Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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El Dadal
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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par El Dadal »

locktal a écrit :Et le fait de revenir à la série B de ses débuts permet à Coppola de rendre hommage à son mentor Roger Corman...
C'est d'ailleurs pour la moi la clé d'interprétation du film, sa grille de lecture, le prisme par lequel j'ai toujours abordé l'œuvre, et qu'on ne souligne pas assez à mon sens. De Dementia 13 à Twixt, il aura créé une superbe nouvelle ellipse extra-textuelle. La parenté me semble même plus évidente qu'avec un Rumble Fish par exemple (dont les éléments communs, thématiquement et visuellement, relèvent à mon sens plus du possible clin d'œil que de la passerelle réellement signifiante). Ce n'est pas un hasard si Coppola fait table rase du ton de ses films les plus célébrés. J'adore vraiment et Youth Without Youth et Tetro, et il est amusant de voir à quel point Twixt peut en être aussi éloigné que des œuvres phares du reste de sa filmographie. Les deux films précédents s'y insèrent d'ailleurs bien mieux. Et à tout prendre, je choisis sans hésiter le dernier Coppola au dernier Scorsese, exemple type d'un cinéaste célébré qui ronronne mollement et se complait dans ses habituelles figures de style.
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Flol
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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par Flol »

Watkinssien a écrit :
Demi-Lune a écrit : En revanche, j'ai beaucoup aimé le design sonore que l'on doit sûrement au fidèle Walter Murch.
Eh non, c'est Richard Beggs... :wink:
Et ne pas oublier non plus la formidable musique de Osvaldo Golijov et Dan Deacon.
Sinon très belle critique de Demi-Lune, avec qui je suis totalement d'accord. Sauf qu'étrangement, ben moi j'ai aimé le film. :|
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Demi-Lune
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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par Demi-Lune »

locktal a écrit :les affres de la création, la souffrance que cela peut engendrer, mais aussi la peur de la répétition... Twixt est avant tout un autoportrait d'un cinéaste en proie au doute qui décide de tout recommencer pour retrouver l'inspiration, même si cela doit passer par la douleur, par le fait de ressasser continuellement un drame personnel dont on se sent responsable...
Oui. Mais c'est l'écart classique entre les intentions et le résultat. Un film peut avoir les meilleures intentions (et le spectre intime qui hante Twixt atteste de la sincérité de l'auteur), ça ne garantit pas pour autant qu'il ne se vautre pas en beauté. Et je rejoins AtClose là-dessus : je ne mets pas en doute l'authenticité de l'enthousiasme des défenseurs du film que j'aurais franchement aimé partager, mais il me semble, pour avoir suivi le topic en diagonale, qu'une partie des arguments pro reviennent chaque fois sur le caractère personnel du film, comme si la confession autobiographique que fait Coppola au travers permettait d'évacuer tous les autres aspects. Je ne crois pas que cela soit si simple. Ce n'est pas parce que Twixt est signé par l'un des plus grands réalisateurs américains, et que celui-ci revient sur un évènement tragique de sa vie, que ça épongera pour moi les errances consternantes qui peuplent le film qui nous occupe. Mon sentiment se borne à une considération très simple : le film me semble-t-il réussi ? En l'occurrence, absolument pas. Les émouvantes intentions de Coppola ne débouchent pas. Au contraire, j'ai même de la peine qu'il ait illustré son acte de repentance par un tel temple boursouflé et ridicule. Par ailleurs, quand tu parles de "tout recommencer pour retrouver l'inspiration", ça rejoint en filigrane mon idée selon laquelle cette phase de sa carrière que nous sommes en train de vivre se solde par une panne créative, une impasse contraignant le Napoléon du Cinéma à revenir sur le partage de son intimité. Et donc, sur quelque chose qu'il a déjà magistralement traité. Je trouve que l'évocation frontale du décès de son fils, dans les circonstances exactes de la mort de la fille de Val Kilmer dans le film, est bien trop mal greffée à l'enquête au pays des clichés fantastiques les plus éculés. On dirait qu'il s'est forcé à écrire tout le film uniquement pour en arriver au point où le personnage confesse son sentiment de culpabilité de sorte qu'il puisse aller de l'avant. Si l'idée est défendable, son enrobage peinturluré de bleu-gris kitsch est en revanche une enfilade au rabais de lieux communs sur l'épouvante gothique défigurés par les choix artistiques du réalisateur (franchement, vous allez défendre tout ce truc autour de la communauté de gothiques vivant sur la rive du lac ?? personne n'a eu envie de se bidonner quand Flamingo sort sa grosse moto et fait des cabrioles sur des fonds verts renvoyant au pire du Rodriguez de Sin City ??) et la pauvreté du budget. Les idées visuelles sont presque toujours condamnées à être du plus sinistre effet : le visage de Poe dans la lune, les apparitions d'Elle Fanning dans l'eau, etc, honnêtement j'avais mal pour Coppola. Je me suis demandé si, si j'étais entré par hasard dans la salle de cinéma en ne sachant rien du film, je ne m'en serais pas payé une bonne tranche. Seulement voilà, c'était du Coppola, et je n'avais pas envie de rire. Simplement celle de ravaler mon affliction.

