Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman - 1982)
Moderators: cinephage, Karras, Rockatansky
-
- Qui a tué flanby ?
- Posts: 33435
- Joined: 9 Oct 03, 21:39
- Location: Helvetica
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman - 1982)
Pas besoin, j'avais un gros rabais chez mon fournisseur habituel.
Au final je paie le coffret quelque chose comme 10€.
Au final je paie le coffret quelque chose comme 10€.
"Give me all the bacon and eggs you have."
-
- Le Choix de Sophisme
- Posts: 28855
- Joined: 1 Jun 08, 14:29
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman - 1982)
Alors, à ce moment là, je retourne la question : tu pourrais pas partager qu'on n'ait pas à attendre la promo ?Colqhoun wrote:Pas besoin, j'avais un gros rabais chez mon fournisseur habituel.
Au final je paie le coffret quelque chose comme 10€.

-
- Qui a tué flanby ?
- Posts: 33435
- Joined: 9 Oct 03, 21:39
- Location: Helvetica
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman - 1982)
Ce serait avec plaisir, mais c'est sur un site suisse et c'est un rabais obtenu sur la base de mes commandes passées.tenia wrote:Alors, à ce moment là, je retourne la question : tu pourrais pas partager qu'on n'ait pas à attendre la promo ?

"Give me all the bacon and eggs you have."
-
- Accessoiriste
- Posts: 1683
- Joined: 1 Oct 10, 11:11
- Location: Sur la vague eternelle
Re: Fanny et Alexandre
Il existe désormais avec des sous titres françaisFatalitas wrote:oui, je sais.
mais j'ai pas l'aisance de beaucoup avec les sous-titres anglais donc je m'abstiens.

-
- Charles Foster Kane
- Posts: 21050
- Joined: 2 Aug 06, 15:02
- Location: Have you seen the bridge?
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman, 1982)
Fanny et Alexandre se passe en 1907 et pourtant le personnage joué par Erland Josephson parle lors d'une scène de la dureté du monde extérieur et de sa lassitude des guerres. ça fait relativiser les propos habituels sur "la belle époque".
-
- Shérif adjoint
- Posts: 97320
- Joined: 12 Apr 03, 22:22
- Location: Contrebandier à Moonfleet
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman, 1982)
C'est clair. Mais tu peux trouver des tas d'exemples de ce type dans des centaines d'autres films de n'importe quelles époques, de n'importe quelles nationalités (je me fais la réflexion à chaque fois que je tombe dessus). C'est pour cette raison que le "c'était mieux avant" n'est jamais et ne passera jamais par moi, et ce dans presque n'importe quel domaine.Supfiction wrote:Fanny et Alexandre se passe en 1907 et pourtant le personnage joué par Erland Josephson parle lors d'une scène de la dureté du monde extérieur et de sa lassitude des guerres. ça fait relativiser les propos habituels sur "la belle époque".
-
- n'est pas Flaubert
- Posts: 8464
- Joined: 19 Nov 05, 15:35
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman, 1982)
En effet. Chaque époque est sujette à des angoisses, à la peur du futur, et voit le passé sous un jour meilleur. Le "c'était mieux avant" est un sentiment universel et intemporel (ce réflexe est d'autant plus fort en France que la peur du futur y est un sentiment prégnant). Le "c'était mieux" idéalise le passé. Le terme "belle époque" a par exemple été forgé après la première guerre mondiale. Ceux qui vivaient dans la société d'avant 14 n'avaient pas le sentiment de vivre une "belle époque". Quiconque s'est intéressé à la période d'avant 14 a pu constater combien, notamment, la crainte d'une guerre imminente avec l'Allemagne était dans les consciences et pesait sur l'époque, de même que les craintes liées aux bouleversements économiques.Jeremy Fox wrote:C'est clair. Mais tu peux trouver des tas d'exemples de ce type dans des centaines d'autres films de n'importe quelles époques, de n'importe quelles nationalités (je me fais la réflexion à chaque fois que je tombe dessus). C'est pour cette raison que le "c'était mieux avant" n'est jamais et ne passera jamais par moi, et ce dans presque n'importe quel domaine.
-
- Ewok on the wild side
- Posts: 5798
- Joined: 16 Feb 07, 22:49
- Location: 1612 Havenhurst
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman - 1982)

La vie célébrée
Un jour son ami Kjell Grede demanda à Ingmar Bergman pourquoi, lui qui trouvait la vie si merveilleusement riche et divertissante, pourquoi donc il faisait des films si sérieux, si noirs, si déprimants. Pourquoi ne réalisait-il pas des films montrant à quel point il aimait et appréciait l’existence ? Voilà : Fanny et Alexandre est la réponse apportée par le maître suédois, comme si après tant d’années de rétention il libérait sa joie, son bonheur, sa gratitude face à son passage sur terre. Son feel-good movie ? Appellation bien trop restrictive, et pour tout dire assez mensongère à juger des moments de dureté, de douleur, de terreur aussi, qui parcourent cette chronique d’apprentissage immense comme un fleuve majestueux. Mais il ne s'y épanche pas de sang, il n'y figure aucune mutilation, et les hurlements de deuil d’Émilie Ekhdal n’y dépassent pas ceux que peut entendre qui sait lire un roman classique, disons de tradition balzacienne. Pas de sexe déchiré, de gorge tranchée, de cadavres flottant sur une mer métaphysique. Bergman se donne enfin l’autorisation à lui-même d’exalter la vie, ce à quoi tous ses films tendent aussi secrètement, et plus encore de le faire savoir pour ainsi dire à visage découvert. Mais lorsqu’un des pères nourriciers du cinéma annonce (sincèrement ou non) qu’il vient de réaliser son dernier long-métrage, la presse, flashée à vif dans une routine pré-nécrologique assurément prématurée, ne peut que recourir avec empressement aux habituels rites de passage. Tous les mots d’épargne cérébrale ont été prononcés : chef-d’œuvre, testament, jubilé, autobiographie, avec la sûreté d’un réflexe conditionné. À sa sortie française, Fanny et Alexandre a stupéfié la classe critique au point de la laisser inerte et formulaire, comme aux grandes périodes de vertige intellectuel causé par les carrefours problématiques (Marienbad, L’Avventura), ères prolixes en verdicts indélébiles. Il y a de quoi : on en sort ébloui, bouleversé, chaviré par l’ampleur et la fécondité de l’aveu.
