jacques 2 a écrit :Finalement, Stark, ce que tu reproches à certains films de QT, c'est quand même un peu - beaucoup - d'être du cinéma de genre ... Or, le cinéma de genre ou d'exploitation, auquel je suis attaché car je lui dois mes - bien lointains - premiers émois cinéphiliques (alors que je ne savais pas que ce mot existait) est souvent nourri d'amoralité, de violence, de loi du talion, etc ...
Je confesse ne pas connaître ce cinéma-là. Et s'il est dans la nature-même de ces films de glorifier et de titiller de telles notions, alors on peut dire, d'une certaine manière, que je fais le reproche aux derniers films de QT d'en faire partie. Si on veut...
QT reprend ces schémas mais en les transcendant et en apportant de l'épaisseur à des personnages qui, autrefois, étaient purement unidimensionnels : je veux aussi dire par là que je peux aimer KB tout en te concédant que le personnage de la mariée est loin d'être sympathique ...
Mais tu ne trouves pas que Tarantino essayes de la rendre sympathique, justement ? Ne trouves-tu pas qu'il veut nous émouvoir par son parcours ?
Il y a des tas de films dont je ne trouve pas le héros sympathique, et ça ne me pose pas de problème car tel n'est pas le but du cinéaste. Par ailleurs, je peux tout à fait être ému par un personnage peu sympathique, ce n'est pas antinomique. Mais je ne peux pas être ému par le perso de Thurman dans KB, pour les raisons évoquées.
Maintenant, ton dernier post m'a éclairé sur la façon dont tu ressens le cinéma : avec viscéralité et le souhait d'une forte implication émotionnelle ...
Franchement, je pense être un spectateur assez ouvert aux différents types de cinéma, d'expressions cinématographiques. Je peux aimer les films de façon plus intellectuelle, plus ludique, plus distanciée, mais si rien ne vaut, pour moi, l'émotion pure, simple, brute d'un récit et de personnages avec lesquels j'entre en empathie.
Chez les derniers Tarantino, je ne perçois rien de tout cela. Je pense qu'un film comme
Inglourious Basterds développe un certain propos (sur le langage, le masque, la manipulation, la réversion idéologique), très théorique, sans âme et sans chair mais que je pourrais trouver intéressant si tout ce qui me débecte dans le film ne dévorait ma perception.
Finalement, je te comprends mais, pour ma part, cela ne me dérange pas qu'il y ait de la distance entre le spectacle et moi : je cultive l'éclectisme et donc différents niveaux de cinéma (et sans chercher à les hiérarchiser : chose capitale à mes yeux), de lecture et d'implication ...
Je pense être aussi ce genre de spectateur, du moins je l'espère.
gnome a écrit :Je n'ai jamais dit que tu ne pouvais pas le critiquer, mais je pense en effet que tu n'es tout simplement pas sensible à son cinéma. Je comprends très bien tes critiques même si je ne suis pas toujours d'accord avec, je dis juste et répète que ce cinéma n'est pas fait pour toi. Ça n'en fait pas un mauvais cinéma. Et je crois que tu ne veux pas accepter ce fait.
Alors... Je peux critiquer mais pas dire que c'est un mauvais cinéma... En fait, que faut-il que je dise ? Le truc c'est que pour moi le cinéma n'est pas un art fait de couches sécables, que l'on pourrait mesurer objectivement et juger sans engagement. Le cinéma de Tarantino n'est certes pas fait pour moi ; il est aussi révélateur d'une conception que je trouve incomplète, stérile, vide : bref, je trouve que c'est du "mauvais cinéma", alors même qu'il recèle de biens des qualités (de réalisation, de dialogues, de rythme). Dingue, n'est-ce pas ? Bah c'est comme ça.
Acceptes-le, bon dieu. Tu n'arrives pas à regarder un film au Xème degré. C'est pas une honte. C'est une affaire de sensibilité.
Après, je veux bien discuter des films, mais ce que tu critiques, c'est un éventuel message !
Je n'en peux plus.
Lorsque l'héroïne de KB retrouve son enfant à la fin de KB, je ne pense pas que ce soit du Xè degré : Tarantino titille une émotion très "premier degré". En d'autres termes, il stimule un degré de réceptivité empathique "classique", disons, alors même qu'il s'est employé durant tout le film à user de principes moraux nécéssitant une distanciation émotionnelle. Et moi, je ne peux pas être ému au premier degré par une héroïne dont j'aurtais suivi le parcours au Xè degré.
Mais bref, je suis las de m'expliquer. On va dire que c'est ma faute, que Tarantino est un génie dont ma petite sensibilité n'arrive pas à percevoir la grandeur. Au point où j'en suis, je fatigue...
Une fois de plus d'accord avec AtCloseRange, au passage. Cependant :
AtCloseRange a écrit :Mais le problème n'est pas la vengeance mais sa représentation.
Montrer de façon jouissive un nazi se faire éclater la tête ou se faire graver une croix gammé sur le front, c'est ça qui est problématique.
Evidemment, mais je crois que tu as mal compris le propos de cinephage. J'y viens, et on va voir si on est toujours sur la même longueur d'onde.
cinephage a écrit :Mais l'art a également une autre fonction, non morale, mais psychologique, et à mon sens non moins importante, celle de donner une forme à des fantasmes, fantasmes que l'on n'a pas forcément (et normalement vraiment pas) vocation à concrétiser dans la vie réelle. Dans cette approche, le film "de vengeance" a sa place, il porte le fantasme que celui à qui l'on fait du tort a les moyens de se venger, de faire justice lui-même. La morale n'intervient pas ici : on sait que c'est mal (et interdit par la loi) de se venger soi-même. Reste que l'idée, le récit d'une personne qui se fait justice elle-même est appétente, parce qu'elle assouvit un fantasme.
Ce rôle cathartique, je trouve que le cinéma de Tarantino, et ses films de vengeance en particulier, le joue à la perfection[/i]
Cet argument devait à un moment ou à un autre venir sur le tapis.
Je comprends tout à fait cette conception, mais je vais dire que je ne la partage pas du tout (vraiement pas du tout).
Je refuse de concevoir le cinéma (l'art en général) comme réceptacle et catalyseur des pulsions inavouables des spectateurs, je refuse de considérer des films qui flattent les bas instincts du public comme des bons films, des films respectables, utiles, importants.
Un cinéaste montrerait un viol en titillant les fantasmes du spectateur : c'est mal, mais bon, vois comme je te fais bander, tu kiffes, hein ? Fais-toi plaisir ; c'est pour toi.
Ah le méchant de l'histoire, tu aimerais le voir souffrir ? Attends regarde : une bonne petite séance de torture, ça va te soulager.
La fille du héros s'est fait tuer, la justice se montre impuissante. Cher spectateur révolté, voici une bonne petite ride d'auto-justice fascisante, juste pour te faire plaisir.
(mais surtout, ne fais pas ça dans la vraie vie, on s'est compris : c'est juste histoire de décompresser un peu, de se défouler)
Pardon d'être cynique, ce n'est pas du tout contre toi. Seulement je trouve cette "vertu" accordée au cinéma proprement intenable. Je ne peux pas y opposer autre chose que mon indignation.