Reviens-moi (Joe Wright, 2008)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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joe-ernst
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Re: Reviens-moi (Joe Wright, 2008)

Message par joe-ernst »

Première partie (jusqu'à l'arrestation de Robbie) plutôt réussie, la mise en place du drame est bien faite. Superbe photo, beaux décors, etc. Ensuite ça se gâte. La retraite de Dunkerque est franchement longuette et ratée. Les scènes d'hôpital à Londres ralentissent l'action jusqu'à cette fin plutôt abrupte qui renforce un sentiment de déséquilibre du scénario. Côté acteurs, Keira Knightley est un peu l'erreur de casting de ce film, tant elle peine semble-t-il à faire exister son personnage. La mise en scène est assez académique et ce n'est pas ce montage agaçant qui ne fait que ralentir le déroulement de l'action qui va la secouer quelque peu. Film inégal au final.
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pak
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Re: Reviens-moi (Joe Wright, 2008)

Message par pak »

Je laisserai de côté les critères peu flatteurs sur le physique de telle ou untel. Je préfère citer la mise en scène alerte de la première partie rythmée par le bruit des touches d'une machine à écrire qui permet de faire passer une histoire d'amour, certes non conventionnelle pour l'Angleterre cossue des années 30, mais déjà vue et revue au cinéma, on peut le dire. Mais l'essentiel n'est pas là. Ce rythme de machine à écrire, c'est surtout pour raconter le tournant tragique de l'enfance d'une romancière en devenir, tournant qui marquera à vie la femme qu'elle deviendra. D'ailleurs, les aventures des deux amoureux ne transportent pas, malgré le superbe plan séquence de la plage de Dunkerque encombrée par la misère militaire anglaise de juin 1940. La manipulation du spectateur orchestré par le réalisateur sur les retrouvailles des amants est malvenue, et pourtant nécessaire puisqu'elle nous conduit vers la bouleversante interview télévisée formidablement portée par une grande Vanessa Redgrave. Ces quelques minutes nous font repasser dans notre tête le film que nous revivons à posteriori, et se présente alors à nous le champ des possibles : ce qu'une jalousie infantile aura volé aux deux amants, ce que la guerre aura empêché (le pardon) et le terrible fardeau que l'enfant aura légué à la femme qui n'en doutons pas ne sera jamais remise et que l'on imagine solitaire, noircissant des pages pour exorciser le dégoût d'elle-même. Finalement, ce film n'est pas une histoire d'amour poignante, c'est une réflexion sur la nécessite du pardon pour avancer dans sa vie, car sans pardon, telle une lèpre inguérissable, les remords vous rongent jusqu'à la mort.
Le cinéma : "Il est probable que cette marotte disparaîtra dans les prochaines années."

Extrait d'un article paru dans The Independent (1910)

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2501
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Re: Reviens-moi (Joe Wright, 2008)

Message par 2501 »

Oh my God, le grand mélodrame à costumes que voilà. Dans la grande tradition, littéraire, anglaise, des adaptations, le petit doigt en l'air, mais la lourde main sur l'artillerie du genre, taillée pour les petits bonshommes dorés, Joe Wright semble nous servir avec Atonement LE cocktail du very boring movie.

"Cunt !"
Atonement est un film so chocking. Déjà pour nous rappeler crûment à quel point les gosses sont des saletés. Mais surtout pour assimiler dans cette Angleterre faussement libérée un gros mot, et ce qu'il représente de désir affiché dans un élan de spontanéité malencontreusement dévoilé, à un crime. Et les apparences, à la vérité. D'où l'expiation (Atonement), plus sensée que le mongolito Reviens-moi français.

Chanel !
Atonement est un film so charming. La belle Keira, le beau James, les beaux costumes, les beaux décors, la belle verdure, la belle fontaine, la belle photo, les belles lumières... Qu'est-ce qu'on vend ? Du parfum ? Presque, puisque Joe Wright est aussi le réalisateur d'une publicité Chanel avec, aussi, la squelet... jolie miss Knightley (même le nom sonne très chaaaarming, my dear). Et ça se sent. Allergiques aux effets et aux tons hamiltoniens, aux toilettes de luxe qui sortent tout juste de chez le dernier créateur hype, fuyez ? Non, attendez et remarquez ça et là quelques touches tout de même fort intrigantes, d'une musique tapée à la machine très Dancerinthedarkienne à des flashforwards sans tambours ni trompettes, enfin sans datations ni floutage de l'image, en passant par un plan séquence plutôt bien troussé.