Une ville de Suède, en 1907. Au sein d’une vaste et truculente famille bourgeoise dominée par une tendre matriarche, le film évoque l’entrée dans le monde d’un frère et d’une sœur, Fanny et Alexandre, lui jeune adolescent, elle encore enfant. Ils vivent dans une sorte de bulle chatoyante, parmi les meubles confortables et les bibelots foisonnants d’une demeure grande comme un château, où d’emblée s’installe l’heureuse atmosphère de la nuit de la nativité. Des tabliers blancs sur des jupes noires, des regards de connivence, une chaleur féminine enveloppent leur vie protégée. Au théâtre, dirigé par Oscar, le comédien faible et doux, le père de Fanny et Alexandre, on joue un mystère de Noël. Puis fraternellement les comédiens boivent le punch. La vénérable grand-mère, Helena, altière, gaie, pleine d’humour, l’œil toujours pétillant, se penche à la fenêtre pour voir glisser sur la neige, dans les tintements des grelots, les traîneaux et les coches. "C’est ma famille…" murmure-t-elle. Comme tous les ans le réveillon aura lieu, plein d’éclats de rire et de farandoles, d’offrandes et d’étreintes. Et comme tous les ans l’oncle hédoniste Gustav Adolf, si bon avec son épouse mais incapable de résister à un joli minois, lâchera des brassées de joie de vivre sur l’assemblée avant de finir dans le lit dans la riante et plantureuse servante. Et comme tous les ans son frère Carl, qui noie dans l’alcool sa conviction d’être un raté et reporte sa rancœur sur sa femme, amusera ses neveux et nièces en pétant dans l’escalier. Et comme tous les ans la grande tablée réunira maîtres et domestiques dans une même allégresse sensuelle, un même tourbillon d’euphorie. Et comme tous les ans Helena s’assiéra à côté d’Isak Jacobi, son amant, un antiquaire juif vêtu d’une robe de chambre noire, lourde de brocards, et dont la tranquille sagesse semble cacher mille histoires à raconter. Et comme tous les ans les chambres se rempliront de nuées d’enfants, qui s’endormiront le sourire aux lèvres après leur bataille de polochons. Alexandre, lui, n’aura pas manqué d’effrayer Fanny en lui offrant une séance de lanterne magique. On pense à ces gros albums rouge et or dont les pages recelaient tous les souvenirs religieusement cristallisés par notre mémoire.
Ce fourmillement romanesque est synchrone avec le regard du jeune héros, qui semble vivre au sein d’un théâtre de marionnettes. Il arpente ce domaine avec l’intrépidité d’un preux illuminé, en compagnie de Fanny, son double solidaire et silencieux, aussi solide sur ses jambes, aussi ronde, blonde et claire qu’il est encombré de son corps gracile. Tout ici est alcôve, draperies, fausses perspectives, linteaux et fond de scène, le cadre et la profondeur de champ faisant un appel constant au tréteau, au rideau, à la coulisse. En grande partie, Fanny et Alexandre est filmé à hauteur d’enfant, c’est-à-dire de songe. Lors de la toute première scène, Alexandre s’endort. Une statue d’albâtre se tourne, se penche et lui fait signe, complice. L’enfant verra cette capacité d’animation se développer jusqu’au pouvoir surnaturel de la magie — et s’inverser en capacité de tuer à distance — dans la saisissante séquence de la boutique de Jacobi (évocation de la Kabbale). Il est précocement poète, artiste, et le contenu de la fable réside à la fois dans le conflit inépuisable contre toute prétention de pureté, dans l’affirmation de l’imperfection comme souci électif de l’humanité, et dans la lutte mortelle entre la vocation au rêve, la merveilleuse force de mensonge, et le principe de réalité représenté par l’abominable usurpateur, l’évêque luthérien Edvard Vergerus — disons-le tout net, l’un des plus ignobles "méchants" que le cinéma ait jamais offert. Car entre-temps, le père d’Alexandre est mort sur scène alors qu’il répétait le rôle du spectre dans Hamlet. Et sa mère, la ravissante Émilie aux yeux si bleus, à la beauté si pure, se prend de passion pour l’évêque. Alexandre déteste d’emblée cet homme impassible et inquiétant, ce tourmenteur fanatique qui parle sans cesse d’amour avec un cœur plein d’acrimonie et s’acharne à briser sa résistance par la férule, l’huile de ricin ou le cabinet noir. Il tombe sous son emprise comme David Copperfield chez Dickens. Le palais épiscopal suinte le puritanisme, l’austérité et la pénitence, climat représenté par les plans de la monstrueuse tante immobile ou d’Émilie lourdement enceinte, les jambes dénudées, assise sur le bord du lit conjugal dans une symphonie de gris glacés à la Rembrandt. Enfermé derrière ces murs épais, le garçon engage une lutte impitoyable contre son beau-père. Mais il n’éprouve que de la haine, aucune culpabilité. Et tout l’effort de Vergerus est précisément de tenter de lui inculquer ce sens de la faute qui lui est étranger. Scène superbe où Alexandre, avec une tranquillité entière, peut jurer solennellement sur la Bible la véracité de ce qui sort de son esprit, et qui contraint l’évêque à recourir à la force, pratiquement à la torture, pour faire lui avouer son mensonge. S’il est une image qui, pour Alexandre, est forclose — et cela ne laisse pas d’être surprenant s’agissant d’un film de Bergman — c’est celle du péché.
