Mike Figgis

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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mannhunter
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Re: Top à Mike Figgis

Message par mannhunter »

AtCloseRange a écrit :Mr Jones, c'est amusant pour le cabotinage hallucinant de Richard Gere.
et Lena Olin qui est impeccable! :wink:
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nobody smith
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Re: Mike Figgis

Message par nobody smith »

Etrangement, je n’ai pas trouvé d’avis sur le forum à propos de cette adaptation de la pièce d’August Strindberg. Je dois reconnaître que je ne connaissais pas l’œuvre d’origine alors qu’elle a pourtant connu plusieurs portages (une nouvelle version réalisée Liv Ullman avec Jessica Chastain dans le rôle titre sort d’ailleurs le mois prochain). Là-dessus la découverte est assez stupéfiante. Pour une pièce écrite à la fin du XIXème, son propos est aussi étonnant que sa tonalité. Le discours sur la lutte des classes et des sexes donne un jeu de dominant/dominé d’une violence assez inouïe. C’est un déferlement constant de provocations et d’indécences où le peu de dignité et de complicité est réduit à néant sous le joug de la manipulation. C’est tout à fait perturbant et donc fascinant. Par contre, je suis assez septique sur les choix de mise en scène de Figgis. Respectant l’unité de lieu de la pièce, il semble prendre à cœur de vouloir en reproduire toute la théâtralité. Il essaie de capter son immédiateté, son côté pris-sur-le-vif. Il opta ainsi pour un tournage très court avec deux caméras en simultané (choix également motivé par des contraintes budgétaires). Le résultat est en soit assez efficace dans sa façon de saisir les interactions entre les trois comédiens (très bons tous les trois). Le souci est que c’est trop efficace. L’énergie déployée par la mise en scène ne sert pas le texte mais l’écrase. Tout est si virevoltant que l’attention est finalement détourné de ce qui se raconte. Ce qui est évidemment regrettable vu la qualité du dit texte. Bref, pas inintéressant mais pas très concluant non plus.
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Profondo Rosso
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Re: Mike Figgis

Message par Profondo Rosso »

Ah je n'avais pas vu qu'il avait son topic je remets ça ici

Stormy Monday (1988)

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Comment les vies d'un propriétaire d'un club de jazz, d'une serveuse, d'un mafioso et d'un employé de maison se retrouvent mêlés par une sale histoire.

Les couples cassés qui se rencontrent dans un environnement urbain marqué, voilà un leitmotiv des meilleurs films de Mike Figgis (Leaving Las Vegas (1995), Pour un nuit (1997)) que l'on retrouve dans ce galop d'essai qu'est Stormy Monday qui est un projet très personnel. Né au Kenya, Mike Figgis retourne à l'âge de huit ans vivre à Newcastle avec sa famille et y passera le reste de son enfance. La première passion de Figgis est la musique, arpentant les clubs de jazz de la ville durant son adolescence et menant plus tard une carrière de musicien au sein de divers groupes avec comme fait de gloire avoir joué du clavier pour Bryan Ferry. Tout cela est contenu dans Stormy Monday qui y ajoute une dimension de film de gangster. Le cadre de Newcastle ravive bien sûr le souvenir de Get Carter de Mike Hodges (1971), le plus fameux des polars anglais situé dans la cité nordique britannique. C'est après avoir fait ses preuves avec The House (1984), téléfilm produit par Channel Four que Figgis obtient un modeste budget pour réaliser Stormy Monday. Le script va intéresser des producteurs américains qui amènent une plus-value prestigieuse avec le casting de Tommy Lee Jones et Melanie Griffith. Cet élément va amener une parenté supplémentaire par le personnage de malfrat américain en col blanc joué par Tommy Lee Jones, celle de The Long Good Friday de John Mackenzie (1980). On retrouve en effet cette opposition entre les gangsters américains arrogants venant faire sa loi dans une Angleterre qu'il considère arriérée et où il va se confronter aux pontes locaux. Ici ce sera Finney (Sting) patron d'un club de jazz qui gêne les ambitieux projets immobiliers de Cosmo (Tommy Lee Jones) qui va tenter de régler le problème avec toute la sournoiserie dont il est capable.

