Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen - 2008)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Pollux
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Pollux »

Pollux a écrit :J'ai observé de nombreux plans mous voire flous, avez-vous eu la même sensation ? :x
Après enquête, le flou ne vient pas de la copie mais il est visiblement intentionnel. Même la copie cannoise qu'on appelle "copie prestige" contenait les mêmes plans flous. Je cite Woody Allen dans sa conférence de presse:

Journaliste: Were you comfortable directing Scarlett and Javier in that scene where they are making love in bed?

Woody Allen: When they are kissing? You know, it was nothing. I mean, for me it was nothing, I didn't get to do it. They started kissing, and I thought I would make the scene extra long, beyond what you would think would be long to make a statement. I wanted to have the camera in close so it would go in and out of focus. They just kissed, and kissed, and kissed. Then when it was over that was it. They went their own way and there was no real feeling because they are actors. They get paid. Kissing for a couple of minutes, I watch, and say 'Okay, we'll do it again.' Then it's over and we movie on to the next thing.

Je trouve ça un peu limite lorsque l'acteur est immobile et que le point n'est même pas sur ses yeux.. (je n'ai plus la séquence en tête hélas ! :| )
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Gounou
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Gounou »

Je ne pense pas que les intentions révélées par Allen sur cette séquence et les plans mous que tu évoques soient une seule et même chose. J'ai moi-même été gêné à plusieurs reprises non par des plans flous mais par des plans au point subtilement incertain, ce qui est assez horripilant... de mémoire, je l'ai constaté entre autres sur la séquence où Javier Bardem séduit Scarlett à l'hôtel (avant son intoxication alimentaire), puis lors de la séquence où il marche dans le parc avec le personnage de Vicky, avant de l'embrasser. Et peut-être sur d'autres que j'aurais oubliées... est-ce que ça concorde Pollux ?
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Pollux
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Pollux »

Oui, nous parlons de la même chose mais il y en a encore d'autres dont je ne me souviens plus..
J'arrête de pinailler, on va me prendre pour un vieux con ! :lol:
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O'Malley
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par O'Malley »

Un Woody Allen inégal mais globalement assez plaisant.
Le ton léger et badin adopté par Allen , enveloppé d'une jolie bande-originale, convient très bien à ce marivaudage libertin, qui laisse poindre sous la frivolité, l'amertume.
Si Rebecca Hall est une très jolie révélation (je ne la connaissais pas jusqu'à maintenant), il faut bien reconnaître que c'est Scarlett Johansson qui irradie le film. Elle a bénéficié du personnage le plus intéressant, le plus complexe mais aussi le plus ingrat... je ne sais pas si Woody Allen a le béguin pour elle mais au vu de l'importance qu'elle a en ce moment dans sa filmo et de la manière dont il la filme, j'ai l'impression qu'elle est aux années 2000, dans son imaginaire feminin, ce qui furent Diane Keaton dans les 70's et Mia Farrow dans les 80's.
Javier Bardem, en artiste épicurien est très convaincant et surtout sacrément charismatique.
Le point faible du casting est malheureusement Penelope Cruz qui bénéficie d'un rôle assez grossièrement caricatural, qu'elle surjoue assez souvent (les premières et dernières apparitions, surtout). J'ai eu l'impression de voir une parodie de ses rôles de femmes au tempérament bien trempé, chez Pedro Almodovar et Bigas Lunas... Elle arrive même à être des trois actrices la moins sensuelle, ce qui est un comble au regard des atouts physiques de la dame et de la caractérisation de son personnage.
Le film est aussi assez inégal, la faute à une progression dramatique assez lâche et surtout d'une voix-off trop démonstrative, qui la plupart du temps surligne ce que l'on voit à l'écran. J'ai l'impression qu'Allen ne fait pas suffisamment confiance ici à sa capacité à véhiculer l'information par l'image, le dialogue et le jeu de ses comédiens.
Mais il réussit néanmoins de très jolies moments comme, par exemple, la scène de pique-nique entre Johansson, Bardem et Cruz...

Bref, on est loin de Manhattan mais on passe un bon moment tout de même...
Nicolas Brulebois
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Nicolas Brulebois »

Un très bon cru.

J'apprécie le fait qu'il n'y ait pas, contrairement à "Match Point", de tour de force scénaristique, une astuce ou un rebondissement énorme visant à nous prouver à quel point le cinéaste est un créateur riche en idées (soi-disant) géniales, bla bla.

L'intelligence de l'écriture n'est pas trop surlignée (pas de tours de force, donc, mais pas non plus de vannes brillantes toutes les 2 répliques), ce qui rend le film d'autant plus fluide et appréciable. Contrairement à beaucoup d'autres films du cinéaste, on le retiendra sans doute plus pour son rendu général que pour 2 ou 3 citations brillantes tirées des dialogues.