Commence alors le troisième temps du film. Vergerus, désormais haï par la mère, le fils et la fille, est réduit à utiliser la lettre de la loi et la contrainte par corps. D’où l’intervention d’Isak Jacobi, qui surgit comme un libérateur sur son trône de roi oriental, enlève les enfants, littéralement par miracle, et introduit Alexandre au sein d’une dimension nouvelle, une caverne en forme de labyrinthe où l’espace et le temps, le fantastique et le réel, la vie et la mort n’ont plus de frontières assignables. Il y rencontre Ismaël, schizo, hermaphrodite et télépathe, ange du bizarre rappelant qu’il existe en ce monde bien des choses inexpliquées. Lors d’un rituel de possession, il révèle et propulse les pensées intimes d’Alexandre, les focalise vers celui qui s’est efforcé de les dompter et que soudain et elles détruisent par le feu. La maison de Jacobi fait passer de l’autre côté de la tapisserie : ce bazar laïque où s’accumulent les cuivres, les soieries, les pierreries vraies ou fausses, où brillent les mille éclats des trésors, des vieux livres, des masques exotiques, des sortilèges, c’est le règne du Golem cinématographique, l’envers chaotique des apparences, qui renvoie à un humanisme à la fois désordonné et fou de curiosité. Bergman demande aux Jacobi cette culture confuse, incertaine, fantasmée dans ses ors et ses cristaux, cette ouverture vers des questions auxquelles le temps permettra peut-être un jour de répondre. Il y a si longtemps que la momie respire… C’est là que, dans la destruction de ce qui l’opprime, Alexandre devient créateur et passe par la première étape de la connaissance : le refus d’un Dieu pervers qui se moquerait du malheur de ses créatures. En fait, il l’avait déjà tué par la litanie obscène marmonnée pendant les funérailles de son père. Bergman, comme la famille Ekhdal, ne croit plus à ce Dieu-là. Mais il croit en la vie, la vie acceptée, la vie aimée.
Vergerus et Jacobi, les deux pôles antagonistes du monde extérieur, plongent leurs racines très loin dans l’œuvre du cinéaste-thaumaturge, qui pose sur eux un regard chargé d’un manichéisme fasciné. Le premier est une figure du Père, bien sûr. C’est le mauvais père. Le bon, le vrai père, est acteur, il fait partie de l’univers chimérique où l’enfant peut manipuler les êtres à sa guise, il appartient au milieu résolument joyeux de l’appartement d’Helena, au sein duquel il fomente secrètement ses mensonges et ses rêves. Si Bergman traite cette histoire comme une traversée du théâtre œdipien, conforme en cela à la tragédie de Shakespeare, il faut noter que le fantôme bienveillant d’Oscar, au contraire du père d’Hamlet, ne réclame nulle vengeance et n’impose aucun commandement. L’auteur renoue ici avec une veine romantique ancienne, cette partie de sa filmographie qui court de La Nuit des Forains aux Communiants. Mais l’éclairage est complètement inversé. Ce n’est plus la haine de soi et du semblable (du conjoint particulièrement) qui forme le thème principal et donne sa couleur d’ensemble à la fiction. Bergman avait habitué au noir. À une apparition près, c’est dans le rose et le blanc que s’achève Fanny et Alexandre. La couleur noire, isolée en l’espèce de Vergerus comme celle de la paranoïa protestante et nordique (il présente tous les traits de la mentalité nazie, avant la lettre, et ce n’est pas un hasard bien sûr s’il est joué et détruit par une famille juive), est vaincue. Le film entier peut dès lors s’interpréter comme l’affirmation que, du conflit contre le surmoi religieux, l’artiste sort victorieux. Déchaînées dans le réel, les puissances miraculeuses de l’illusion triomphent de la haine de la vie, de la passion mortelle et pétrifiante de la culpabilité. Contre le froid, la macération, l’autorité punitive, l’angoisse existentielle, l’auteur choisit le mouvement, la profusion, et dans le même temps l’existence assumée d’un mystère, d’une communication avec l’au-delà qui ne le trouble plus.
