Mike Nichols

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Supfiction
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Re: Mike Nichols

Message par Supfiction »

Thaddeus a écrit :
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(en italiques : films découverts en salle à leur sortie)


Qui a peur de Virginia Woolf ?
Par son humour noir tordu, ses personnages si déchaînés et aberrants qu’ils ne sont pas loin d’apparaître comme des malades mentaux, ses altercations furieuses et ordurières qui semblent sculptées dans la pierre, le film est presque une comédie grotesque. Les jeux qu’il met en scène portent le nom de mariage moderne ; ils ont mené à la création d’un enfant imaginaire, une sorte d’"imitation of life" académique. Nichols ne cherche pas atténuer l’impression théâtrale mais l’amplifie au contraire pour accoucher de la plus grande scène de ménage de l’histoire du cinéma, un affrontement tonitruant aux allures de psychothérapie conjugale de choc. Le confinement de l’action, son mauvais goût délibéré et les prestations paroxystiques de ses deux stars en font une expérience assez saisissante. 5/6
Top 10 Année 1966

Le lauréat
Un an plus tard, Nichols impose encore son talent de portraitiste avec cette œuvre importante sur le conflit de générations d’une décennie marquée par la contestation politique, qui trouve en Benjamin (Dustin Hoffman dans un de ses meilleurs rôles) un vecteur attachant, à la fois drôle et touchant. Fixant avec humour, finesse et sensibilité les changements peu apparents dans son parcours initiatique, son apprentissage d’étudiant maladroit qui devient un jeune homme sûr de lui, il suggère la conquête d’une maturation vécue comme une découverte progressive de ses sentiments et de ses désirs. Ce faisant, il dresse avec un œil incisif et iconoclaste la peinture haute en couleurs d’un milieu décadent. Aujourd’hui encore, le film séduit pat sa légèreté, son ironie subtilement offensive. 4/6

Ce plaisir qu’on dit charnel
Radiographie du mâle américain, disséqué dans ses raisonnements, ses complaisances et son désir tôt affirmé de rationalité et de rendement, sur vingt ans d’après-guerre. Si l’accusation de vulgarité à son égard n’est pas illégitime, il faut convenir qu’elle est de toute évidence fort calculée, et que la pachydermie en sudation de ce grand déballage grivois correspond parfaitement à l’objet choisi. D’où une réussite à peu près totale sur le sujet number one : le sexe, ses problèmes, dérobades et triomphes. Optant pour un ton satirique d’une grande cruauté, servi par d’excellents comédiens (mention à Ann-Margret, très en forme-s), le cinéaste suscite une amertume de plus en plus prononcée à mesure qu’il dévoile, par-delà l’acide décapant de l’humour, le désarroi d’un pays qui n’en finit pas de s’autocritiquer. 5/6

La bonne fortune
L’humour bête et méchant recherché par cette farce rétro tient aux gaffes à répétition de deux escrocs voués aux projets les plus calamiteux, liés par le seul appât du gain, s’avérant moins épris de l’héroïne que de son héritage et finissant par se liguer pour hâter le cours du destin. On connaît le goût de Nichols pour les vociférations et les empoignades conjugales : ici des séquences entières sont dilatées pour le seul profit d’une plaisanterie graveleuse. Et il faut attendre la deuxième partie du récit pour que la comédie labellisée aux images, aux musiques et aux mœurs paradoxales des roaring twenties devienne amusante, pour que les mésaventures ubuesques de Warren Beatty et Jack Nicholson (qui s’en donnent à cœur joie dans un tandem à la Laurel et Hardy) suscitent enfin un franc sourire. 3/6

Wolf
Le vieux mythe du loup-garou revisité par le biais d’une lecture critique du monde implacable de l’entreprise contemporaine : pour illustrer le précepte maintes fois vérifié que l’homme est un loup pour l’homme, le cinéaste pimente de fantastique lycanthropique les conflits professionnels et sentimentaux d’un éditeur d’âge mûr et de son jeune rival dont les canines, au propre et au figuré, ne vont pas tarder à rayer le plancher. En filant ainsi la métaphore de l’animalité féroce et de la concurrence, Nichols apporte une petite plus-value à un thriller surnaturel mené sans génie, pas déplaisant mais franchement anecdotique. Reste le magnétisme naturel de la Bête Jack Nicholson, né pour ce genre de rôle, et le charme de la Belle Michelle Pfeiffer : les deux meilleurs atouts du film. 4/6