En subissant Twixt je me suis demandé si, moins que chez Corman, c'était chez L'antre de la folie que Coppola allait chercher son "inspiration". Il y est en effet question de bourgade paumée sur laquelle pèse un mystère effrayant, contenu dans une église. Il y est question de mise en abyme du travail d'écrivain. Le twist de Coppola s'y raccroche, spirituellement.

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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par AtCloseRange »

Le problème, c'est que le postulat est improuvable. On n'arrive jamais vierge devant un film d'un cinéaste comme Coppola.
Je n'arrive pas à imaginer une seconde que le film puisse amener à être ému par la reconstitution de la mort de la fille de kilmer mais vu les critiques presse et celles de certains forumeurs, ça doit être le cas. Néanmoins, j'ai du mal à ne pas y voir une projection inconsciente de l'affection qu'on peut avoir pour le cinéaste et je reste persuadé que pour tous ceux qui sont entré "par hasard" voir le film vierge de totue connaissance de la vie ou de la filmo de Coppola, l'expérience ne peut être que fortement indigeste et en aucun cas, émouvante.

Et puis Demi-Lune, tu as aussi oublié ce grand moment de solitude où Kilmer imite Brando (plutôt bien d'ailleurs - surtout physiquement). il fait d'ailleurs une autre imitation que je n'ai pas reconnu.
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Watkinssien
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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par Watkinssien »

El Dadal a écrit :. Et à tout prendre, je choisis sans hésiter le dernier Coppola au dernier Scorsese, exemple type d'un cinéaste célébré qui ronronne mollement et se complait dans ses habituelles figures de style.
C'est tout le contraire, pour ma part... Avec Hugo, on est loin du ronronnement et dans la complaisance mais plutôt dans le questionnement constant de la trace laissée par le cinéaste Scorsese, filmé avec brio, poésie et inventivité... Les deux films n'ont pas du tout le même budget, mais ils ont cette volonté de parler des réalisateurs eux-même...

Dans Twixt, c'est le personnage de Val Kilmer qui représente forcément le cinéaste... C'est beaucoup moins élaboré que dans Hugo, où le cinéaste se reconnait à la fois dans Méliès mais aussi dans Hugo Cabret...