Cette facette policière n'est pourtant qu'une toile de fond au vrai sujet du film, la rencontre amoureuse entre les deux âmes solitaires Katie (Melanie Griffith) et Brendan (Sean Bean). Elle est l'âme damnée de Cosmo qui l'envoie coucher avec les notables locaux dont il recherche l'approbation, tandis que lui végète sans emploi ni avenir. Figgis travaille les petits hasards pour tisser à la fois cette trame amoureuse et le polar de façon à la fois candide (la bousculade de la première rencontre) et inéluctable pour installer le drame. On apprécie ce rapprochement fragile et naïf qui se fait très rapidement, sans dialogues appuyés et où l'on ressent par l'image et l'alchimie des acteurs le besoin des personnages de trouver une oreille pour les écouter, une épaule où poser la tête et des bras pour les enlacer. Cela passe par l'écrin très particulier que Figgis confère à sa Newcastle "natale", travaillant tour à tour les environnements gris et cotonneux où s'échappe le couple au petit matin, ou au contraire les intérieurs aux compositions de plans stylisée pour exprimer leur solitude - le montage alterné du réveil de Katie et Brendan. Par contre tous ce qui relève des club de jazz et des bars branchés gravitant autour fait preuve d'une sophistication où le réalisateur met en scène une sorte de Newcastle fantasmé gorgé de néons (qui rappelle un peu le travail d'un Neil Jordan pour Londres dans son Mona Lisa (1987)). Quel que soit le cadre, l'idée est cependant toujours pour le couple de s'isoler, physiquement ou simplement par la communion d'esprit et Figgis excelle à amener une connivence silencieuse. Les confidences sont rares et les personnages se comprennent instinctivement (superbe premier rendez-vous au bar), contrairement aux autres faisant passer leur volonté par la violence.

Tommy Lee Jones est excellent en mafieux/entrepreneur carnassier où l'on sent le cap criminel changeant avec cette figure aux accointances politiques et financières. Face à la lui Sting est sacrément charismatique en dandy du cru malicieux capable de faire plier "l'envahisseur" plein d'assurance. Il a ses quelques moments de gloire comme l'accueil qu'il réserve au deux hommes de mains venus le malmener à son bureau. La nonchalance tranquille et l'élégance du personnage est un des gros atouts du film. Parmi les quelques défauts on signalera tout de même la bande-son jazzy (forcément) mais un peu trop marquée 80's composée par Mike Figgis himself (ce qui sera d'ailleurs le cas sur tous ses films) mais rehaussée par les standards du genre, c'est d'ailleurs le morceau de T-Bone Walker Call It Stormy Monday (But Tuesday Is Just As Bad) qui donne son titre au film. Quelques tics de mise en scène très marqués 80's (certains ralentis clippesques dans le mauvais sens du terme) gêne un peu ici et là mais dans l'ensemble le film a vraiment un cachet singulier pour la période. Sean Bean encore gauche et mal dégrossi est très touchant et Melanie Griffith absolument magnifique et tendrement vulnérable. Le film attirera la lumière sur Mike Figgis qui entamera une carrière américaine dès son second film. Et sinon le personnage de Finney aura tellement marqué les esprits qu'il aura droit en 1994 à une série TV en six épisodes (où il est joué par David Morrissey) faisant office de préquel aux évènements du film. 4,5/6
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cinéfile
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Re: Mike Figgis

Message par cinéfile »

A noter la diffusion hier (sur Arte) d'un beau documentaire de M. Figgis sur Ronnie Wood (troisième et actuel guitariste des Stones, ancien Jeff Beck Group et Faces) :
Ronnie Wood : un destin nommé Guitar (titre original : Somebody up there likes me)
https://www.arte.tv/fr/videos/099728-00 ... e-guitare/

