Ce que je voulais dire c'est que les deux films s'attaquent aux fondements de l'Amérique, au "rêve américain" (pour schématiser la réussite économique comme but unique, l'individualisme forcené, la loi de la jungle etc...) et aux moyens mise en oeuvre pour atteindre ces buts (violence morale et violence physique, manipulation et omniprésence de l'alcool). Les exemples pris, les éleveurs d'un côté, les pétroliers de l'autre sont d'ailleurs 2 des grands mythes fondateurs des Etats-Unis.-Kaonashi Yupa- a écrit :Peux-tu expliquer les points communs que tu vois entre There Will be Blood et La Porte du paradis ? Je connais et adore les deux films, pourtant ton rapprochement m'échappe.Jihl a écrit :Sur des sujets assez voisins, Le trésor de la Sierra Madre ou La porte du paradis me semblent très largement supérieurs.
There Will be blood ( Paul Thomas Anderson - 2007)
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson, 2008)
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson, 2008)
Une révision du film achève de me convaincre du point de vue défendu par Aragorn Elessar. En plusieurs moments, on voit, on entend, une réelle affection de Plainview pour son fils.Aragorn Elessar a écrit :Ah là je ne suis pas d'accord. La relation avec son fils est bien le seul point qui aurait pu le sauver, et les seuls moments où la beauté se dégageait de lui (le passage où le fils trouve le pétrole et Plainview souriant alors sincèrement, et pas par cupidité ; voire même le passage avec le bébé au début, Plainview ayant l'air réellement heureux) etColqhoun a écrit : mais henry plainview n'est pas un père.
il joue au père, mais ne l'est et ne le sera jamais.
son fils adoptif, comme toute personne qui le côtoie, n'est là que pour lui permettre d'atteindre le succès, la plénitude financière.
Plainview est un être totalement dénué de liens familiaux. Il n'existe que par ses actes.est l'élément le faisant sombrer définitivement (car il devient à ses yeux comme les autres, " ne méritant pas d'être aimé ".) Je pense d'ailleurs que le flashback (le truc un peu de trop peut être) lorsqu'il fustige son fils à la fin est clairement là pour nous dire qu'il n'est pas sincère dans son propos (il le fustige avant tout car il est déçu de l'échec de son éducation, son fils ne devenant qu'un reflet de lui-même et de ses concurrents, il a alors la haine de voir ce qu'il est devenu), que son fils n'a jamais été qu'un simple faire-valoir (même s'il était aussi bien sur). C'est essentiel pour moi dans ce portrait, et c'est ce qui le rend intelligent, parce que Plainview a bien une part d'humanité et de beauté, mais elle ne survit pas.
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Ensuite je pense que la plénitude financière il s'en moque, ce qu'il fait il le fait parce que c'est dans sa nature de compétitif comme il dit, mais ce n'est pas vraiment une ambition de sa part ou un but, il avance simplement par inertie (à mettre en parallèle avec la société occidentale capitaliste qui n'avance pas vers un idéal elle non plus, mais par inertie, habitude de son fonctionnement).
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I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson, 2008)
Pour moi il en va de même : je vois un grand amour qui unit Plainview et H.W. Le flash de fin en est l'illustration définitive.
Car il est avant tout question d'une recherche de filiation (cf. le titre); par intérêt-cupidité à certains moments (négociation avec la population,...) mais aussi par un surprenant amour quotidien (mimétisme père-fils qui 'surprend' Daniel, transfert de savoir/mémoire, partage des émotions -réussite, self made-man-, éducation,...).
La frustration de Plainview est d'autant plus grande que sa parole (celle du Saint-Père mais aussi élément sonore sur lequel repose tout le film -le muet du début l'annonce-) n'est plus en mesure d'être entendue par le fils. Ca ne légitime évidemment pas ses gestes/décisions à l'égard d'H.W. mais ça explique le tiraillement grandissant de Plainview qui selon moi, cherche à jouer à Dieu; créant à partir du sol comme Il crée à partir de l'argile.
Cela du point de vue de l'interprétation divine s'entend; ce n'est pas là la seule lecture mais c'est celle qui me parle le plus.
Je me retiens de le revoir (quel souvenir il me laisse ce film!) mais vivement bientôt
Car il est avant tout question d'une recherche de filiation (cf. le titre); par intérêt-cupidité à certains moments (négociation avec la population,...) mais aussi par un surprenant amour quotidien (mimétisme père-fils qui 'surprend' Daniel, transfert de savoir/mémoire, partage des émotions -réussite, self made-man-, éducation,...).
