Je viens de le découvrir (coup de bol: j'avais Canal+ en clair quand il passait) et je m'ajoute aux fans chanceux qui ont pu découvrir cette pépite.
Je n'avais pas pensé au western, bizarrement, alors que l'histoire s'y prête effectivement. Mais j'avais plus dans l'idée une sorte de tragédie grecque irrémédiable.
J'ai d'abord vu dans cette histoire un éclatement presque total (au propre comme un figuré

) de la cellule familiale tant louée par la société américaine. Ici, dès le départ, nous naviguons dans des eaux "blasphématoires": les couples sont séparés, les frères dorment dans des tentes dans le jardin ou dans un van (presque des SDF), et les rapports avec les parents sont encore plus froids que la glace (cf la façon dont la mère apprend à ses enfants le décès du père). Et plus qu'un éclatement de la famille, nous sommes surtout témoins de son changement de statut, passant de "famille" à "clan". Et c'est une véritable des clans qui va se déclencher sous nos yeux.
On peut ajouter que l'environnement participe également à l'imagerie éloignée du rêve américain: l'histoire se passe dans une région provinciale agricole relativement délabrée, dans une ville qui semble un peu à l'abandon, presque déserte, et qui ne donne pas vraiment envie d'y passer ses journées.
Les trois frères et leur situation presque précaire (ils ont un job, mais peu de ressources, visiblement) vont donc bien dans le décor. La mise en place m'a plutôt déstabilisé à cause de ces figures décalées, véritables loosers de compétition. En plus, le scénario insiste bien sur certains d'entre eux, au profil légèrement barré. C'est le cas de cet ami à la voiture blanche qui tente de s'inscruster dans le jardin de Son mais qui joue surtout ici, j'ai l'impression, le rôle de catalyseur involontaire dans la montée en puissance de la violence. C'est lui qui balance les infos sur les ennemis, c'est encore lui qui aidera l'un des frères à utiliser son fusil tout neuf. Ce personnage, ainsi que ce qu'il raconte (transmission des infos) renforce l'idée de la petite localité où tout se sait, où tout le monde se connait.
L'intrigue se met rapidement en place (scène de l'enterrement) et la tension ne va qu'en s'accentuant. Ce qui est très bien fait ici, je trouve, c'est que l'ambiance contemplative, le rythme tranquille de cette vie provinciale (loin du stress urbain), ne cachent (ni ne gâchent, d'ailleurs) en rien la colère puis la haine qui sommeille et qui gronde petit à petit, jusqu'à exploser. Il y a dans ce scénario et dans la mise en scène une très belle gestion des tensions intérieures par rapport à l'atmosphère du film. Il y a très peu de montée d'adrénaline dans le film et, pourtant, on sent tout de suite l'inévitable catastrophe.
En tout cas, c'était une belle découverte.