Dispo deux mois en streaming sur Arte.tv

Dommage que la VO ne soit pas disponible.
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Jeremy Fox
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Re: Mike Figgis

Message par Jeremy Fox »

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shubby
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Re: Mike Figgis

Message par shubby »

Chronique instructive, merci.
Je l'avais choppé à Noz çui-là. Ambiance plaisante, belle musicalité, mais léger de mémoire. Aérien, au mieux.
mannhunter
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Re: Mike Figgis

Message par mannhunter »

L'hommage de Mike Figgis à Julian Sands:

https://www.theguardian.com/film/2023/j ... lian-sands
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Thaddeus
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Re: Mike Figgis

Message par Thaddeus »

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Stormy monday
Figgis s’inscrit dans le courant d’un cinéma britannique en plein renouvellement, dont des auteurs aussi différents que Frears ou Leigh participaient à leur manière. Son premier film se distingue par la densité de ses éléments et par le caractère inattendu de certaines rencontres voulues dans le cadre de Newcastle, ville industrielle frappée par le tatchérisme et le culte de l’Amérique. Si la structure du scénario relève du polar, la mise en scène imbrique magouilles politicardes, règlements de comptes et romance avec un dandysme nonchalant et stylisé, et met en valeur chacun des personnages. L’atmosphère nocturne, jazzy et pluvieuse entretenue par des éclairages savants, le rythme nerveux, l’excellent casting mené par un Sting tout en ambigüité ajoutent au charme de cette ballade mi-réaliste mi-onirique. 4/6

Affaires privées
Flic incorruptibles de l’IGS contre poulet ripou, guerre acharnée des polices dans le cadre d’un Los Angeles que Figgis sait rendre particulièrement toxique. Rien de capital mais un thriller de très belle facture qui a le mérite d’adopter un point de vue presque documentaire en ne freinant jamais ses ambitions psychologiques. La forme est stylée juste ce qu’il faut, Richard Gere délectable d’ignominie en cynique agent du mal, vicieux, corrompu, pourri jusqu’à l’os, et Andy Garcia un parfait blanc chevalier qui vacille, imprégné d’un reste de jeunesse qui le rend fragile et désarmé. La fascination involontaire de l’un, l’ascendant imperceptible de l’autre, la perversité larvée de leur confrontation et de leurs jeux de déstabilisation sont filmés avec un sens affiné du suspense trouble et pénétrant. J’aime beaucoup. 5/6

Leaving Las Vegas
Hollywood adore les romances imprévues, la rencontre d’une call-girl et d’un milliardaire par exemple – ça donne Pretty Woman. Parfois la romance vire au cauchemar : la call-girl reste call-girl mais le milliardaire devient une loque qui s’ingurgite des quantités surhumaines de vodka et de bourbon. Dans le genre descente aux enfers crasseuse, le film se pose un peu là. Pas de complaisance pourtant dans ce double portrait d’un alcoolique paumé et d’une pute à la dérive, mais un désespoir suintant par toutes les pores de leur histoire d’amour, une crudité franche du collier qui restitue au plus près la logique suicidaire des deux losers, consumés par les lumières criardes d’un Las Vegas trivial. La chronique du marasme et de l’autodestruction est un peu appuyée, mais les deux acteurs sont épatants. 4/6

Time code
C’est un exercice de style pur jus, trop sage, prévisible et programmatique pour être véritablement expérimental, mais assez original pour garantir l’intérêt et fouetter l’instinct de jeu. L’écran y est divisé en quatre parties égales, déroulant autant de plan-séquences et de micro-histoires entrecroisées à la la manière d’Altman, et dont chaque personnage exécute sa partition en état de semi-improvisation acrobatique. Figgis reste maître du dispositif et impose le lieu où fixer le regard, par les changements de cadre, la bande-son, la porosité des fenêtres qui communiquent entre elles. Amours, tromperie, cynisme, crises existentielles : véritable miroir des vanités de la profession cinématographique, le film, qui tourne sur la fin au burlesque amer, possède le mérite d’assumer jusqu’au bout son principe formel. 4/6


