Cronenberg sort du méga carton de The Fly, devient le type en vue d'Hollywood et des fans de fantastique. C'est donc une main libre et l'autre sur une liasse de biftons que le cinéaste canadien met en chantier Dead Ringers, histoire perchée et craspec autour de jumeaux, d'une star sur le retour (déjà dans l'univers du réalisateur) et d'un inceste qui ne dit pas son nom. Toutes les obsessions de l'auteur sont là, goût pour les corps en décomposition, la drogue comme moteur de la société contemporaine, le sexe comme objet dangereux, l'intelligence fascinée par la vulgarité (voir les très nombreux plans sur des programmes télé ineptes regardé par les jumeaux géniaux) etc. Dead Ringers ne se caractérise pas par des émotions fortes mais par un sentiment malsain, une ambiance inquiétante et camouflée qui plane au-dessus du sujet sans jamais foncer dans le tas, par des effets de répétition comme dans un mauvais cauchemar. Même si l'ombre du Cronenberg auteurisant commence légèrement à se faire sentir, le film est encore dans sa bonne période, froid mais fascinant, tordu mais touchant. En refaisant en match, on pourra toujours trouver un rythme qui traine les pieds, une durée qui aurait gagnée à être coupée d'une dizaine de minutes ou regretter que le réalisateur ne traite pas frontalement le sujet (à la De Palma dans Sisters) pour préférer passer par des thématiques évidentes (la schizophrénie, la régression, l’égocentrisme) et des scènes symboliques. Mais arrivé au générique de fin, la gêne est palpable, le cerveau se pose de multiples questions et certaines images iconiques restent en tête. Gagné !
Ouais, enfin à côté du de Palma (qui traiterait frontalement son sujte???), c'est un chef d'œuvre.
De toute façon, c'est un chef d'œuvre tout court et mon Crocro préféré.
Carlito Brigante a écrit :Y'en a-t-il parmi vous qui se sont frottés à son premier essai littéraire, Consumed ?
Oui : moi.
J'en disais ça :
Consumés - David Cronenberg
J'ai beau être fan de Crocro...pas pu aller jusqu'au bout. L'impression de lire un catalogue des obsessions de l'auteur (les déviances sexuelles, les mutations physiques, les insectes...cherchez pas, tout y est), mais calqué sur un récit qui n'avance pas, ou alors très laborieusement.
Il paraitrait qu'il n'a plus aucune envie de faire du cinéma, préférant se consacrer entièrement à l'écriture. J'espère qu'il va changer d'avis.
Ratatouille a écrit :Il paraitrait qu'il n'a plus aucune envie de faire du cinéma, préférant se consacrer entièrement à l'écriture. J'espère qu'il va changer d'avis.
Pourtant, avec le recul qui est le nôtre sur sa carrière, en parallèle de la trajectoire (grossièrement résumée, certes) de l'organique vers le psychologique, il y a celle d'un homme d'images vers un homme de lettres. Que Cronenberg abandonne le cinéma pour l'écriture, c'est une nouvelle mue logique. On peut le déplorer.
Ratatouille a écrit :Il paraitrait qu'il n'a plus aucune envie de faire du cinéma, préférant se consacrer entièrement à l'écriture. J'espère qu'il va changer d'avis.
Pourtant, avec le recul qui est le nôtre sur sa carrière, en parallèle de la trajectoire (grossièrement résumée, certes) de l'organique vers le psychologique, il y a celle d'un homme d'images vers un homme de lettres. Que Cronenberg abandonne le cinéma pour l'écriture, c'est une nouvelle mue logique. On peut le déplorer.
THE DEAD ZONE - David Cronenberg (1983) découverte
Voilà du David Cronenberg comme on en voit (verra ?) plus. The Dead Zone est un film faussement modeste, jamais tape à l’œil ou tirant vers de l'auteuriste auto-satisfait, mais est entièrement dédié au récit, aux personnages, le réalisateur s’immisce entre les lignes et non plus au milieu de l'écran. Crocro sort du carton (surprise) de Videodrome (1983), accepte la commande de Dino De Laurentiis d'adapter Stephen King (donc scénario en béton) tout en tirant le film vers son cinéma, doucement, sans jamais déchirer la couverture (comme il le refera en 1986 avec The Fly). The Dead Zone garde ses cartes pour la fin, multiplie les débuts d'intrigue avant de l'amener sur un terrain que l'on ne soupçonnait pas. Fascinant, tragique et politique, le film impressionne d'un bout à l'autre, laisse sa petite musique se faire et braque violemment durant la dernière demi-heure, notamment avec un Martin Sheen on fire. Mais c'est bien Christopher Walken qui porte le film, jamais je ne l'avais vu aussi touchant, oserais-je dire aussi humain (lui pourtant habitué aux rôles de psychos). The Dead Zone n'est-il pas finalement l'un de mes Cronenberg préférés ?
