Costa-Gavras

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Ouf Je Respire
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Re: Costa-Gavras

Message par Ouf Je Respire »

"Les dents de la mère", je crois.
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tchi-tcha
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Re: Costa-Gavras

Message par tchi-tcha »

tenia a écrit : 1 déc. 21, 17:24 N'empêche que j'aimerais bien savoir le titre du 2e film, afin de le conseiller à mes amis ayant des gamins de 7 ans.
Si tu passais moins de temps à embêter Coxwell dans un topic douteux, si tu passais plus souvent dans le topic des recherches de titres de films, tu saurais que Alexandre Angel a déjà donné la réponse...
:roll:

Pour recentrer le débat, je crois qu'il y a davantage de légèreté dans les derniers messages ici que dans toute la filmographie de Costa-Gavras...
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tenia
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Re: Costa-Gavras

Message par tenia »

J'avoue effectivement ne jamais aller (ou presque) dans le topic de recherches de titres, car je suis de très peu d'aide en la matière (mais je vais y aller pour découvrir celui-ci...).
fudoh
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Re: Costa-Gavras

Message par fudoh »

-magik- a écrit : 30 nov. 21, 19:09 c’est quand même un message assez classique qu’on voit sur plein de dvd. Et on ne se pose pas la question ensuite de savoir si chaque film avait cet avertissement en salles.
Je suis content de voir qu'au moins une personne s'est donné la peine de réfléchir à la question :?

C'est justement le but de ma démarche. Je cherche à purger tout élément n'ayant pas existé à l'époque en salle afin de reproduire au plus près l'authenticité des films qui ont plus tard été redistribués sur le marché du home cinéma et dont les logos ont été changés ou certaines indications ajoutées (copyright, date de restauration, retranscription/traduction des crédits, etc...). Raison pour laquelle je les édite.
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Profondo Rosso
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Re: Costa-Gavras

Message par Profondo Rosso »

La Main droite du diable (1988)

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Cathy, jeune débutante du F.B.I., est chargée d'enquêter sur l'assassinat d'un animateur de radio de Chicago connu pour ses émissions provocatrices. Ses recherches la conduisent auprès de Gary Simmons, pacifique fermier, ancien combattant du Vietnam. Cathy tombe bientôt amoureuse de cet homme tranquille qui lui semble bien inoffensif. Mais Gary qui n'arrive pas a abattre un cheval blesse va lui réserver de bien grandes surprises quant a ses points de vues idéologiques et sa froideur devant ceux qu'il considère comme ses ennemis.

La Main droite du diable est le second film américain de Costa-Gavras qui, tout comme dans les célébrés Missing (1982) qui précède et Music Box (1989) qui suivra, associe parfaitement efficacité américaine et l'engagement de ses brûlots politiques européens. Le scénario de Joe Eszterhas s'inspire d'un vrai fait divers qui vit en 1984 Robert Jay Mathews et son association suprémaciste blanche assassiner l'animateur radio Alan Berg - un drame qui inspirera aussi Talk Radio (1988) d'Oliver Stone. On y greffe ici un récit d'infiltration policière en suivant l'agent du FBI Cathy (Debra Winger) plongeant dans une certaine Amérique rurale afin de remonter le fil des meurtriers. L'ouverture du film nous fait découvrir, d'abord de façon abstraite puis brutalement concrète, le pan le plus haineux, raciste et intolérants de la société américaine à travers les auditeurs intervenant à l'antenne de la radio puis lors de la fatale expédition contre l'animateur. L'imagerie americana bucolique, chaleureuse mais désespérément blanche et nostalgique domine les premiers pas de Cathy dans cet environnement, à l'image du charmeur Gary Simmons (Tom Berenger), veuf et père de famille bienveillant. C'est un cadre et un homme auquel il est tenté de céder pour la jeune femme qui va progressivement découvrir l'envers du décor. C'est une petite musique de fond où l'on blague en passant sur les "négros", on se plaint des "arabes" et l'on vocifère contre les "cocos", chaque désagrément financier, sociétal ou simplement quotidien trouvant sa faute chez l'autre, celui qui n'est pas blanc et américain.

Debra Winger qui représente encore (notamment grâce à Tendres Passions de James L. Brooks) une certaine idée candide de l'Amérique voit progressivement se déployer cette facette monstrueuse et intolérante. C'est d'autant plus intéressant d'aborder un récit d'infiltration à travers un protagoniste féminin, accentuant presque naturellement le sentiment de danger et soulevant des questionnements moraux de façon différente. Réellement tombée amoureuse de Simmons, elle découvre après lui avoir cédé la place qu'occupe la femme dans son monde, assignée aux tâches domestiques et supposée suivre aveuglément son idéologie. Cette bascule se ressent dans les scènes d'amour, lorsque dans la première Cathy réfréné l'ardeur de son amant pour un rapport plus tendre, puis dans la seconde où une fois révélé son vrai jour raciste il se montre férocement dominant. Si elle est de ce mauvais côté de la loi le jouet d'une idéologie et d'un état d'esprit, au sein du F.B.I. elle est tout autant soumise à l'ambition et au cynisme de ses supérieurs, dont un (John Heard) avec lequel elle a entretenu une relation amoureuse. Costa-Gavras anticipe et enrichi même une des problématiques à venir de Le Silence des Agneaux de Jonathan Demme (1991) sur la place de la femme dans un environnement d'hommes, les suprémacistes, le F.B.I., et le symbole du pouvoir au sens large formant une même boucle de violence et de duplicité - notamment la dernière partie où la couverture de Cathy est éventée par une fuite interne.