Œuvre picaresque, vertigineuse, erratique, sans complaisance et profondément vitale dans sa volonté de recensement essentialiste, Fanny et Alexandre constitue une vaste récapitulation des thèmes et des obsessions de l’artiste. Tenant la féérie d’une main et les maléfices de l’autre, Bergman ouvre et ferme le grand spectacle de la comédie humaine. Alexandre parcourt un temps hors du temps où les heures sont toutefois scandées par d’ancestrales horloges et les années par la suite des saisons. Plus il traverse le blanc, le pourpre et le noir, et plus le réel cède du terrain à l’imaginaire, plus les âges se confondent. Si les membres du Ekhdal séduisent profondément malgré leurs frasques, leurs erreurs, voire leurs turpitudes, c’est parce qu’ils ont le cœur chaud. Ils ont décidé que la vie est un conte et que la vérité se situe dans la succession des rôles. C’est pourquoi, pour retrouver son bonheur, Émilie reviendra au théâtre, y entraînant à nouveau Helena. Cette dernière, la tête d’Alexandre posée sur ses genoux, commencera à lire un texte de Strindberg exaltant le libre cours de l’imagination de l’auteur et les éternels recommencements des histoires d’hier et de toujours. Fanny et Alexandre est un film sur la famille en tant que spectacle, avec entrées, sorties et psychodrames cycliques. Tout s’y passe comme dans l’une de ces dynasties tentaculaires où le partage se fait tout seul entre grands rôles, seconds couteaux et silhouettes. C’est un film sur la mort comme baisser de rideau et la jeunesse comme répétition générale, sur le choix définitif de la famille scénique comme terre d’élection. Après avoir frayé sur les eaux conjuguées du classicisme et de la modernité, révélé par un fabuleux processus de décantation toute une mosaïque d’intrigues, d’enjeux, de personnages, fait partager les fascinations, les peurs, les découvertes, les haines et les amours de son jeune héros, glorifié avec une insatiable générosité les forces multiples de la vie contre les puissances du ressentiment, Bergman peut tirer sa révérence. Sa dernière œuvre pour le cinéma aura emporté avec elle toutes les passions, toutes les tristesses et tous les bonheurs d’un monde disparu, celui qu’il aura si lyriquement célébré en faisant revivre les greniers de l’enfance.

Une ville de Suède, en 1907. Au sein d’une vaste et truculente famille bourgeoise dominée par une tendre matriarche, le film évoque l’entrée dans le monde d’un frère et d’une sœur, Fanny et Alexandre, lui jeune adolescent, elle encore enfant. Ils vivent dans une sorte de bulle chatoyante, parmi les meubles confortables et les bibelots foisonnants d’une demeure grande comme un château, où d’emblée s’installe l’heureuse atmosphère de la nuit de la nativité. Des tabliers blancs sur des jupes noires, des regards de connivence, une chaleur féminine enveloppent leur vie protégée. Au théâtre, dirigé par Oscar, le comédien faible et doux, le père de Fanny et Alexandre, on joue un mystère de Noël. Puis fraternellement les comédiens boivent le punch. La vénérable grand-mère, Helena, altière, gaie, pleine d’humour, l’œil toujours pétillant, se penche à la fenêtre pour voir glisser sur la neige, dans les tintements des grelots, les traîneaux et les coches. "C’est ma famille…" murmure-t-elle. Comme tous les ans le réveillon aura lieu, plein d’éclats de rire et de farandoles, d’offrandes et d’étreintes. Et comme tous les ans l’oncle hédoniste Gustav Adolf, si bon avec son épouse mais incapable de résister à un joli minois, lâchera des brassées de joie de vivre sur l’assemblée avant de finir dans le lit dans la riante et plantureuse servante. Et comme tous les ans son frère Carl, qui noie dans l’alcool sa conviction d’être un raté et reporte sa rancœur sur sa femme, amusera ses neveux et nièces en pétant dans l’escalier. Et comme tous les ans la grande tablée réunira maîtres et domestiques dans une même allégresse sensuelle, un même tourbillon d’euphorie. Et comme tous les ans Helena s’assiéra à côté d’Isak Jacobi, son amant, un antiquaire juif vêtu d’une robe de chambre noire, lourde de brocards, et dont la tranquille sagesse semble cacher mille histoires à raconter. Et comme tous les ans les chambres se rempliront de nuées d’enfants, qui s’endormiront le sourire aux lèvres après leur bataille de polochons. Alexandre, lui, n’aura pas manqué d’effrayer Fanny en lui offrant une séance de lanterne magique. On pense à ces gros albums rouge et or dont les pages recelaient tous les souvenirs religieusement cristallisés par notre mémoire.

