Costa-Gavras

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Boubakar
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Re: Costa Gavras

Message par Boubakar »

Commissaire Juve a écrit :EDIT 2 : oooh, je vois que lorsqu'il est sorti en VHS -- chez nous -- c'était Warner qui s'en était occupé. Eh bien : Messieurs Warner, vous seriez bien aimables de le sortir en DVD.
Costa-Gavras avait parlé de ça il y a plus d'un an et ça serait Warner qui bloquerait la sortie ; il pensait même aller au procès pour débloquer la situation.
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Commissaire Juve
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Re: Costa Gavras

Message par Commissaire Juve »

Carrément ? Quelle bande de malfaisants. :?
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Re: Costa Gavras

Message par Federico »

Costa Gavras s'est exprimé toute cette semaine dans l'émission A voix nue.
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Demi-Lune
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Re: Costa Gavras

Message par Demi-Lune »

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L'avantage du cycle Costa-Gavras sur Arte, outre de découvrir les restaurations, c'est la programmation d'un de ses films les moins connus : Hanna K. (1983). Compte tenu de l'inspiration du cinéaste à cette époque, on pouvait espérer se trouver face à un trésor injustement tombé dans l'oubli, mais force est de constater malheureusement qu'il ne s'agit pas d'une vraie réussite. Quelques années avant Music box, Costa-Gavras essaie de mêler le portrait de femme (avocate) sur la brèche avec un grand sujet d'Histoire (en l'occurrence, le conflit israélo-palestinien). La méconnue Jill Clayburgh incarne avec conviction cette Hanna Kaufman qui se retrouve à défendre un énigmatique Palestinien, arrêté pour clandestinité. Qui est vraiment cet homme ? Tourné en Israël durant la brûlante année 1982, le film marque pour ses images mordorées de Jérusalem, ses paysages lunaires, ses ruines. Le film se montre intéressant quand il se focalise sur la gravité de sa problématique (même si on a connu Costa beaucoup plus incisif), mais il veut surtout courir d'autres lièvres en même temps, et on ne peut pas dire que toute la dimension privée, avec la grossesse et les deux prétendants, soit probante. Ça ne fonctionne pas, c'est écrit et joué sans conviction, avec une ou deux aberrations scénaristiques. Jean Yanne a franchement l'air de se demander ce qu'il fout là et Gabriel Byrne est raide comme un piquet. Le tout de s'achever piteusement dans un espèce de vaudeville incompréhensible. Forcément décevant.
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Jeremy Fox
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Re: Costa Gavras

Message par Jeremy Fox »

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Z - 1969

Un film dossier sous la forme d'un thriller politique fortement engagé contre le futur régime des colonels en Grèce par l'intermédiaire de cette histoire d'un homme politique de gauche assassiné lors d'un meeting et l'enquête qui s'ensuit. Je dois avouer qu'aujourd'hui la mise en scène de Costa Gavras, la construction de ses récits avec un montage assez cut et d'incessantes incursions de brefs flash-back, cette direction d'acteur qui tend souvent vers la caricature (les personnages sont pour beaucoup dans le pittoresque ; voir George Géret et sa soeur), ce constant recul par une certaine ironie, auraient plutôt tendance désormais à m'amoindrir la puissance de la démonstration et la portée du message progressiste. Si je ne me suis pas trop ennuyé, j'ai trouvé le film assez lourd et finalement bien moins puissant et captivant que les films français du même style signés Lautner (Mort d'un pourri) ou Verneuil (Mille milliards de dollars ; I comme Icare). Ceci étant dit, j'aime toujours autant les scènes de foule du début, la hargne dont fait preuve le cinéaste lorsqu'il filme les séquences de passage à tabac. Dommage que le film ne m'ait pas fait cet effet tout du long.

