Maris et Femmes (Woody Allen - 1992)
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Maris et Femmes (Woody Allen - 1992)
Je n'en attendais pas spécialement grand chose, de ce Woody Allen du début des 90's. Après avoir vu "Annie Hall", "Manhattan" ou "Crimes et Délits", je pensais connaître ce que le cinéaste pouvait faire de mieux dans son genre.
Résultat : un remplaçant immédiat à "Annie Hall" qui était jusque là mon chouchou de cette filmo, et tout simplement le meilleur film que j'aie vu depuis fort longtemps. Bien entendu, il m'arrive d'en visionner d'excellents chaque mois, mais celui-là entre dans la catégorie des essentiels ; le genre d'oeuvres qui allument une lumière vive dans ton esprit mal éclairé, voire te donnent instantanément envie d'être cinéaste.
"Maris et Femmes", tout est dans le titre. Woody Allen ausculte ici les rapports de couple dans ce qu'ils ont de plus complexe par le biais de situations simples, avec une justesse telle que ça en donne les larmes aux yeux. Ce type a tout compris et son film est avant tout une réussite éclatante sur le plan de l'écriture, car il parvient à mêler le tragique de la rupture et de ses conséquences, à un humour d'une finesse remarquable se déversant à merveille dans cette élégie douce-amer et désanchantée.
Sur le plan cinématographique, la collaboration avec Carlo Di Palma donne lieu à un style dépouillé invoquant un réalisme brut à travers des plans séquences filmés caméra à l'épaule laissant au casting - de haute tenue - tout le loisir d'exprimer son talent, tandis que quelques figures de style rappellent à nos souvenirs les expérimentations peu farouches de la nouvelle vague.
C'est qu'à bien y réfléchir, nous sommes là en présence de tout ce que le dogme de Lars Von Trier a engendré sur la dernière décennie en terme d'esthétique, mais sans cette fâcheuse tendance à la surexcitation sur laquelle il faut souvent pointer le doigt.
L'année suivante, Woody Allen réiterera avec "Meurtre Mystérieux à Manhattan", autre petit bijou de cinéma auquel il appliquera la même patte formelle au service d'un récit passionnant.
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- MJ
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Un film d'une grande brutalité, dans toutes les acceptions du terme. J'y suis très sensible.
La direction d'acteur est peut-être ce que j'admire le plus dedans. On assiste à une transmission d'énergie bien trop rare au cinéma. Au-delà des effets amateuristes c'est peut-être aussi l'un des films de Woody Allen les plus précis dans sa mise en scène - il serait grand temps d'enterrer ce mythe selon lequel elle est inexistante chez lui.
Plusieurs instants en état de grâce, je pense notamment à
L'appellation "chef-d'oeuvre" n'est ici pas usurpée.
La direction d'acteur est peut-être ce que j'admire le plus dedans. On assiste à une transmission d'énergie bien trop rare au cinéma. Au-delà des effets amateuristes c'est peut-être aussi l'un des films de Woody Allen les plus précis dans sa mise en scène - il serait grand temps d'enterrer ce mythe selon lequel elle est inexistante chez lui.
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L'appellation "chef-d'oeuvre" n'est ici pas usurpée.
"Personne ici ne prend MJ ou GTO par exemple pour des spectateurs de blockbusters moyennement cultivés." Strum
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Une oeuvre majeure, d'une précision entomologique !
Woody Allen continue l'exploration d'êtres pris entre plusieurs feux et fait exploser toutes les contraintes, tous les conformismes, tous les préjugés et tous les processus qui permettent aux personnages eux-mêmes de prétendre savoir qui ils sont !
A travers une mise en scène excellemment frénétique, on assiste à un regard pénétrant et virtuose sur les tourments existentiels d'êtres sensibles et constamment humains !
Les comédiens sont prodigieux !
Woody Allen continue l'exploration d'êtres pris entre plusieurs feux et fait exploser toutes les contraintes, tous les conformismes, tous les préjugés et tous les processus qui permettent aux personnages eux-mêmes de prétendre savoir qui ils sont !
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Je crois que ton lien ne marche pas mais c'est tout à fait ça, on peut le trouver neuf à moins de 8€ (et le génial "Meurtre Mystérieux à Manhattan" également).Boubakar a écrit :Dispo à partir de 8 euros sur le ouaibe :Gounou a écrit :Toujours pas vu et toujours pas trouvé à un prix correct !
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MJ a écrit :Au-delà des effets amateuristes c'est peut-être aussi l'un des films de Woody Allen les plus précis dans sa mise en scène
Je suis d'accord pour dire que c'est l'un des meilleurs Allen.Watkinssien a écrit :une mise en scène excellemment frénétique
Par contre, je trouve certains effets de mise en scène "frénétique" un peu inutiles: OK, c'est censé souligner l'état de chamboulement (amoureux, psychologique) de tous ces personnages. Mais c'est tellement surligné et insistant, que ça vire parfois à la pure afféterie.
Donc, OK pour dire, comme MJ, qu'il serait grand temps d'enterrer ce mythe selon lequel la mise en scène est inexistante chez lui.
Mais il ne faut pas non plus cautionner le défaut inverse: pour contrer cette réputation Woody a parfois le tort de proposer une mise en scène vaine et ostentatoire. C'est ce qui me gêne dans ce film-ci, qui est par ailleurs tellement subtil qu'il n'avait VRAIMENT pas besoin de ça, je trouve.
Je ne dis pas que ça m'a gâché la vision, bien sûr. Mais c'est tout de même un léger bémol.