Ce fourmillement romanesque est synchrone avec le regard du jeune héros, qui semble vivre au sein d’un théâtre de marionnettes. Il arpente ce domaine avec l’intrépidité d’un preux illuminé, en compagnie de Fanny, son double solidaire et silencieux, aussi solide sur ses jambes, aussi ronde, blonde et claire qu’il est encombré de son corps gracile. Tout ici est alcôve, draperies, fausses perspectives, linteaux et fond de scène, le cadre et la profondeur de champ faisant un appel constant au tréteau, au rideau, à la coulisse. En grande partie, Fanny et Alexandre est filmé à hauteur d’enfant, c’est-à-dire de songe. Lors de la toute première scène, Alexandre s’endort. Une statue d’albâtre se tourne, se penche et lui fait signe, complice. L’enfant verra cette capacité d’animation se développer jusqu’au pouvoir surnaturel de la magie — et s’inverser en capacité de tuer à distance — dans la saisissante séquence de la boutique de Jacobi (évocation de la Kabbale). Il est précocement poète, artiste, et le contenu de la fable réside à la fois dans le conflit inépuisable contre toute prétention de pureté, dans l’affirmation de l’imperfection comme souci électif de l’humanité, et dans la lutte mortelle entre la vocation au rêve, la merveilleuse force de mensonge, et le principe de réalité représenté par l’abominable usurpateur, l’évêque luthérien Edvard Vergerus — disons-le tout net, l’un des plus ignobles "méchants" que le cinéma ait jamais offert. Car entre-temps, le père d’Alexandre est mort sur scène alors qu’il répétait le rôle du spectre dans Hamlet. Et sa mère, la ravissante Émilie aux yeux si bleus, à la beauté si pure, se prend de passion pour l’évêque. Alexandre déteste d’emblée cet homme impassible et inquiétant, ce tourmenteur fanatique qui parle sans cesse d’amour avec un cœur plein d’acrimonie et s’acharne à briser sa résistance par la férule, l’huile de ricin ou le cabinet noir. Il tombe sous son emprise comme David Copperfield chez Dickens. Le palais épiscopal suinte le puritanisme, l’austérité et la pénitence, climat représenté par les plans de la monstrueuse tante immobile ou d’Émilie lourdement enceinte, les jambes dénudées, assise sur le bord du lit conjugal dans une symphonie de gris glacés à la Rembrandt. Enfermé derrière ces murs épais, le garçon engage une lutte impitoyable contre son beau-père. Mais il n’éprouve que de la haine, aucune culpabilité. Et tout l’effort de Vergerus est précisément de tenter de lui inculquer ce sens de la faute qui lui est étranger. Scène superbe où Alexandre, avec une tranquillité entière, peut jurer solennellement sur la Bible la véracité de ce qui sort de son esprit, et qui contraint l’évêque à recourir à la force, pratiquement à la torture, pour faire lui avouer son mensonge. S’il est une image qui, pour Alexandre, est forclose — et cela ne laisse pas d’être surprenant s’agissant d’un film de Bergman — c’est celle du péché.
Commence alors le troisième temps du film. Vergerus, désormais haï par la mère, le fils et la fille, est réduit à utiliser la lettre de la loi et la contrainte par corps. D’où l’intervention d’Isak Jacobi, qui surgit comme un libérateur sur son trône de roi oriental, enlève les enfants, littéralement par miracle, et introduit Alexandre au sein d’une dimension nouvelle, une caverne en forme de labyrinthe où l’espace et le temps, le fantastique et le réel, la vie et la mort n’ont plus de frontières assignables. Il y rencontre Ismaël, schizo, hermaphrodite et télépathe, ange du bizarre rappelant qu’il existe en ce monde bien des choses inexpliquées. Lors d’un rituel de possession, il révèle et propulse les pensées intimes d’Alexandre, les focalise vers celui qui s’est efforcé de les dompter et que soudain et elles détruisent par le feu. La maison de Jacobi fait passer de l’autre côté de la tapisserie : ce bazar laïque où s’accumulent les cuivres, les soieries, les pierreries vraies ou fausses, où brillent les mille éclats des trésors, des vieux livres, des masques exotiques, des sortilèges, c’est le règne du Golem cinématographique, l’envers chaotique des apparences, qui renvoie à un humanisme à la fois désordonné et fou de curiosité. Bergman demande aux Jacobi cette culture confuse, incertaine, fantasmée dans ses ors et ses cristaux, cette ouverture vers des questions auxquelles le temps permettra peut-être un jour de répondre. Il y a si longtemps que la momie respire… C’est là que, dans la destruction de ce qui l’opprime, Alexandre devient créateur et passe par la première étape de la connaissance : le refus d’un Dieu pervers qui se moquerait du malheur de ses créatures. En fait, il l’avait déjà tué par la litanie obscène marmonnée pendant les funérailles de son père. Bergman, comme la famille Ekhdal, ne croit plus à ce Dieu-là. Mais il croit en la vie, la vie acceptée, la vie aimée.