5/10
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Thaddeus
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Re: Costa Gavras

Message par Thaddeus »

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Compartiment tueurs
Fort d’un solide bagage cinéphile, ayant suivi les cours de l’IDHEC et assisté René Clair ou Jacques Demy, Costa-Gavras témoigne pour son premier film d’une étonnante maîtrise de la caméra. Son style très nerveux, physique et toujours mobile, excelle à restituer une atmosphère tendue où la menace est omniprésente, dans les bars et les ruelles, les cages d’ascenseurs et les transports parisiens, tous ces lieux banals devenus les champs d’action d’un tueur insaisissable. Mené à un rythme haletant, offrant à un casting assez phénoménal l’occasion de briller dans les registres de l’inquiétante étrangeté (Denner, Piccoli), de l’innocence (le jeune couple Perrin-Allégret) ou de la cocasserie (presque tous les autres), le polar entretient un suspense qui nous empoigne sans discontinuer. De sacrés débuts. 5/6

Un homme de trop
Dans la lignée des grands films ayant incompréhensiblement manqué leur rencontre avec l’histoire du cinéma, celui-ci pourrait tenir une place de choix. Servi par une distribution en or massif qui investit chacun des personnages au ras de la chair, le cinéaste met à l’amende tout ce qui a été consacré lors des années 60-70 à la seconde guerre mondiale et à la résistance. La tension du sujet et les nœuds problématiques qui s’y tressent sont prodigieusement véhiculés par la puissance de feu d’une mise en scène en état d’incandescence, qui semble avoir assimilé les audaces les plus intuitives et viscérales de la modernité. Du brio technique inouï, de l’âpreté sans concession, de l’intransigeante lucidité à fixer loin de tout romantisme la réalité de la lutte maquisarde, impossible de savoir ce qu’il faut le plus admirer face à ce trésor méconnu. 5/6
Top 10 Année 1967

Z
Fiction politique, fiction du réel, fiction de gauche… Les étiquettes ont fleuri pour cette dénonciation des méthodes et compromissions de la junte militaire au pouvoir en Grèce à l’époque. Décrivant la schizophrénie et la paralysie corrompue d’un pays dans lequel on se sert des collaborateurs d’hier pour faire taire les opposants d’aujourd’hui, Costa-Gavras livre une charge coup-de-poing contre le totalitarisme, qui métaphorise de façon à peine voilée l’avènement d’une dictature. C’est du grand cinéma engagé dont la puissance de conviction puise dans toutes les armes du cinéma : le montage sec, l’investissement des acteurs, l’intrigue dense et serrée se mettent synergiquement au service du décryptage opéré par l’auteur, celui d’un état qui bascule dans le fascisme, et celui d’une conscience qui s’y oppose. 5/6
Top 10 Année 1969

L’aveu
Militantisme fiévreux et intelligence dans la façon de le faire valoir, là encore. Inspiré du témoignage d’Artur London, ancien membre des Brigades internationales et de la résistance, Costa-Gavras poursuit son virulent réquisitoire et se penche cette fois sur l’épuration du parti communiste tchèque de 1952. Il braque sa caméra sur l’insoutenable processus d’aliénation des régimes para-soviétiques en Europe de l’Est, suivant le calvaire d’un homme que la machine étatique s’efforce de plier à sa volonté. L’enfer des geôles néostaliniennes, l’horreur des tortures physiques et psychologiques, la logique monstrueuse de la soumission au parti sont dévoilées avec une force imparable, et l’impact de l’accusation est renforcé par l’interprétation intense d’un Montand émacié, fébrile, habité. 5/6

État de siège
Dénonciation politique, troisième chapitre. Costa-Gavras revient à l’inspiration de Z en une analyse précise des étapes menant un pays d’Amérique du Sud à un régime dictatorial. En éclairant le rôle occulte tenu par la CIA, son accointance avec les groupes révolutionnaires armés et les actions paramilitaires menées au profit d’intérêts économiques contradictoires avec le bien-être du peuple, le film efface toute afféterie au profit d’une sobriété quasi-documentaire, malgré la complexité d’une narration faite de retours en arrière et de montages parallèles. Quant à l’analyse marxiste des rapports de force dans la sphère latino-américaine, elle témoigne des aspirations idéologiques d’une époque en profonde mutation. Un suspense captivant et parfaitement maîtrisé. 4/6