Très bonne surprise, aussi, de voir que l'affiche n'était qu'un leurre (ce trio de vedettes glamours ne me faisait pas spécialement bander), et que le VRAI centre de gravité se trouve ailleurs, dans ce très beau personnage de "Vicky"...
C'est elle qui aura le plus évolué, du début à la fin. Les dernières images sont explicites: alors que la gentille Cristina a repris son apparence lisse du début et poursuit les mêmes marottes et questionnements, la dénommée Vicky a une expression + ambiguë, comme durablement chamboulée par toutes ces aventures. L'on sent que, même mal mariée, toute cette liberté entrevue va modifier considérablement sa vision de l'avenir, et c'est cette évolution qui me semble intéressante.
Boubakar a écrit :
MJ a écrit :"Finir où ça a commencé" ça peut être une finalité comme une autre...
le truc, c'est que finalement, les filles partent de Barcelone, sans que leurs convictions soient changés, comme si rien ne s'était passé (et la voix off le confirme, alors qu'elles s'en sont donnés à cœur joie durant cet été.)
C'est peut-être "boucler la boucle", en somme...
Là, pour le coup, je crois qu'on n'a pas du tout vu le même film... :shock:
Il ne faut peut-être pas prendre pour parole d'Evangile ce que dit la voix-off, et regarder plutôt ce qui se passe à l'image: le trouble sur le visage de l'actrice Rebecca Hall, qui était beaucoup plus sûre d'elle au début, et voit désormais ses certitudes bien ébranlées.
Ben Castellano
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Ben Castellano »

Tout petit film, qui dit sans doute des choses assez justes mais avec une telle paresse, avec un tel sentiment que le cinéaste raconte avec des balises la même chose sans que ça ait grand intérêt (si, imposer Rebecca Hall?)... Il expédie tout au minimum syndical de sa méthode avec voix off inutile des dialogues bien moyens, agrémenté d'une photo platounette et d'une musique décorative. Fourvoiement touristique d'autant qu'il tire peu ici de son changement de décor. Ce n'est pas bien grave, c'est juste un coup pour rien à l'image de toute la morale sentimentale et ironique. Le cinéma d'Allen est des plus réussis quand il est précis, ou franchement névrotique, pas quand il est juste lâche de la sorte.
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Boubakar
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Boubakar »

Nicolas Brulebois a écrit :Il ne faut peut-être pas prendre pour parole d'Evangile ce que dit la voix-off, et regarder plutôt ce qui se passe à l'image: le trouble sur le visage de l'actrice Rebecca Hall, qui était beaucoup plus sûre d'elle au début, et voit désormais ses certitudes bien ébranlées.
Du tout, sa vie se poursuit comme elle le souhaitait au départ (à savoir le mariage, et une vie rangée).
Nicolas Brulebois
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Nicolas Brulebois »

Boubakar a écrit :
Nicolas Brulebois a écrit :Il ne faut peut-être pas prendre pour parole d'Evangile ce que dit la voix-off, et regarder plutôt ce qui se passe à l'image: le trouble sur le visage de l'actrice Rebecca Hall, qui était beaucoup plus sûre d'elle au début, et voit désormais ses certitudes bien ébranlées.
Du tout, sa vie se poursuit comme elle le souhaitait au départ (à savoir le mariage, et une vie rangée).
non, le doute s'est insinué et va lui pourrir (ou enrichir) la vie. Tu ne peux pas superposer les images d'ouverture et de fin et affirmer que l'héroïne est restée la même. Ca me parait être un non-sens.

L'expression du visage de la fille est radicalement différente. Au cours du périple, elle a perdu quelque chose (son idéal de vie réussie) et peut-être trouvé autre chose (le doute, le retour sur elle-même, sur sa manière de vivre).
C'est ce voyage intérieur-là qui fait, à mon sens, l'intérêt de cette histoire.
Si l'on s'imagine que tout est identique à la fin, ça n'a aucun intérêt.

Un réalisateur comme Rohmer a souvent utilisé ce type de boucle, scènes finales ressemblant aux scènes initiales (exemple: Pauline à la Plage, ou Conte d'Eté). Mais chez lui aussi, le cheminement des personnages fait que les sentiments que l'on a sur la scène finale sont radicalement différents de ceux du début, ce qui fait tout l'intérêt de l'itinéraire suivi pour en (re)venir là.
Ben Castellano
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Ben Castellano »

L'idée du film, comme souvent chez Allen, c'est de montrer qu'il y a beau y avoir des idéaux et des passions qui naissent chez les personnages, des changements de perspective, rien n'en sera foncièrement modifié...
Spoiler (cliquez pour afficher)
Il est fort probable que le perso de Hall ait la même vie que celui de Clarckson, et que celui de Scarlett soit toute sa vie cette insatisfaite. Il y a des moments de tensions critiques mais tout rentre et reste fatalement à sa place.
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Nicolas Brulebois »

Ben Castellano a écrit :L'idée du film, comme souvent chez Allen, c'est de montrer qu'il y a beau y avoir des idéaux et des passions qui naissent chez les personnages, des changements de perspective, rien n'en sera foncièrement modifié...
Spoiler (cliquez pour afficher)
Il est fort probable que le perso de Hall ait la même vie que celui de Clarckson, et que celui de Scarlett soit toute sa vie cette insatisfaite. Il y a des moments de tensions critiques mais tout rentre et reste fatalement à sa place.
peut-être, peut-être... mais la réflexion et la remise en question auront tout de même transformé une yuppie affreusement sûre d'elle en yuppie joliment insécure, et c'est ce petit chamboulement-là qui vaut le coup.