Je trouve également le film de Scorsese beaucoup plus émouvant dans cette thématique personnelle que le film de Coppola, dans lequel je suis resté complètement distant et hermétique de ce point de vue...
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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par 7swans »

Watkinssien a écrit :
El Dadal a écrit :. Et à tout prendre, je choisis sans hésiter le dernier Coppola au dernier Scorsese, exemple type d'un cinéaste célébré qui ronronne mollement et se complait dans ses habituelles figures de style.
C'est tout le contraire, pour ma part... Avec Hugo, on est loin du ronronnement et dans la complaisance mais plutôt dans le questionnement constant de la trace laissée par le cinéaste Scorsese, filmé avec brio, poésie et inventivité... Les deux films n'ont pas du tout le même budget, mais ils ont cette volonté de parler des réalisateurs eux-même...

Dans Twixt, c'est le personnage de Val Kilmer qui représente forcément le cinéaste... C'est beaucoup moins élaboré que dans Hugo, où le cinéaste se reconnait à la fois dans Méliès mais aussi dans Hugo Cabret...

Je trouve également le film de Scorsese beaucoup plus émouvant dans cette thématique personnelle que le film de Coppola, dans lequel je suis resté complètement distant et hermétique de ce point de vue...
La dessus (comparaison Coppola/Scorsese), Kaganski a écrit très justement :
Si Scorsese réussit des films pleins, Coppola ferait plutôt des propositions de films (selon le mot de Godard), objets bancals malgré leur hyperstylisation et leur teneur autobiographique, mais qui recèlent de subjugants éclats de génie. Deux approches du cinéma qui s’opposent, deux façons de vieillir derrière une caméra qui se complètent.
Demi-Lune a écrit : l'ininspiration de ses deux films suivants
C'est un vrai mot ça?
Demi-Lune a écrit : personne n'a eu envie de se bidonner quand Flamingo sort sa grosse moto et fait des cabrioles sur des fonds verts renvoyant au pire du Rodriguez de Sin City ??)
Je crois avoir lu (sur les cahiers?) que Sin City était une réelle référence pour Coppola et son chef op'.
AtCloseRange a écrit :il fait d'ailleurs une autre imitation que je n'ai pas reconnu.
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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par Flol »

AtCloseRange a écrit :Et puis Demi-Lune, tu as aussi oublié ce grand moment de solitude où Kilmer imite Brando (plutôt bien d'ailleurs - surtout physiquement). il fait d'ailleurs une autre imitation que je n'ai pas reconnu.
Celle du basketteur noir gay m'a beaucoup fait rire, ça sent l'impro nawak totalement en roue libre.
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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par Chrislynch »

Pour l’heure, si je considère les notes offertes chez Karras, je suis celui qui offre la plus haute notation pour le film. Je suis bien désolé de ne pouvoir offrir une argumentation aussi généreuse que celle de Demi-Lune, mais j’en suis bien incapable après une seule vision du film. Je voudrais juste souligner que pour moi – et pour répondre un peu à Demi-Lune - le cheminement introspectif ne me suffit pas à aimer le film. C’est un élément important mais c’est dans sa projection subjective et artificiellement fabriquée que j’ai surtout fonctionné. Au risque de me répéter, il s’agit là d’un exercice qui rappelle les mécanismes post-expressionnistes dont je raffole. L’exercice, de nos jours, est assez rare et a le mérité de vouloir exister. Je trouve aussi que les critiques négatives oublient fortement l’humour et la distance que Coppola cherche à insuffler dans son film. C’est un film qui ne se prend pas au sérieux, qui cherche explicitement l’humilité, ce qui n’a pas toujours été le cas chez le cinéaste. Je ne ressens pas non plus que le film soit centré dramatiquement sur son fils, voyant plutôt le cinéaste dialoguer avec ses ombres et ses fantômes, bien au-delà du thème de la filiation déchirée. Pour répondre à AtCloseRange, si le film avait été réalisé par un inconnu, je suis sûr que j’aurais adhéré de la même façon. Mais je suis également heureux de la cohérence chez le cinéaste dans sa volonté de transcendance d’une base introspective.
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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par 7swans »

Ratatouille a écrit : Celle du basketteur noir gay m'a beaucoup fait rire
Moi aussi. D'ailleurs globalement, toute la partie "réelle" (cette farce macabre un peu cheap) m'a bien fait marrer.