Section spéciale
De son propre aveu, le réalisateur dit ne traiter dans tous ses films que d’un seul sujet : l’étude des rapports entre l’individu et le pouvoir. En se penchant sur un sinistre épisode de la collaboration qui vit le zèle du régime de Vichy aboutir à la condamnation à mort de six résistants innocents de l’attentat dont ils étaient accusés, il porte le fer dans une plaie peu agréable à panser. Une armada de vedettes et de seconds rôles parmi les plus en vue du cinéma français des années 70 vient apporter incarnation et vigueur à ce réquisitoire froidement objectif, dont la sécheresse procédurière (longs conciliabules dans des bureaux du ministère ou de la magistrature, parodies de procès joués d’avance…) éclaire l’inexorable sacrifice de la justice et de la conscience individuelle sur l’autel de la raison d’état. 4/6

Clair de femme
Des acteurs (pas mauvais mais démunis) récitent à la lettre les paroles posées sur la page blanche par Romain Gary. Le test est cruel : elles ne passent pas, l’émotion est coupée net. La sobriété proclamée ne suffit pas à authentifier un mélodrame bourgeois constamment frileux, gêné aux entournures, d’un humour noir assez pénible, encombré d’un bout à l’autre par son insistant surmoi littéraire. L’amphigouri des répliques ne fait que souligner le factice des situations, et la fausse désinvolture, les digressions, à masquer l’incapacité de l’auteur à traiter son vrai sujet : celui du défi que la vie (donc l’amour) jette à la mort et à l’absence. On a l’impression, entre ces deux amants sans joie, d’une joute funeste où se dispute le titre du plus malheureux. Or à ce petit jeu, le plus à plaindre est bel et bien le spectateur. 2/6

Missing
Le sujet politique d’État de siège est ici approfondi de manière plus intime avec le drame familial d’un père emporté dans la tourmente. Au fil de sa recherche à travers les hôpitaux, les bureaux, les prisons, il découvre l’écœurant dessous des cartes et prend la mesure des valeurs de la vie. Costa-Gavras montre tout cela sans ostentation ni lyrisme mais sans froideur, sans un détail de trop mais avec ceux qui tisonnent notre imagination et notre réflexion. Une fois de plus, il livre une œuvre qui a valeur de témoignage historique (c’est une radiographie implacable du coup d’état chilien et du régime de Pinochet), mais l’intègre dans une sensibilité plus directement émouvante qui doit beaucoup à Jack Lemmon et Sissy Spacek, dont l’angoisse contrôlée fait écho à la neutralité brûlante du metteur en scène. 5/6

Music box
Investissant cette fois le genre fertile du film de procès, le réalisateur compose une chronique judiciaire dont la dynamique narrative s’inféode exclusivement au doute croissant de son héroïne, attaquant sur un angle original la question de l’horreur nazie. Le cas de conscience est fort et ouvre sur des perspectives passionnantes : le rapport filial, l’identité, la mémoire, l’héritage culturel volant en éclats sous la révélation progressive d’une vérité inconcevable. Réflexion sur l’interpénétration de l’Amérique avec la vigilance des survivants de la barbarie, le thriller, plein d’une noble gravité, dévoile avec passion les arcanes de la justice des USA, et rejette les conventions du genre pour réaffirmer ces vérités souvent oubliées : les hommes ont souvent double fond, la bête immonde n’est jamais loin. 4/6

Amen.
Le cinéaste reprend son thème fétiche de l’homme seul broyé par un système totalitaire et s’engage dans un sujet périlleux avec probité et courage, fuyant la caricature, cherchant seulement l’irréalité d’un pouvoir temporel dévoyé. Il aborde la Shoah à travers un double combat mis en parallèle mais aux mêmes finalités : rejeter un ordre établi injuste, ne pas rester simple spectateur, avertir le monde et l’opinion de l’horreur en marche, et notamment de l’inertie coupable du Vatican et du silence assourdissant de Pie XII. La résonance et l’universalité du propos assurent un intérêt constant, que la maîtrise tranquille et sans esbroufe du cinéaste alimente avec une humilité toujours au service de son propos. Un film sobre et utile, de cette utilité nécessaire qui a toujours été la marque de l’auteur. 4/6

