Le Reve de Cassandre (Woody Allen - 2007)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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Flol
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Message par Flol »

Gounou ne m'invite plus à aller au ciné avec lui...:cry:
Gounou
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Message par Gounou »

Ratatouille a écrit :Gounou ne m'invite plus à aller au ciné avec lui...:cry:
Je t'imagine tellement sollicité, tu comprends... :oops:
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ed
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Message par ed »

Le rêve de Cassandre (Woody Allen - 2007)
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Difficile aujourd'hui de savoir si cette trilogie londonienne (Match Point / Scoop / Cassandra's Dream) aura été une parenthèse dans la filmographie de Woody Allen ou une nouvelle impulsion pour une inspiration qui avait tendance à s'encroûter à New York, mais dans un cas comme dans l'autre, je suis convaincu que le temps sera un allié pour mesurer son exceptionnelle audace dans la carrière d'un auteur déjà septuagénaire. Cassandra's dream clôt donc (temporairement ?) cette escapade britannique de brillante façon, en explorant une nouvelle fois cette thématique du "meurtre social" évoquée, à divers degrés, dans les deux précédents opus. La trilogie obéit d'ailleurs de manière interne à une logique de construction qu'il serait intéressant d'approfondir (mais attendons pour cela de pouvoir comparer les films à tête reposée), Scoop étant la variation comique et le Rêve de Cassandre, par contraste direct, la variation tragique (au sens classique du terme). D'ailleurs, je m'étonne des quelques avis "presse" que j'ai pu lire ici (Brazil parle de "scènes téléphonées"), là (le Monde de "rebondissements sans grande saveur et (d'un) suspense artificiellement alimenté") ou ailleurs ("terriblement prévisible" selon le Nouvel Obs) : ignorent-ils qui est Cassandre (pour info, elle est la magnifique fille de Priam, dotée d'un don de divination, et qui annonce la chute de Troie, mais que personne n'écoute malgré la précision de ses prophéties), ou n'ont-ils pas fait le rapprochement avec le titre du film ? Oui, le déroulement du film est évident, c'en est même son principe ! L'objectif de Woody Allen n'est pas ici de surprendre par une gymnastique scénaristique dont on le sait encore vigoureusement capable (voir la fin de Match Point, elle a à peine deux ans !) mais véritablement d'ancrer son film dans l'implacable logique de la tragédie antique (et au cas àù le titre ne suffirait pas, Angela évoque lors de la garden-party le titre de Médée, et en particulier le personnage de Clytemnestre, laquelle est dans la mythologie la meutrière de Cassandre !). Et, selon moi, la force du film réside dans la puissance inouïe de l'épure dramatique qui se concentre sur des points essentiels, mais le fait avec une profondeur rare. Tout bêtement, et quitte à faire sourire les cyniques ou les blasés, je n'avais pas vu depuis des années un film reconférer au concept même du meurtre (des réticences lors sa préparation, au franchissement douloureux du pas jusqu'aux spectres du remords) une telle gravité : on ne tue pas le sourire aux lèvres, ici, c'est une affaire sérieuse, c'est même la plus grande des tragédies. Alors oui il "ne se passe rien", oui, "c'est bavard", mais cette façon de rééquilibrer l'échelle dramatique, non contente d'être moralement (1) toute à son honneur, montre l'habilité d'un auteur maître dans l'art de jongler avec les registres.