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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par AtCloseRange »

Chrislynch a écrit :Pour l’heure, si je considère les notes offertes chez Karras, je suis celui qui offre la plus haute notation pour le film. Je suis bien désolé de ne pouvoir offrir une argumentation aussi généreuse que celle de Demi-Lune, mais j’en suis bien incapable après une seule vision du film. Je voudrais juste souligner que pour moi – et pour répondre un peu à Demi-Lune - le cheminement introspectif ne me suffit pas à aimer le film. C’est un élément important mais c’est dans sa projection subjective et artificiellement fabriquée que j’ai surtout fonctionné. Au risque de me répéter, il s’agit là d’un exercice qui rappelle les mécanismes post-expressionnistes dont je raffole. L’exercice, de nos jours, est assez rare et a le mérité de vouloir exister. Je trouve aussi que les critiques négatives oublient fortement l’humour et la distance que Coppola cherche à insuffler dans son film. C’est un film qui ne se prend pas au sérieux, qui cherche explicitement l’humilité, ce qui n’a pas toujours été le cas chez le cinéaste. Je ne ressens pas non plus que le film soit centré dramatiquement sur son fils, voyant plutôt le cinéaste dialoguer avec ses ombres et ses fantômes, bien au-delà du thème de la filiation déchirée. Pour répondre à AtCloseRange, si le film avait été réalisé par un inconnu, je suis sûr que j’aurais adhéré de la même façon. Mais je suis également heureux de la cohérence chez le cinéaste dans sa volonté de transcendance d’une base introspective.
Je pense que personne ne nie l'humour du film, son côté "décontracté" mais justement, une fois de plus, ça rend d'autant plus inconcevable que le final puisse être émouvant puisque Coppola joue la pochade de bout en bout (le jeu de Kilmer et de Dern, certains choix esthétiques jusqu'auboutistes, la fin "baclée" en forme de pirouette).
Globalement, j'aurais tendance à croire que Coppola a fait ce qu'il voulait faire avec un côté pied de nez au spectateur.
On a aussi le droit de se sentir un peu pris pour un abruti par son film et d'une certaine façon, je pense étrangement qu'il avait intégré ça dans la réception de son film. Je pense que c'est justement le contraire de l'humilité que de faire un film quasiment en mode autiste comme celui-ci et que ça rejoint finalement la mégalomanie qu'on a lui a maintes fois reproché.
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Message par locktal »