C'est néanmoins l'immersion plus que le suspense /thriller qui intéresse Costa-Gavras ici. La plongée dans l'Amérique suprémaciste donne à voir une réalité sidérante où endoctrinement précoce (la fillette Rachel assénant innocemment les horreurs inculquées par son père), culte des armes et complotisme forment un tout séparant les patriotes du reste du monde. Le vase-clos des réunions, la ritualisation de la haine par la violence et le discours nous plonge dans un cadre suffocant où l'écœurement de l'héroïne fonctionne à plein. Sous ce regard sans fard, le réalisateur dépasse la caricature par une solide étude de caractère. La discussion de Cathy avec le brave type Shorty (John Mahoney) autour du feu fait glisser les maux ordinaires vers des solutions insoutenables avec le plus grand des naturels. Tom Berenger offre une prestation assez fascinante en fanatique tout à tour avenant et détestable, amoureux sincère dont le dilemme final est réellement touchant malgré ses idéaux abjects. C'est captivant de bout en bout et porté par une conclusion ambiguë qui entérine pleinement la patte de Costa-Gavras dans ce projet. 4,5/6
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Profondo Rosso
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Re: Costa-Gavras

Message par Profondo Rosso »

Section spéciale (1975)

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1941. Suite à l'assassinat d'un officier allemand par un jeune militant communiste, Pierre Pucheu, le ministre de l'Intérieur auquel les pleins pouvoirs viennent d'être attribués, tente de faire voter une loi d'exception pour juger six autres militants...

Section spéciale s'inscrit dans le cycle des films politiques de Costa-Gavras où il est précédé par Z (1969), L'Aveu (1970) et État de siège (1972). Contrairement à ces derniers où il prenait souvent des contextes de fiction tout en s'inspirant d'évènement politiques de l'époque ( le coup d'État instaurant la dictature des colonels en Grèce pour Z,l'enlèvement de Dan Mitrione, agent du FBI sous couverture de l'AID, par les Tupamaros en 1970), Section spéciale prend un contexte historique bien réel et douloureux pour la France. Le Chagrin et la pitié de Marcel Ophüls (1969) et Lacombe Lucien de Louis Malle (1974) s'étant chargés entretemps d'effacer le mythe de la France toute "résistante" durant l'occupation, le cinéma peut alors s'attaquer aux nombreuses et méconnues injustices qui ont parcourues cette période.

Dans Section spéciale il s'agira de montrer le jugement et l'exécution arbitraire que réalisa le gouvernement de Vichy afin de faire bonne figure auprès de l'occupant allemand suite au meurtre d'un officier allemand par un jeune militant communiste. Costa-Gavras se montre didactique et méthodique pour nous montrer l'escalade des évènements. Ce sera tout d'abord la forme d'improvisation de cet assassinant par les militants communistes, amenés à être plus organisés par la suite quand ils contribueront à façonner la Résistance - l'acte étant commis par le futur Colonel Fabien, figure importante de la résistance. Ici c'est un élan de rage juvénile contre l'occupant, mais dont on voit la lente maturation durant plusieurs tentatives avortées où ils ne peuvent se résoudre à passer à l'acte, puisque sous l'uniforme ennemi peuvent se trouver des hommes n'ayant pas eu le choix. Tout violent et spontané que soit cet acte, il est construit de manière à humaniser ses auteurs fougueux et inexpérimentés, quand la réaction du gouvernement de Vichy se montrera bien plus réfléchie et révoltante. Costa-Gavras crée un paradoxe entre la gravité des décisions et la petitesse de ceux qui les prennent avec une ironie mordante. A l'image de ce Maréchal Pétain (simple présence vocale) vieillissant ramené au pouvoir pour sauver la patrie, tous les membres du gouvernement sont des croulants aux corps usés semblant là pour effacer le souvenir de l'élan nouveau du Front Populaire. Les locaux même de ce gouvernement trahissent cette petitesse, promiscuité et consanguinité d'idées rances lors des réunions ministérielles où différents éléments (enfants, animaux, bruits extérieurs) parasitent le sérieux papal des discussions nauséabondes. Dans ce contexte, c'est le nouveau ministre de l'intérieur Pucheu (Michael Lonsdale), plus jeune et soumis aux allemands qui mène la danse. Le crime ne fait l'objet d'aucune enquête, et sert juste de prétexte à montrer allégeance aux allemands en prenant une décision radicale qu'ils n'ont pas réclamés – et dont la virulence les surprend. On choisira six militants déjà emprisonnés au moment des faits afin de les condamner à mort pour l'exemple.