Bien que manquant de recul, surtout vis-à-vis d'oeuvres antérieures qu'on pourrait rapprocher (je pense à Intérieurs, à Crimes et délits...), il me semble même que Le rêve de Cassandre soit le moins drôle et le plus radicalement (et sérieusement, implacablement) dramatique des films de son auteur. Est-ce un tort quand il y a cinq ans (après Le sortilège du Scorpion de Jade, en gros), on lui reprochait d'enfiler les comédies insignifiantes ? Alors, on pourrait se poser la question de savoir s'il s'agit bien d'un film de Woody Allen, quand bien certains voient ici du Mike Leigh (et pourquoi pas) ou d'autres n'y voient qu'un quelconque téléfilm... Oui, cent fois oui, ne serait-ce que pour la précision de l'écriture, le sens de l'ironie dramatique, l'art de l'ellipse avérés qui garantissaient la réussite des oeuvres précitées et de tant d'autres. Mais, alors, est-ce une redite ? Non, cent fois non, tant le film s'engouffre dans une démarche qui n'avait été qu'effleurée jusqu'alors, notamment concernant l'approche de la famille comme refuge/prison. Et pour exagérer, si j'étais entré dans la salle dix minutes après ce générique en n&b et son immuable typographie (à peine perturbée par les accents déjà graves de la partition de Philip Glass) et que j'avais vu le film en ignorant le nom de son auteur, je serais probablement encore plus emballé que cela à l'idée de vous faire découvrir un jeune talent, doté d'une telle maîtrise narrative (les dix premières minutes sont inhabituellement - chez Allen, s'entend - virtuoses dans leur efficacité à installer les enjeux) et d'une telle cruauté (l'avant-dernièr plan, réunissant Kate et Angela, me semble même assez monstrueux).

Enfin, le film pose une question fondamentale, constitutive même de tout accomplissement personnel mais aussi source de toutes les frustrations : à quoi cela sert-il de rêver ? Ce "dream", en plus de figurer dans le titre du film, revient dans toutes les bouches (Kate et sa maison, le père Blaine qui rêve de ses enfants, Angela qui rêve d'une carrière, le père d'Angela qui parle de sa jeunesse, Ian qui rêve de la Californie etc...) et est surtout l'essence des agissements de chacun, carburant qui vient à manquer à Terry (génial Colin Farrell, il faut le dire quand c'est vrai) quand, dans ces nuits d'insomnies où la honte, le remords, l'angoisse, la panique le saisissent, tout bêtement, il ne rêve plus...

Envies de changement de vie, frustration d'une existence ne se conformant jamais à ses rêves, projection envahissante dans un avenir inaccessible (et dont, malgré les prédictions de Cassandre, on ne voit que ce que l'on veut voir), basculement ingérable du quotidien étouffant dans l'extraordinaire dévorant... le Rêve de Cassandre est un cauchemar, une plongée sordide dans les tréfonds paradoxaux du désir humain, un film difficile et dense, qui démontre une fois de plus que, toutes caricatures faciles mises à part, Woody Allen demeure encore l'un des plus fins observateurs de l'âme humaine du septième art...
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(1) Quoique la question de la morale - que j'évoquais ici de manière extradiégétique - soit à l'intérieur même du film, comme dans Match Point, bien plus ambigue, puisque
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le seul "coupable" du film (l'oncle Howard) est finalement le seul à s'en tirer.
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Watkinssien
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Message par Watkinssien »

Ed, j'avais dit que j'allais y revenir pour ce film, et voilà que tu mets un (bel) avis sur le film qui ressemble énorménent à ce que je pense !
Même la parenté avec Crimes et délits !

Donc + 100.
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julien
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Message par julien »

ed a écrit :un film difficile et dense, qui démontre une fois de plus que, toutes caricatures faciles mises à part, Woody Allen demeure encore l'un des plus fins observateurs de l'âme humaine du septième art
Comme tu y vas ! Dans le même genre je préfère encore ce que faisait Chabrol dans Que la Bête Meure. Là il y avait une vrai étude psychologique des personnages. Le film d'Allen n'est pas mal mais le scénario n'est pas assez développé et la mise en scène reste basique. Je trouve qu'Allen devrait mettre plus de temps à préparer ses films car on voit bien que tout cela est un peu réalisé à la hâte. C'est un peu comme Phil Glass. Ce type devrait arrêter de faire de la musique au kilomètre parce que là ça devient vraiment n'importe quoi.
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ed
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Message par ed »