Vergerus et Jacobi, les deux pôles antagonistes du monde extérieur, plongent leurs racines très loin dans l’œuvre du cinéaste-thaumaturge, qui pose sur eux un regard chargé d’un manichéisme fasciné. Le premier est une figure du Père, bien sûr. C’est le mauvais père. Le bon, le vrai père, est acteur, il fait partie de l’univers chimérique où l’enfant peut manipuler les êtres à sa guise, il appartient au milieu résolument joyeux de l’appartement d’Helena, au sein duquel il fomente secrètement ses mensonges et ses rêves. Si Bergman traite cette histoire comme une traversée du théâtre œdipien, conforme en cela à la tragédie de Shakespeare, il faut noter que le fantôme bienveillant d’Oscar, au contraire du père d’Hamlet, ne réclame nulle vengeance et n’impose aucun commandement. L’auteur renoue ici avec une veine romantique ancienne, cette partie de sa filmographie qui court de La Nuit des Forains aux Communiants. Mais l’éclairage est complètement inversé. Ce n’est plus la haine de soi et du semblable (du conjoint particulièrement) qui forme le thème principal et donne sa couleur d’ensemble à la fiction. Bergman avait habitué au noir. À une apparition près, c’est dans le rose et le blanc que s’achève Fanny et Alexandre. La couleur noire, isolée en l’espèce de Vergerus comme celle de la paranoïa protestante et nordique (il présente tous les traits de la mentalité nazie, avant la lettre, et ce n’est pas un hasard bien sûr s’il est joué et détruit par une famille juive), est vaincue. Le film entier peut dès lors s’interpréter comme l’affirmation que, du conflit contre le surmoi religieux, l’artiste sort victorieux. Déchaînées dans le réel, les puissances miraculeuses de l’illusion triomphent de la haine de la vie, de la passion mortelle et pétrifiante de la culpabilité. Contre le froid, la macération, l’autorité punitive, l’angoisse existentielle, l’auteur choisit le mouvement, la profusion, et dans le même temps l’existence assumée d’un mystère, d’une communication avec l’au-delà qui ne le trouble plus.
Œuvre picaresque, vertigineuse, erratique, sans complaisance et profondément vitale dans sa volonté de recensement essentialiste, Fanny et Alexandre constitue une vaste récapitulation des thèmes et des obsessions de l’artiste. Tenant la féérie d’une main et les maléfices de l’autre, Bergman ouvre et ferme le grand spectacle de la comédie humaine. Alexandre parcourt un temps hors du temps où les heures sont toutefois scandées par d’ancestrales horloges et les années par la suite des saisons. Plus il traverse le blanc, le pourpre et le noir, et plus le réel cède du terrain à l’imaginaire, plus les âges se confondent. Si les membres du Ekhdal séduisent profondément malgré leurs frasques, leurs erreurs, voire leurs turpitudes, c’est parce qu’ils ont le cœur chaud. Ils ont décidé que la vie est un conte et que la vérité se situe dans la succession des rôles. C’est pourquoi, pour retrouver son bonheur, Émilie reviendra au théâtre, y entraînant à nouveau Helena. Cette dernière, la tête d’Alexandre posée sur ses genoux, commencera à lire un texte de Strindberg exaltant le libre cours de l’imagination de l’auteur et les éternels recommencements des histoires d’hier et de toujours. Fanny et Alexandre est un film sur la famille en tant que spectacle, avec entrées, sorties et psychodrames cycliques. Tout s’y passe comme dans l’une de ces dynasties tentaculaires où le partage se fait tout seul entre grands rôles, seconds couteaux et silhouettes. C’est un film sur la mort comme baisser de rideau et la jeunesse comme répétition générale, sur le choix définitif de la famille scénique comme terre d’élection. Après avoir frayé sur les eaux conjuguées du classicisme et de la modernité, révélé par un fabuleux processus de décantation toute une mosaïque d’intrigues, d’enjeux, de personnages, fait partager les fascinations, les peurs, les découvertes, les haines et les amours de son jeune héros, glorifié avec une insatiable générosité les forces multiples de la vie contre les puissances du ressentiment, Bergman peut tirer sa révérence. Sa dernière œuvre pour le cinéma aura emporté avec elle toutes les passions, toutes les tristesses et tous les bonheurs d’un monde disparu, celui qu’il aura si lyriquement célébré en faisant revivre les greniers de l’enfance.

Last edited by Thaddeus on 10 Apr 23, 11:41, edited 11 times in total.
-
- Bronco Boulet
- Posts: 14841
- Joined: 20 Aug 09, 16:50
- Location: Retraité de DvdClassik.
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman - 1982)
Bizarrement, il existe un second topic consacré au film : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... =3&t=15112
Pour recopier ici ce que j'en disais ailleurs, Fanny et Alexandre s'impose comme un accomplissement artistique incroyablement entêtant. C'est le film d'une vie, l'aboutissement de tous les questionnements bergmaniens, mais dans un somptueux écrin humaniste et romanesque, jusque dans ses développements les plus étonnants (le fantastique ouvertement convoqué, presque lynchien). Ce n'est pas un film qui me réconcilie à proprement parler avec son auteur car il n'annule pas tout ce qui me dérange souvent ailleurs dans son œuvre, mais c'est un film qui me montre, avec bonheur, qu'il est aussi capable de me parler, de m'impressionner, de me toucher : lorsque cela se produit, il est alors un des plus grands à mes yeux.
Mais je serai très curieux de voir la version cinéma car je trouve qu'il y a des longueurs très sensibles dans la version télé. Par exemple, je suis persuadé que la version ciné s'achève sur la photo de famille, là où l'intégrale se prolonge encore d'une dizaine de minutes qui, en plus de rallonger, obscurcissent un peu les intentions de Bergman à l'égard d'Alexandre, qu'il hante du fantôme de l'évêque, comme un châtiment. Peut-être que resserré à 3 heures, le film gagnerait en montée en puissance dramatique. Bon, d'un autre côté, on perdrait aussi sans doute beaucoup de scènes annexes géniales (l'oncle pétomane
).