Closer
Quarante ans après Qui a peur de Virgina Woolf ?, autre huis clos à quatre, Nichols adapte une pièce de théâtre où le plaisir du sexe masque mal la panique devant le sentiment. Ses personnages enfantins, qui s’amusent à changer de rôle ou d’identité, sont aussi des êtres cruels cessant d’aimer aussi brutalement qu’ils avaient voulu séduire. Sur le sujet éternel de l’incommunicabilité et de la manipulation sentimentale, c’est un film assez noir et faussement corrosif qui se repose essentiellement sur un quatuor d’acteurs irréprochables. La relative crudité du ton et des dialogues (notamment dans une scène de rupture sadomaso à l’étonnante perversité verbale), la crudité des relations dépeintes et la mélancolie feutrée du discours confèrent une certaine tenue à l’ensemble. 4/6

La guerre selon Charlie Wilson
Comédie sarcastique sur les dessous de la guerre en Afghanistan, qui se livre à une satire gentiment corrosive sur les coulisses du pouvoir. Au programme : un peu de scandale sexuel, des intérêts divergents, du lobbying et des politiciens puérils qui s’amusent à jongler avec les millions de dollars pour satisfaire leurs lubies. Nichols trouve un ton plutôt original où des personnages un peu louches, parfois antipathiques, s’agitent pour sauver un pays, et où des discussions de couloir péripapéticiennes et des réunions au sommet de la CIA virent au Feydeau avec portes qui claquent et espion planqué. Le dilettantisme détaché de l’entreprise en font une œuvre parfaitement sans conséquence, mais dont l’humilité incite à la clémence. Mention à Philip Seymour Hoffman, savoureux. 3/6


Mon top :

1. Qui a peur de Virginia Woolf ? (1966)
2. Ce plaisir qu’on dit charnel (1971)
3. Le lauréat (1967)
4. Closer (2004)
5. Wolf (1994)

Trois films remarquables puis quatre franchement mineurs : difficile pour moi de juger de façon crédible ce cinéaste de toute manière assez insaisissable, que je n’aime que ponctuellement.

Dur de voir Le Lauréat classé derrière Ce plaisir qu’on dit charnel !
L'une des plus grandes comédies dramatiques - romantiques tandis que Ce plaisir est un sommet de bavardage parfois intelligent mais souvent ennuyeux en dépit de bons passages (et d'Anne Margret).
Sinon ... Virginia Wolf est un tres grand film et une prestation d'acteurs hallucinante, Wolf un gros plaisir coupable pour ma part et La bonne fortune l'un des plus grands gâchis de l'histoire (avec Ishtar).
J'aime aussi Closer et La guerre selon Charlie Wilson.
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Jean-Pierre Festina
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Re: Mike Nichols

Message par Jean-Pierre Festina »

A propos d'Henry

L'histoire d'un avocat méchant homme qui, à la suite d'une agression, réapprend à vivre et devient meilleur.
Spontanément, l'on se dit que le scénario offrait matière à un fabuleux court-métrage, qui grâce aux talents conjugués d'Annette Bennings, Harrison Ford et Mike Nichols, serait devenu un très bon moyen-métrage. A-t-on raison ? Ce qui est vrai, c'est que pour son malheur le film dure une heure trois quarts.

Un tel scénario ne pouvait que mettre en scène une certaine bourgeoisie urbaine, avec soirées à petits fours, racontars et histoires de fesses : il était hors de question d'en raccourcir le format, d'autant que l'Amérique n'éprouve pas de complexe particulier à filmer la bourgeoisie ni de nous en faire partager les décors et les costumes. Quant au sous-texte chrétien du scénario, un Capra ou un Leo McCarey en auraient fait leur affaire ; mais il aurait fallu l'érotisme du premier ou la drôlerie cinglante du second pour faire tenir le film et transformer cette imagerie sulpicienne en un Candide des temps modernes.
Hélas les temps modernes ont gagné et le syndrome "Ghost" (pour moi, Mike Nichols n'y est pour rien...) nous inflige une guimauve de plus.
Dernière modification par Jean-Pierre Festina le 5 juin 20, 08:47, modifié 1 fois.
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Jeremy Fox
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Re: Mike Nichols

Message par Jeremy Fox »

Yaplusdsaumon a écrit :A propos d'Henry
... nous inflige une guimauve de plus.
C'est le souvenir que j'en ai de sa découverte à sa sortie : une horrible guimauve.
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Jean-Pierre Festina
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Re: Mike Nichols

Message par Jean-Pierre Festina »

