El Dadal a écrit : ↑29 déc. 13, 02:23
Allez zou, ça file directement dans un top 100.
Probablement le film fantastique qui m'a le plus perturbé ces dernières années avec
Altered States (incidemment, le film avec lequel j'ai fait le plus de rapprochements, y compris durant le visionnage). Je n'aime en général pas vraiment les films de fantômes, de poltergeists, ou ce que vous voulez les appeler... Tout ça est bien souvent anti-cinématographique et tend à me faire bailler.
Poltergeist m'est sympathique sans plus, et
L'Exorciste reste une de mes grandes incompréhensions de cinéphile... Donc pas de comparaison avec ces derniers dans mon cas, mon intérêt pour
L'Emprise m'est venu d'un autre angle d'approche.
A contrario de quasiment tout le monde, j'ai sur-adoré la structure globale du film. On passe d'un manifeste féministe à une étude psychiatrique puis à un suspense fantastique pour in extremis y retrouver les trois dans les derniers moments. Je n'ai à ce titre absolument rien à reprocher à ce second acte qui semble tant créer de déceptions. La présence d'intervenants d'abord extérieurs à ce conflit (qu'on ne sait pas si interne/externalisé ou bien manifestation réellement concrète) devrait logiquement rassurer et la protagoniste et le spectateur, mais leur incapacité à dépasser les limites physiques/visuelles de leur perception des événements les rend paradoxalement plus dangereux encore pour Carla. Comme à de nombreuses reprises tout au long du film, la menace, qu'on se targue de pouvoir discerner déboule souvent sans crier gare (tout comme le hors champ laisse place au plein cadre), mais mieux encore, et c'est là que j'ai trouvé Furie très grand, la "menace" disparait presque au profit d'un drame d'une force psychologique assez époustouflante, même durant les moments de tension les plus marqués. Quand Carla brise les miroirs chez elle dans un accès de rage, cela signifie-t-il son dégoût de l'autre, d'elle-même, d'une force supérieure qui reste muette à toutes ses suppliques ("l'homme est à son image" etc...)? Et mieux encore, pendant la phase finale de préparatifs de capture de l'entité, quand Carla, allongée, semble seule prendre conscience du danger imminent (cristallisé par les multiples contre-champs sur les bouteilles d'azote liquide), elle semble avoir définitivement abandonné le combat: sentiment de solitude exacerbé face à une situation inextricable, renoncement, abandon voire suicide? Cette séquence, que je sur-interprète peut-être (mais j'y créé ma propre beauté ainsi) associée à celle qui suit du monologue pousse le film tellement loin du simple film de frousse que ça en devient éprouvant et émouvant. La destruction symbolique de cet environnement reconstitué (qui ressemble par bien des aspects à une prison -mentale?) ne laisse-t-elle pas alors place à un autre refoulement? La femme n'a-t-elle pas finalement accepté son sort? L'être humain n'a-t-il pas abandonné sa vaine quête au profit de plaisirs plus palpables? Le sourire en coin de Barbara Hershey me semble conforter cette possible double interprétation.
Pleinement dans la thématique de l'abjection,
L'Emprise me semble donc aussi être un développement de certains des questionnements d'
Altered States sur l'impalpable, les limites de notre compréhension confrontées à notre environnement social (angle évoqué avec concision par Pascal Laugier dans la citation de Mannhunter, qui achève de rendre l'ensemble prodigieux) qu'un pendant et envers féminin d'une menace à la fois sourde et pourtant bien physique d'un
The Thing incarné et masculin.