- MJ
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Surtout qu'il a expliqué le choix de cette démarche artistique !
Il a pris cette décision esthétique car il considérait son film comme un reportage des rapports humains et malgré la précision des dialogues, Woody Allen a demandé à Di Palma de suivre les pérégrinations de ses personnages, sans s'y préparer ! Donc, mon cher Nicolas Brulebois, aucune afféterie, mais la captation de l'instant, d'un soubresaut de manière beaucoup plus "humaine" que d'habitude !
Il a pris cette décision esthétique car il considérait son film comme un reportage des rapports humains et malgré la précision des dialogues, Woody Allen a demandé à Di Palma de suivre les pérégrinations de ses personnages, sans s'y préparer ! Donc, mon cher Nicolas Brulebois, aucune afféterie, mais la captation de l'instant, d'un soubresaut de manière beaucoup plus "humaine" que d'habitude !
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C'est aussi comme ça que je l'ai ressenti. Un film où les acteurs jouissent d'une grande liberté de mouvement et où le chef op a pour tâche de les suivre en captant le maximum de détail. Voilà une façon de travailler que j'apprécie beaucoup.Watkinssien a écrit :Surtout qu'il a expliqué le choix de cette démarche artistique !
Il a pris cette décision esthétique car il considérait son film comme un reportage des rapports humains et malgré la précision des dialogues, Woody Allen a demandé à Di Palma de suivre les pérégrinations de ses personnages, sans s'y préparer ! Donc, mon cher Nicolas Brulebois, aucune afféterie, mais la captation de l'instant, d'un soubresaut de manière beaucoup plus "humaine" que d'habitude !
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Est-ce à dire que tu trouves "inhumaine" la captation dans ses autres films?Watkinssien a écrit :Donc, mon cher Nicolas Brulebois, aucune afféterie, mais la captation de l'instant, d'un soubresaut de manière beaucoup plus "humaine" que d'habitude !
Je ne crois pas qu'il faille forcément prendre pour parole d'Evangile la "note d'intention" qu'un réalisateur débite à la sortie d'un film.
C'est bien qu'Allen se fixe de nouveaux paris ou de nouvelles contraintes artistiques. Mais pour ma part, je n'ai pas trouvé que ce tremblé ajoutait grand chose à la réussite de ce film.
Blue a écrit :Un film où les acteurs jouissent d'une grande liberté de mouvement
peut-être. Mais alors comment expliques-tu que la caméra soit aussi tremblée lorsqu'ils sont immobiles? Ca n'est pas cohérent.
Non, il me semble que c'est surtout un parti pris esthétique visant à souligner (pour ceux qui en doutaient encore) que sa mise en scène n'est pas inexistante. Mais il en fait un poil trop, et du coup ça devient un peu trop voyant...
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Il faudrait que je le revoie (un des rares Woody Allen que je n'ai vu qu'une fois) mais je n'avais pas trop accroché à sa sortie. Que ce soit le style tremblé du film ou l'interprétation. Il faut dire qu'à l'époque Woody Allen n'avait d'yeux que pour Judy Davis dont il disait que c'était la meilleure actrice au monde alors qu'elle avait plutôt tendance à m'insupporter (il n'y a que dans le film de David Lean que j'apprécie son jeu).
à revoir quand même. Il faut dire que le film coincidait avec sa rupture très médiatique avec Mia Farrow et que son appréciation s'en ressentait.
Le film suivant Meurtre Mystérieux à Manhattan utilisait aussi ce style tremblant et ne me plaît guère plus malgré le retour de Diane Keaton.
à revoir quand même. Il faut dire que le film coincidait avec sa rupture très médiatique avec Mia Farrow et que son appréciation s'en ressentait.
Le film suivant Meurtre Mystérieux à Manhattan utilisait aussi ce style tremblant et ne me plaît guère plus malgré le retour de Diane Keaton.
Meilleur topic de l'univers
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- MJ
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Le bougre a plus que raison!AtCloseRange a écrit :Il faut dire qu'à l'époque Woody Allen n'avait d'yeux que pour Judy Davis dont il disait que c'était la meilleure actrice au monde alors qu'elle avait plutôt tendance à m'insupporter (il n'y a que dans le film de David Lean que j'apprécie son jeu).
Maris et Femmes fait clairement partie de la vague dépressive de son auteur, avec Crimes et Délits. Je dois dire que ce principe d'auto-fiction, dans la tradition d'un Bergman, se révèle chez lui passionante.Il faut dire que le film coincidait avec sa rupture très médiatique avec Mia Farrow et que son appréciation s'en ressentait.
Je crois que Allen avait conscience d'utiliser des effets (zooms, raccords à l'arrache) devenus dessuets. Partant du principe que la forme crée le fond, cela me semble dans la totale continuité du propos du film, qui parle bien de cela: la déliquescence de nos vies, des institutions. Les personnages sont comme enfermés dans une mauvaise fiction, qu'ils se condament à répéter. Juliette Lewis le dit d'ailleurs à un moment: "Aujourd'hui la vie ressemble à un mauvais feuilleton de télévision."Nicolas Brulebois a écrit :Non, il me semble que c'est surtout un parti pris esthétique visant à souligner (pour ceux qui en doutaient encore) que sa mise en scène n'est pas inexistante. Mais il en fait un poil trop, et du coup ça devient un peu trop voyant...
La mise en scène me semble un mauvais angle d'attaque du film, tant elle se révèle en totale adéquation avec ce que tente de transmettre Woody Allen.
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