 n'était qu'une date pour marquer une convention (liée à des peurs mythologiques, de dimension judéo-chrétienne ou païenne). Il ne s'est rien passé en l'An 2000. En revanche, la mondialisation et la capitalisme sauvage qui lui est associé ont engendré une mutation civilisationnelle profonde dont on commence à comprendre l'ampleur. Ainsi Cosmopolis n'est pas un film apocalyptique au sens religieux du terme, ni un pamphlet bêtement anticapitaliste, c'est à mes yeux l'OEUVRE qui sait (à sa manière, dérivée de l'expressionnisme abstrait) nous faire ressentir le monde dans lequel on vit. Alors certes Vidéodrome était visionnaire et Cosmopolis plutôt commentateur de notre univers. Mais à la façon d'une oeuvre d'art labyrinthique, grave et drôle à la fois, Cronenberg réussit à réaliser LE film sur cette mutation civilisationnelle qu'on vit tous les jours et dont on n'a pas fini de voir les conséquences désastreuses.

Je ne vais pas répéter ce que MJ, Anorya et d'autres ont bien exprimé, je suis d'accord avec eux. Si Crash m'avait explosé les rétines et le cerveau comme peu de films l'avaient jamais fait à la première vision, Cosmopolis va sûrement plus agir dans la durée. Mais je considère, malgré tous les défauts qu'on veut bien lui trouver aujourd'hui, que c'est une œuvre majeure de notre époque. Et je suis toujours dépité aussi de ce palmarès cannois qui a mis de côté Cronnenberg (et Carax tiens, par la même occasion).
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Truffaut Chocolat
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par Truffaut Chocolat »

Roy Neary a écrit :donc il poursuit - avec raison me semble-t-il - le même chemin sur un plan uniquement cérébral.
Oui, il avait dit il y a quelques années qu'il s'intéressait maintenant davantage aux métamorphoses mentales que physiques.
S'il y en a une ici, c'est quoi : c'est Eric qui abandonne, ou qui décide de mourir, parce qu'il prend conscience de son oeuvre ?

Ou alors, c'est la
Roy Neary a écrit :Mais à la façon d'une oeuvre d'art labyrinthique, grave et drôle à la fois, Cronenberg réussit à réaliser LE film sur cette mutation civilisationnelle qu'on vit tous les jours et dont on n'a pas fini de voir les conséquences désastreuses.
Je suis à la base totalement réceptif à ce genre de constat, mais s'il a voulu en faire le sujet de son film, c'est raté.
Joe Wilson
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par Joe Wilson »

La complexité du texte de DeLillo tient à sa profusion d'idées, de ruptures, par de brèves séquences qui se découpent sans lien apparent. Il est alors particulièrement ardu d'incarner les mots par notre imagination tant celle-ci semble se heurter à des murs pourtant indispensables pour la construction. C'est une oeuvre à la fois passionnante et frustrante...
Cronenberg choisit pour son adaptation de se confronter d'entrée à la matière littéraire, sans chercher à la détourner ou à la rendre plus malléable. Le film nait et meurt par le langage, qui exprime à la fois une monstruosité, un puits sans fond et un constat d'échec. Il porte un commentaire sur le monde mais ne peut saisir l'instantanéité, condamnant dès lors ses personnages à une fuite en avant dans un masque de souffrance refoulée.
La mise en scène absorbe le flot des discours, multiplie les plans serrés en intérieur pour capter des édifices clos et d'apparence inaccessibles. Les gestes n'apparaissent plus comme des mouvements mais comme une succession de poses figées, reflets d'une tentative de se protéger de son propre corps.La réussite de Cronenberg est liée à sa capacité de faire naitre un malaise, une distance qui nous semble pourtant étrangement familière.
Cosmopolis dévoile une violente tristesse dans la mesure où Packer associe une recherche de jouissance au constat de l'imminence de sa mort (Crash n'est jamais très loin..). La liberté, le lâcher-prise qu'il tente de faire revivre n'est jamais autre chose qu'un renoncement ou un regard détourné. Un retour mortifère vers l'enfance...
La proposition de Cronenberg cherche la pureté de l'exercice de style avec jusqu'au-boutisme, dans sa linéarité et sa radicalité (le film n'a pas de temps forts, découpé comme un long tunnel dans lequel il est indispensable d'entrer pour ne pas subir le récit). C'est sans doute une limite, mais au vu du matériel de départ le pari me semble largement tenu.
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par Dunn »