Costa-Gavras montre minutieusement les acrobaties législatives se mettre en place pour concevoir une loi rétroactive permettant un jugement et une exécution immédiate. On voit certes quelques ténors s'opposer au procédé (le garde des sceau Joseph Barthélemy (Louis Seigner), certains magistrats contactés pour exécuter le jugement), mais la "raison d'état" est la plus forte et la machine est en marche. Toute cette première partie est passionnante mais pourrait logiquement sembler un peu froide avec ses discussions de cabinets, ses intrigues de palais. C'est après que Costa-Gavras vient nous cueillir avec les révoltantes scènes de procès. La liste des accusés oscille entre communistes plus en odeur de sainteté depuis la fin du Pacte germano-soviétique, et les juifs pestiférés désignés depuis longtemps. Le ridicule de certaine accusation se conjugue à la caractérisation rapide mais puissante des prévenus impuissants face à leur sort, que Costa-Gavras met en place par de petits flashbacks qui les humanise profondément au-delà de leur statut de victime. Yves Robert et sa jeunesse difficile semble condamné par déterminisme social, le juif naturalisé français (Jacques Rispal) symbole d'une France terre d'accueil qui n'existe plus. Même dans de courtes apparitions, le casting fait mouche notamment un Bruno Crémer magistral quand il dénonce l'imposture du procès, Jacques Perrin avocat sidéré par l'arbitraire du procès et un génialement détestable Claude Pieplu en juge partisan. Le propos est des plus cinglant, renforcé par une dernière scène d'une noirceur et ironie rare. Le film fait vraiment l'effet d'un coup de poing, d'autant que les acteurs de cette mascarade n'ont pas (hormis Pierre Pucheu) été inquiété après la libération. 5/6
UnMecRandom
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Re: Costa-Gavras

Message par UnMecRandom »

Profondo Rosso a écrit : 8 déc. 22, 03:18 La Main droite du diable est le second film américain de Costa-Gavras qui, tout comme dans les célébrés Missing (1982) qui précède et Music Box (1989) qui suivra, associe parfaitement efficacité américaine et l'engagement de ses brûlots politiques européens. Le scénario de Joe Eszterhas s'inspire d'un vrai fait divers qui vit en 1984 Robert Jay Mathews et son association suprémaciste blanche assassiner l'animateur radio Alan Berg - un drame qui inspirera aussi Talk Radio (1988) d'Oliver Stone. On y greffe ici un récit d'infiltration policière en suivant l'agent du FBI Cathy (Debra Winger) plongeant dans une certaine Amérique rurale afin de remonter le fil des meurtriers. L'ouverture du film nous fait découvrir, d'abord de façon abstraite puis brutalement concrète, le pan le plus haineux, raciste et intolérants de la société américaine à travers les auditeurs intervenant à l'antenne de la radio puis lors de la fatale expédition contre l'animateur. L'imagerie americana bucolique, chaleureuse mais désespérément blanche et nostalgique domine les premiers pas de Cathy dans cet environnement, à l'image du charmeur Gary Simmons (Tom Berenger), veuf et père de famille bienveillant. C'est un cadre et un homme auquel il est tenté de céder pour la jeune femme qui va progressivement découvrir l'envers du décor. C'est une petite musique de fond où l'on blague en passant sur les "négros", on se plaint des "arabes" et l'on vocifère contre les "cocos", chaque désagrément financier, sociétal ou simplement quotidien trouvant sa faute chez l'autre, celui qui n'est pas blanc et américain.
Pas aussi fan que toi et c'est pour moi le plus faible film américain de Costa-Gavras. Comme toujours chez le cinéaste, il y a de quoi picorer, Debra Winger et Tom Berenger sont très bons mais le résultat est limité par l'écriture de Eszterhas qui, disons le, manque de nuances. Eszterhas n'hésite pas à mettre les pieds dans le plat, ce qui donne une dénonciation nécessaire mais sans finesse. Le récit est par moment maladroit et par moment très fort, tellement ce que montre à l'écran CG est terrifiant. La description de l'americana est bien mais contrebalancée par une histoire qui rappelle Les feux de l'amour. C'est aussi un peu impersonnel, le style d'Eszterhas prenant un peu trop le pas sur celui de Gavras. A part Music Box et Basic instinct, c'est un scénariste peu talentueux. Il arrive à faire côtoyer le meilleur et le pire dans le même film. Les vingt dernières minutes en sont le parfait exemple, avec un ennemi perçu comme avec de nombreuses ramifications, difficile à vaincre, et une fin cucul la praline à se flinguer.
Ce n'est pourtant pas un mauvais film, la dénonciation politique étant suffisamment forte et la mise en scène de Gavras toujours aussi bonne. Mais cela reste une oeuvre mineure dans la filmo du cinéaste.
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