Le couperet
Thriller social à la tonalité mi-glaçante, mi-sarcastique, un peu en marge des œuvres précédentes. José Garcia y personnifie les dérives et le désespoir d’un individu dévoré par le capitalisme cannibale et la sauvagerie feutrée de la guerre économique, contraint pour survivre de procéder à l’exécution pure et simple de ses rivaux. L’image est radicale, mais Costa-Gavras maintient le cap d’un thriller réaliste : son tueur en série est l’avorton pathologique d’une société sans âme qui se moque des moyens et consacre l’individu roi. Angoisse du chômage, concurrence exacerbée, incidence du travail sur la vie privée, peur généralisée… : si le constat se veut tragique et sans appel, le ton est grinçant mais pas dénué de compassion. Le mélange d’accusation à charge et d’humour noir s’avère efficace. 4/6


Mon top :

1. Un homme de trop (1967)
2. Z (1969)
3. L’aveu (1970)
4. Compartiment tueurs (1965)
5. Missing (1982)

Le réalisateur engagé et militant entre tous, qui a toujours su employer intelligemment les moyens du cinéma pour faire passer son discours. Son œuvre est un témoignage passionnant des dérives politiques et sociales du monde contemporain.
Dernière modification par Thaddeus le 16 déc. 23, 21:42, modifié 5 fois.
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Re: Costa Gavras

Message par Père Jules »

Jeremy Fox a écrit :Image


Z - 1969

Un film dossier sous la forme d'un thriller politique fortement engagé contre le futur régime des colonels en Grèce par l'intermédiaire de cette histoire d'un homme politique de gauche assassiné lors d'un meeting et l'enquête qui s'ensuit. Je dois avouer qu'aujourd'hui la mise en scène de Costa Gavras, la construction de ses récits avec un montage assez cut et d'incessantes incursions de brefs flash-back, cette direction d'acteur qui tend souvent vers la caricature (les personnages sont pour beaucoup dans le pittoresque ; voir George Géret et sa soeur), ce constant recul par une certaine ironie, auraient plutôt tendance désormais à m'amoindrir la puissance de la démonstration et la portée du message progressiste. Si je ne me suis pas trop ennuyé, j'ai trouvé le film assez lourd et finalement bien moins puissant et captivant que les films français du même style signés Lautner (Mort d'un pourri) ou Verneuil (Mille milliards de dollars ; I comme Icare). Ceci étant dit, j'aime toujours autant les scènes de foule du début, la hargne dont fait preuve le cinéaste lorsqu'il filme les séquences de passage à tabac. Dommage que le film ne m'ait pas fait cet effet tout du long.

5/10
Je trouve que Section spéciale se démarque un peu de la trilogie Z-L'aveu-Etat de siège de ce point de vue. C'est un film plus fin dans sa description des mécanismes qu'on qualifiera de "totalitaires" pour aller vite. La présence du personnage de Jean Bouise (et de Galabru) aide notamment à amener un peu de gris dans ce cinéma finalement très peu nuancé et d'un militantisme fatiguant. J'ai un souvenir un peu vague de ces trois films mais on en sort plus convaincu qu'intelligent à mon sens.
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Jeremy Fox
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Re: Costa Gavras

Message par Jeremy Fox »

Père Jules a écrit : Je trouve que Section spéciale se démarque un peu de la trilogie Z-L'aveu-Etat de siège de ce point de vue. C'est un film plus fin dans sa description des mécanismes qu'on qualifiera de "totalitaires" pour aller vite. La présence du personnage de Jean Bouise aide notamment à amener un peu de gris dans ce cinéma finalement très peu nuancé et d'un militantisme fatiguant. J'ai un souvenir un peu vague de ces trois films mais on en sort plus convaincu qu'intelligent à mon sens.
Même avis même si le militantisme peut pour moi ne pas être du tout fatiguant avec un minimum de retenue et de nuances justement. Revu Section spéciale la semaine dernière qui m'a un peu plus convaincu.