julien a écrit :Le film d'Allen n'est pas mal mais le scénario n'est pas assez développé et la mise en scène reste basique. Je trouve qu'Allen devrait mettre plus de temps à préparer ses films car on voit bien que tout cela est un peu réalisé à la hâte.
Je ne m'avancerai pas sur le terrain musical concernant Glass, quoique j'aie trouvé à sa partition une gravité de bon aloi, mais pour ce qui est du scénario "pas assez développé", sur ce film-ci, si je souscris en partie, ça ne me semble pas être un reproche, en fait. :lol:
Par ailleurs, sa mise en scène à qui il a souvent été fait le reproche - parfois justifié - de la fonctionnalité, en quelques occasions, me semble ici d'une belle élégance. Par exemple, le léger panoramique gauche sur la haie puis la rue vide au moment fatidique, comme pour détourner le regard sur l'innomable par anticipation de ce que Terry ressentira ensuite... La lumière lors de l'escapade de Ian avec la serveuse, et la rencontre qui en découle avec Angela, avec ce regard déjà lourdement annonciateur (qu'on ne vienne pas me parler de pesanteur de la mise en scène quand il s'agit d'évoquer le poids du destin !)... Certains cadrages sur le bateau qui donne son nom et sa symbolique au film... Le jeu de miroirs dans la chambre de Terry... Non, vraiment, plus j'y repense, plus je trouve ce film subtil et profond.
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Message par Ouf Je Respire »

ed a écrit :Par exemple, le léger panoramique gauche sur la haie puis la rue vide au moment fatidique, comme pour détourner le regard sur l'innomable par anticipation de ce que Terry ressentira ensuite...
Quel type de haies c'était? Parce qu'à ce moment là, ça sent le sapin.
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Message par Pollux »

Petite déception..
C'est un film mineur à mon avis dans la filmo de Woody Allen.
L'intrigue manque cruellement d'intensité. C'est peu dans la lignée de Matchpoint (que j'ai adoré) mais sans l'étincelle entre Johansson et Rhys Meyers. McGregor et Farell jouent bien mais ils ne m'ont pas fait rentrer dans l'histoire.. dommage.

La lumière de Szigmond est magnifique surtout dans les intérieurs soirs. Je pense notamment à la séquence où McGregor boit un verre avec sa copine Angela pour la 1ère fois. La lumière sur son visage est à tomber par terre. :o
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Xavier
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Message par Xavier »

J'en reviens, je l'ai trouvé un peu dans la même veine que Match Point, mais je l'ai préféré à ce dernier, les personnages principaux étant nettement moins antipathiques, plus attachants, leurs motivations étant pour moi plus compréhensibles.

Musique de Philip Glass, sans commentaires. :|
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G.T.O
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Message par G.T.O »

Le plaisir relatif pris à la vision de son petit dernier tient je pense en partie au fait qu'il s'attaque à un genre dans lequel il s'est rarement aventuré: le thriller moral déterministe matiné de social. Ce n'est ni trés original ni trés palpitant mais c'est correctement fait et les acteurs sont dans l'ensemble plutot bons ( mention spéciale à Mr Farrell) Mais le conformisme du film, son prévisible, sa propension au bavardage, et la musique décidemment trop répétitive de Glass lui confère un fastidieux et un côté désuet qui le rend franchement dispensable.
Frank Bannister
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Message par Frank Bannister »

Boubakar a écrit :S'il n'y avait pas le nom du réalisateur, on jurerait voir du Guy Ritchie !! :shock:
Reste poli s'il te plait.
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Watkinssien
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Message par Watkinssien »

Frank Bannister a écrit :
Boubakar a écrit :S'il n'y avait pas le nom du réalisateur, on jurerait voir du Guy Ritchie !! :shock:
Reste poli s'il te plait.
:lol:
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Message par ed »

G.T.O a écrit :son prévisible
:evil: (j'ai même hésité avec :roll: )
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Major Tom
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Message par Major Tom »

G.T.O a écrit :la musique décidemment trop répétitive de Glass
C'est le principe de la musique de Philip Glass.
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Xavier
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Message par Xavier »

Oui mais il y a des répétitifs nettement plus intéressants, comme Reich, ou encore mieux, Adams, qui a su sortir du répétitif strict.

Avec Glass, c'est des arpèges d'accords parfaits mal enchaînés sans arrêt, que ce soit ses oeuvres perso ou les BO, c'est tout le temps la même chose...
Là il a fait un effort, on a parfois l'impression qu'une mélodie va démarrer, et puis finalement non...
Et rythmiquement, c'est toujours d'une platitude écoeurante.
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