September (Woody Allen - 1987)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Frances
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Frances »

J'ai bien fait de tomber sur ce topic. Vous m'avez donné envie de revoir ce Allen dont je ne garde que quelques images en souvenir.
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Jeremy Fox
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Jeremy Fox »

Décidément, les années 80 auront été fructueuses pour Woody Allen qui enchaine les excellents films, passant même de la comédie au drame avec une déconcertante facilité. Ce huis clos à 6 protagonistes est une nouvelle réussite, le cinéaste accomplissant même l'exploit de nous rendre touchant le personnage d'Elaine Stritch qui au départ semblait devoir être agaçant jusqu'au bout. C'est au contraire au final l'un des plus attachants, et à travers elle et grâce au talent de la comédienne, le thème de la vieillesse a pu être abordée avec une extrême délicatesse. Chacun des 6 comédiens aura droit à sa scène même les moins présents comme Jack Warden qui nous bouleverse avec sa conception scientifique et déprimante de l'univers. Mia Farrow est un poil en deçà je trouve alors que Dianne Wiest est prodigieuse : les séquences où elle a du mal à réfréner son désir sont d'une force prodigieuse. Dommage sinon que Denholm Elliott n'ai pas eu plus de scènes et que les 20 dernières minutes soient un peu moins intenses que le reste. Un très beau drame automnal sur la vieillesse, le désir et la difficulté dans les relations humaines. Et puis, quelle belle mélodie que On a Slow Boat to China de Frank Loesser joué au piano, le thème du générique de début qui reviendra longuement et avec entêtement lors de la plus belle et plus longue partie du film, celle au cours de laquelle l'électricité est coupée une partie de la soirée.
Amarcord
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Amarcord »

Un bien beau film en effet... J'ai toujours eu une préférence pour cette veine bergmanienne de Woody Allen qu'il a su si bien exploiter sans jamais tomber dans le plagiat (je pense à un autre de ses films "sérieux" que j'adore : Intérieurs... Une autre femme est aussi un grand moment).
On peut rappeler aussi que September est une sorte de "curiosité" : tourné une première fois avec Sam Shephard (Peter), Maureen O'Sullivan (qui jouait à l'origine Diane et non pas la mère de Mia Farrow) et Charles Durning (Howard), le film a déplu à Woody Allen au point qu'il le retournera entièrement (dans la version qu'on connaît aujourd'hui)... J'aimerais bien voir ce que donnait la première version (en existe-t-il seulement une trace quelque part, d'ailleurs ?).
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Jeremy Fox
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Jeremy Fox »

Amarcord a écrit :cette veine bergmanienne de Woody Allen qu'il a su si bien exploiter sans jamais tomber dans le plagiat
...ni dans l'intellectualisation ou dans le verbiage (les superbes dialogues restent toujours assez sobres et simples), ce qui ne fait pour moi que renforcer l'émotion ressentie. Pour tout dire, je préfère la veine bergmanienne de Woody Allen que le cinéma de Bergman, le premier demeurant plus léger y compris dans ses films dramatiques. Faudrait d'ailleurs que je retente Intérieurs qui, à l'adolescence, m'avait complètement rebuté.
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Strum »

Jeremy Fox a écrit :Pour tout dire, je préfère la veine bergmanienne de Woody Allen que le cinéma de Bergman, le premier demeurant plus léger y compris dans ses films dramatiques.
D'ailleurs, cette notion de "veine bergmanienne" chez Allen est un abus de langage dont on trouve l'origine dans certaines interviews données par Allen à l'époque disant son admiration pour Bergman, quand les critiques essayaient de comprendre comment un cinéaste avait pu passer en l'espace d'une décennie de, disons, Bananas à September. Avec le recul que nous avons aujourd'hui, on se rend compte que ce qu'on a appelé à tort une "veine bergmanienne" chez Allen est en fait le tronc principal de la grande période Allenienne des années 80, des films avec une identité allenienne propre et bien différente de Bergman (thèmes différents, rapidité et légèreté allenienne absentes chez Bergman, humour noir chez Allen alors que tout est objet de scandale chez Bergman). La preuve, j'aime ces films allenien alors que Bergman n'est pas ma tasse de thé. Il est temps de faire un sort à cette expression de "veine bergmanienne" qui ne rend pas justice à l'originalité et à la singularité des grands films d'Allen.
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AtCloseRange
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par AtCloseRange »