Briony
Atonement est un film so dramatic. L’héroïne n’est pas celle que l’on croit et la deuxième partie vient rattraper un début faussement suranné. S’il manque de substance dans l’évolution du personnage de Robbie, dès que l’on revient sur Briony, le récit prend une ampleur nouvelle et parvient enfin à vraiment intéresser.

"And the award goes to..."
The Coen brothers ! Et oui, malgré ses envolées lyriques, le drame épistolaire de Joe Wright est rentré bredouille de la dernière cérémonie au profit d’œuvres plus noires, sèches et âpres. La fin d’une ère ? Peut-être parce qu’à l’exception de la belle scène du soldat français, le film ne provoque pas vraiment l’émotion attendue. Atonement ne démérite pourtant pas dans le paysage guindé et souvent trop académique du genre. Sans le révolutionner il déploie tout de même un savoir-faire narratif et visuel qui le distingue du tout-venant mélodramatique.

6,5/10
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Tom Peeping
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Re: Reviens-moi (Joe Wright, 2008)

Message par Tom Peeping »

Je viens de le voir en DVD Z1. Les effets de style ampoulés m'ont beaucoup énervé pendant la presqu'entière durée du film, le pompon étant le long plan-séquence des soldats sur la plage qui n'a strictement aucune signification, si ce n'est que de montrer qu'il pouvait le faire. Les allers-retours dans l'histoire m'ont aussi semblé très artificiels et plus le film avançait, plus je sentais la déception s'installer. Et puis soudain, il y a l'apparition de Vanessa Redgrave et ce qu'elle raconte au journaliste. En moins de 5 minutes, le temps de sa scène, tout le film prend alors son sens et l'émotion surgit, presque brutale. Au final, un beau film, avec beaucoup de maladresses mais transfiguré par quelques dernières minutes sublimes.
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AtCloseRange
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Re: Reviens-moi (Joe Wright, 2008)

Message par AtCloseRange »

Je ne sais pas trop comment prendre ce film mais c'est réussi. Il a un côté un peu hétérogène: plusieurs changements de personnage principal, une chronologie bousculée. La première partie avec abondance de gros plan lui donne un côté assez télévisuel (BBC style) alors que la partie de guerre en France donne lieu à un plan séquence assez ahurissant (digne de ceux des Fils de L'Homme) mais un peu gratuit (il fait quand même son petit effet).
Néanmoins l'histoire est suffisamment forte pour retenir l'attention et la fin vraiment émouvante réhausse grandement la valeur du film.
Au final, un beau film sur la cruauté de l'enfance.

A noter l'utilisation très intrigante d'une machine à écrire dans la BO de Dario Marianelli et la présence de quelques acteurs bien de chez nous comme Jeremy Régnier (oui, je sais, il est belge), Michel Vuillermoz ou Lionel Abelanski.
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Re: Reviens-moi (Joe Wright, 2008)

Message par Aladdin Sane »

Tom Peeping a écrit :Et puis soudain, il y a l'apparition de Vanessa Redgrave et ce qu'elle raconte au journaliste. En moins de 5 minutes, le temps de sa scène, tout le film prend alors son sens et l'émotion surgit, presque brutale. Au final, un beau film, avec beaucoup de maladresses mais transfiguré par quelques dernières minutes sublimes.
elle n'avait même pas besoin de l'ouvrir je pense...son simple visage suffir à refiler des frissons...
Ce petit mot "Pourquoi" est répandu dans tout l'univers depuis le premier jour de la création, Madame, et toute la nature crie à chaque instant à son créateur : "Pourquoi ?"
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Re: Reviens-moi (Joe Wright, 2008)

Message par Flol »