La frustration de Plainview est d'autant plus grande que sa parole (celle du Saint-Père mais aussi élément sonore sur lequel repose tout le film -le muet du début l'annonce-) n'est plus en mesure d'être entendue par le fils. Ca ne légitime évidemment pas ses gestes/décisions à l'égard d'H.W. mais ça explique le tiraillement grandissant de Plainview qui selon moi, cherche à jouer à Dieu; créant à partir du sol comme Il crée à partir de l'argile.
Cela du point de vue de l'interprétation divine s'entend; ce n'est pas là la seule lecture mais c'est celle qui me parle le plus.
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson, 2008)
Il me semble que tu occultes des éléments essentiels pour valider ton interprétation ! Comme l'a mentionné Colqhoun, Plainview commence seul dans un trou, finit seul dans un "trou" et absolument aucun lien familial légitime ne vient bouleverser cet état des choses durant tout le film. Et c'est probablement là en partie la clé du drame... après, que ses sentiments à l'égard de l'un et l'autre ("fils" comme "frère") soient constamment ambigus, c'est tout aussi évident que le mystère persistant qui entoure lesdits sentiments - sentiments contre manipulation par intérêts -. Plainview n'est certainement pas infaillible, c'est certain.cinephage a écrit :
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A mon sens, le mal grandissant qui ronge Plainview tient autant de l'absence de vrai reflet dans l'autre (une filiation, une fraternité...) que dans une trop grande proximité de ce reflet (le personnage incarné par Paul Dano, évoulant à son niveau dans une supercherie constante, ou encore le devenir de H.W.).
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson, 2008)
Mais justement, à la révision, je ne les trouve pas ambigus, les sentiments de Plainview à l'égard de son fils. En tout cas beaucoup moins que je ne le pensais. Une véritable affection guide son comportement à son égard, malgré une maladresse permanente dans l'expression de ces sentiments.
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson, 2008)
C'est avec ces remarques que l'on voit l'admirable caractérisation qui est faite de ce personnage complexe qu'est Plainview.
Il a des gestes de tendresse sincères (la séquence où l'enfant trouve par mégarde le pétrole, le retour du "fils" lors de son apprentissage du langage des signes), mais il se sert de son "enfant " pour attendrir les personnes qui sont directement liées à ses projets. Il aime et il s'en sert. Même dans la séquence que je mentionne où le jeune H.W. Plainview découvre par mégarde du pétrole, Daniel a un geste tendre mais cela peut être interprété d'une autre manière, parce qu'il y a concrétisation de ses recherches.
Mais la vraie "nature" du personnage se résume en un plan :
On y voit d'abord Plainview et son assistant Fletcher (Ciarán Hinds) en train de contempler les flammes jaillissantes. Fletcher lui pose la question : "Comment va H.W. ?" et Daniel répond sans sourciller, les yeux fixés sur l'élément le plus important : "Pas bien". Fletcher regarde Plainview et se met à aller voir comment se porte le fils, et Plainview qui contemple toujours le véritable objet de ses désirs en un zoom fascinant.
Il a des gestes de tendresse sincères (la séquence où l'enfant trouve par mégarde le pétrole, le retour du "fils" lors de son apprentissage du langage des signes), mais il se sert de son "enfant " pour attendrir les personnes qui sont directement liées à ses projets. Il aime et il s'en sert. Même dans la séquence que je mentionne où le jeune H.W. Plainview découvre par mégarde du pétrole, Daniel a un geste tendre mais cela peut être interprété d'une autre manière, parce qu'il y a concrétisation de ses recherches.
Mais la vraie "nature" du personnage se résume en un plan :
On y voit d'abord Plainview et son assistant Fletcher (Ciarán Hinds) en train de contempler les flammes jaillissantes. Fletcher lui pose la question : "Comment va H.W. ?" et Daniel répond sans sourciller, les yeux fixés sur l'élément le plus important : "Pas bien". Fletcher regarde Plainview et se met à aller voir comment se porte le fils, et Plainview qui contemple toujours le véritable objet de ses désirs en un zoom fascinant.
