Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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julien
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par julien »

Par curiosité, c'est quel passage du lac des Cygnes qui est utilisé ?
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par Ouf Je Respire »

J'ai vu ce film.

Le seul mais important reproche que je ferais au film, c'est qu'il est inattaquable. L'intention et le résultat sont presque trop bons.
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Marcus
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par Marcus »

julien a écrit :Par curiosité, c'est quel passage du lac des Cygnes qui est utilisé ?
Le plus connu: TIN ... TIN TIN TIN TIN TIN, TIN TIN, TIN TIN, TIN TIN TIN TIN TIN TIN
Elle était belle comme le jour, mais j'aimais les femmes belles comme la nuit.
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julien
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par julien »

C'est bien ce que je redoutais.
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par Colqhoun »

julien a écrit :C'est bien ce que je redoutais.
Du coup ce film est une merde sans nom qui ne mérite pas d'être vue.

Un petit passage classique à peine trop connu et c'est la catastrophe. Tes réactions sont misérables.
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Jeremy Fox
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par Jeremy Fox »

Colqhoun a écrit : Tes réactions sont misérables.
En même temps, elles représentent parfaitement le personnage et n'étonnent presque plus personne ; le film devenait déjà trop consensuel au vu de sa posture de "rebelle de bacs à sable" :idea: Mieux vaut le laisser déblatérer dans le vide ; il finira peut-être par se fatiguer tout seul.
julien
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par julien »

T'énerves pas mon Jéjé. Je ne fais que donner un simple avis. Et puis j'ai pas encore vu le film. En fait c'est surtout la bande annonce au son de la 7eme de Beethov, que je trouve assez lourdaud. C'est vraiment le gros cliché.
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par Jack Griffin »

La septième on ne l'entend pas dans le film. La musique n'existe que quand les personnages l'écoutent (une ou deux fois donc), chantent et prient (a capella). Elle est donc assez présente même si on a l'impression que non.
L'utilisation du Lac des cygnes peut paraitre cliché dit comme ça mais je trouve que justement, avec cette scène, Beauvois parvient à nous faire redécouvrir le morceau. Il ne hache pas l'extrait. On est vraiment pris dedans, avec cette alternance de joie et ton plus dramatique. ça caractérise une scène dans laquelle on ressent des émotions contradictoires. Mettre ce morceau archi-entendu est plutôt culotté en fin de compte.
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par Blue »

Le passage en question reste la seule chose qui m'ait plue dans ce film, même si effectivement l'usage du score classique est une figure de style aussi artificielle à la base (cf: Requiem For A Dream) que redoutable sur le ressenti du spectateur.
Maintenant, Beauvois parvient à véritablement iconiser ses moines via ce procédé (ET également par un montage et un cadrage au top).
Cependant, je le dis haut et fort, les bondieuseries c'est absolument pas mon truc (sauf peut être chez Tarkovsky ou dans «L'Evangile selon St Matthieu» de Pasolini), du coup tout comme chez le Dumont de «Hadewijch» (et soit dit en passant «Flandres» est l'un de mes derniers grands chocs ciné en date), je me suis globalement bien fait chier le reste du temps devant «Des Hommes Et Des Dieux». Vous m'excuserez...
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Marcus
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par Marcus »

"Le mot bondieuserie (de « bon Dieu ») est un terme familier et péjoratif qui décrit un comportement outré ou des objets de piété de mauvais goût." (wikipedia)

Je n'ai pas vu ça dans le film de Beauvois (mais je peux le comprendre pour le Dumont). Pourtant, la religion ce n'est pas mon truc non plus. Certes, un moine rappelle de temps en temps qu'ils sont là par la volonté de dieu; et on les voit prier. Beauvois ne pouvait pas faire moins en choisissant ce sujet.
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par Strum »

Vu hier soir. Je vais essayer d'en dire quelques mots. Attention, quelques petits spoilers ci-dessous :

Des hommes et des dieux est une très grande réussite, un film dont émane une sereine impression de naturel et de vérité. Xavier Beauvois fait naître ce sentiment grâce à sa parfaite maitrise du rythme cinématographique : à chaque scène est associé un rythme qui convient à sa nature (qu'elle soit contemplative ou inquiète) avec comme pinacle la scène du Lac des Cygnes où soudain, le rythme du montage s'accélère au son de la musique, les plans se rapprochant des visages, révélant la beauté et l'humanité de chaque moine sous les rides desquels courent alors les sentiments contradictoires de la joie, de la fierté, de l'inquiétude, et de la tristesse.

Cette maitrise du rythme est patente dès le début. Les premières scènes du film se déclinent en plans fixes nous présentant le lieu de l'action et les personnages. En quelques seconde, ce qui caractérise chaque moine nous est montré : le médecin trie ses médicaments ; l'intellectuel écrit, perdu dans ses pensées et ses livres ; le moine trop plein d'une vigueur physique qui l'étouffe la canalise dans les travaux de la terre et la contemplation des lieux. Le film a été tourné en altitude au Maroc, dans un cinemascope qui met en valeur la splendeur des paysages. Les plans de paysages montrent alternativement des montages au loin (il s'agit alors de plans fixes) ou des plans d'arbre entourant le monastère (il s'agit alors de caméras en rotation, de travellings ou de plans de grue). Les arbres sont des personnages importants du film : chênes-lièges ou cèdres (à cause de l'altitude), leurs feuilles sont souvent illuminées de la lumière de l'aube, qu'elles laissent filtrer ; cette lumière fait comme de la poussière verte autour d'eux, cette poussière de feuilles des arbres du sud qui donne l'impression que les arbres déploient librement leurs branchages dans les airs, comme des bras montant au ciel. C'est un film qui respire dans ses scènes de paysages, à l'instar de ces westerns où les personnages sont partie intégrante d'un décor parfois plus grand qu'eux-mêmes. Le rythme est contemplatif dans ces premières séquences car il épouse le rythme lent de la terre des pays chauds. On la regarde, et elle nous regarde. En silence, dans la chaleur enveloppante, on se laisse envahir par ses effluves. Ce silence, le film s'en fait le discret écho : hormis quelques chants a capella, aucune musique ne nous accompagne jusqu'à la scène du Lac des Cygnes.