AtCloseRange a écrit :Je ne sais pas trop comment prendre ce film mais c'est réussi.
Je viens de le voir, et j'en retire exactement la même impression.
J'ai beaucoup apprécié la maestria formelle et technique, mais le tout m'a laissé totalement froid...pas beaucoup d'émotions ressenties. Et puis arrivent les 10 dernières minutes, portées par une sublime Vanessa Redgrave, et grâce à qui le film prend enfin tout son sens...
Ce Atonement fait donc partie de ces films qui trouvent selon moi leurs vraies valeurs dans leurs parties finales (ça m'était également arrivé avec The Funeral de Ferrara...mais bon, je sais, là ça n'a rien à voir), durant lesquels l'émotion surgit enfin.
A signaler également une superbe musique de Dario Marianelli, utilisant à merveille les sons d'une machine à écrire.
Joe Wilson
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Re: Reviens-moi (Joe Wright, 2008)

Message par Joe Wilson »

Pas vraiment convaincu. Joe Wright n'évite jamais une certaine lourdeur dans ces effets, que ce soit par la répétition d'une scène sous un différent point de vue, ou par des flash-backs figés assez grandiloquents. Au final, derrière le soin porté aux décors, le visuel est très pauvre et la plupart des leitmotivs sont soit à peine abordés, soit utilisés sans imagination (le thème de l'eau, du plongeon initial au dernier rebondissement, est ici bien pompeux).
Autre point noir, le rythme : panne sèche au début de la deuxième heure, seul le recentrage sur le personnage de Briony permet d'attirer l'attention alors que Robbie et Cecilia apparaissent de plus en plus comme des icônes figées. Et certes, Vanessa Redgrave apporte une présence intéressante mais j'ai davantage perçu cette séquence comme une occasion manquée, Wright essayant en quelques minutes de trouver un ressenti que son film n'avait pas trouvé jusqu'alors.
Car on est resté dans une adaptation lissée, sans accrocs mais forcément sans âme. La culpabilité, la cruauté de l'enfance, le regret, ne sont pas traités mais survolés. Joe Wright n'a pas su faire des choix à travers un récit trop décousu et son film manque d'unité et de cohésion, et ce ne sont pas quelques prouesses techniques (le plan-séquence à Dunkerque m'a laissé complètement froid) qui peuvent emporter l'adhésion. La mise en scène ne parvient pas à dépasser le stade de l'illustration.
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Re: Reviens-moi (Joe Wright, 2008)

Message par nobody smith »

Orgueils et préjugés m’avait complètement enthousiasmé par sa maîtrise technique ébourrifante au profit des grands sentiments les plus flamboyants. Ça m’a fait méchamment regretter d’être passé à côté de ce reviens-moi en salle. Rattrapage en bonne et due forme pour une gentille claque dans la gueule. Pourtant, j’ai été un peu déçu par la première partie du film. Enfin, il faut relativiser. La magnificience de la réalisation et la qualité des personnages rendent la chose déjà nettement plus convaincantes que la moyenne du genre. Mais j’avais espéré que Wright ferait quelque chose d’un peu plus grand pour son second long et essayerait de donner encore plus d'envergure à son cinéma. Toutefois, le film prend un réel envol à partir de son fameux plan séquence sur la plage. Le film commence alors à obtenir un véritable souffle et l’émotion jusqu’alors attachante se fait simplement bouleversante jusqu’à la tétanisante fin justifiant cette rupture de ton. Vraiment un très beau film qui rappelle qu’une oeuvre académique n’est pas forcément méprisable.
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MontyBrogan
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Re: Reviens-moi (Joe Wright, 2008)

Message par MontyBrogan »

Je confirme les bons commentaires laissés par plusieurs d'entre vous. Si au départ, malgré un montage prenant et des situations très cocasses, on s'attend quand même à un film fleur bleue ( le titre y est aussi pour beaucoup ! ), l'histoire prend une tournure beaucoup plus dramatique. Les enjeux du film ne sont pas vraiment ceux que l'on prévoyait. Les scènes que l'on observe nous amène à douter de nos propres perceptions...
Contrairement à certains, le plan séquence m'a totalement transporté. La lumière, la musique, l'énormité de la scène sont impressionnantes. Et je trouve que cela s'intègre complètement à l'histoire que l'on nous raconte ou qu'on comprendra plus tard...
Enfin, bref, une très belle réalisation avec en prime, la charmante Keira...
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ed
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Re: Reviens-moi (Joe Wright, 2008)