Demi-Lune a écrit :[
Oui. Mais c'est l'écart classique entre les intentions et le résultat. Un film peut avoir les meilleures intentions (et le spectre intime qui hante Twixt atteste de la sincérité de l'auteur), ça ne garantit pas pour autant qu'il ne se vautre pas en beauté. Et je rejoins AtClose là-dessus : je ne mets pas en doute l'authenticité de l'enthousiasme des défenseurs du film que j'aurais franchement aimé partager, mais il me semble, pour avoir suivi le topic en diagonale, qu'une partie des arguments pro reviennent chaque fois sur le caractère personnel du film, comme si la confession autobiographique que fait Coppola au travers permettait d'évacuer tous les autres aspects. Je ne crois pas que cela soit si simple. Ce n'est pas parce que Twixt est signé par l'un des plus grands réalisateurs américains, et que celui-ci revient sur un évènement tragique de sa vie, que ça épongera pour moi les errances consternantes qui peuplent le film qui nous occupe. Mon sentiment se borne à une considération très simple : le film me semble-t-il réussi ? En l'occurrence, absolument pas. Les émouvantes intentions de Coppola ne débouchent pas. Au contraire, j'ai même de la peine qu'il ait illustré son acte de repentance par un tel temple boursouflé et ridicule. Par ailleurs, quand tu parles de "tout recommencer pour retrouver l'inspiration", ça rejoint en filigrane mon idée selon laquelle cette phase de sa carrière que nous sommes en train de vivre se solde par une panne créative, une impasse contraignant le Napoléon du Cinéma à revenir sur le partage de son intimité. Et donc, sur quelque chose qu'il a déjà magistralement traité. Je trouve que l'évocation frontale du décès de son fils, dans les circonstances exactes de la mort de la fille de Val Kilmer dans le film, est bien trop mal greffée à l'enquête au pays des clichés fantastiques les plus éculés. On dirait qu'il s'est forcé à écrire tout le film uniquement pour en arriver au point où le personnage confesse son sentiment de culpabilité de sorte qu'il puisse aller de l'avant. Si l'idée est défendable, son enrobage peinturluré de bleu-gris kitsch est en revanche une enfilade au rabais de lieux communs sur l'épouvante gothique défigurés par les choix artistiques du réalisateur (franchement, vous allez défendre tout ce truc autour de la communauté de gothiques vivant sur la rive du lac ?? personne n'a eu envie de se bidonner quand Flamingo sort sa grosse moto et fait des cabrioles sur des fonds verts renvoyant au pire du Rodriguez de Sin City ??) et la pauvreté du budget. Les idées visuelles sont presque toujours condamnées à être du plus sinistre effet : le visage de Poe dans la lune, les apparitions d'Elle Fanning dans l'eau, etc, honnêtement j'avais mal pour Coppola. Je me suis demandé si, si j'étais entré par hasard dans la salle de cinéma en ne sachant rien du film, je ne m'en serais pas payé une bonne tranche. Seulement voilà, c'était du Coppola, et je n'avais pas envie de rire. Simplement celle de ravaler mon affliction.

En subissant Twixt je me suis demandé si, moins que chez Corman, c'était chez L'antre de la folie que Coppola allait chercher son "inspiration". Il y est en effet question de bourgade paumée sur laquelle pèse un mystère effrayant, contenu dans une église. Il y est question de mise en abyme du travail d'écrivain. Le twist de Coppola s'y raccroche, spirituellement.

Je peux tout à fait comprendre ce que tu dis...

C'est donc bien une question de perception : ce que tu as trouvé laid ou boursouflé dans Twixt, où les intentions sincères de Coppola seraient mises à mal par le résultat final, moi j'ai trouvé cela émouvant, inventif, parfois déroutant et tout à fait en adéquation entre les intentions du cinéaste et le résultat.

Il est évident qu'en visionnant Twixt le spectateur est obligé d'avoir à l'esprit l'oeuvre antérieure de Coppola... On ne peut absolument pas en faire abstraction pour qui connaît les précédents films du cinéaste, et peut-être que At Close Range a raison en estimant qu'en regardant Twixt d'un oeil vierge, on ne soit pas touché...

Après, c'est sûr qu'il y a une grande part de subjectivité dans le jugement, et Twixt divise, c'est certain...

J'ai moi-même du mal à expliquer exactement la fascination qu'a exercé ce film sur moi, et pourtant j'ai été fasciné tout le long, et surtout ému...

Cela dit, Coppola a tout de même injecté beaucoup d'humour dans Twixt, ce qui permet une certaine distanciation malgré le côté très personnel du projet...

En tout cas, je préfère (mais c'est un avis personnel) ce "petit" film imparfait mais plein de trouvailles à son Dracula, certes intéressant mais que j'ai trouvé trop grandiloquent et sans aucune distanciation, donc assez peu émouvant...