Il y a vraiment des séquences absolument incroyables, presque jouissives de génie même quand c'est tragique : le prologue silencieux, les lustres en cristal et la statue qui s'anime, l'atmosphère de Noël et le réveillon à la chandelle (en fait toute la première partie du film, qu'on voudrait ne plus quitter tellement elle sonne vrai, c'est Gens de Dublin mais en bien mieux), les hurlements d’Émilie dans la chambre funéraire, la désastreuse négociation entre les frères Ekdahl et l'évêque (je suis devenu fan de l'épicurien Gustav Adolph), le vomi du fantôme façon Exorciste, les trucs bizarres de la dernière partie... Je suis persuadé que ce film, pour lequel j'ai déjà la plus grande estime, ne peut que mûrir et se bonifier dans ma mémoire. C'est l'un des plus profonds et beaux films réalisés sur la famille (sa dimension clanique et sacrée), avec Le Parrain et une poignée d'autres.
Et puis ces GUEULES bon sang. Les visages de ce film sont extraordinaires. Mention spéciale aux yeux azuréens de Ewa Fröling...
Pour recopier ici ce que j'en disais ailleurs, Fanny et Alexandre s'impose comme un accomplissement artistique incroyablement entêtant. C'est le film d'une vie, l'aboutissement de tous les questionnements bergmaniens, mais dans un somptueux écrin humaniste et romanesque, jusque dans ses développements les plus étonnants (le fantastique ouvertement convoqué, presque lynchien). Ce n'est pas un film qui me réconcilie à proprement parler avec son auteur car il n'annule pas tout ce qui me dérange souvent ailleurs dans son œuvre, mais c'est un film qui me montre, avec bonheur, qu'il est aussi capable de me parler, de m'impressionner, de me toucher : lorsque cela se produit, il est alors un des plus grands à mes yeux.
Mais je serai très curieux de voir la version cinéma car je trouve qu'il y a des longueurs très sensibles dans la version télé. Par exemple, je suis persuadé que la version ciné s'achève sur la photo de famille, là où l'intégrale se prolonge encore d'une dizaine de minutes qui, en plus de rallonger, obscurcissent un peu les intentions de Bergman à l'égard d'Alexandre, qu'il hante du fantôme de l'évêque, comme un châtiment. Peut-être que resserré à 3 heures, le film gagnerait en montée en puissance dramatique. Bon, d'un autre côté, on perdrait aussi sans doute beaucoup de scènes annexes géniales (l'oncle pétomane

Il y a vraiment des séquences absolument incroyables, presque jouissives de génie même quand c'est tragique : le prologue silencieux, les lustres en cristal et la statue qui s'anime, l'atmosphère de Noël et le réveillon à la chandelle (en fait toute la première partie du film, qu'on voudrait ne plus quitter tellement elle sonne vrai, c'est Gens de Dublin mais en bien mieux), les hurlements d’Émilie dans la chambre funéraire, la désastreuse négociation entre les frères Ekdahl et l'évêque (je suis devenu fan de l'épicurien Gustav Adolph), le vomi du fantôme façon Exorciste, les trucs bizarres de la dernière partie... Je suis persuadé que ce film, pour lequel j'ai déjà la plus grande estime, ne peut que mûrir et se bonifier dans ma mémoire. C'est l'un des plus profonds et beaux films réalisés sur la famille (sa dimension clanique et sacrée), avec Le Parrain et une poignée d'autres.
Et puis ces GUEULES bon sang. Les visages de ce film sont extraordinaires. Mention spéciale aux yeux azuréens de Ewa Fröling...
-
- Charles Foster Kane
- Posts: 24180
- Joined: 13 Apr 03, 13:27
- Location: Aux trousses de Fantômas !
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman - 1982)
Le film passe sur ARTE, là, maintenant... Je ne regardais pas, j'ai zappé, je suis tombé dessus.
En VF.
Dans le passage où Gustav Adolf (Jarl Kulle) monte sur ses grands chevaux à propos de Maj (Pernilla August)... le pronom de la jeune femme est prononcé "Maje" à plusieurs reprises alors qu'il faut dire "Maille". Quel manque de professionnalisme. Ça leur coûtait quoi de prononcer le pronom correctement ?
En VF.
Dans le passage où Gustav Adolf (Jarl Kulle) monte sur ses grands chevaux à propos de Maj (Pernilla August)... le pronom de la jeune femme est prononcé "Maje" à plusieurs reprises alors qu'il faut dire "Maille". Quel manque de professionnalisme. Ça leur coûtait quoi de prononcer le pronom correctement ?
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
-
- Stagiaire
- Posts: 10
- Joined: 18 Jul 15, 23:00
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman - 1982)
Il faudrait supprimer l'un des deux sujets sur ce film. j'ai écrit dans l'autre mais ça ne remonte pas le topic dans la liste... donc j'imagine que c'est celui-ci le sujet "actif". Je recopie:
J'ai découvert le film avec le passage sur Arte hier soir et moi qui suis adepte de Bergman (vu quasiment tous ses films majeurs), je n'ai pas pu m'empêcher d'être déçu. J'en attendais peut-être trop vu les louanges que le film suscite un peu partout, mais j'ai trouvé ça superficiel par rapport aux abîmes de noirceur et à l'infinie grâce dans lesquelles le cinéaste nous entraîne habituellement. Les ellipses sont brutales et frustrantes (par exemple, la fin de l'épisode chez le pasteur arrive comme un cheveu sur la soupe, on n'a pas vraiment vécu avec cette famille et ses personnages...). Les différentes parties s'en retrouvent mal articulées, la description de l'émerveillement de l'enfance et du principe de création, notamment, m'a parue esquissée seulement, pas incarnée... J'imagine que la version de cinq heures pallie tous ces problèmes, mais du coup, je trouve ça dommage de permettre la cohabitation des deux versions comme si, ai-je lu, les deux entraient en résonnance, ajoutant à la richesse de l'oeuvre: pour moi c'est faux, la version de trois heures ressemble à un brouillon.