Strum a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Pour tout dire, je préfère la veine bergmanienne de Woody Allen que le cinéma de Bergman, le premier demeurant plus léger y compris dans ses films dramatiques.
D'ailleurs, cette notion de "veine bergmanienne" chez Allen est un abus de langage dont on trouve l'origine dans certaines interviews données par Allen à l'époque disant son admiration pour Bergman, quand les critères essayaient de comprendre comment un cinéaste avait pu passer en l'espace d'une décennie de, disons, Bananas à September. Avec le recul que nous avons aujourd'hui, on se rend compte que ce qu'on a appelé à tort une "veine bergmanienne" chez Allen est en fait le tronc principal de la grande période Allenienne des années 80, des films avec une identité allenienne propre et bien différente de Bergman (thèmes différents, rapidité et légèreté allenienne absentes chez Bergman, humour noir chez Allen alors que tout est objet de scandale chez Bergman). Il est temps de faire un sort à cette expression. La preuve, j'aime ces films allenien alors que Bergman n'est pas ma tasse de thé.
"Intérieurs" est quand même un vrai film "bergmanien". Après l'influence sera beaucoup plus diffuse puisque September doit au moins autant à Bergman qu'à Tcheckov.
Et puis bon, il a tout de même fait appel à Sven Nykvist et à Max Von Sydow.
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Jeremy Fox
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Jeremy Fox »

AtCloseRange a écrit :Et puis bon, il a tout de même fait appel à Sven Nykvist et à Max Von Sydow.
Jusqu'aux intérieurs, éclairages et costumes qui font également penser au cinéaste suédois ainsi que la façon d'être accoutrée de Mia Farrow dans September rappelant aussi beaucoup Liv Ullman dans Sonate d'automne par exemple. Non, je pense au contraire que l'influence est bien là, que tout ça n'est pas forcément un hasard.
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Strum »

AtCloseRange a écrit :"Intérieurs" est quand même un vrai film "bergmanien". Après l'influence sera beaucoup plus diffuse puisque September doit au moins autant à Bergman qu'à Tcheckov.
Et puis bon, il a tout de même fait appel à Sven Nykvist et à Max Von Sydow.
J'ai vu Intérieurs il y a trop longtemps pour en juger, mais ce ne serait alors qu'une exception. L'admiration d'Allen pour Bergman ne s'est jamais démentie et son travail avec Nykvist et Von Sydow l'attestent, mais tu vois bien combien des films comme Hannah et ses soeurs où joue Von Sydow et Crime et Délits qu'a filmé Nykvist sont différents des films de Bergman. Bergman a inspiré Allen et lui a donné certaines idées (cf les flashbacks où l'homme se souvenant apparait âgé dans son propre passé - on les trouve dans Annie Hall et Crimes et Délits), mais Allen a su créer un univers fort différent ayant ses motifs, sa tonalité et ses qualités propres. Je ne conteste nullement l'influence de Bergman sur Allen. Mais une "influence" ne suffit pas pour faire rentrer une dizaines de films dans une "veine", mot devenu cliché. Sinon, je suis d'accord avec toi pour dire que Tchekhov est aussi une grosse influence (notamment ce thème mélancolique du "la vie est difficile mais il faut vivre quand même" qui conclut les 3 Soeurs de Tchekhov et que l'on retrouve dans plusieurs Allen).
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Jeremy Fox
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Jeremy Fox »

Strum a écrit :mais Allen a su créer un univers fort différent ayant ses motifs, sa tonalité et ses qualités propres.
Tout à fait. Et d'ailleurs, sa veine bergmanienne ne se déclinait pour moi que dans 3 films et non une dizaine, le troisième étant Une autre femme.
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Strum »

Jeremy Fox a écrit :Tout à fait. Et d'ailleurs, sa veine bergmanienne ne se déclinait pour moi que dans 3 films et non une dizaine, le troisième étant Une autre femme.
September et Une Autre Femme ne sont pas du tout pour moi des films "bergmaniens". Par leur tonalité, leur mélancolie, leur affirmation du poids du passé, leur interrogation sur le destin et le libre-arbitre, ils relèvent beaucoup plus de Tchekhov. Resterait potentiellement Intérieurs. Mais pour aller dans ton sens, si l'on postule que l'on parle de 3 films sur les 47 films d'Allen, 3 films sur 47, soit une infime minorité, forment-ils vraiment une "veine" dans un corpus ? (comment cela, je suis têtu ? :mrgreen: )
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Re: September (Woody Allen - 1987)

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Strum a écrit :September et Une Autre Femme ne sont pas du tout pour moi des films "bergmaniens".
Ce que j'avais oublié de préciser c'est que pour moi ils le sont plus sur la forme que sur le fond en fait, beaucoup des thématiques étant effectivement très différentes. J'y vois surtout des ressemblances (et il m'y a fait grandement penser) par sa manière d'utiliser costumes, décors et photographie. Mia farrow m'a fait penser à Liv Ullman, Elaine Stritch à Ingrid Bergman... mais bon je ne dis pas que tu as tort non plus :mrgreen:
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Strum »