Les moines dialoguent avec les villageois, les soignent et les écoutent. On écoute aussi. Mais il n'y a pas de "bondieuseries" dans le film, pour reprendre cette expression inutilement méprisante de Blue. D'ailleurs, les quelques tirades un peu intellectuelles de Christian (Lambert Wilson, tout en intensité) sont à un moment tournées en dérision avec tendresse par Luc (Michael Lonsdale, tout en finesse) :"tu y as compris quelque chose, toi ?". Quant aux scènes où les moines chantent dans leur chapelle, elles sont splendides et, loin d'être simplement illustratives, elles jouent un double rôle narratif. D'un point de vue psychologique, elles servent la progression du récit, en expliquant pourquoi les moines qui à un moment voulaient partir finissent par rester : au fur et à mesure qu'ils chantent avec les autres moines, se renforce leur impression d'appartenir à la même communauté, au même corps. Pourquoi amputer celui-ci ? Ces scènes de chant donnent également lieu à une des plus belles scènes du film : alors qu'un hélicoptère de l'armée algérienne cherche à intimider les moines en survolant le monastère, ces derniers comme engagés dans une bataille spirituelle chantent forts pour couvrir le bruit des rotors de la machine. Le plan de coupe suivant, superbe, nous montre alors l'hélicoptère soudain soumis au silence et comme repoussée par la puissance du chant.

C'est également un genre de bataille que livrent les moines à partir du moment où ils se savent en danger. Le rythme du film se fait alors moins paisible, et le montage s'accélère insensiblement. Doivent-ils rester au risque de perdre la vie ? Ceux qui veulent rester le font-ils par amour des villageois qui leur demandent protection ou par goût mystique du martyre ? Une partie du film voit les moines s'interroger sur le sens de leur geste et sur eux-mêmes, et l'on comprend que les moines ne sont pas en conflit avec le monde extérieur, avec les terroristes ou l'armée algérienne qui fait peser sur eux une menace égale (le film à ce titre ne nous livre pas l'identité des assassins). Ils sont au contraire engagés dans un dialogue permanent avec l'autre, avec l'islam, dont ils connaissent le Coran. Non, ils livrent bataille en eux-mêmes, reconsidèrent leur vie, leur parcours, s'interrogent sur eux-mêmes. C'est un dilemme moral, et il n'y a pas besoin d'être religieux pour y goûter. Tout athée (comme moi) ou agnostique pourra y trouver son compte. Il y a une austérité certaine dans cette partie du film, mais on pressent avec les moines que quelque chose d'autre arrive, et l'on se prépare.

Puis vient justement cette fameuse scène d'adieu à la vie du Lac des Cygnes. Les moines s'installent autour d'une table, Luc met une cassette de Tchaïkovski et se tourne vers nous en s'avançant lentement. Tout est alors emporté par le rythme tour à tour triomphal et inquiétant de la musique : on n'entend plus qu'elle ; on ne voit plus qu'eux, les moines qui vont mourir, dont une série de travellings détaille chaque visage. Le film monte sur les ailes de la musique qui lui dicte son rythme (et le montage et les travellings qui soudain s'accélèrent lui obéissent). Il s'envole et nous avec. Pris dans le flux de la scène et de sa richesse émotionnelle où tous les sentiments s'entrechoquent, on pleure et on sourit en même temps. Les scènes finales, dans la neige, poursuivent sur cette lancée. Toute la fin du film est exceptionnelle, avec notamment une série de plans sublimes du monastère sous la neige bercés par la voix off de Lambert Wilson qui à l'heure de sa mort lit sereinement un message de paix.
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Jeremy Fox
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par Jeremy Fox »

Je me fiche des spoilers alors j'ai tout lu : autant dire que mon impatience s'est encore accrue. :wink:
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par Gounou »

Décrit de la sorte, ça m'évoque Ford... any connection ?
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par Flol »

Gounou a écrit :Décrit de la sorte, ça m'évoque Ford... any connection ?
Non. Ca manque de beuveries et de bagarres.
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Re: Des hommes et des dieux (Xavier Beauvois - 2010)

Message par Strum »

Gounou a écrit :Décrit de la sorte, ça m'évoque Ford... any connection ?
Non, pas vraiment. C'est moins mélancolique, moins sentimental et beaucoup plus austère que Ford. Et puis en termes de mise en scène, même si j'ai beaucoup aimé le film, c'est quand même moins beau.
Jeremy Fox a écrit :Je me fiche des spoilers alors j'ai tout lu : autant dire que mon impatience s'est encore accrue. :wink:
Tant mieux, mais j'espère tout de même que tu ne seras pas déçu. :wink:
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