Mon top :

1. Affaires privées (1990)
2. Stormy monday (1988)
3. Time code (2001)
4. Leaving Las Vegas (1995)

Un réalisateur polymorphe, discret et plutôt insaisissable, qui a su offrir quelques belles variations autour de genres précis (le polar, le mélo) en y affinant un style, une mélodie sans génie mais particulières. J’aime assez.
UnMecRandom
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Re: Mike Figgis

Message par UnMecRandom »

J'ai vu Affaires privées ce soir et je plussoie les précédents compliments. C'est vraiment un polar méconnu qui mérite absolument d'être (re)découvert. Je vais être court puisque beaucoup de choses ont été dites. J'ai énormément pensé à Serpico. Une version plus récréative du Lumet et avec la bonne ambiance des polars 90s. Là où le film est une réussite, c'est de la manière dont il arrive à entremêler corruption policière aux vies privées des flics. Cela donne une épaisseur bienvenue et une approche originale. Figgis réalise de bonne scènes d'action mais ce n'est pas là qu'est le principal. On est un peu dans une course poursuite à la mort dans un décor urbain poisseux. Il y a une petite ambiance malaisante qui parcourt le fil. Bien renforcé par le duel entre Andy Garcia et Richard Gere. Sur ce second, il est vraiment étonnant dans ce rôle de pourri et c'est dommage qu'il n'est pas été utilisé plus souvent dans ce genre contre-emploi maléfique. Il y a un mélange détonnant entre le côté lisse sexy de l'acteur et le côté vicieux de son personnage.
Bref, un vrai bon film et c'est étrange qu'il ne soit pas plus connu. C'est vraiment dans le haut du panier des polars 90s.
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innaperfekt_
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Re: Mike Figgis

Message par innaperfekt_ »

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Internal Affairs (1990)

Je pensais arriver tel le cinéphile ultime pouvant faire découvrir une pépite, mais c'était évident des éloges avaient déjà été prononcées ici pour ce si cool Internal Affairs. Quelle claque ! Série B de flic quasi-parfaite, qui m'a aussi fait penser à To Live & Die in LA ou encore Blue Steel et Deep Cover de Bill Duke. Je suis tellement client de ce genre de LA movie qui pue les années 90 (le grain de la version BR est superbe), dans une noirceur torride et envoutante. Y a des 501 remontés au-dessus des culs partout, des gueules de seconds couteaux qu'on a vu presque partout, des coupes en brosse à foison. C'est la classe totale. J'ai sans doute pas vu toute la filmographie de Richard Gere mais ça semble être ici son meilleur rôle à contre-emploi. Andy Garcia est aussi parfait dans une lente dégringolade vers la paranoïa et l'obsession. Tu ne vois absolument pas passer ces deux heures intenses et suffocantes au coeur des poulets ripoux, des conjugopathies violentes et des questionnements moraux si classiques des grand cop movie. Pas besoin de chaudement le recommander mais je le fais quand même.
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Supfiction
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Re: Top à Mike Figgis

Message par Supfiction »

AtCloseRange a écrit : 19 janv. 09, 22:39
Boubakar a écrit :Le monsieur n'a quand même pas fait grand-chose d'enthousiasmant...
Je pense pareil :?
Il y a quelques horreurs. J'avoue que son Pour Une Nuit m'est particulièrement détestable.
Pas tellement apprécié son Leaving Las Vegas mais je lui suis reconnaissant d'avoir relancé la carrière d'Elizabeth Shue.
« Relancée » très provisoirement au final car à part le Woody Allen et le Verhoeven (mineur), je ne vois pas grand chose de notable dans sa filmographie post Leaving Las Vegas, un film que moi j’aime beaucoup en revanche pour son joyeux désespoir.
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