Message par ed »

MontyBrogan a écrit :Je confirme les bons commentaires laissés par plusieurs d'entre vous. Si au départ, malgré un montage prenant et des situations très cocasses, on s'attend quand même à un film fleur bleue ( le titre y est aussi pour beaucoup ! ), l'histoire prend une tournure beaucoup plus dramatique. Les enjeux du film ne sont pas vraiment ceux que l'on prévoyait. Les scènes que l'on observe nous amène à douter de nos propres perceptions...
Contrairement à certains, le plan séquence m'a totalement transporté. La lumière, la musique, l'énormité de la scène sont impressionnantes. Et je trouve que cela s'intègre complètement à l'histoire que l'on nous raconte ou qu'on comprendra plus tard...
Enfin, bref, une très belle réalisation avec en prime, la charmante Keira...
Je rejoins tout à fait cet avis, c'est d'ailleurs ce que je disais, en substance, il y a peu :
Il est souvent rageant, pour le spectateur ayant aimé un film, de constater rétrospectivement à quel point celui-ci a été mal distribué, et à quel point, dans la foulée, la majorité des critiques se sont fourvoyés dans une appréhension littérale et paresseuse. Il était en effet tentant, a priori, d’accabler le deuxième film de Joe Wright d’un certain nombre d’idées préconçues, ce drame historique adapté d’un best-seller étant forcément une « bête à Oscars » mélodramatique et académique – d’autant que le distributeur français avait eu l’exécrable idée de changer le titre original (Atonement, c’est à dire réparation, expiation) en un Reviens-moi débordant de guimauve, et en insistant lourdement dans sa campagne d’affichage sur son casting glamour. Dès les premiers plans (voire les premiers sons, saluons la singularité de la partition de Dario Marianelli), cependant, on saisit que l’essentiel est ailleurs : l’imaginaire d’un enfant, une histoire qui s’écrit et le regard porté sur les choses, qui les enjolive ou les détruit… Le cœur d’Atonement ne se trouve donc pas dans l’histoire d’amour entre Cecilia (Keira Knightley) et Robbie (James McAvoy), car celle-ci – et à travers elle tout son potentiel mélodramatique – n’aura jamais véritablement l’occasion d’exister, hormis dans une scène de sexe d’une grande intensité, mais réside dans le regard porté par la petite sœur de Cecilia, Briony, jeune fille rêveuse et possessive, qui commet à 13 ans une irréparable erreur d’appréciation. Atonement, comme son titre original l’indique, est donc une œuvre sur l’impossibilité du pardon – qui plus est en période de guerre – et sur la chimérique nécessité d’un retour en arrière ne pouvant s’opérer que par la puissance de l’imaginaire. La dernière partie du film (portée par l’admirable Vanessa redgrave), non seulement indispensable dans le dispositif conçu par Ian McEwan et Christopher Hampton, vient surtout éclairer d’un jour nouveau tout le reste de l’œuvre, inviter à la rétrospection : à l’instar de Briony, le spectateur est amené à questionner son propre regard, à mettre en doute ses propres interprétations, à reconsidérer ses interprétations hâtives. Telle plan ou telle séquence (voire les deux…) pourront sembler artificielles, plaquées, irréelles ? Evidemment, car elles le sont ; l’important n’étant pas ici le réalisme mais l’accomplissement d’un travail intime et impossible de rédemption par la pensée… D’une certaine manière, le film prolonge des thématiques cruelles déjà abordées par Joe Wright dans sa première réalisation pour le cinéma, l’adaptation de l’Orgueil et préjugés de Jane Austen : la force destructrice des illusions, la manière dont ces apparences conditionnent nos actes et nos existences, encarcanés que nous sommes dans une société hiérarchisée en classes… Malgré les différences d’époque et de style entre les deux films, Wright affirme déjà la cohérence tant thématique donc que formelle de son travail (jeux de cadrages, utilisation des miroirs, qualité de la photo, amplitude de certains plans…), et il serait injuste de trop vite habiller un tel talent, revêche et ambitieux, dans un costume impersonnel de laquais des studios. En deux films, un cinéaste est né, et il a tout d’un grand.
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