Film austère et puissant, d'une marmoréenne souveraineté, qui évite habilement le péché de littéralité qui guette souvent les évocations historiques liées à au mystère de l'inspiration artistique, pour s'intéresser davantage aux incessants accommodements que le peintre/sculpteur/architecte a dû consentir au gré de contrats des familles princières rivales, qui l'empêchent finalement et ironiquement de mener à terme beaucoup de projets (le tombeau du pape Jules II, la façade de l'église San Lorenzo à Florence). Ce faisant, le film privilégie intelligemment un pragmatisme (trouver les bons matériaux, passer d'un commanditaire à un autre sans se décrédibiliser), y compris dans son approche minimaliste mais pointilleuse de reconstitution (quelque part entre
Le métier des armes et
Jeanne la Pucelle), qui, loin de réduire le génie à une technique ou une tactique, détaille en creux les combats intérieurs d'un homme comme condamné à avancer en permanence pour ne pas pourrir sur place et être emporté par les démons. L'homme Michel-Ange y apparaît dans toute sa stature, buté, fou, faible, menteur, fébrile, cupide, le cuir tanné - l'acteur est absolument formidable, tel qu'on peut s'imaginer Michel-Ange au travers de ses portraits. Un film injustement passé inaperçu, subtil, érudit sans jamais être professoral, alliage étonnant de l'introspection contemplative "russe" et du bouillonnement sanguin "italien".