Enfin, j'ai beaucoup apprécié Hugo Cabret de Scorsese et suis totalement d'accord avec Serge Kaganski là-dessus sur les deux approches...
Dernière modification par locktal le 17 avr. 12, 18:17, modifié 3 fois.
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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par locktal »

Chrislynch a écrit :Pour l’heure, si je considère les notes offertes chez Karras, je suis celui qui offre la plus haute notation pour le film. Je suis bien désolé de ne pouvoir offrir une argumentation aussi généreuse que celle de Demi-Lune, mais j’en suis bien incapable après une seule vision du film. Je voudrais juste souligner que pour moi – et pour répondre un peu à Demi-Lune - le cheminement introspectif ne me suffit pas à aimer le film. C’est un élément important mais c’est dans sa projection subjective et artificiellement fabriquée que j’ai surtout fonctionné. Au risque de me répéter, il s’agit là d’un exercice qui rappelle les mécanismes post-expressionnistes dont je raffole. L’exercice, de nos jours, est assez rare et a le mérité de vouloir exister. Je trouve aussi que les critiques négatives oublient fortement l’humour et la distance que Coppola cherche à insuffler dans son film. C’est un film qui ne se prend pas au sérieux, qui cherche explicitement l’humilité, ce qui n’a pas toujours été le cas chez le cinéaste. Je ne ressens pas non plus que le film soit centré dramatiquement sur son fils, voyant plutôt le cinéaste dialoguer avec ses ombres et ses fantômes, bien au-delà du thème de la filiation déchirée. Pour répondre à AtCloseRange, si le film avait été réalisé par un inconnu, je suis sûr que j’aurais adhéré de la même façon. Mais je suis également heureux de la cohérence chez le cinéaste dans sa volonté de transcendance d’une base introspective.
Tout à fait d'accord ! Si l'élément introspectif est important, l'humour et la distance dont fait preuve Coppola sont tout à fait réjouissantes, et je te rejoins également lorsque tu dis que Coppola dialogue dans Twixt avec ses ombres et ses fantômes, au-delà de la filiation déchirée...
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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par 7swans »

AtCloseRange a écrit : Je pense que personne ne nie l'humour du film, son côté "décontracté" mais justement, une fois de plus, ça rend d'autant plus inconcevable que le final puisse être émouvant puisque Coppola joue la pochade de bout en bout (le jeu de Kilmer et de Dern, certains choix esthétiques jusqu'auboutistes, la fin "baclée" en forme de pirouette).
Globalement, j'aurais tendance à croire que Coppola a fait ce qu'il voulait faire avec un côté pied de nez au spectateur.
On a aussi le droit de se sentir un peu pris pour un abruti par son film et d'une certaine façon, je pense étrangement qu'il avait intégré ça dans la réception de son film. Je pense que c'est justement le contraire de l'humilité que de faire un film quasiment en mode autiste comme celui-ci et que ça rejoint finalement la mégalomanie qu'on a lui a maintes fois reproché.

A mon sens le film n'est pas une totale pantalonnade.
Ce qui peut d'ailleurs dérouter c'est justement cette dichotomie jusque dans le ton (dans le traitement c'est évident) des parties réelles et rêvées.
Les parties fantasmées sont à mon avis très premier degrés. Le traitement est d'une fragilité peu coutumière (personnellement, cela m'a fasciné. Le premier rêve de Kilmer -sa rencontre avec V. et sa première visite de la maison hantée- m'a totalement envouté. Une de mes séquences de l'année), et les moyens utilisés peuvent préter à sourire (ça n'était pas mon cas, toutes les surimpressions par exemple m'ont totalement emporté voire émerveillé), mais c'est là que se situe principalement la prise de risque, le film s'auteurise et fascine. Et pris d'humilité, Coppola l'entrecoupe d'une partie réelle au ton résolument différent qui serpente et lie le récit, et finit par former un espèce de conte macabre rigolard (tour de force : sans étouffer l'émotion!). La séquence finale n'est pas un twist, c'est le point final de ce zigzag.