Un paramètre qui doit jouer aussi en ce moment me concernant ; étant en plein West Wing depuis un mois, la série vole tellement haut dans le domaine de la politique et du militantisme (car les valeurs de gauche sont là aussi fortement défendues) que ce genre de film fait vraiment très insignifiant à côté, ne lui arrivant pas à la cheville niveau intelligence du propos. Ca doit jouer je pense.
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Demi-Lune
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Message par Demi-Lune »

Jeremy Fox a écrit :cette direction d'acteur qui tend souvent vers la caricature (les personnages sont pour beaucoup dans le pittoresque)
C'est cette fragilité qui m'empêche à chaque fois de considérer Z comme une grande réussite. On peut y voir un film très important sur le plan de l'Histoire du cinéma (toute la récupération des techniques narratives par les Américains) et même sur le plan de l'Histoire tout court, mais la légèreté incompréhensible qui s'immisce, ponctuellement, dans un drame politique à faire froid dans le dos, porte préjudice à sa force. Il aurait fallu garder ce ton implacable de bout en bout, conserver cette apnée qui prévaut pendant toute la première partie avec Montand, qui est un gros morceau de Cinéma (l'urgence, le bouillonnement de cocotte-minute, la violence des passages à tabac, le style semi-documentaire, cette séquence incroyable où un des personnages course le triporteur et se livre à un mano à mano acharné avec Yago avant éjection brutale sur le bitume). Le personnage de Marcel Bozzuffi, proche du cartoon lorsqu'il sautille de joie ou s'échappe en ricanant comme un Gremlin dans les couloirs de l'hôpital, me fait par exemple chaque fois grincer des dents. C'est trop grossier, ça n'a rien à foutre là. Même scepticisme au sujet du cast de Julien Guiomar... j'aime ce comédien mais il dénote au milieu d'un casting "sérieux", là où le pari ironique de Costa-Gavras sera mieux négocié dans Section spéciale.
Bref, des maladresses dans un film qui demeure pour autant remarquable : je suis fasciné par la puissance d'engagement du cinéma - en l'occurrence européen - de la seconde moitié des années 1960, ce brio bien dans l'air du temps à conjuguer de vraies audaces dans la forme ou la narration à un propos sans tabou, grâce au courage d'une poignée d'artistes qui mettaient leurs burnes sur la table (notamment Jacques Perrin pour le financement). Bon dieu, il y a de quoi être nostalgique. Ne serait-ce que par rapport à cette simple galerie de gueules ou de voix du cinéma français, des comédiens que j'adore retrouver comme Charles Denner (je crois que c'est mon personnage favori du film) ou Bernard Fresson. Et évidemment Montand et Trintignant, avec ses fameuses lunettes fumées et son timbre nasillard déclamant "nom, prénom, profession!". Z reste en-dessous de L'aveu, qui est le chef-d’œuvre de son réalisateur, mais c'est un film qui donne foi dans le Cinéma, jusque dans les derniers plans funestes, qui ouvrent le Cinéma sur une ampleur extraordinaire. L'Histoire est en suspens.
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Jeremy Fox
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Re: Costa Gavras

Message par Jeremy Fox »

Demi-Lune a écrit : Il aurait fallu garder ce ton implacable de bout en bout, conserver cette apnée qui prévaut pendant toute la première partie avec Montand, qui est un gros morceau de Cinéma (l'urgence, le bouillonnement de cocotte-minute, la violence des passages à tabac, le style semi-documentaire, cette séquence incroyable où un des personnages course le triporteur et se livre à un mano à mano acharné avec Yago avant éjection brutale sur le bitume). Le personnage de Marcel Bozzuffi, proche du cartoon lorsqu'il sautille de joie ou s'échappe en ricanant comme un Gremlin dans les couloirs de l'hôpital, me fait par exemple chaque fois grincer des dents. C'est trop grossier, ça n'a rien à foutre là. Même scepticisme au sujet du cast de Julien Guiomar... j'aime ce comédien mais il dénote au milieu d'un casting "sérieux", là où le pari ironique de Costa-Gavras sera mieux négocié dans Section spéciale.
C'est exactement ça en ce qui me concerne.

Après je n'enlève rien au courage des auteurs que je salue même au contraire.
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Re: Costa Gavras

Message par Demi-Lune »

Père Jules a écrit :J'ai un souvenir un peu vague de ces trois films mais on en sort plus convaincu qu'intelligent à mon sens.
PJ, il faut vraiment que tu revoies L'aveu. C'est, bien sûr, un film politique, mais c'est aussi un formidable drame sur la résistance d'un homme plongé dans une situation kafkaïenne.
État de siège est remarquable également, même si un ton en-dessous.
Je n'aime pas le cinéma lorsqu'il vire au tract grossier, et ces films ne m'en ont jamais fait l'effet, malgré leurs convictions.
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Re: Costa Gavras

