Marvel’sThe Avengers,Joss Whedon(2012)
Genre: Mythologie délaissée…
Alors que le second volet Age of Ultron va débarquer sur les écrans français dans quelques jours, il paraissait justifier de revoir d’un « oeil neuf »l’immense succès au box office des studios Marvel. Depuis Iron Man, la maison des idées a produit plusieurs films présentant les figures de proue de la firme comme Captain America ou Thor. A l’instar d’une série télévisée qui se déclinerait sur plusieurs années, Avengers devait être la synthèse des films solos mais aussi l’aboutissement de la construction cinématographique de l’univers Marvel. Cette difficile tâche a été confiée à Joss Whedon, créateur de Buffy, Angel mais auteur de Astonishing X-Men. Ainsi, le profil du chef de chantier donne déjà le ton qu’aura ce blockbuster, entre culture geek affirmé et esthétique TV.
En effet, le réalisateur doit prendre en compte les films précédents et surtout réussir à jongler avec les différents membres de l’équipe pour tous les faire exister. C’est donc avant tout un talent d’écriture que recherche la Marvel qu’un vrai metteur en scène.
Whedon ne peut donc faire ce qu’il veut avec ces personnages puisque tributaire des caractérisations passées mais aussi doit se soumettre à la popularité cinématographique de ces acteurs. Ainsi, on sent qu’il continue le chemin tracé sur Iron Man avec un Robert Downey Jr toujours aussi rockn’roll en play boy arrogant. Thor reste pétri de son statut divin. Steve Rogers semble représenter une droiture d’un autre temps dont le film ne fait rien. En effet, le traumatisme qui marque la résurrection du symbole Captain America semble absent avec un échange avec Nick Fury qui n’ira pas plus loin…
Finalement, là où Whedon a la plus grande marge de manoeuvre reste le personnage de Hulk et Black Widow sur lesquels il construit des arc narratifs les plus poussés et les plus touchants. L’arrivée de Mark Ruffalo apporte un vent frais au sein de l’équipe avec aussi une réelle menace à travers la transformation de Banner en Hulk. Cette crainte qui instille le début du film semble la bienvenue tellement le bad guy principal en la personne de Loki fait office d’un noeud dramatique obligé.
Il est clair que la création d’une interconnexion entre les long-métrages chère à Marvel nécessite la présence du frère demi-dieu car les autres films personnels n’avaient pas réussi à construire d’autres figures de « méchants ». Cependant, ce choix de Loki conduit aussi une absence totale de menace mais juste à un postulat de guerre totale qui mènera à l’affrontement final.
En ce sens, Joss Whedon joue la carte d’une adaptation légère de l’univers du comics. On est loin du sérieux plombant du Dark Knight de Nolan. Ce choix ne peut être soumis à la critique car le créateur de Buffy est raccord avec l’esprit du comics. Il reste assez vrai que Marvel s’est toujours montré plus léger que DC Comics.
Dans un esprit plus « BD », Avengers se joue de son univers à travers les punchlines de moqueries que se lancent les différents membres de l’équipe sur leur statut super-héroique. Ce cynisme qui s’instille à travers ses personnages se ressent dans la mise en scène. Celle-ci réussit rarement à iconiser ces super-héros. Nous avons avant tout des figures à peine esquissés sans réel chair (à part Hulk sur lequel Whedon semble plus libre).
Avengers reste avant tout la conclusion de l’épopée cinématographique Marvel. Or, la maison des Idées a construit des films assez impersonnels accomplis par des « yes man » (sauf Captain America First Avenger jouant avec l’image vintage de son héros). Ce film d’équipe est donc de la même trempe sur la mise en scène mais est sauvé par son écriture bien géré. La réalisation est construite sur des plans fonctionnels plus du fait d’infographies que d’une réelle mise en perspective de ses figures. La production design favorise aussi une certaine pauvreté de l’imaginaire. Les décors sont avant tout des plateformes de porte avions ou des tours métalliques. Les Gardiens de la galaxie , grâce à son univers, offrait une plus grande panoplie de mondes agréables à l’oeil.
En terme de rythme, le film s’étire clairement en longueur , en particulier la séquence au sein de QG du Shield étant surtout l’occasion aux comédiens de déclarer des punchlines tout en ne trouvant aucune dynamique. De la même façon, la bataille finale est symptomatique du blockbuster américain « moderne ». Finalement, la bataille de New York montre la capacité du cinéma de divertissement à dépasser le trauma du 11 septembre mais en l’état ne se démarque à aucun moment des séquences explosives d’un Transformers. Avengers serait donc symptomatique d’un cinéma de divertissement américain bruyant où le recul geek assumé empêche toute forme d’incarnation de figures mythologiques. Ceci est d’autant plus vrai que les comics sont nés d’icônes antérieurs (mythologie nordique, Dr Jekyll/Mr Hyde,..) mais dont la force cathartique est tout de suite expédiée.
Là où les Gardiens de la Galaxie (à la formule bien rodée) emportait le morceau par sa nostalgie assumée en confectionnant un « Star Wars à la cool », Avengers empile les briques nécessaires car l’univers cinématographique de Marvel est avant tout le fait de producteurs dont la ligne directrice de faire de chaque film , un tome supplémentaire (plus ou moins utile), est l’accomplissement de l’entreprise.
De la même façon, Whedon s’inscrit dans du blockbuster « conscient de lui-même » qui n’apporte plus aucune incarnation à ses figures cultes et mythiques où le merchandising l’emporte sur tout…
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