Par contre, je passe juste par là pour demander si quelqu'un connait le titre de la chanson au générique de fin?
Joe Wilson
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par Joe Wilson »

"Long to Live" (interprété par Metric) :wink:
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ballantrae
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par ballantrae »

Je vais enfin voir cette semaine Cosmospolis en espérant que Cronenberg ne me fera pas le même coup que Scott hier soir!!! Le tout est qu'il ne cherche pas à refaire Existenz, à mon sens son moins bon film de TOUTE sa filmo!
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par Dunn »

Joe Wilson a écrit :"Long to Live" (interprété par Metric) :wink:
Merci j'aime beaucoup.chanson vraiment que pour le film ou elle existait déjà avant?
Joe Wilson
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par Joe Wilson »

Composée spécialement pour le film, en collaboration avec Howard Shore.
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par Dunn »

Excellent comme le reste de la BO....ce film me turlupine ...j'ai envie de le revoir alors que j'ai détesté :| (peut être le revoir en Vf, la VO tellement ça parle m'a saoulé à lire les sous titres perdus entre les belles images).
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par Anorya »

ballantrae a écrit :Je vais enfin voir cette semaine Cosmospolis en espérant que Cronenberg ne me fera pas le même coup que Scott hier soir!!! Le tout est qu'il ne cherche pas à refaire Existenz, à mon sens son moins bon film de TOUTE sa filmo!
Si tu n'aimes ni eXistenZ (son moins bon film ? As-tu vu Spider ?) ni même le Scott alors que cela n'a rien à voir à priori excepté le fait que les deux films se font démolir partout et avaient soulevé nombre d'espérances sur le nom de ses réalisateurs, tu n'aimeras pas. :mrgreen: :D :arrow:
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cinephage
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Re: Cosmopolis (David Cronenberg - 2012)

Message par cinephage »

Je crois qu’avoir lu le Cosmopolis de DeLillo m’a été d’une grande aide pour appréhender le film de Cronenberg. J’y vois l’adaptation très réussie d’un livre que je n’avais pas aimé, ce qui donne un film que je trouve peu à mon gout, quoique très intéressant dans sa démarche. J’apprécie ainsi la finesse avec laquelle Cronenberg rattache la problématique du livre à ses obsessions propres.

- Notamment en évoquant cette perte de soi, maintes fois invoquée par le roman comme par le film, dans une société hypercapitalisée qui ne fait plus sens, ne laisse plus de trace ni de repères (il y a deux heures, c’était la plus grosse manifestation du siècle, il n’en reste plus rien). Constamment, le réel est interrogé (est-ce bien vrai ? Est-ce réel ? Es-tu réel ?). Les questions simples ne peuvent plus être traitées dans cette société de la complexité (il est impossible de répondre sans dire une banalité ou quelque chose qui me fera apparaître comme un idiot).

- Cette perte de soi, certes mentale, est aussi, bien sur, relayée par la diffusion des besoins physiologiques, des moments d’intimité, à toute heure de la journée ou en toute circonstance… On se fait examiner la prostate lors d’une réunion de travail, on urine dans la voiture, le sexe est le fruit d’une rencontre de passage… Il faut carrément se percer la main pour obtenir des signes corporels nets (et douloureux).

- Du coup, le modèle du roman de DeLillo est plus lisible, plus facile à interpréter… Ce monde-ville, que l’on met une pleine journée à traverser, que l’homme postmoderne a su dompter autrefois, mais plus maintenant, malgré le secours de conseillers qui sont autant de moyens d’appréhender ce monde, par la technique, la philosophie, ou bien encore l’économie… Un monde qui laisse ses habitants hébétés, sans autre alternative que l’autodestruction ou la haine aveugle, comme l’illustre la dernière séquence (que je trouve bien trop longue, en revanche).
Et puis il y a cette prostate, ce morceau de chair si cronenbergienne, qui détenait possiblement une clé que n’a pas su capter Packer et qu’on nous révèle à la fin (l’asymétrie, seule approche viable pour aborder les évolutions du yuan), la belle composition de Howard Shore (avec Metric)… Autant d’éléments qui font de cosmopolis un bel objet reflexif, mais manquant singulièrement d’empathie et, à mon humble avis, de pertinence dans son approche.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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