Au final, le spectateur ne sait jamais réellement sur quel pied danser, le réalisateur soufflant alternativement le chaud et le froid, je comprends totalement qu'on puisse sortir perplexe du film.
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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par AtCloseRange »

7swans a écrit :
AtCloseRange a écrit : Je pense que personne ne nie l'humour du film, son côté "décontracté" mais justement, une fois de plus, ça rend d'autant plus inconcevable que le final puisse être émouvant puisque Coppola joue la pochade de bout en bout (le jeu de Kilmer et de Dern, certains choix esthétiques jusqu'auboutistes, la fin "baclée" en forme de pirouette).
Globalement, j'aurais tendance à croire que Coppola a fait ce qu'il voulait faire avec un côté pied de nez au spectateur.
On a aussi le droit de se sentir un peu pris pour un abruti par son film et d'une certaine façon, je pense étrangement qu'il avait intégré ça dans la réception de son film. Je pense que c'est justement le contraire de l'humilité que de faire un film quasiment en mode autiste comme celui-ci et que ça rejoint finalement la mégalomanie qu'on a lui a maintes fois reproché.

A mon sens le film n'est pas une totale pantalonnade.
Ce qui peut d'ailleurs dérouter c'est justement cette dichotomie jusque dans le ton (dans le traitement c'est évident) des parties réelles et rêvées.
Les parties fantasmées sont à mon avis très premier degrés. Le traitement est d'une fragilité peu coutumière (personnellement, cela m'a fasciné. Le premier rêve de Kilmer -sa rencontre avec V. et sa première visite de la maison hantée- m'a totalement envouté. Une de mes séquences de l'année), et les moyens utilisés peuvent préter à sourire (ça n'était pas mon cas, toutes les surimpressions par exemple m'ont totalement emporté voire émerveillé), mais c'est là que se situe principalement la prise de risque, le film s'auteurise et fascine. Et pris d'humilité, Coppola l'entrecoupe d'une partie réelle au ton résolument différent qui serpente et lie le récit, et finit par former un espèce de conte macabre rigolard (tour de force : sans étouffer l'émotion!). La séquence finale n'est pas un twist, c'est le point final de ce zigzag.

Au final, le spectateur ne sait jamais réellement sur quel pied danser, le réalisateur soufflant alternativement le chaud et le froid, je comprends totalement qu'on puisse sortir perplexe du film.
Ah mais je ne suis pas perplexe :mrgreen:

Et effectivement, la première visite de la maison hantée a été le juge de paix. C'est à partir de cette séquence que je me suis dit que le temps allait être très long (même chose pour Gounou d'ailleurs).
je suis d'accord que les parties rêvées et réelles sont traitées différemment mais dans les 2, Kilmer joue avec un sourire en coin donc l'effet est sensiblement le même et de toute façon, il aurait fallu que la partie réelle soit traitée autrement que par-dessus la jambe: la séquence avec le ouija est totalement ridicule (que fait le gosse dans cette histoire?). Non vraiment, c'est un méta-nanar ce qui en soit est pire qu'un nanar puisque c'est un nanar qui sait qu'il en est un et qui réfléchit sur sa propre condition de nanar.
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Re: Twixt (Francis Ford Coppola - 2011)

Message par 7swans »

Le principal problème de Twixt, c’est d’avoir été réalisé par Coppola. Ça a mis le film dans une lumière totalement faussée.

Il a été vu en masse (même si c’est relatif) par des personnes peu habitués à ce genre de traitement, d’amas d’idées hétérogènes, de fulgurances et d’équilibre fragile : des films en creux, mais de belles propositions de cinéma (pour citer Kaganski qui cite Godard). Des personnes qui ne se seraient sans doute jamais déplacées sans l’ombre gargantuesque du réalisateur du Parrain (parce que, on ne va pas se mentir, la bande annonce n'est pas vraiment mensongère. Je savais globalement à quoi m'attendre avant d'aller voir le film).

Ce film était (à mon avis), plus destiné à ceux qui ne cherchent pas le film parfait, mais des fulgurances et une vive passion cinématographique (je ne sais pas, mais j’ai plus pensé à Godard ou Maddin qu’aux premiers Coppola ou aux derniers Scorsese).

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