Franchement, j'ai trouvé bouleversante l'expression finale de l'actrice. Tout restera peut-être à sa place, mais un peu de sensibilité se sera quand même immiscée... :idea:
Ben Castellano
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Ben Castellano »

Je ne sais pas si c'était absolument une vraie yuppie insensible non plus au début, c'est un peu rigide comme jugement, elle a juste des idées arrêtées sur la stabilité... Mais on se doute dés le départ qu'elle va craquer.

Pour en revenir à Rohmer (la comparaison fait mal je dirais) ou Hong Sang-Soo, ces cheminements intérieurs dans un "extérieur inamovible" prennent quand même des tournures beaucoup plus complexes ou parfois violent chez eux...

Allen faut qu'il nous refasse un petit "Crimes et Délits" ou "Deconstructing Harry" là :o
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Boubakar
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Boubakar »

Au Masque et la plume, tous ont aimé le film, sauf deux auditeurs qui le descendent en flèche (et une personne qui le défend) ! :lol:
Nicolas Brulebois
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Nicolas Brulebois »

Ben Castellano a écrit :Pour en revenir à Rohmer (la comparaison fait mal je dirais) ou Hong Sang-Soo, ces cheminements intérieurs dans un "extérieur inamovible" prennent quand même des tournures beaucoup plus complexes ou parfois violent chez eux...
Bah, j'ai parlé de Rohmer pour mentionner un cinéaste qui utilisait souvent ces scènes de fin ressemblant à celles du début et illustrer l'idée qu'elles ne sont jamais tout à fait semblables, et que la situation ou le personnage a forcément évolué entre les deux, ce que tu semblais contester.

Mais la comparaison s'arrête là: à la différence de Rohmer, je ne considère absolument pas Woody Allen comme un grand cinéaste.
C'est un scénariste malin, un dialoguiste très doué et un vanneur génial... Bref: un conteur admirable, mais pas un réalisateur très intéressant. Il me semble par exemple que ses scénarios pourraient, sans grand dommage, être repris sur scène au théâtre ou découpés en tranches de sitcom, sans qu'il y perde vraiment...

Peu importe: son dernier film est une formidable petite comédie romantique, et c'est déjà pas mal. Il ne repousse pas les limites du genre, et ce côté mineur lui sied bien.
Je le préfère là, à sa juste place, que lorsqu'il se rêvait grand tragédien avec Match Point.
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Watkinssien
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par Watkinssien »

Nicolas Brulebois a écrit : Mais la comparaison s'arrête là: à la différence de Rohmer, je ne considère absolument pas Woody Allen comme un grand cinéaste.
C'est un scénariste malin, un dialoguiste très doué et un vanneur génial... Bref: un conteur admirable, mais pas un réalisateur très intéressant. Il me semble par exemple que ses scénarios pourraient, sans grand dommage, être repris sur scène au théâtre ou découpés en tranches de sitcom, sans qu'il y perde vraiment...
Je le préfère là, à sa juste place, que lorsqu'il se rêvait grand tragédien avec Match Point.
Je considère Woody Allen comme un grand cinéaste car ses plus grands films bénéficient d'une grande science de la mise en scène.
Tu mentionnes les premières caractéristiques qu'on utiliserait pour définir ce qu'on aime chez lui, mais tout le monde oublie que ses mises en scène témoignent, la plupart du temps, de grandes recherches narratives et d'expérimentations visuelles qui fonctionnent à chaque fois.
Que ce soit le mélange des genres, le rythme du gag dans sa durée et dans sa place dans le gag, les éclairages contrastant exprimant des idées, les effets spéciaux qui complètent les vertus poétiques, les mouvements de caméra faussement improvisés, tous ces éléments rapportent non seulement un soin pour des histoires denses mais également une véritable volonté de raconter une intrigue par un langage cinématographique allant du classicisme à une certaine forme d'introspection, de pauses contemplatives aux délires parfaitement maîtrisés.

Je ne dénigre aucunement Rohmer, mais je préfère le "personnage" Woody Allen, non seulement dans une perspective d'identification, mais aussi par son accessibilité sur des sujets parfois complexes.
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Mother, I miss you :(
O'Malley
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Re: Vicky Cristina Barcelona (Woody Allen, 2008)

Message par O'Malley »

Nicolas Brulebois a écrit : C'est un scénariste malin, un dialoguiste très doué et un vanneur génial... Bref: un conteur admirable, mais pas un réalisateur très intéressant. Il me semble par exemple que ses scénarios pourraient, sans grand dommage, être repris sur scène au théâtre ou découpés en tranches de sitcom, sans qu'il y perde vraiment...
Des films comme Manhattan (dont l'admirable photo de Gordon Willis s'accorde au science du cadre d'Allen) ou Tout le monde dit I love you prouvent je trouve le contraire...et bien d'autres, peut-être, que je ne n'ai pas encore vu...
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