Message par Johnny Doe »

Jeremy Fox a écrit : Z - 1969

Un film dossier sous la forme d'un thriller politique fortement engagé contre le futur régime des colonels en Grèce par l'intermédiaire de cette histoire d'un homme politique de gauche assassiné lors d'un meeting et l'enquête qui s'ensuit. Je dois avouer qu'aujourd'hui la mise en scène de Costa Gavras, la construction de ses récits avec un montage assez cut et d'incessantes incursions de brefs flash-back, cette direction d'acteur qui tend souvent vers la caricature (les personnages sont pour beaucoup dans le pittoresque ; voir George Géret et sa soeur), ce constant recul par une certaine ironie, auraient plutôt tendance désormais à m'amoindrir la puissance de la démonstration et la portée du message progressiste. Si je ne me suis pas trop ennuyé, j'ai trouvé le film assez lourd et finalement bien moins puissant et captivant que les films français du même style signés Lautner (Mort d'un pourri) ou Verneuil (Mille milliards de dollars ; I comme Icare). Ceci étant dit, j'aime toujours autant les scènes de foule du début, la hargne dont fait preuve le cinéaste lorsqu'il filme les séquences de passage à tabac. Dommage que le film ne m'ait pas fait cet effet tout du long.

5/10
Je me retrouve assez dans ton avis pour ce film que j'ai découvert il y a quelques mois. J'ai trouvé ça assez fascinant sur la forme, mais en même temps ça donne une artificialité au film, une distance, qu'agrandissent encore les personnages (dans leurs jeux et leur caractérisation). C'est un drôle de film, pas du tout celui auquel je m'attendais (je pensais trouver un film plus scolaire), qui a sûrement dû influencé pas mal de monde (rien que cette ouverture ultra-cut, bourrée d'ironie), mais aura eu bien du mal à me captiver. J'ai même trouvé que, dans sa liberté de ton et dans celle de sa réalisation, le film était un peu fouillis, avec un rythme en dents de scies.

Je reste quand même impatient de découvrir Section Spéciale et L'Aveu que j'ai enregistré.
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Re: Costa Gavras

Message par Watkinssien »

Damned, Z demeure toujours mon Costa-Gavras favori et je suis toujours aussi enthousiaste de tous les compartiments de fabrication du film.

C'est l'un des plus insolites films dossiers jamais faits. Là où certains y voient une sorte de fouillis et de confusion, j'y ressens une totale expérience de cinéma, qui m'emmène d'un ton à un autre avec une folie jubilante. Je trouve que c'est la force du film au contraire, ce passage du clinique au grotesque, de la comédie au drame psychologique, de la caricature à la méticulosité des reconstitutions, de la nuance au bourrin. C'est réellement un film-monde, avec tous ses paradoxes.
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Re: Costa Gavras

Message par moonfleet »

Jeremy Fox a écrit :Image


Z - 1969

Ceci étant dit, j'aime toujours autant les scènes de foule du début, la hargne dont fait preuve le cinéaste lorsqu'il filme les séquences de passage à tabac.
L'une de mes plus fortes impressions concernant les scènes de torture dans un cadre de pouvoir totalitaire, est celle du chef d'oeuvre de Fritz Lang Man Hunt, elle se déroule hors-champ, on voit seulement le personnage interprété par Walter Pidgeon avant et ...après (il ne peut plus marcher et est soutenu par deux soldats nazis hyper balèzes), mais l'interrogatoire mené auparavant par le major allemand (joué par un George Sanders en grande forme) et un docteur inquiétant nous a déjà conditionné pour la violence à venir.
Dernière modification par moonfleet le 16 févr. 16, 19:50, modifié 1 fois.
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Re: Costa Gavras

Message par moonfleet »

Demi-Lune a écrit : PJ, il faut vraiment que tu revoies L'aveu. C'est, bien sûr, un film politique, mais c'est aussi un formidable drame sur la résistance d'un homme plongé dans une situation kafkaïenne.
En parlant de Kafka cela me fait penser au superbe film éponyme de Steven Soderbergh, qui est aussi un film politique, même si c'est une situation peut être fantasmée par le héros (un écrivain), il évolue dans un système paranoïaque et totalitaire...
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