Jeremy Fox a écrit :Ce que j'avais oublié de préciser c'est que pour moi ils le sont plus sur la forme que sur le fond en fait, beaucoup des thématiques étant effectivement très différentes. J'y vois surtout des ressemblances (et il m'y a fait grandement penser) par sa manière d'utiliser costumes, décors et photographie. Mia farrow m'a fait penser à Liv Ullman, Elaine Stritch à Ingrid Bergman... mais bon je ne dis pas que tu as tort non plus :mrgreen:
Je comprends. En reviendrait-on encore à l'éternel débat entre fond (qu'est-ce que raconte un film, qu'est-ce qu'il cherche à raconter à nous dire ?) et forme (pour moi, la tonalité globale d'un film (sécheresse, chaleur, vivacité, douceur, etc. en fait partie car c'est un moyen du discours comme la rhétorique)) ? :)
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Jeremy Fox »

Strum a écrit : En reviendrait-on encore à l'éternel débat entre fond (qu'est-ce que raconte un film, qu'est-ce qu'il cherche à raconter à nous dire ?) et forme (pour moi, la tonalité globale d'un film (sécheresse, chaleur, vivacité, douceur, etc. en fait partie car c'est un moyen du discours comme la rhétorique)) ? :)
Ah non pitié ; tel Jean Rochefort dans un film de Yves Robert, je déclare forfait par avance et je prends mon courage à deux mains pour m'enfuir :mrgreen:
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Strum »

Jeremy Fox a écrit :Ah non pitié ; tel Jean Rochefort dans un film de Yves Robert, je déclare forfait par avance et je prends mon courage à deux mains pour m'enfuir :mrgreen:
J'ai déjà donné aussi. :mrgreen:
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Re: September (Woody Allen - 1987)

Message par Amarcord »

Personnellement, la veine bergmanienne (évidente à mon sens) qu'on trouve dans certains films de Allen ne m'empêche nullement d'en apprécier les qualités intrinsèques : au contraire, cette forme d'hommage (très émouvante, en réalité) enrichit le cinéma de Allen, sans le dénaturer. Ces films restent des films de Allen à part entière, dans lesquels je vois (et j'aime voir... je ne crois pas être le seul) des traces de l'admiration que le cinéaste new-yorkais porte au cinéaste suédois : ça ne veut pas dire qu'il fait du Bergman ; ça veut dire qu'il aime le cinéma de Bergman, que le cinéma de Bergman compte pour lui, au point d'irriguer sa propre œuvre (et non pas la réduire). Mais cette œuvre-là reste bien celle de Allen, ça ne remet en aucune manière en cause l'"originalité" ou la "singularité" de l'œuvre de Allen (quelle idée !).
Aucun problème avec ça.
Pour moi, ce n'est pas un "cliché", et encore moins un "abus de langage".
Strum a écrit :quand les critiques essayaient de comprendre comment un cinéaste avait pu passer en l'espace d'une décennie de, disons, Bananas à September.
Précisément : quand on voit Bananas et quand on voit Intérieurs (ou, plus tard, September), eh bien oui, on peut effectivement "essayer de comprendre" (quand même : Bananas, quoi !!!). Et en l'occurrence, là, l'hypothèse Bergman ne me paraît pas spécialement absurde.
Et c'est bien sûr de la forme dont on parle ici (car oui, il n'est pas interdit de distinguer la forme du fond... mais ça a l'air tabou, ici, non ?). Les thèmes, quant à eux, n'ayant que très peu en commun (c'est tellement évident qu'on s'étonne de devoir le spécifier). Ceci étant posé, ça n'implique absolument pas (du moins à mes yeux) je-ne-sais quelle hiérarchisation qui mettrait Allen en dessous de Bergman (même si on peut avoir une préférence par ailleurs) : à tel point qu'il ne m'aurait pas choqué outre mesure de lire/entendre/dire que le Bergman de Sonate d'automne a beaucoup aimé le Allen de Intérieurs... si les deux films n'étaient pas aussi contemporains l'un de l'autre (rendant ainsi impossible une telle hypothèse, je sais)... Allez, soyons fou : on imaginerait bien Mia Farrow dans Sonate d'automne, malgré l'anachronisme que ça implique vis-à-vis de Allen (chez qui Farrow n'arrivera qu'en 1982, soit quatre ans après Sonate d'automne, mais bon...)
Et puis... Je remarque quand même que, comme un fait exprès, la notion de "veine bergmanienne" (qui reste une influence parmi plein d'autres, et qui, pour moi, parcourt l'œuvre de Allen bien au-delà de deux ou trois films) contrarie surtout ceux dont le cinéma de Bergman n'est pas "la tasse thé"... A quoi ça tient, tout de même !
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