J'ai découvert le film avec le passage sur Arte hier soir et moi qui suis adepte de Bergman (vu quasiment tous ses films majeurs), je n'ai pas pu m'empêcher d'être déçu. J'en attendais peut-être trop vu les louanges que le film suscite un peu partout, mais j'ai trouvé ça superficiel par rapport aux abîmes de noirceur et à l'infinie grâce dans lesquelles le cinéaste nous entraîne habituellement. Les ellipses sont brutales et frustrantes (par exemple, la fin de l'épisode chez le pasteur arrive comme un cheveu sur la soupe, on n'a pas vraiment vécu avec cette famille et ses personnages...). Les différentes parties s'en retrouvent mal articulées, la description de l'émerveillement de l'enfance et du principe de création, notamment, m'a parue esquissée seulement, pas incarnée... J'imagine que la version de cinq heures pallie tous ces problèmes, mais du coup, je trouve ça dommage de permettre la cohabitation des deux versions comme si, ai-je lu, les deux entraient en résonnance, ajoutant à la richesse de l'oeuvre: pour moi c'est faux, la version de trois heures ressemble à un brouillon.
-
- Bronco Boulet
- Posts: 14841
- Joined: 20 Aug 09, 16:50
- Location: Retraité de DvdClassik.
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman - 1982)
L'autre sujet et toutes ses interventions dedans ont été supprimés ?
-
- n'est pas Flaubert
- Posts: 8464
- Joined: 19 Nov 05, 15:35
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman - 1982)
Non, fusionné.Demi-Lune wrote:L'autre sujet et toutes ses interventions dedans ont été supprimés ?

-
- n'est pas Flaubert
- Posts: 8464
- Joined: 19 Nov 05, 15:35
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman - 1982)
C'est un tort de considérer ce qui est beau comme superficiel. Le prologue de Fanny et Alexandre est à lui seul plus beau que tout ce qu'il a filmé auparavant. C'est de loin mon Bergman préféré, et le seul que j'aime sans réserves.Kilban wrote:J'ai découvert le film avec le passage sur Arte hier soir et moi qui suis adepte de Bergman (vu quasiment tous ses films majeurs), je n'ai pas pu m'empêcher d'être déçu. J'en attendais peut-être trop vu les louanges que le film suscite un peu partout, mais j'ai trouvé ça superficiel par rapport aux abîmes de noirceur et à l'infinie grâce dans lesquelles le cinéaste nous entraîne habituellement. Les ellipses sont brutales et frustrantes (par exemple, la fin de l'épisode chez le pasteur arrive comme un cheveu sur la soupe, on n'a pas vraiment vécu avec cette famille et ses personnages...). Les différentes parties s'en retrouvent mal articulées, la description de l'émerveillement de l'enfance et du principe de création, notamment, m'a parue esquissée seulement, pas incarnée... J'imagine que la version de cinq heures pallie tous ces problèmes, mais du coup, je trouve ça dommage de permettre la cohabitation des deux versions comme si, ai-je lu, les deux entraient en résonnance, ajoutant à la richesse de l'oeuvre: pour moi c'est faux, la version de trois heures ressemble à un brouillon.
Merci pour cette citation et ta critique.Thaddeus wrote:Un jour son ami Kjell Grede demanda à Ingmar Bergman pourquoi, lui qui trouvait la vie si merveilleusement riche et divertissante, pourquoi donc il faisait des films si sérieux, si déprimants, si noirs. Pourquoi ne réalisait-il pas des films qui montrent à quel point il aimait et appréciait l’existence ? Eh bien voilà, Fanny et Alexandre est la réponse du maître suédois, apportée après tant de décennies de rétention, comme s’il libérait sa joie, son bonheur, ses torrents de gratitude face à son passage sur terre

-
- Ewok on the wild side
- Posts: 5798
- Joined: 16 Feb 07, 22:49
- Location: 1612 Havenhurst
Re: Fanny et Alexandre (Ingmar Bergman - 1982)
Il faut quand même rappeler que Bergman, contrairement à ce que sa tenace réputation peut laisser croire, a régulièrement laisser s'exprimer sa face légère et guillerette. Même s'il les a presque toutes réalisées dans les années 50, ses comédies sentimentales et romantiques sont particulièrement délectables, et n'ont parfois rien à envier à celles d'Hollywood. Une Leçon d'Amour ou Sourires d'une nuit d'été, par exemple, sont des films dont on ressort avec un grand sourire aux lèvres. Si ça peut t'attirer davantage...Strum wrote:Merci pour cette citation et ta critique.C'est tout à fait ça : pourquoi s'obstiner à montrer la noirceur du monde alors que celui-ci peut être beau.