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson - 2008)
La puissance phénoménale des images, le fabuleux muet premier quart d'heure, le talent de Paul Dano et Daniel Day Lewis, celui de Jonny Greenwood (moins marquant néanmoins chez Anderson que Jon Brion), la maitrise parfaite du scope et des cadrages n'empêche pas ce film impressionnant niveau mise en scène de me laisser assez froid, de ne presque jamais me captiver surtout dans sa seconde partie qui m'a semblé ne plus finir, succession de séquences bien trop étirées à mon goût. Et puis je ne pardonne pas à Anderson son utilisation ridicule du concerto pour violon de Brahms. Bref, c'est clair que ce n'est pas un film de débutant, c'est d'une virtuosité confondante... et pourtant c'est de loin le film de PTA que j'apprécie le moins, ne m'étant qu'assez peu intéressé à l'intrigue ainsi qu'au sort des personnages.
A revoir cependant car le DVD n'était vraiment pas top.
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson - 2008)
Jeremy Fox a écrit :La puissance phénoménale des images, le fabuleux muet premier quart d'heure, le talent de Paul Dano et Daniel Day Lewis, celui de Jonny Greenwood (moins marquant néanmoins chez Anderson que Jon Brion), la maitrise parfaite du scope et des cadrages n'empêche pas ce film impressionnant niveau mise en scène de me laisser assez froid, de ne presque jamais me captiver surtout dans sa seconde partie qui m'a semblé ne plus finir, succession de séquences bien trop étirées à mon goût. Et puis je ne pardonne pas à Anderson son utilisation ridicule du concerto pour violon de Brahms. Bref, c'est clair que ce n'est pas un film de débutant, c'est d'une virtuosité confondante... et pourtant c'est de loin le film de PTA que j'apprécie le moins, ne m'étant qu'assez peu intéressé à l'intrigue ainsi qu'au sort des personnages.
A revoir cependant car le DVD n'était vraiment pas top.
Bon, je vais voir le verre à moitié plein pour ton avis.
Mais pourquoi trouves-tu l'utilisation de Brahms ridicule?
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson - 2008)
Ridicule était un peu fort ; je trouve que le morceau ne colle pas du tout ni aux images ni au ton d'ensemble. Je ne comprends pas ce choix alors que tout le reste au point de vue musical est d'un très haut niveau ; et ce dans tous ses films d'ailleurs. Là, ça ressemble à un couac à mon humble avis.Watkinssien a écrit :
Mais pourquoi trouves-tu l'utilisation de Brahms ridicule?
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson - 2008)
Un film fabuleux, l'un des tous meilleurs de ce début de siècle qui mériterait une bonne place dans les essais de classement qui fleurissent par ci par là.
Tout ce qui a été dit plus haut sur la manière dont le film renoue avec mes mythologies américaines type Vidor , Borzage, Murnau, Ford ou Von Stroheim est juste...l'absolue modernité de l'objet par subtils décalages en faisant la beauté inclassable.
son ampleur rejoint celle de The molly Maguires, du Parrain, de Heaven's gate,de Days of heaven.Celui-ci semblait construit en écho avec City girl, le film de PTA est plus directement connecté avec Greed.
J'aime le cinéma de PTA mais celui-ci me semble à l'heure actuelle son chef d'oeuvre même si The master était fort mais un peu aride.
Tout ce qui a été dit plus haut sur la manière dont le film renoue avec mes mythologies américaines type Vidor , Borzage, Murnau, Ford ou Von Stroheim est juste...l'absolue modernité de l'objet par subtils décalages en faisant la beauté inclassable.
son ampleur rejoint celle de The molly Maguires, du Parrain, de Heaven's gate,de Days of heaven.Celui-ci semblait construit en écho avec City girl, le film de PTA est plus directement connecté avec Greed.
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson - 2008)
Tu dis ça parce que tu n'as pas assez écouté The Master et Inherent Vice.Jeremy Fox a écrit :Jonny Greenwood (moins marquant néanmoins chez Anderson que Jon Brion)
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson - 2008)
J'aime beaucoup le travail de Greenwood sur The Master (moins sur There Will Be Blood et Inherent Vice, surtout parce que je n'aime pas ces 2 films et que j'ai toujours du mal à dissocier, malheureusement pour moi), mais Brion sur Magnolia ça touche au sublime.
Comme les Notting Hillbillies : "Missing...Presumed Having a Good Time (on Letterboxd : https://letterboxd.com/ishenryfool/)"
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Re: There Will be blood ( Paul Thomas Anderson - 2008)
Ratatouille a écrit :Tu dis ça parce que tu n'as pas assez écouté The Master et Inherent Vice.Jeremy Fox a écrit :Jonny Greenwood (moins marquant néanmoins chez Anderson que Jon Brion)
Très probablement d'autant plus que je ne me souvenais plus que c'était lui qui avait travaillé sur ces deux films.