Jeremy Fox a écrit :
Yaplusdsaumon a écrit :A propos d'Henry
... nous inflige une guimauve de plus.
C'est le souvenir que j'en ai de sa découverte à sa sortie : une horrible guimauve.
Disons que le début est tellement prometteur que ça ne pouvait que dégénérer... Le réalisateur a pu sauver quelques meubles, je suis resté jusqu'au bout (problème, je l'ai vu hier soir et je suis infichu de dire comment le film se termine).
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Re: Mike Nichols

Message par MJ »

Jeremy Fox a écrit :
Yaplusdsaumon a écrit :A propos d'Henry
... nous inflige une guimauve de plus.
C'est le souvenir que j'en ai de sa découverte à sa sortie : une horrible guimauve.
C'est quand même d'une délicatesse (et d'un sens du risque dans la manière de se confronter à une forme d'idiotie) qui le place bien des coudées au-dessus d'un Ghost. Une des petites réussites qui constellent la filmo de Nichols (et en font l'intérêt : sans que ce soit un très grand cinéaste, presque tout vaut la peine qu'on s'y penche).
"Personne ici ne prend MJ ou GTO par exemple pour des spectateurs de blockbusters moyennement cultivés." Strum
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Jean-Pierre Festina
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Re: Mike Nichols

Message par Jean-Pierre Festina »

Tu n'as pas tort MJ, cela reste plus délicat que Ghost. Difficile de dire pourquoi, le fait est que j'ai vu le film jusqu'à la fin, et même avec plaisir (surtout sur la première heure et quart)
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Boubakar
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Re: Mike Nichols

Message par Boubakar »

Je ne déteste pas A propos d'Henry, surtout grâce à Harrison Ford qui a l'air, pour une fois, convaincu par le rôle qu'il joue, où il doit en plus composer.
Le film a surtout été remis en avant il y a quelques années parce c'est, d'une part, l'un des premiers scénarios de J.J.Abrams, et, d'autre part, celui-ci fait un cameo en présence d'Harrison Ford.
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Kevin95
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Re: Mike Nichols

Message par Kevin95 »

La première séquence est sacrément vicelarde et mensongère. Comme un bonbon acide qu'on nous refuse pour un gros, très gros gâteau de bons sentiments. Même gâchis pour le score refusé de Delerue au profit de la musique d'attente de Zimmer.
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Jean-Pierre Festina
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Re: Mike Nichols

Message par Jean-Pierre Festina »

Kevin95 a écrit : score refusé de Delerue
:shock:
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odelay
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Re: Mike Nichols

Message par odelay »

Yaplusdsaumon a écrit :
Kevin95 a écrit : score refusé de Delerue
:shock:

Il avait déjà un peu fait le coup pour Biloxi Blues où il ne restait qu'à peine une minute au milieu du film...
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Boubakar
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Re: Mike Nichols

Message par Boubakar »

odelay a écrit :
Yaplusdsaumon a écrit :
:shock:

Il avait déjà un peu fait le coup pour Biloxi Blues où il ne restait qu'à peine une minute au milieu du film...
Je ne sais pas si le topic existe déjà, mais il y aurait un sujet à faire sur les scores rejetés.
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Kevin95
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Re: Mike Nichols

Message par Kevin95 »

odelay a écrit :
Yaplusdsaumon a écrit :
:shock:

Il avait déjà un peu fait le coup pour Biloxi Blues où il ne restait qu'à peine une minute au milieu du film...
Quand on pense aux musiques sublimes que le père Georges a offert au réal (coucou The Day of the Dolphin et Silkwood).
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Re: Mike Nichols

Message par odelay »

Kevin95 a écrit :
odelay a écrit :

Il avait déjà un peu fait le coup pour Biloxi Blues où il ne restait qu'à peine une minute au milieu du film...
Quand on pense aux musiques sublimes que le père Georges a offert au réal (coucou The Day of the Dolphin et Silkwood).
Après, la chanson de Pat Suzuki qui a remplacé le main theme de Delerue dans Biloxi blues est tellement belle que je lui pardonne pour cette fois. Mais pas pour le film avec Ford.
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Jeremy Fox
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Re: Mike Nichols

Message par Jeremy Fox »

7swans a écrit : 19 janv. 10, 14:32

Très bon :
Biloxi Blues (1988)

Belle découverte en effet que ce mélange de comédie et de chronique, ces deux faces de ce modeste film étant toutes aussi réussies. Grande prestation de Christopher Walken mais tous les autres sont également très bien.
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Flol
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Re: Mike Nichols

Message par Flol »

Jeremy Fox a écrit : 1 oct. 21, 13:38Grande prestation de Christopher Walken
Pléonasme.
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