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
Kevin95 a écrit :Mais c'est bien Christopher Walken qui porte le film, jamais je ne l'avais vu aussi touchant, oserais-je dire aussi humain (lui pourtant habitué aux rôles de psychos). The Dead Zone n'est-il pas finalement l'un de mes Cronenberg préférés ?
Je pense la même chose. Et comme par hasard, le seul passage que je n'aime pas est le moment gore dans la baignoire, totalement inutile (encore que j'ai un rapport un peu ambigu avec le gore dans les Cronenberg, et peut-être même d'une manière générale : le gore de The Thing, par exemple, ne me dérange absolument pas).
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Kevin95 a écrit :Mais c'est bien Christopher Walken qui porte le film, jamais je ne l'avais vu aussi touchant, oserais-je dire aussi humain (lui pourtant habitué aux rôles de psychos). The Dead Zone n'est-il pas finalement l'un de mes Cronenberg préférés ?
Je pense la même chose. Et comme par hasard, le seul passage que je n'aime pas est le moment gore dans la baignoire, totalement inutile (encore que j'ai un rapport un peu ambigu avec le gore dans les Cronenberg, et peut-être même d'une manière générale : le gore de The Thing, par exemple, ne me dérange absolument pas).
Le gore chez Cronenberg est toujours malsain. Cette scène en particulier d'ailleurs est probablement une des plus dérangeantes de sa filmographie à mon sens.
gnome a écrit :Le gore chez Cronenberg est toujours malsain. Cette scène en particulier d'ailleurs est probablement une des plus dérangeantes de sa filmographie à mon sens.
Oui, je ne peux pas dire que je suis fan et en même temps, à part les tous premiers (Rage et cie), je les ai tous vus à partir de Chromosome 3. C'est vraiment un rapport de fascination et aussi un plaisir esthétique, ses films étant toujours impeccablement cadrés et réalisés.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.
m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Kevin95 a écrit :Mais c'est bien Christopher Walken qui porte le film, jamais je ne l'avais vu aussi touchant, oserais-je dire aussi humain (lui pourtant habitué aux rôles de psychos)
Allez, j'ose le dire : c'est pour moi son plus grand rôle. Et plus globalement, je pense même que c'est l'une des plus grandes interprétations de l'histoire du cinéma US. Oui oui j'ai peur de rien, je suis un kamikaze.
Kevin95 a écrit :THE DEAD ZONE - David Cronenberg (1983) découverte
Voilà du David Cronenberg comme on en voit (verra ?) plus. The Dead Zone est un film faussement modeste, jamais tape à l’œil ou tirant vers de l'auteuriste auto-satisfait, mais est entièrement dédié au récit, aux personnages, le réalisateur s’immisce entre les lignes et non plus au milieu de l'écran. Crocro sort du carton (surprise) de Videodrome (1983), accepte la commande de Dino De Laurentiis d'adapter Stephen King (donc scénario en béton) tout en tirant le film vers son cinéma, doucement, sans jamais déchirer la couverture (comme il le refera en 1986 avec The Fly). The Dead Zone garde ses cartes pour la fin, multiplie les débuts d'intrigue avant de l'amener sur un terrain que l'on ne soupçonnait pas. Fascinant, tragique et politique, le film impressionne d'un bout à l'autre, laisse sa petite musique se faire et braque violemment durant la dernière demi-heure, notamment avec un Martin Sheen on fire. Mais c'est bien Christopher Walken qui porte le film, jamais je ne l'avais vu aussi touchant, oserais-je dire aussi humain (lui pourtant habitué aux rôles de psychos). The Dead Zone n'est-il pas finalement l'un de mes Cronenberg préférés ?
En attendant de redécouvrir "Faux semblants", c'est probablement mon Cronenberg préféré, en tout cas celui qui m'a le plus touché, même si son auteur ne le place pas dans ses films favoris...une belle édition Blu Ray serait la bienvenue!
Kevin95 a écrit :Mais c'est bien Christopher Walken qui porte le film, jamais je ne l'avais vu aussi touchant, oserais-je dire aussi humain (lui pourtant habitué aux rôles de psychos)
Allez, j'ose le dire : c'est pour moi son plus grand rôle. Et plus globalement, je pense même que c'est l'une des plus grandes interprétations de l'histoire du cinéma US. Oui oui j'ai peur de rien, je suis un kamikaze.